Il lisait toujours. Ses plus beaux moments avaient trait à la lecture, à l’écriture, dans une communion extraordinaire avec son cher, très cher Ego. Vous ne connaissez pas « Ego » ? Il vous en parlera un autre jour. Peut-être. Il lisait à profusion, fronçant les sourcils, comme s’il peinait à comprendre. Assis, couché, debout, dans la rue ou au bistrot… Il lisait toujours : main gauche il tenait le livre, main droite il tournait les pages.
Il écrivait aussi. Parfois. Des poèmes. Ou n’importe quoi. Il n’aimait pas ce qu’il écrivait. Quelques lignes qu’il trouvait sans imagination, d’une platitude confondante. Ses mains dansaient sur le clavier. Les lettres émergeaient, une à une, voyelles, consonnes, voyelles, consonnes, s’ordonnaient pour dessiner les mots, inattendus, capricieux, déroutants…
Il rêvait d’une écriture somptueuse, raffinée, intelligente. Il ambitionnait d’étaler son érudition, son intuition avec un supplément d’ironie et une inflation de métaphores. Mais, toujours, sa déraison le portait à une écriture coupable de poésie.
La poésie, ce rendez-vous manqué, ce chemin de cendres, son accalmie entre deux tempêtes, son bourdonnement de plaisir, hantait ses rides. De sacrifices en éclaboussures, au cœur de la nuit, il rangeait ses peines dans ce continent sans cesse inexploré, pour les retrouver, au petit matin, appauvries dans l’éclat du jour. Et, dans cet espace de lumière, il relisait ses cogitations nocturnes. L’autre nom du rêve.
Dans la moiteur de l’été
Un keyaki effleure le ciel
Là sont les grands oiseaux
Dans ces rafales de feuillages
Saurons-nous enfin ce qu’ils nous crient ?
Keyaki : Arbre monoïque, 20 à 25 m. Un des plus beaux arbres à feuillage caduc du Japon.