Cher Jacques Lambert: il y a très longtemps que l'on ne s'est plus rencontrés. Je possède un très bon souvenir de nos échanges. Si vous avez des difficultés techniques sur le réseau, je suis tout à fait disposé à ce que nous nous rencontrions une nouvelle fois pour vous aider à ce sujet. Faites-moi savoir par courrier interne, si vous êtes disposé pour ce faire
L'écriture littéraire, contrairement à l'écriture filmique qui aime la confrontation d'idées et le brain storming, exige, quant à elle, le retrait, la mise en solitude, la mise à l'écart de soi. On met bas à l'abri des regards. Pensez donc ! Et si c'était d'un avorton qu'on accouchait, d'une chose molle à peine ramassée, d'un vilain petit mollusque non viable, d'une écœurante perte blanche. Oh, la honte !…
Au risque de révéler à tous une possible incompétence dans l'art de maîtriser ce travail d'écriture résolument nouveau pour moi, il me faudrait même doublement travailler seul.
C'est donc ce que j'ai fait durant six ans, rassemblant des centaines, voire des milliers de notes d'époque, revivant en pensée plein de vécus drôles ou navrants, aboutissant plusieurs fois à de la matière prématurée qu'il convenait de modeler et remodeler sans cesse, de mettre en couveuse, précieusement, et sous monitoring, et à laquelle il fallait encore et toujours insuffler de la vie. Jusqu'au jour où…
Le livre avait fini par exister. Imaginez la joie, le déluge de joie, le tsunami de joie…
L'ennui, c'est qu'aucun éditeur n'en voulait. Ces gens, c'est bien connu, et pour autant qu'ils puissent se vendre bien, ne veulent que des chefs-d'œuvre s'inscrivant dans cette stricte ligne éditoriale connue d'eux seuls. Et sans doute Yémen entre chiens et loups n'était-il pas un chef-d'œuvre. Loin de là même. J'en prenais à présent conscience: je venais de mettre au monde un S.D.F..
Ethiquement parlant, me restait donc à l'éditer moi-même.
Ensuite, la chose épuisée, à le rééditer.
_______________________
* Le titre du film "Je reviens du Yémen et t'en rapporte des nouvelles vraies" est calqué d'une sourate du Coran "Je reviens de Saba et t'en rapporte des nouvelles vraies".
** "Yemen entre chiens et loups".
Récit: Jacques Lambert.
60 photographies d'époque en n/b: Alain Saint-Hilaire et Alain Demarche.
428 pages.
ISBN 2-9600423-0-1
Voir site www.jacqueslambert.be.
Devant moi, se présentaient pourtant deux options principales et redoutables: soit je mettais en chantier un roman d'aventures extravagantes inscrites dans ce pays aux multiples beautés et que j'avais fini par bien connaître, soit j'écrivais le récit de cet apprentissage un peu terrifiant qu'avait constitué le tournage du film documentaire d'Alain. Dans le premier cas de figure, je pourrais mettre en branle mon imagination la plus débridée et m'en donnerais certainement à cœur joie, quitte à vivre aussi de grands moments de frustration lors d'inévitables collusions avec notre propre vécu. Dans le second cas, j'aurais la possibilité de partager, avec quantité de lecteurs potentiels, des moments de vie véritablement pétrifiants, mais avec un risque réel de dérapage vers une certaine forme de nombrilisme assez déplaisant.
C'est cette dernière option que je finis tout de même par choisir.
D'abord, cette expérience de vie valait, je crois bien, tous les scenarii les plus élaborés du monde. Et le lecteur pouvait toujours, si tel était son bon souhait, faire abstraction du fait que c'étaient là des aventures réellement vécues. Mais sans doute aussi cet ego "surdimensionné" qu'est censé posséder tout créateur artistique, quelle que soit la discipline abordée par lui, avait-il dû jouer sournoisement, dans ce choix, quelque petit rôle souterrain, incontrôlable et secrètement pernicieux.
