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                        L’AUTOPORTRAIT PAR LE BIAIS DU SUJET : L’ŒUVRE D’ANIK BOTTICHIO

Du 01-08 au 30-09-18, l’ESPACE ART GALLERY (83 Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) vous a présenté une exposition dédiée à l’artiste peintre française Madame ANIK BOTTICHIO, intitulée FILIGRANE.

La question que nous pose FILIGRANE se résume à ce qu’est, en définitive, un sujet. Sans nul doute, il s’agit ici de la FEMME. Une Femme déclinée en plusieurs fractions psychologiques, traduites dans une série de poses, conçues dans une intimité à chaque fois renouvelée, qui s’affirme dans plusieurs étapes de sa vie : de l’enfance en passant pas l’adolescence pour terminer à l’âge adulte. Ses étapes, ou pour mieux dire, ses états d’âme, se muent en une série d’interrogations exprimées dans une série d’attitudes, lesquelles prennent pour cible des personnages ayant marqué l’Histoire de l’art, tels que Frida Khalo.

Cette série d’interrogations, plastiquement soulignées par un chromatisme généralement sombre, nous présente un visage féminin campé de profil, à la blancheur immaculée.

NOUS (120 x 90 cm-acrylique sur toile).

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Cette œuvre a quelque chose de sculptural, en ce sens que jaillissant de la robe tout de noir conçue et surplombée d’une coiffure dont la couleur brune épouse celle du vêtement, la blancheur carrément translucide du cou, issue d’une échancrure laissant deviner une partie du tronc aboutit sur un visage à la lucidité désarmante. L’œuvre est parsemée, sur la gauche (par rapport au visiteur) par un ensemble calligraphique en évanescence. Sur la droite de la composition, apparaît le visage furtif d’un homme à peine ébauché. Il fait office d’apparition. Sa position face à celui de la femme laisse penser à un rapport étroit, soit terminé, soit amorcé. L’idée du baiser, à venir ou passé, affleure l’imaginaire du visiteur. La conception de la composition est tout simplement magistrale : une zone rouge au centre de la toile, délimite deux cadres – un cadre extérieur et un cadre intérieur. La zone rouge se trouve en fait à l’intérieur, laquelle forme un deuxième cadre. Le visage de l’homme, à peine esquissé, se trouve à l’intérieur de ce cadre. Celui de la femme irradiant l’espace domine la zone extérieure. Tout en étant rapprochés, ils appartiennent à deux univers différents.

Le visage de la femme est souligné par un trait fortement prononcé pour bien en faire ressortir le volume.

UNE ROUTE ENFIN DEGAGEE (120 x 60 cm-collage et acrylique sur toile)

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Ici encore le sujet se démultiplie en une seule image : la petite fille qui regarde le ballon s’envoler, la position de son corps traduisant l’attente de quelque chose. Le titre d’un journal sur ce qui peut être une palissade : « Rêvons ». Enfin, la couleur blafarde, évoquée par un blanc laiteux à outrance, traduisant par sa consistance, la symbolique de l’innocence.

Ayant pour sujet la profondeur du Moi dans tous ses abîmes, la symbolique tient dans l’œuvre de l’artiste une place capitale. Une de ces images symboliques est celle du carré. Plus exactement, le carré dans le carré. Il est semblable à un jeu de poupées russes, l’une emboîtée dans l’autre, jusqu’à atteindre le tréfonds (si tréfonds il y a!) de l’âme de l’artiste. Le carré dans sa valeur symbolique se retrouve constamment imprimé vers le bas des toiles. Soit il recouvre la forme de six petits cubes (à l’instar de NOUS, cité plus haut), associés à la signature (trois fois gravée verticalement) de l’artiste : le logo se trouvant dans chaque carré. 

LES AUTRES (120 x 90 cm-acrylique sur toile)

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évoque une fois encore un discours similaire. Un personnage féminin délimité par deux espaces, enjolivés par un subtil jeu de perspective à peine visible, lequel est placé à gauche de ¾ par rapport à celui de droite, conçu en plan. Celui-ci émerge de la zone rouge apparaissant déjà présente dans NOUS. Mais ici son rôle est plus puissant, en ce sens qu’étant enserré dans un demi carré de couleur blanc-cassé, délimitant l’espace vers la droite, le visage du personnage n’apparaît qu’à moitié. Ce qui donne le sentiment d’être en retrait par rapport à celui de gauche. Tous deux fixent le visiteur instaurant un dialogue intérieur. La femme de droite devient le double de celle de gauche. Elle la représente en tant que masque, assurant le rôle de la « Persona ». Remarquez la façon de mettre en valeur les visages : à l’instar de NOUS, un trait puissant en délimite les contours tandis que l’expression faciale émerge du chromatisme uniforme composant la coiffure ainsi que la robe : blanc pour le personnage de gauche, brun-foncé pour celui de droite. Bien que la dialectique ne soit pas la même, le visage scindé en son milieu du personnage de LES AUTRES répond en quelque sorte au visage de l’homme, à peine esquissé de UNE HISTOIRE SANS FIN (120 x 7O cm- collage et acrylique sur toile). Une calligraphie évanescente se superpose sur la toile.

