Fils d'un professeur d’université qui était considéré comme le meilleur traducteur de Lord Byron, Giorgos Seferis étudia à Athènes puis à Paris.
Il écrivit en langue vernaculaire (langue parlée par les Grecs lettrés), notamment à partir de l’Odyssée d’Homère afin de montrer comment la personnalité humaine n’a pas changé à travers les siècles. Un grand nombre de ses poèmes fut mis en musique par Manos Hatzidakis, Mikis Theodorakis ou Stavros Xarchakos.
Un de ses poèmes les plus célèbres
Où que me porte mon voyage la Grèce me blesse À Pilion parmi les oliviers la tunique du Centaure glissant parmi les feuilles a entouré mon corps et la mer me suivait pendant que je marchais
Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse
À Santorin en frôlant Les îles englouties En écoutant jouer une flûte parmi les pierres ponces Ma main fut clouée à la crête d'une vague Par une flèche subitement jaillie Des confins d'une jeunesse disparue
Où que me porte mon voyage la Grèce me blesse
À Mycènes j'ai soulevé les grandes pierres et les trésors des Atrides j'ai dormi à leurs côtés à l'hôtel de "La Belle Hélène" ils ne disparurent qu'à l'aube lorsque chanta Cassandre un coq suspendu à sa gorge noire Où que me porte mon voyage la Grèce me blesse
À Spetsai, à Poros et à Mykonos les barcaroles m'ont soulevé le coeur
Où que me porte mon voyage la Grèce me blesse Que veulent donc ceux qui se croient à Athènes ou au Pirée l'un vient de Salamine et demande à l'autre s’il "ne viendrait pas de la place Omonia" "non, je viens de la place Syndagma" répond-il satisfait "j'ai rencontré Yannis et il m'a payé une glace Pendant ce temps la Grèce voyage et nous n'en savons rien nous ne savons pas que tous nous sommes marins sans emploi et nous ne savons pas combien le port est amer quand tous les bateaux sont partis Où que me porte mon voyage la Grèce me blesse
Drôles de gens ils se croient en Attique et ne sont nulle part ils achètent des dragées pour se marier et il se font photographier l'homme que j'ai vu aujourd'hui assis devant un fond de pigeons et de fleurs laissait la main du vieux photographe lui lisser les rides creusées de son visage par les oiseaux du ciel Où que me porte mon voyage la Grèce me blesse
Pendant ce temps la Grèce voyage voyage toujours et si la mer Egée se fleurit de cadavres ce sont les corps de ceux qui voulurent rattraper à la nage le grand navire Où que me porte mon voyage la Grèce me blesse
Le Pirée s'obscurcit les bateaux sifflent ils sifflent sans arrêt mais sur le quai nul cabestan ne bouge nulle chaîne mouillée n'a scintillé dans l'ultime éclat du soleil qui décline Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse
Rideaux de montagnes archipels granites dénudés le bateau qui s'avance s'appelle Agonie...
Georges Seferis Traduction de Jacques Lacarrière et Egérie Mavraki