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Publications de Ed Centre d'Art d'Ixelles (8)

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Jean Lhassa : THANATHOS

Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

présentent

 

THANATOS

Jean Lhassa

 

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Parler de la mort sans tomber dans les poncifs, voilà le challenge que Jean Lhassa s’est lancé au moment d’entreprendre l’écriture de son recueil de nouvelles. On peut l’envisager à tout âge, sous n’importe quel aspect … même si on sait qu’elle surgira à un moment forcément inopportun, sous les traits d’un être cher, dans un rêve ou au coin de la rue. On peut également mourir de tout, d’un rien. L’auteur connaît admirablement ses classiques et possède une âme de feuilletoniste. Il y a donc un peu de Jean Ray et de Thomas Owen dans ses lignes, même s’il fait œuvre personnelle. Une quarantaine de textes courts et n’excédant jamais plus de six pages aident le lecteur à appréhender le dernier instant avec philosophie, horreur ou ...incrédulité.

 

 

Romancier et essayiste, Jean Lhassa est aussi un spécialiste du western italien, genre auquel il a contribué en écrivant trois ouvrages analytiques, et du cinéma en général. Auteur d’une biographie d’Ennio Morricone, le maestro italien, il a également collaboré à de multiples reprises avec le scénariste Mythic pour accoucher d’une centaine de nouvelles et de deux romans (Maasterstein, Hushan). Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles publient régulièrement ses textes et ce depuis une vingtaine d’années.

 

Dépôt légal : D/2013/4467/3 – 3e trimestre 2013

136 pages

Chez le même éditeur :

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Gus Rongy : Oglala

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Duiveldag : Jean Lhassa et Mythic

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

-          Furya : Mythic

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

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Jean Lhassa : COSMOPOLYTON

Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

présentent

 

COSMOPOLYTON

Jean Lhassa

 

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Difficile de parler d’Eros sans parler de l’amour et de l’énorme sensualité qui y prépare. Difficile de parler de l’amour sans parler de la haine et de la vengeance qui en découlent inévitablement. Qui sont donc celles et ceux qui prennent le corps et les arguments imparables d’Eros ? Une harpiste que vous ne connaissez ni d’Eve ni d’Adam mais qui vous subjuguera, une jeune étudiante qui s’invite dans vos rêves, nuit après nuit, une maman perdue trop tôt, une conquête que vous auriez mieux fait d’éviter, une fille d’un autre temps impossible à satisfaire, une délicieuse amante qui vous cachait sa maladie, une épouse trompée qui vous fera payer au centuple votre trahison, une passionnée du voyeurisme, un trop joli garçon dont l’atout dangereux reste sa virilité en or … Toutes et tous ont en commun dans les nouvelles rassemblées ici la mort, le prix à consentir aux dards d’Eros. Ils succomberont sans lutter aux divins coups de foudre. Trente-six textes à lire sans modération. La plume de Jean Lhassa reste plus que jamais une aubaine pour tout amoureux de belles lettres avec, en prime, l’imagination au pouvoir. 

 

Romancier et essayiste, Jean Lhassa est aussi un spécialiste du western italien, genre auquel il a contribué en écrivant trois ouvrages analytiques, et du cinéma en général. Auteur d’une biographie d’Ennio Morricone, le maestro italien, il a également collaboré à de multiples reprises avec le scénariste Mythic pour accoucher d’une centaine de nouvelles et de deux romans (Maasterstein, Hushan). Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles publient régulièrement ses textes et ce depuis une vingtaine d’années.

Chez le même éditeur :

-          Oglala : Gus Rongy

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Furya : Mythic

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

 

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Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

présentent

 

IL ÉTAIT UNE FOIS LE WESTERN

Anthologie d’auteurs francophones

 

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Impossible de parler du western sans imaginer de vastes étendues sauvages accompagnées par un souffle d’harmonica. Depuis que Sergio Leone a revisité l’Ouest sauvage, rien n’est plus pareil et l’univers des cow-boys a pris un grand coup d’étrier dans le derrière. Jean Lhassa a eu l’idée de rassembler le meilleur des auteurs francophones que compte la Belgique et de leur proposer de se promener dans les univers de Bruno Corbucci, de Sergio Sollima et Damiano Damiani afin de partir à la rencontre de Terence Hill, de Georges Hilton et de Giuliano Gemma. On connaît cependant les écrivains d’aujourd’hui. Ils partent d’une thématique et s’évadent dans des mondes personnels qui doivent un peu … beaucoup … à ce qu’ils ont lu, vécu ou entendu. Chacun avec son style, sa force et ses limites, a soumis une nouvelle plus ou moins longue. Si Henri Vernes a accepté d’offrir un texte placé en début d’ouvrage, les noms de Gus Rongy, Laurent Aknin, Nicolas Bay, Daniel Bastié, Georges Bouillon, Charles Fox, Dan Pascal, Léopold Pauwels et de nombreux autres viennent dresser un portrait subjectif de l’Ouest assimilé par des hommes et des femmes de la fin du XXe siècle.