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UNE HISTOIRE SANS FIN contient également une zone rouge comprise dans un carré de laquelle émerge la femme dont l’expression traduit une certaine inquiétude (position de la main droite devant la bouche). Le bras, légèrement avancé pour atteindre la bouche, n’existe que comme un jeu de propulsion du corps en tant qu’émergence de l’Etre vers la réalité sensible.

Son visage jaillit, si l’on ose dire, du « fait divers », puisque en tenant compte du titre inscrit sur le panel, il participe comme tout un chacun d’une histoire. La coupure de presse lui concède le passage vers la réalité immédiate. Tourné vers sa gauche, son visage évite pudiquement celui du visiteur.

C’TE VAS ? (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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demeure globalement sombre dans son chromatisme, à l’exception des quatre bagues, de la boucle d’oreille et des deux fermoirs fixant la chevelure : le turquoise, le bleu, le jaune et le rouge sont esquissés.

FRIDA (120 x 70 cm-acrylique sur toile)

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par contre, laisse littéralement exploser la couleur, renouant avec la psychologie de Frida Kahlo. Particulièrement lorsque l’artiste fait pousser des plantes à l’intérieur de son corps.

UNE ROUTE ENFIN DEGAGEE (cité plus haut) met avant tout sa technique en relief. Elle se définit à la fois par le collage, l’acrylique et l’huile. Sa peinture est avant tout très diluée. Elle frotte énormément sur la toile avec toutes sortes de brosses pour rendre la forme la plus lisse possible. Comme elle dit d’emblée, sa technique s’applique à fuir la ligne car elle s’évertue à fuir l’académisme. Néanmoins, elle y revient car en le fuyant, elle ne reconnaît plus son travail. L’académisme devient dès lors un référent à son écriture picturale.

La Femme, comme vous l’aurez remarqué, est le véritable sujet de son œuvre. L’Homme est très peu présent. Sans doute n’est-il là que pour la mettre en exergue. Ce furent ses états d’âmes qui ont motivé sa production car il faut, aux dires de l’artiste, considérer son œuvre comme un ensemble d’autoportraits soulignant diverses étapes de sa vie. Cette mise en scène est précisée par un cadrage extrêmement rigoureux, lequel contient, délimite et structure la composition. Le titre de l’exposition, FILIGRANE, souligne la transparence ainsi que la profondeur qu’exige la prise de conscience exprimée par tout véritable autoportrait. Un élément ne manquera pas d’interpeller le visiteur, à savoir la présence d’une calligraphie qui refuse de se laisser lire, n’entraînant ainsi aucune interprétation. Les carrés sont (comme nous l’avons spécifié plus haut) sa signature en forme de logo. 

ANIK BOTTICHIO a suivi une formation académique à Nancy et à Metz. Outre sa trajectoire artistique, elle pratique également l’art-thérapie en milieu hospitalier. Et lorsqu’on lui demande si l’art, en lui-même, n’est pas une forme de thérapie, elle répond par la négative, en affirmant qu’il faut un tiers pour être à l’écoute de la souffrance. Que le simple contact avec l’œuvre d’art n’apporte rien en matière de résilience. La création devient alors un exutoire permettant à l’artiste de redimensionner la souffrance vécue par l’intermédiaire du sujet.

Germain Bazin disait à très juste titre que le précurseur de l’autoportrait est Rembrandt car la suite de visages qu’il exposait de lui-même mettait sa conscience à nu, à la fois pour lui-même et pour le regardant en qui l’acte d’introspection rejaillit à l’intérieur de sa propre conscience. Faut-il, dès lors, s‘étonner de voir Frida Kahlo représentée? Elle personnifie à la fois la souffrance ainsi que l’émergence de la révolte face à l’inéluctable. Le refus de capituler face à sa condition de femme castée à la fois par le handicap physique ainsi que par les conventions d’une société mexicaine conservatrice peu enclin à accepter sa liberté assumée, exprimée par son homosexualité. Son corps à l’intérieur duquel naissent des fleurs est une évocation de sa volonté de renaissance. Thématique qu’elle utilisa bien souvent tout au long de sa trajectoire créatrice. 

L’artiste n’en finit pas de nous interpeller au travers de ses visages féminins en attente de sortir enfin de leur ombre blanche et froide. Derrière le « sujet » il y a ANIK BOTTICHIO qui, par de-là la condition humaine, se fait l’étendard de l’universalité de la condition souffrante.

Acte courageux et diaphane qu’exprime la translucidité de chaque visage féminin à la souffrance interrogative.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" ©  2019 Robert Paul

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

                                                        

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Anik Bottichio et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de ANIK BOTTICHIO à l'ESPACE ART GALLERY 

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                ABSTRACTION LYRIQUE - IMAGE PROPHETIQUE : L’ART DE KEO MERLIER-HAIM

Du 04-05 au 03-06-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à l’artiste-peintre française, Madame KEO MERLIER-HAIM, intitulée LES LUMIERES DE L’AME.

Le propre de l’abstraction lyrique c’est qu’elle peut prendre bien des aspects. Elle se définit, néanmoins, par cette éclosion de couleurs chatoyantes aboutissant à cette forme que l’on définit « abstraite ».

L’abstraction de KEO MERLIER-HAIM a ceci de particulier qu’elle ne laisse rien transparaître au premier contact. