Banc public
Je suis un petit banc public,
Vestige de ce parc grandiose.
J’accueille tout le grand public
Qui a envie de faire une pause.
La vieille dame aux cheveux gris
Est mon amie la plus fidèle.
Elle jette des morceaux de pain gris
À tous ces gros pigeons qu’elle aime.
À midi-trente, c’est l’heure du gars,
Un beau jeune homme bien de sa personne.
Silencieux, il reste là.
Il attend que la cloche sonne
Pour s’en retourner au travail,
D’un pas rapide et décidé,
Ses deux mains sous son chaud chandail
Par sa chère maman, tricoté.
Son amie, je ne la vois plus.
Elle était pourtant femme charmante.
Sa compagnie, il n’en veut plus
Car la peur d’aimer le tourmente.
Les gosses qui viennent le mercredi
Me sautent dessus sans ménagement.
Leur insouciance à ce qu’on dit
Leur permet d’aller de l’avant.
Le soir, ce sont les amoureux
Qui se bécotent au clair de lune.
Sous les étoiles, ils sont heureux,
Rêvent de voyages et de lagunes.
Mais l’air du temps vient de changer.
Les gros pigeons n’ont plus de pain.
La vieille cloche n’a plus sonné.
Autour de moi, tout est malsain.
Certains me donnent des coups de pied.
D’autres m’offrent leurs détritus.
Ceux qui s’amusent à m’abîmer,
J’aimerais qu’ils sachent que je n’en peux plus
De sentir la pointe du couteau
Qui martyrise mes vieilles planches.
Ces tatouages sur ma peau
Me font honte quand vient le dimanche.
La jeune fille aux cheveux longs,
Le bourgeois lisant son journal,
Le musicien au diapason
M’évitent tous et ça fait mal.
Moi, le petit banc aux secrets,
J’ai vraiment l’air d’un moins que rien.
Mon cœur est rempli de regrets.
Je suis arrosé par les chiens.
Je suis un petit banc public
Gravé, Sali et tout cassé,
Moi qui m’offrais au grand public,
Vestige d’un passé oublié.
01/02/2011