 

Dépôt légal : D/1996/4467/18 – 4e trimestre 1996

336 pages

Chez le même éditeur :

-          Thanatos : Jean Lhassa

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Furya : Mythic

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

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Robert Vandamme : LES JOURS RENOUES

Les Editions du Centre d’Art d’Ixelles

Présentent

 

LES JOURS RENOUES

Robert Vandamme

 

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Les vrais poètes sont trop rares pour les laisser dans un silence insultant. Robert Vandamme fait partie de ces authentiques créateurs qui magnifient la langue et jouent avec les mots. Avec une vingtaine d’ouvrages publiés auprès de différents éditeurs,  il a accepté de confier son dernier manuscrit paru de son vivant aux Editions du Centre d’Art d’Ixelles, un volume d’une rare exigence qu’on lit et relit pour s’imprégner d’une  lecture décapante et globale. Car il faut être modeste pour écrire avec une telle pudeur et une telle générosité et rêver, naturellement, d’être lu. Raisonnable et sans vanité, l’auteur a gardé cette intense vertu socratique qui place la parole, en sa qualité de verbe sans cesse malléable et récusable, bien au-dessus de l’écrit, péremptoire quant à lui, arrogant, définitif. Mais si nous voulons que l’Histoire se prolonge, il faut bien, l’Histoire nous l’enseigne, que nous sacrifiions à l’écriture.

 

 

Chez le même éditeur :

-          Thanatos : Jean Lhassa

-          Oglala : Gus Rongy

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Mikis Theodorakis : Fantasmagorie crétoise

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

-          Furya : Mythic

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

Extrait de l'ouvrage

Eglogues 1941

         

           

1.

 

Tandis que les coucous se perdaient dans les bois,

Lucile,j'enroulais tes cheveux à mes doigts.

Souviens-t'en. Les chars lourds grinçaient le long des charmes.

L'amour qui nous avait arraché tant de larmes

Ceignait nos fronts d'une douce mélancolie.

Le baiser que je pris sur ta lèvre pâlie

Avait le goût du miel, de la pluie et du vent.

Déjà je me sentais grave comme un enfant.

2.

Averse, tu me plais avec tes longs fils bleus

Et ton odeur de foin qui flotte sur les routes....

Tandis que le grand vent chassait les chats frileux

Et dans un tourbillon éparpillait les gouttes

De pluie, Eva, nous entremêlâmes nos doigts

Sous un hangar qui sentait bon le trèfle mauve.

Jeune fille, je pense à vous et je revois

Vos deux lèvres d'enfant, vos yeux de jeune fauve.

3.

Pour les jardins frileux et pâles,

Le vent amasse des étoiles.

Effloraison

 

Lente d'octobre sous la lune.

Ombres longues d'un bleu de prune.

Toits des maisons

 

Epars dans les derniers feuillages.

Pour qui, pour quel nouveau visage

Sont ces chansons ?

 

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Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

Présentent

 

FANTASMAGORIE CRÉTOISE

Mikis Theodorakis

 

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Le monde entier a découvert en 1964 la musique du film ZORBA LE GREC, ainsi que le nom de son compositeur. En quelques notes fougueuses, Mikis Theodorakis a enchanté le monde entier et s’est imposé parmi les compositeurs grecs les plus prisés. Auteur d’un nombre impressionnant de partitions pour l’écran, de symphonies, d’opéras et de chansons diverses qu’il a confiées à des interprètes de talent ou qu’il a lui-même défendues sur scène, il reste pour beaucoup l’âme de la Grèce. L’artiste se double également d’un écrivain qui étonne par la richesse de son style et par la pertinence de ses propos. Plusieurs de ses ouvrages n’ont jusqu’ici pas été traduits en français, hormis quelques volumes pour le compte des éditions Belfond. Il a fallu la patience d’Anne Lhassa pour permettre au Centre d’Art d’Ixelles de disposer d’une traduction de FANTASMAGORIE CRÉTOISE  en vue de la diffuser dans la langue de Molière. Autant qu’autobiographiques, ces pages racontent l’histoire d’une famille et d’une région noyée de soleil au passé millénaire. A la fin de l’ouvrage, le lecteur connaîtra et aimera Mikis Theodorakis. Par les temps incertains qui courent, il est bon de relire des textes comme celui-ci, passionnant, convaincant et troublant, où l’horreur alterne avec un immense amour de la vie.

Dépôt légal – D/1994/4467/14 – 2e trimestre 1994

 

 

Chez le même éditeur :

        

-          Gus Rongy : Oglala

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Duiveldag : Jean Lhassa et Mythic

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

-          Furya : Mythic

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

 

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Les Editions du Centre d’Art d’Ixelles

présentent

 

JE NE SUIS PAS UNE LOLITA

Daniel Bastié

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A dix-sept ans, j’en fais presque vingt-cinq. Loin de me plaindre, je répète que je suis en train de franchir une étape importante. Pas de quoi bouleverser mon existence. Néanmoins, un passage obligé vers la fin d’une adolescence pas toujours aisée à vivre, avec les hormones qui s’agitent et des idées confuses qui secouent les méninges. Bon, je ne suis pas comme celles qui n’ont que les mecs en tête, même si … Je veux vivre une passion sur la distance, avec un joli mariage et des enfants aussi beaux que notre couple.

