J'ai rencontré Gérald Tron, aquarelliste, en 2004 et nous avons entamé une collaboration qui a duré jusque 2008. Cette collaboration s'est traduite par l'illustration poétique de 70 aquarelles de ce peintre, et d'une douzaine d'expositions en France et en Belgique, dont une à Barvaux et une à Durbuy.
Je vous présente ici une première coopération, présentant un château des Ardennes.
Aïku je suis,
Mais quelque chose m’ennuie :
Je me multiplie.
Je me multiplie,
Mais chacun de mes enfants
Est bien différent,
Est bien différent
Par sa rime et par son sens,
C’est un contresens.
C’est un contresens
De voir que mes dix sept pieds
Sont multipliés,
Sont multipliés
Et peut être à l’infini
De jour et de nuit,
De jour et de nuit,
Scolopendre aux mille tours
Qui grandit toujours,
Qui grandit toujours,
Mais ce serait aberrant
Et trop effrayant,
Et trop effrayant,
Je vais donc en rester là,
Abréger cela,
Abréger cela,
Car nature me poursuit
Aïku je suis.
31 janvier 2007
"Au Repos du Pêcheur"
« Au Repos du Pécheur », pire bouge connu,
Les tables de bois brut sont crasseuses d’histoire,
On voit faux flibustiers consulter des grimoires
Révélant des trésors encore méconnus.
On voit de vieux marins burinés par le temps
Et les vents du grand large, afficher des trognes
A faire peur, quand on s’approche et qu’ils grognent,
Réclamant l’alcool qui apporte le printemps.
Sourcils gris broussailleux et la pipe fumante,
Regard bleu pâle, aigu, comme pointe d’acier,
Lèvres closes serrées, ils semblent des sorciers
Songeant au grand sabbat des vagues écumantes.
Quelques filles perdues, échouées au hasard,
Passant de table en table en balançant la croupe,
S’arrêtent, aguichant chaque homme de la troupe,
Et lui promet le ciel de son œil égrillard.
Grosses pattes calleuses explorant les corps,
Puis un ruffian massif se lève et s’en va suivre
La belle qui, contre quelques pièces de cuivre,
Détendra ses besoins dans la Petite Mort.
Brume bleue du tabac nimbant les silhouettes,
Voix rocailleuses, dures, sans plus d’espérances
Le « Repos du Pécheur » est, dans sa déchéance,
Une pustule noire au milieu des mouettes.
Le 9 novembre 2007
Dans les lagunes où l’eau tiède était peu profonde
Se préparait, secret, tout l’avenir d’un monde,
Car le soleil dardait ses rayons implacables,
Ultraviolets mortels, sorciers inexplicables.
Irradiant molécule et atome sans fin
Cassant ici, associant là, pour voir enfin
Propriétés nouvelles surgir de l’inerte,
Par des tâtonnements et une lourde perte.
*
A ce jeu, l’eau devint une soupe complexe
Où mille réactions s’ensuivaient, ce contexte
Fit apparaître enfin l’enchaînement magique
Qui autorisait tout: l’acide nucléique,
A la fois mémoire et programme du vivant.
ARN, ADN, quel premier arrivant
Décida de tout le reste pour le futur ?
Nous l’ignorons encore mais ce qui est sûr,
C’est qu’à partir de là, un message est codé,
Conservé en mémoire et jamais démodé.
De ce moule sortant en briques protéines,
Le message évolue et toujours se raffine,
Élaborant structures toujours plus complexes,
Dont les capacités laissent toujours perplexe.
*
Restait encore un pas décisif à franchir :
S’isoler du milieu, pour mieux s’en affranchir,
Tout en pouvant sans fin échanger avec lui,
Distinguant le moi de ce qui est autrui.
Carbone, hydrogène et phosphore réunis
Créèrent la membrane, horizon défini.
A l’abri, désormais, mémoire et messager,
Dans une évolution vont pouvoir s’engager.
Ainsi sont apparues premières bactéries,
Les premières manifestations de la vie
Qui font toujours fortune aujourd’hui, démontrant
La beauté d’un modèle se perpétuant.
Cette première vie l’oxygène ignorait
Et, pour son énergie, le soufre utilisait,
Tout comme les microbes peuplant les souffleurs,
Cheminées cachées dans les grandes profondeurs,
Microbes qui ont eu, comme lointains ancêtres,
Ces bactéries, premières vie qu’on a vu naître.
*
Mais en certains endroits, une révolution,
Préparait au futur une autre solution.
Par le jeu de sorcier des UV créateurs
Vint au jour un complexe des plus prometteurs :
Par lumière activé, et décomposant l’eau,
Il permettait alors un processus nouveau,
En liant le gaz carbonique et l’hydrogène,
Fabriquer carburant en donnant l’oxygène.