Il n'empêche que je n'avais pas mesuré vraiment tout l'envers de la médaille qui, lui aussi, demeurait frustrant: je me condamnais à m'en tenir strictement à la réalité de faits et gestes au quotidien, à brider toute velléité d'imaginaire, à freiner des envies irrépressibles, à museler héroïquement certaines méninges rebelles…
Dans un précédent message adressé personnellement à M. Paul, j'avais promis de reparler du livre du Yémen. Promesse tenue. En présentant la "genèse" du récit.
Peu après le tournage de "Je reviens du Yémen et t'en rapporte des nouvelles vraies"*, Alain Saint-Hilaire, le réalisateur du film, m'avait suggéré l'idée toute simple d'écrire ensemble un scénario de long métrage ayant pour cadre les prestigieux décors du pays de la Reine de Saba. Ce serait, bien évidemment, un film truffé d'aventures plus extraordinaires les unes que les autres, une sorte de "Mille et une nuits" version occidentalisante. Eh oui, Pasolini n'avait qu'à bien se tenir!…
L'idée avait de quoi séduire. Mieux: faire planer. Et les possibilités offertes par ce Yémen s'avéraient immenses: casting exceptionnel quasi assuré, décors somptueux, architectures (d)étonnantes dans ces villages verticaux cisaillés de ruelles et escaliers vertigineux, atmosphères inquiétantes comme seuls peuvent en offrir des environnements dépassant, et de loin, l'échelle humaine…
Mais l'idée d'Alain Saint-Hilaire portait aussi en elle son germe de mort. Au vu, su et vécu de notre expérience commune de neuf mois, il m'apparut bien vite que les probabilités de pouvoir mener à terme la réalisation d'un tel film demeuraient quasi nulles. C'était investir dans l'utopie puissance infini. Si les producteurs font souvent preuve de folie, ils n'en sont pas pour autant suicidaires.
La suggestion me trotta dans la tête bien des années durant. Quelque chose d'obsessionnel qui avait d'ailleurs fini par me persécuter. Et peut-être étais-je déjà enceint de ce qui deviendrait "Yémen entre chiens et loups"** .
Si la réalisation d'un film tel que l'aurait souhaité Alain Saint-Hilaire me semblait mission impossible, l'écriture d'un livre d'aventures se déroulant au Yémen me paraissait, quant à elle, devenue parfaitement accessible et même immédiatement réalisable. Après tout ce temps, j'avais tout de même mûri!
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Cher Jacques Lambert: il y a très longtemps que l'on ne s'est plus rencontrés. Je possède un très bon souvenir de nos échanges. Si vous avez des difficultés techniques sur le réseau, je suis tout à fait disposé à ce que nous nous rencontrions une nouvelle fois pour vous aider à ce sujet. Faites-moi savoir par courrier interne, si vous êtes disposé pour ce faire
Il faut le dire. Beaucoup de messages expriment la même pensée. Si celle que j'exprime est reprise par d'autres, elle retiendra davantage l'attention.
Cordialement.
Barbara Flamand
Hommage à Emile Kesteman Partie III http://ning.it/AaCfuT
Au risque de révéler à tous une possible incompétence dans l'art de maîtriser ce travail d'écriture résolument nouveau pour moi, il me faudrait même doublement travailler seul.
C'est donc ce que j'ai fait durant six ans, rassemblant des centaines, voire des milliers de notes d'époque, revivant en pensée plein de vécus drôles ou navrants, aboutissant plusieurs fois à de la matière prématurée qu'il convenait de modeler et remodeler sans cesse, de mettre en couveuse, précieusement, et sous monitoring, et à laquelle il fallait encore et toujours insuffler de la vie. Jusqu'au jour où…
Le livre avait fini par exister. Imaginez la joie, le déluge de joie, le tsunami de joie…
L'ennui, c'est qu'aucun éditeur n'en voulait. Ces gens, c'est bien connu, et pour autant qu'ils puissent se vendre bien, ne veulent que des chefs-d'œuvre s'inscrivant dans cette stricte ligne éditoriale connue d'eux seuls. Et sans doute Yémen entre chiens et loups n'était-il pas un chef-d'œuvre. Loin de là même. J'en prenais à présent conscience: je venais de mettre au monde un S.D.F..