Je rentre un peu le ventre pour m’observer de profil dans le miroir de la salle de bains et je me redresse, en poussant sur les orteils pour gagner quelques centimètres. Mes doigts caressent mes hanches. Je les trouve appétissantes. Un peu lourdes, mais agréables. Il y a aussi mes seins qui peuvent se transformer en objets de séduction. Plutôt volumineux, j’ai pris l’habitude de les cacher sous un pull ou de les dissimuler sous un foulard, que je noue autour du cou et qui pend lorsque je porte un tee-shirt ou un chemisier. Je dois apprendre à plaire. Les garçons ne sont jamais insensibles à la poitrine d’une fille qu’ils croisent. Je me comprends. Je dois néanmoins rectifier certains aspects de mon look. Un minimum de coquetterie ne nuirait pas à mon image. Je regarde bien l’allure des mecs, alors je suis fatalement amenée à songer qu’ils me détaillent de la tête aux pieds, qu’ils m’inspectent et m’attribuent une cote sur dix. J’ai souvent été très dure avec moi-même. Sans rire, il y a certainement dans notre bahut une vingtaine de types qui se damneraient pour sortir avec moi. Le tout consiste à ce qu’ils se décident. On ne doit  pas courir aveuglément derrière une amourette et se contenter de n’importe qui. Je ne suis pas non plus moche à en crever. J’ai déjà eu quelques occasions et des flirts qui n’ont jamais été plus loin qu’une soirée au cinéma ou une promenade au bois de la Cambre. Le top du romantisme ! Quoique du romantisme sans un suivi concret reste un concept. Aujourd’hui, chez les jeunes, avoir une vie amoureuse épanouie est presque devenu obligatoire. Sinon, les autres vous regardent d’un drôle d’air. Je devine leurs élans de sympathie hypocrite : La pauvre, toute seule à son âge ! Bref, avoir un Roméo fait partie des conventions. C’est aussi le must pour ne pas paraître tarte. Franchement, ça me fatigue. Je ne vais quand même pas m’encombrer d’un nul juste pour faire plaisir aux copines. Un mec qui me colle, ça va un temps. Pas pour vivre un demi-siècle en sa compagnie. Ou, alors, il faut le choisir avec discernement. Je veux être rebelle jusqu’au bout des ongles et refuser les diktats. Si je m’entiche d’un gars, je le choisis moi-même et je le fais marcher en cadence. Il devra m’aimer, c’est fatal. Et ce que les autres pensent de notre relation, je leur réponds : « De quoi je me mêle ? ». Se mettre martel en tête finit par fatiguer. Je ne cherche naturellement pas l’excellence dans mes rapports. Je sais ce que je veux et ce que je ne souhaite pas. Une chose finalement pas si mal à l’aube de mon envol en tant que femme du XXIe siècle.

Je demeure dubitative en regardant mon ventre arrondi au-dessus de l’élastique du slip. Il faudra que je convienne d’un vrai régime. J’imagine qu’il faille un soir me présenter en petite tenue devant mon amoureux, qu’ira-t-il penser de moi ? Au moins, il aura de la matière à pétrir ... Quelques poignées d’amour à effacer, des cuisses à affermir en m’exerçant dans un club de fitness et de l’acné, dont il reste quelques traces sur mes omoplates. J’adore mes longs cheveux bruns. Maman dit qu’ils sont assortis à mes yeux et que je ferai souffrir les hommes. En attendant, c’est moi qui ne suis pas bien heureuse. J’aime quelqu’un qui ne le sait pas et je n’ose pas lui avouer ce qui me turlupine. Il ne s’agit pas de lâcheté, simplement d’une prudence qui me confine dans un rôle que j’ai du mal à tenir. Je devrais sans doute revoir ma coiffure. En dégageant mon visage, je mettrais mon front et mes pommettes en évidence. Une bonne manière de rater sa vie amoureuse serait de ne pas en avoir du tout. Je me console en répétant que je ne suis pas unique dans cette situation déplorable. Pour devenir le sujet des attentions, il importe avant tout de se concentrer sur son profil. Même si la majorité des hommes prétendent qu’un beau corps n’est pas l’atout premier qu’ils recherchent chez une femme, alors qu’ils bavent devant des clichés de pin-up à poil ou à moitié nue. Dans cet ordre des choses, exposer ma petite bedaine …

 

 

Daniel Bastié est l’auteur de nombreux ouvrages (Le viol, Med comme Mehdi, Le journal de Morgane, Rue Vogler, Comme une romance, Un bonheur fragile , Georges Delerue : la musique au service de l’image, Michel Magne : un destin foudroyé) et a longtemps travaillé dans l’univers de la presse spécialisée (Les Fiches belges du Cinéma, Soundtrack magazine, Cinéscope, Bruxelles-Plus, Saisons, Mensuel Grand Angle), tout en se consacrant à l’enseignement et au monde des arts. Il vient d’achever un ouvrage sur le studio britannique Hammer, qui sera publié aux éditions Grand Angle dans les prochaines semaines. Avec « Je ne suis pas une Lolita », il signe un roman qui s’adresse aux adolescents et aux jeunes adultes.