L’élégance du procédé fit sont succès.
A une source inépuisable ayant accès,
La photosynthèse fit son apparition.
Avec elle s’enchaînait une évolution.
L’oxygène changea la vie des océans,
Précipitant le fer partout en excédent
Fournissant la nouvelle voie pour mieux brûler
Les carburants nouveaux venant d’être créés.
Et beaucoup d’organismes adoptèrent ce mode
De respiration, plus efficace et commode.
Puis les vies primitives allaient s’associer
En unités plus grandes, plus différenciées.
L’un des partenaires fournissant l’énergie,
L’autre gardant code et messages en régie
Parfois vint se mêler un photosynthétique
Possédant les secrets du carburant magique.
S’assemblant tous dans une enveloppe commune,
La cellule bientôt allait faire fortune.
*
Puis s’échappant de l’eau, allant vers l’atmosphère,
L’oxygène arrêta les rayons mortifères,
Sous sa forme d’ozone, qui, protégeant les eaux
Empêcha que la vie fût tuée au berceau.
Ainsi se terminait un cycle interminable,
De poussière en planète, puis monde habitable
La Terre allait donner au delà des promesses
Et répandre partout la vie et ses largesses.
Par magie de l’ozone, ciel devint d’azur.
Terre serait planète bleue pour le futur.
Les Temps de la Terre représentent ma première tentative de poésie longue. Le but est de raconter l’histoire de la Terre sur la base des connaissances scientifiques contemporaines de son écriture. S’y ajoutent une réflexion et une présentation plus personnelles sur ce qu’ont pu être les éléments clés qui ont abouti à la Terre telle qu’on la connaît actuellement.
Les connaissances évoluant très vite, et comme nous je n’ai pas voulu refaire une encyclopédie totale, il est évident que tous les évènements qui se sont déroulés en plusieurs milliards d’années ne peuvent être reportés, que certains ont du être omis, ou demandent à être corrigés en fonction des dernières découvertes.
Les Temps de la Terre constituent donc une approche différence, poétique, d’un sujet scientifique, dont j’espère qu’elle vous sera attrayante. Au cours de cette rédaction, j’ai pu appréhender la difficulté d’écrire une poésie longue, et j’ai ressenti une très grande humilité devant les grands auteurs qui ont pu écrire des épopées qui ont fait notre plaisir ou nos cauchemars d’école.
Les Temps de la Terre sont toujours en cours d'élaboration depuis 2007. Vous découvrirez progressivement les quatre premières parties déja écrites.
Vos réactions me seront très précieuses pour modifier ce texte qui est encore en devenir, et que je ne demande pas mieux que d’améliorer encore.
Merci d’avance pour votre lecture
Amitiés
Daniel Dive
LES TEMPS DE LA TERRE
Il était une fois une planète bleue
Au passé perdu dans un océan de feu.
Il était une fois une planète belle
Qui avait reçu dès le berceau tout pour elle.
L’aventure du temps de l’espace cosmique
Lui promet un destin que certains voient tragique.
Mais on peut se tromper sur le sens du futur
De la Terre et de l’homme, en des temps si peu sûrs.
La Terre a une vie aux bornes très lointaines.
La destinée de l’homme est bien plus incertaine.
La Mère est très solide et ses enfants fragiles,
Car bâtissant sur sable et sans cuire l’argile.
Si nous nous penchons sur son passé si immense,
Nous verrons que la Terre eut une vie intense,
Alors que nous ne sommes qu’épiphénomènes,
Nous qui nous agitons, tels des énergumènes.
I. La Genèse
Avant qu’elle fût née, tout n’était que poussière
Et gaz qui provenaient des époques premières.
Hydrogène venu du Big-bang si lointain,
D’étoiles ancestrales cadavres éteints,
Supernovae passées aux cendres si fécondes,
Promesses de futur et de bien d’autres mondes.
Au centre du nuage, à peine scintillant,
Une étoile naissait, un fanal vacillant.
Autour d’elle cendres et gaz se disloquaient,
De poussière en grumeaux qui partout se choquaient
Naquirent des cailloux qui, s’attirant entre eux,
Formèrent des rochers de plus en plus nombreux.
Sous la force puissante de gravitation
Se poursuivit longtemps cette condensation.
Une protoplanète apparut lentement
Que des blocs bombardaient continuellement,
Échauffant la surface qui vint à fusion
Sans cesse entretenue par mille collisions.
Et dans les profondeurs, chaleur naissait de même,
Radioactivité travaillant à l’extrême.