Ethiquement parlant, me restait donc à l'éditer moi-même.
Ensuite, la chose épuisée, à le rééditer.
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* Le titre du film "Je reviens du Yémen et t'en rapporte des nouvelles vraies" est calqué d'une sourate du Coran "Je reviens de Saba et t'en rapporte des nouvelles vraies".
** "Yemen entre chiens et loups".
Récit: Jacques Lambert.
60 photographies d'époque en n/b: Alain Saint-Hilaire et Alain Demarche.
428 pages.
ISBN 2-9600423-0-1
Voir site www.jacqueslambert.be.
C'est cette dernière option que je finis tout de même par choisir.
D'abord, cette expérience de vie valait, je crois bien, tous les scenarii les plus élaborés du monde. Et le lecteur pouvait toujours, si tel était son bon souhait, faire abstraction du fait que c'étaient là des aventures réellement vécues. Mais sans doute aussi cet ego "surdimensionné" qu'est censé posséder tout créateur artistique, quelle que soit la discipline abordée par lui, avait-il dû jouer sournoisement, dans ce choix, quelque petit rôle souterrain, incontrôlable et secrètement pernicieux.
Il n'empêche que je n'avais pas mesuré vraiment tout l'envers de la médaille qui, lui aussi, demeurait frustrant: je me condamnais à m'en tenir strictement à la réalité de faits et gestes au quotidien, à brider toute velléité d'imaginaire, à freiner des envies irrépressibles, à museler héroïquement certaines méninges rebelles…
Peu après le tournage de "Je reviens du Yémen et t'en rapporte des nouvelles vraies"*, Alain Saint-Hilaire, le réalisateur du film, m'avait suggéré l'idée toute simple d'écrire ensemble un scénario de long métrage ayant pour cadre les prestigieux décors du pays de la Reine de Saba. Ce serait, bien évidemment, un film truffé d'aventures plus extraordinaires les unes que les autres, une sorte de "Mille et une nuits" version occidentalisante. Eh oui, Pasolini n'avait qu'à bien se tenir!…
L'idée avait de quoi séduire. Mieux: faire planer. Et les possibilités offertes par ce Yémen s'avéraient immenses: casting exceptionnel quasi assuré, décors somptueux, architectures (d)étonnantes dans ces villages verticaux cisaillés de ruelles et escaliers vertigineux, atmosphères inquiétantes comme seuls peuvent en offrir des environnements dépassant, et de loin, l'échelle humaine…
Mais l'idée d'Alain Saint-Hilaire portait aussi en elle son germe de mort. Au vu, su et vécu de notre expérience commune de neuf mois, il m'apparut bien vite que les probabilités de pouvoir mener à terme la réalisation d'un tel film demeuraient quasi nulles. C'était investir dans l'utopie puissance infini. Si les producteurs font souvent preuve de folie, ils n'en sont pas pour autant suicidaires.
La suggestion me trotta dans la tête bien des années durant. Quelque chose d'obsessionnel qui avait d'ailleurs fini par me persécuter. Et peut-être étais-je déjà enceint de ce qui deviendrait "Yémen entre chiens et loups"** .
Si la réalisation d'un film tel que l'aurait souhaité Alain Saint-Hilaire me semblait mission impossible, l'écriture d'un livre d'aventures se déroulant au Yémen me paraissait, quant à elle, devenue parfaitement accessible et même immédiatement réalisable. Après tout ce temps, j'avais tout de même mûri!