 

Dépôt légal : D/2015/446/2

1er trimestre 2015

 

 

 

Chez le même éditeur :

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Thanatos : Jean Lhassa

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Furya : Mythic

-          Oglala : Gus Rongy

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

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Gus Rongy : OGLALA

Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

présentent

 

OGLALA

Gus Rongy

 

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Né à Liège, Gus Rongy est un auteur belge, qui a attendu l’âge de la retraite pour se lancer en littérature. De 1990 à nos jours, Gus a écrit une bonne soixantaine de nouvelles, publiées pour la plupart au Centre d’Art d’Ixelles et chez Publibook. Par ailleurs, mettant à profit son expérience de musicien de jazz, – il a fait partie de divers orchestres Dixieland de la capitale dans les années soixante –, il a publié deux romans, La boue du delta (1995), dont l’action se passe dans le sud des États-Unis à l’aube du vingtième siècle, et Les chemins interdits (1997), roman plutôt autobio­graphique, en tout cas tissé de souvenirs personnels. Dans ces deux cas romanesques, l’écrivain prouve qu’il est capable de longs métrages, qu’il a du souffle, qu’il a un sens aguerri de la fresque et que le romancier n’a en rien à rougir auprès du nouvelliste.

 

 

Chez le même éditeur :

-          Thanatos : Jean Lhassa

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Furya : Mythic

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

 

Extrait de l’ouvrage :

Le jobard

Tout a commencé à ma naissance. Il y a très longtemps.

Je suis né dans un chou. C'est une belle entrée en matière.

Ma sœur aînée, elle, était née dans une rose. Vous, les jeunes qui me lisez, vous vous dites que c'est le début d'un conte de fées, ce qui n'est plus tellement d'actualité, et vous vous désintéressez probablement de mon récit. Pas si vite ! Vous allez voir que c'était courant à mon époque, aussi absurde que cela puisse paraître.

J'y ai cru jusqu'à mes dix ans, ce qui était moins courant, même à mon époque. Mes parents n'ont rien fait pour me donner une autre explication. En ces temps reculés, il n'y avait pas de cours d'éducation sexuelle. Il n'y avait pas Internet et ses sites particuliers. Les brochures spécialisées circulaient sous le manteau. Je n'avais même jamais vu une femme enceinte.

Si, tout de même. Un jour − j'étais en troisième primaire −, ma mère et moi avions croisé une voisine qui projetait en avant un ventre monstrueux. Cette femme semblait souffrir d'une grave maladie qui la faisait enfler dans des proportions inhabituelles.

J'ai interrogé ma mère, qui a paru gênée tout à coup, comme si la maladie de cette pauvre femme était tellement effroyable qu'on ne pouvait pas en parler aux enfants. Elle a répondu avec réticence que cette dame attendait un bébé. Et comme j'ouvrais la bouche pour solliciter quelques explications complémentaires, elle m'a dit très vite : « Tu comprendras plus tard. » Et le chapitre fut clos.

Mais je n'arrêtais pas de m'interroger. Comment cette femme avait-elle attrapé un enfant dans son corps ? Par où était-il venu ? Et par où sortirait-il ? Allait-on devoir ouvrir le ventre de cette malheureuse pour en extraire le bébé ? Heureusement, ma maman n'avait pas eu à subir une telle déformation. Il lui avait suffi de m'acheter au marché, rayon des fruits et légumes.

Tout ce qui se passait au sud du nombril, des hommes comme des femmes, était tabou dans la famille. Toutefois, je n'ignorais pas que les filles étaient bâties différemment des garçons : quand j'avais six ans, j'avais obtenu de ma petite voisine Antoinette qu'elle me montre par où elle faisait pipi, en échange d'un bâton de chocolat et d'un grand sac de bonbons au miel.

En ce qui concernait la procréation, mon père n'était pas plus loquace que ma mère. Ce sont les petits condisciples plus au fait de la biologie qui m'ont dessillé les yeux en se moquant de ma naissance potagère. A les entendre parler de ces choses avec des rires sous cape, je me suis douté que l'histoire du chou et de la rose était une invention.

Quand on pense que les autorités pédagogiques projettent actuellement un programme d'initiation sexuelle dès la première année primaire... Ces bambins en connaîtront plus sur la question que moi à quinze ans, âge auquel j'ai entrepris une démarche qui m'a conduit à passer outre au respect humain, à la pudeur et à la honte.

Depuis quelque temps, j'étais très troublé par les transformations étranges dont mon corps était l'objet. Des phénomènes physiologiques nouveaux étaient apparus, qui m'inquiétaient profondément. Ce n'étaient pas seulement leurs manifestations qui me tourmentaient, mais aussi leur répétition. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Assurément, ce n'était pas normal. Je devais être atteint d'une affection grave qui allait altérer ma santé. Une maladie honteuse, à n'en pas douter. Pas question d'en parler à papa et maman : la région concernée était zone interdite.

Après m'être torturé moralement pendant des semaines − tout bien considéré, n'étais-je pas un vicieux ? − et alarmé pour le fonctionnement de mon corps, je me résolus, la mort dans l'âme, à aller consulter le docteur Delforge, médecin de notre famille.

Comme un grand, je pris un rendez-vous pour une consultation, où j'allais enfin pouvoir exposer mon cas à une personne compétente.

Le médecin fut bien surpris de me voir arriver seul. C'était la première fois que j'entrais dans son cabinet sans ma mère. Il dut se douter que quelque chose de grave était en train de se passer, dont je ne désirais pas informer mes parents.

Avec beaucoup d'hésitations, je me décidai à confier au médecin mes anomalies physiques. Tout en parlant, je sentais le rouge de la honte me monter au front.

Le docteur Delforge m'écouta patiemment pendant un bon quart d'heure sans m'interrompre. A la fin, il me fit un grand sourire qui me rassura. Non, je ne devais pas me faire du souci. Non, je n'avais pas de maladie. Non, je n'étais pas un anormal ou un vicieux. Ce qui m'arrivait était on ne peut plus naturel. Cela s'appelait la puberté. Tous les garçons de mon âge étaient logés à la même enseigne, et c'était bien heureux d'ailleurs s'ils voulaient avoir des enfants plus tard. Il n'avait pas le temps d'entrer dans les détails mais il m'expliqua néanmoins que les filles aussi étaient l'objet de transformations sexuelles, accompagnées de phénomènes différents, bien entendu. Pour terminer, il m'appliqua une grande tape sur l'épaule.

« Sacré Antoine, me dit-il, tu es un fameux jobard ! »

Quand je suis sorti du cabinet, je me sentais soulagé, mais j'étais loin d'avoir tout compris. Le docteur Delforge avait notamment parlé de faire l'amour, comme d'une chose tout à fait naturelle, alors qu'autour de moi, cette expression était toujours accompagnée de sous-entendus ou de gestes obscènes.

Et puis, il y avait ce mot « jobard », que j'entendais pour la première fois et qui m'intriguait. Le Petit Robert me renseigna. Ce n'était guère flatteur. Jobard, adj. et n. : crédule jusqu'à la bêtise, naïf, niais. Merci, docteur Delforge...

Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je ne peux que me féliciter d'avoir eu des parents comme les miens, même s'ils n'étaient pas prompts à m'éclairer sur certains sujets. Leur intention était louable : ils ne songeaient qu'à me préserver du mal. J'ai souvent pensé que s'il m'avait été accordé de choisir mes parents, ce sont ceux-là mêmes que j'aurais élus.

Cela dit, il me semble que j'avais déjà assez tôt des dispositions naturelles à la jobardise. J'avais de qui tenir : mon père m'avait un jour raconté que dans son village, lorsqu'il était enfant, les petits paysans lui avaient fait un jour avaler des crottes de lapin, lui faisant croire que c'étaient des boules de gomme. On peut être naïf par hérédité paternelle.

Pour mon septième anniversaire, j'avais reçu une panoplie de bricoleur : un marteau, des tenailles, un burin, un vilebrequin, une pince et d'autres outils, dont la qualité primordiale était d'être incassables. J'en étais très fier et je me vantais de mon matériel auprès de Charles, un petit copain de mon âge qui venait jouer à la maison. Celui-ci s'était plutôt montré sceptique : avant que j'aie pu l'en empêcher, il s'était aussitôt saisi de la pince et avait projeté froidement l'outil sur le sol, le brisant en trois morceaux. Il me démontra ainsi que j'étais déjà un fameux jobard.

L'histoire peut paraître drôle. Je peux vous assurer qu'elle ne m'a pas fait rire, moi, le petit moutard de sept ans. D'abord je découvrais qu'on ne pouvait pas se fier aux affirmations des grandes personnes ; ensuite, que la cruauté des autres enfants était sans limite. J'étais inconsolable et il fallut que mon père me fasse la promesse de m'acheter une nouvelle pince pour me calmer. Je m'en suis remis mais Charles n'a plus jamais été invité.

Je gobais tout ce qu'on me racontait : que pour attraper une pie, il suffisait de lui mettre du sel sur la queue ; que des ouvriers spécialisés foraient les trous du fromage de gruyère ; que le boulanger devait introduire la mie à l'intérieur de la croûte.

Lorsque je fréquentais l'école secondaire, combien de fois n'ai-je pas été la victime des plaisanteries de mes condisciples, voire de mes professeurs ? Je cite pour mémoire la table de Pythagore qu'on m'envoya un jour chercher chez le concierge. A moins qu'il s'agisse de la table de décompression, je ne sais plus très bien, ou de celle de Mendeleïev, dont on m'avait écrit le nom sur un bout de papier... Je n'oublie pas non plus la bouteille d'orangeade que je tenais à la main et que je renversai spontanément sur ma culotte en voulant consulter ma montre quand un malin me demanda l'heure. J'étais d'ailleurs souvent l'artisan de ma propre infortune. Quand notre professeur de langues germaniques, pour expliquer sa sévérité, répétait souvent la même astuce : « Dura lex sed lex, mon ami, comme on dit en anglais », j'étais toujours le premier à montrer mon érudition : « Ce n'est pas de l'anglais, m'sieu, c'est du latin. » Et toute la classe de rire... Toujours aussi jobard, non ?

Mais ce que j'ai vécu longtemps comme une humiliation fut mon intervention remarquée dans une pièce célèbre dont j'ai oublié le nom.

J’étais en fin de rhéto, officiellement appelée première gréco-latine à une époque où l’on comptait encore à rebours. Depuis le début de l’année, l’abbé Poitroux, notre professeur de français et de latin, nous faisait répéter inlassablement la pièce, qui devait, lors de la distribution des prix, assurer devant la foule des élèves et des parents la gloire du collège Saint-Barnabé.

Comme l'enseignement n'était pas mixte, pendant des mois, l’abbé avait tenu les rôles féminins, dont il nous disait les répliques. Pour la représentation, on ne pouvait plus se contenter de cet expédient. A force de persuasion, il avait convaincu la mère supérieure de Sainte-Blandine de nous « prêter » les quelques rhétoriciennes qu’exigeait la vraisemblance.

J'étais très fier de mon rôle. Je jouais un gommeux qui faisait des ronds de jambe auprès d'une belle. On dirait maintenant un dragueur. Je m'approchais d'elle, m'inclinais profondément, lui prenais la main et en approchais mes lèvres. A ce moment, je devais dire, avec un air admiratif : « Cette main, madame, il faut que je la baise. » La réplique me paraissant un peu empruntée, je jugeai nécessaire d'en rajouter. Je marquai un temps d'arrêt après « Cette main, madame », puis je me tournai vers le public comme je l'avais vu faire dans une pièce de Feydeau et, avec un clin d'œil de connivence, j'ajoutai : « Il faut que je la baise ! »

Comme piqués par le dard d’une abeille, quelques spectateurs somnolents dressèrent la tête. Au balcon, plusieurs élèves, qui s’ennuyaient ferme en attendant le baisser de rideau, laissèrent fuser quelques rires épars, n’osant en croire leurs oreilles. Les surveillants essayèrent à grand-peine de maintenir l’ordre, de réprimer le chahut en puissance qu’ils sentaient monter inexorablement.

Sur la scène, la jeune fille, qui n’avait qu’une réplique, s’était détournée, mais les secousses qui agitaient ses épaules en disaient long sur ses réactions à l'initiative de son partenaire. En quelques secondes, toutes les rangées furent agitées d’une houle d’hilarité.

L'effet obtenu dépassait de loin mes prévisions. Etait-ce vraiment si drôle ? Pour obtenir un tel résultat, il fallait que j'aie un don spécial. Le feeling, comme on dit. Je me rengorgeais déjà.

Un personnage ne partageait pas l’euphorie générale. L’abbé Poitroux, dont les prunelles exorbitées et le teint cramoisi trahissaient la colère, se mordait les poings de rage. Mais qu'est-ce qui pouvait ainsi l'irriter dans ma réplique ?

En un clin d’œil, ce fut le délire. Des spectateurs s’interpellaient, se retournaient vers le balcon, où les étudiants, ravis de l’aubaine, chahutaient consciencieusement. Il fallut baisser le rideau. L’abbé Poitroux, confus, pâle de rage contenue, dut se résigner à suspendre la pièce. Il s’excusa de manière brouillonne auprès d’une assistance complaisante, pas fâchée tout compte fait de couper à la corvée.

Une fois la salle évacuée, j'eus à subir les foudres de mon professeur, qui ne put s’empêcher, à l’encontre de la plus élémentaire charité chrétienne, d’accabler son malheureux élève. Tout était de ma faute, n’est-ce pas ? Ah! comme il regrettait d’avoir confié le rôle à un misérable obsédé sexuel, qui transposait ses fantasmes en délire verbal !

Moins je comprenais, plus il s'emportait. Comme je tentais de me justifier, il me chassa de sa vue avec un grand geste théâtral. Il se laissa même aller à un écart de langage peu compatible avec son statut d'homme d'Eglise :

« En plus, vous vous foutez de ma gueule ! »

Mais non, père Poitroux, vous vous mépreniez tout à fait. Vous m'attribuiez des intentions que je n'avais certes pas. Pour moi, le verbe baiser n'avait qu'un sens. Malgré mes dix-sept ans, j'ignorais sa signification scabreuse, qu'un condisciple m'expliqua le lendemain, pris de pitié devant mon état de prostration et ayant peine à croire qu'on pouvait être jobard à ce point.

C'était le temps de mes premiers émois. Comme j'avais maintenant l'autorisation de sortir, j'avais envie de rencontrer des filles. Et pour rencontrer des filles, rien de tel que le dancing. On ne disait pas encore boîte, ni discothèque, ni même night club. Tout seul, je n'aurais pas osé m'aventurer dans ces endroits. Accompagné de quelques copains, j'acquérais de l'audace. J'invitais même des filles à danser. En général, elles n'avaient pas l'air de vraiment s'amuser en ma compagnie. Il était rare qu'elles acceptent une deuxième fois. Pourtant je ne me trouvais pas laid quand je me regardais dans le miroir en me rasant. L'une d'elles me dit un jour qu'elle me trouvait gentil mais nunuche. Malheureusement, ce mot, je ne l'ai pas trouvé dans le dictionnaire.

Tout allait s'arranger, croyais-je, avec le service militaire, cette école de virilité. Tout le monde disait que la discipline aguerrissait les recrues et que l'on sortait de cette période de dix-huit mois plus mûr et plus sûr de soi. De plus, j'étais persuadé que le costume allait me donner plus de personnalité. Le prestige de l'uniforme, n'est-ce pas ?