Le fer finit par fondre, et plus lourd, il migra
Jusqu’au centre où alors un noyau se forma.
C’était alors le temps des lacs incandescents,
Des océans de roche aux reflets rubescents
Où partout, ça et là, flottaient en îlots sombres
Des blocs bien plus légers en archipels sans nombre.
Et ainsi se forma la croûte primitive,
Sans cesse remaniée par les puissances vives
Qui, dans les profondeurs, brassaient les rocs fondus
Qui suintaient partout en fleuves répandus.
Et puis, avec le temps, la croûte s’épaissit,
D’îlots en îles et continents, elle grossit,
Mais travaillée dessous par la chaleur intense,
Elle se fragmenta, formant plaques immenses.
Tout au long de leurs bords naquirent des volcans,
Les premières montagnes de Terre de ce temps,
Crachant feu et gaz et modifiant l’atmosphère,
Préparant un futur avec la troposphère.
Les éclairs qui naissaient dans leurs panaches noirs
Apportaient aux atomes d’étranges pouvoirs,
Les associant entre eux, molécules nouvelles,
Porteuses d’un message aux vertus immortelles.
Puis la température baissant peu à peu,
L’atmosphère tomba en averse de feu,
Gaz devenant métaux qui tombaient sur le sol,
Ou acides cruels plus forts que vitriol.
Puis vint un âge obscur dont mémoire est perdue
Sans doute montagnes sont nées, très étendues
Hautes, majestueuses, semblant éternelles
Car rien ne survenait pour s’attaquer à elles.
La chaleur s’évadant, sans rien pour compenser,
Permit à vapeur d’eau d’enfin de condenser.
Un orage survint, à nul autre pareil,
Pendant siècles entiers, il n’y eut de soleil.
L’eau tomba abondante et le sel dissolvant,
Ruisselant sur le sol en prodigieux torrents,
Commença à ronger les sommets imprenables
Et transportant rochers et limons impalpables,
Pour s’assembler plus loin en des fleuves géants,
Remplit les abîmes, formant les océans.
Dans l’eau accumulée, les molécules nées
Des éclairs et du feu furent disséminées,
Préparant l’avenir d’une planète neuve
Qui, sous un ciel plus clair, voulait faire ses preuves.
2007
Iroise
Les flots échevelés poussés par les rafales
D'un vent qui souffle et siffle sous un ciel livide
S'enflent en monts neigeux, esprits des mers avides
D'engloutir ce qui tombe en leur gueule fatale.
Se brisant sur les rocs en fracas de tonnerre
Ecumant, poussé par colère destructrice,
L'océan en folie, fureur dévastatrice,
Sur la côte un étau de violence resserre.
Et que semblent légers les ouvrages des hommes
Submergés, secoués par ces vagues immenses,
Qui veulent se venger qu'on leur ait fait offense
De les défier, alors que si petits nous sommes.
Ecoutons les brisants criant de leur voie sombre
Qu'ils sont plus vieux que nous, presque autant que la Terre
Que notre orgueil est grand, si grand qu'il nous enterre
Alors qu'ils ont pour eux des avenirs sans nombre.
Le 26 juin 2009
Voici la toute première collaboration que j'ai réalisée avec Jean Claude Dumont, peintre belge, qui est incrit sur ce forum.
J'avais, en 2005, accompagné de textes des aquarelles du peintre Gérald Tron, en particulier lors d'une exposition à Barvaux.
L'idée de réaliser l'inverse m'était venue, et j'ai posté, à l'intention des peintres amateurs d'un site de poésie, plusieurs textes, dont rendez vous dans la forêt bleue.
Quatre semaines après, je recevais de Jean Claude Dumont une photo de la toile qu'il avait réalisée, et qui m'a bouleversé, tellement l'artiste avait su saisir ce que j'avais mis de plus personnel dans ce texte dédié à ma mère disparue en mai 2001. La toile et le texte ont participé à plusieurs expositions. Inutile de dire que cette toile occupe une place d'honneur dans la maison, en raison de sa symbolique. Cela a été le départ d'une collaboration avec Jean Claude Dumont dont je me propose de vous faire découvrir quelques facettes dans l'avenir.
Le texte est présenté ici avec la toile non encore encadrée, image telle que je l'ai reçue....
Merci de votre passage et de votre lecture
Bonjour à tous.
Ma première contribution à ce forum. J'écris principalement de la poésie, mais j'aime y associer, quand cela est possible, images, photos, toiles, musique. Je vous en propose ici un exemple. Vos avis me seront très précieux pour progresser. Merci d'avance
Manuel de Falla: En los jardines de la Sierra de Cordoba
Recital at the Teatro Real in Madrid
Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle. Joaquín Achúcarro, piano