Je dus assez vite déchanter. D'abord, les gradés nous faisaient faire des exercices humiliants, où l'initiative n'intervenait guère. Lors des attaques de section, par exemple.  Imaginez de pauvres diables, par groupes de neuf, déguisés en soldats, l’air farouche, la gueule noircie au bouchon brûlé, le casque surmonté de végétaux, le fusil braqué, courant en tirailleurs sur un terrain de préférence boueux, sous les ordres d’un sergent sadique, qui prenait un malin plaisir à crier « Couché ! » quand nous passions dans une flaque. Quand je dis nous, il me semble que j'étais particulièrement visé, objet d'une attention particulière. Je pouvais être sûr que les plus sales trous étaient pour moi.

Heureusement, il y avait les leçons théoriques, où l'on pouvait souffler. Le sergent nous apprenait à démonter une mitraillette ou un fusil. Il nous montra l'éjecteur et le trou d'évent. Je ne sais trop pourquoi, à ce moment, je ris bruyamment, ce qui ne fut pas du goût de l'instructeur.

«  Pourquoi ce rire bête, Lécuyer ?

− Ben, le trou des vents, sergent, c'est drôle.

− Vous êtes un imbécile, Lécuyer. Le trou d'évent ! Event, en un mot, comme dans éventualité, éventration, évangile. »

Je me le tins pour dit.

Le lendemain, il nous expliqua la fonction des rayures dans le canon, « imprimant à la balle un mouvement hélicoïdal ». Alors que tout le monde s'en fichait, je crus malin, pour me racheter, de montrer mon intérêt : « Sergent, ça veut dire quoi, hélicoïdal ? »

La gaffe ! J'étais loin de m'imaginer que cette question innocente allait plonger mon supérieur dans un profond embarras, dont je ferais les frais plus tard.

« Hélicoïdal, bégaya le sergent, hélicoïdal, bon, ben, ça veut dire... » Soudain, il parut saisi d'une inspiration :

« Ça vient du latin hélico, qui veut dire très vite, puisqu'on dit hélico presto. »

Personne n'osa broncher dans l'assemblée mais il se rendit bien compte que son explication était plus qu'approximative et qu'il avait dit une connerie. Cette connerie, j'allais la payer. Pendant les six semaines d'instruction, je fus sa bête noire et il ne manqua pas une occasion de me rabaisser. Puis, n'étant plus directement sous ses ordres, je respirai un peu par la suite, mais d'autres tourmenteurs allaient se révéler : mes égaux, les troufions de ma compagnie.

Un soir, une demi-douzaine d'entre eux firent irruption dans la chambrée.

J'étais assis sur mon lit, en train de lire, profitant d'un calme inhabituel. De toute façon je préférais rester seul plutôt qu'aller dépenser mon argent dans un café lors des sorties arrosées de mes congénères.

Un certain Bob m'adressa la parole d'un ton qui n'admettait pas de réplique :

« Aujourd'hui, sortie obligatoire. Soirée d'initiation.

− De quoi s'agit-il ? demandai-je timidement.

− Je parie que tu n'as jamais couché avec une femme, reprit Bob. Eh bien, ce soir, nous allons te rendre service. »

Il avait bien deviné, certes, mais je n'aimais pas beaucoup qu'on décide pour moi. D'autant que la perspective d'un contact intime avec une fille m'intimidait passablement. Bob ne me laissa pas le temps d'exprimer mon opinion.

« Vous vous rendez bien compte, railla-t-il en s'adressant à ses compagnons, que le soldat Antoine Lécuyer, à vingt ans, est toujours puceau ! On ne peut pas le laisser dans cet état ! Il faut agir ! C'est une mission de salubrité publique ! Qu'est-ce que vous en pensez, vous autres ? »

En chœur, ils approuvèrent bruyamment.

Je ne pus faire autrement que de me laisser entraîner. C'est ainsi que nous nous retrouvâmes tous au Chat musqué, un bar enfumé à l'éclairage tamisé, où quelques couples étaient vautrés sur des divans de peluche cramoisie.

Le dénommé Bob, qui semblait avoir ses habitudes, se dirigea vers le comptoir et commanda de la bière pour tout le monde, puis il s'adressa à une jeune femme aux longs cheveux noirs qui, dans la pénombre, me parut assez jolie. Elle était assise à une table dans un coin du bar, devant un verre de gin qu'elle sirotait à petites gorgées.

« Rosalinde, je te présente Antoine, dont je t'ai parlé. Sois gentille avec lui, qu'il garde une bonne impression de sa première fois. On s'arrangera plus tard », ajouta-t-il avec une œillade enjouée.

Je n'en menais pas large. Mais comment résister sans encaisser toute la troupe sur le dos ?

La femme m'emmena dans une chambre contiguë où régnait une odeur de renfermé. A y regarder de plus près, la reine de la nuit perdait nettement de son charme : la bouche était vulgaire, les yeux charbonneux, le visage outrageusement maquillé.

Comme je restais là, debout, sans rien dire, Rosalinde déboutonna son corsage et dégrafa son soutien-gorge.

« N'aie pas peur, mon lapin, m'encouragea-t-elle, je ne vais pas te manger. Déshabille-toi. » Elle fit tomber sa jupe en rond à ses pieds, se débarrassa de sa petite culotte et s'étendit sur le lit après avoir envoyé promener ses escarpins à l'autre bout de la pièce.

C'était la première fois que je voyais une femme nue. Elle avait de gros seins ballants, le ventre flasque, les jambes grasses. Le pubis broussailleux me faisait penser à un énorme insecte. Araignée du soir, espoir, me dis-je pour me donner du courage. Je me déshabillai très vite avec un sentiment de gêne, ce qui me rappela le conseil de révision. Alors le désir m'empoigna d'un coup et je me jetai sur le lit.

A peine avais-je commencé que c'était déjà fini.

« Eh bien ! toi, on peut dire que t'es un rapide », constata la femme avec un sourire. Sourire approbateur ou narquois ? Quoi qu'il en soit, j'étais assez fier de ma performance.

Quand quelques minutes plus tard je réintégrai le bar, j'eus l'impression que tous les clients avaient les yeux dardés sur moi. Je crus déceler dans leur regard un éclair de malice. Mes six compagnons avaient disparu, ce qui me parut étrange. L'explication ne tarda pas. La patronne me présenta l'addition : une trentaine de consommations à régler.

Les salauds ! Ils avaient commandé plusieurs tournées générales sur mon compte ! Je n'avais pas le choix, je m'étais fait rouler, je n'avais plus qu'à payer.

Je n'étais pas au bout de mes surprises. J'ouvris mon portefeuille. A part quelques photos et ma carte d'identité, il était vide. J'étais sûr pourtant d'avoir emporté un billet de mille francs, persuadé que je devrais payer mon écot pendant la soirée. L'avais-je perdu pendant le trajet ou me l'avait-on volé ? Par acquit de conscience, je retournai fébrilement toutes mes poches. Soudain me vint à l'esprit une explication, claire, lumineuse, éclatante. Rosalinde, la putain qui m'avait dépucelé, m'avait aussi pigeonné. Comment s'y était-elle prise ? Ces femmes-là doivent avoir l'habitude. Mon inexpérience venait de me jouer un tour.

Que pouvais-je dire ? Accuser mon initiatrice ? Je n'avais aucune preuve. J'eus beau protester de ma bonne foi, la patronne appela la gendarmerie, qui me ramena à la caserne. Je passai deux jours en salle de police pour grivèlerie. J'avais battu ce soir-là tous les records de jobardise.

Par la suite, je me tins éloigné de mes compagnons d'un soir. Je dois à la vérité de dire qu'ils eurent l'honnêteté de payer leur dette intégralement au Chat musqué. Si on excepte mon amour-propre piétiné et la sanction militaire imméritée, cette aventure ne me coûta rien.

Dix mois plus tard, la délivrance arriva. Finies l'armée, la discipline, les corvées, les brimades. Mon père tint à m'accueillir à la gare. Après les embrassades, il me mit la main sur l'épaule. Il affichait l'air solennel des grandes occasions.

« Fils, me dit-il avec embarras, j'ai un aveu à te faire, qui implique aussi ta mère. »

Je craignais le pire. Mes parents avaient-ils l'intention de se séparer ? Ça me paraissait inconcevable. Je m'alarmais en vain cependant.

« J'aurais dû t'en parler plus tôt, reprit-il. Mais maintenant que tu es un homme, il est plus que temps. Eh bien voilà... Euh !... Saint Nicolas, c'était ta maman et moi. »

Pauvre papa... Il me prenait vraiment pour plus naïf que je n'étais. Je n'ai pas osé lui dire que je l'avais deviné depuis bientôt trois ans.

*

Maintenant que les années ont passé, j'ai attrapé du plomb dans la cervelle. Je ne m'en laisse plus conter. Plus question de prendre des vessies pour des lanternes, de tomber dans tous les panneaux, d'être le dindon de la farce, de me laisser éblouir par les miroirs aux alouettes. Je ne suis plus un jobard. Je vote socialiste.

 

 

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Henri Vernes : LE GOÛT DU MALHEUR

Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

Présentent

 

LE GOÛT DU MALHEUR

Henri Vernes

 

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Ecrit successivement à Paris et à Bruxelles en 1947, LE GOÛT DU MALHEUR aurait dû être publié par les éditions du Triolet. Malheureusement, celles-ci firent faillite et le manuscrit demeura dans un tiroir. Près de cinquante ans plus tard, Henri Vernes se souvient de cet écrit et le confie aux éditions du Centre d’Art d’Ixelles. Il s’agit d’une des rares pièces de son œuvre à ne pas avoir connu la gloire de la publication. Rédigé d’une plume alerte, ce roman inédit expose les contradictions de Lenore, jeune Eurasienne, qui persiste à vivre entre les fantômes de son passé et les spectres de son avenir. En cent cinquante pages, le père de Bob Morane nous invite à analyser un microcosme où sexe et désir se côtoient pour mieux broyer l’héroïne. Quelques années plus tard, l’auteur allait connaître la gloire avec LA VALLEE INFERNALE, premier d’une longue série pour le compte de Marabout Junior et la naissance d’un vrai héros qui allait vivre près de deux cents aventures à travers le monde, flanqué de son redoutable ami Bill Balantine. Son combat contre l’Ombre Jaune allait égalait inspirer les créateurs de bandes dessinées et la télévision.

Dépôt légal – D/1994/4467/14 – 2e trimestre 1994

 

Chez le même éditeur :

-          Hushan : Jean Lhassa et Mythic

-         Oglala : Gus Rongy

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Furya : Mythic

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

 

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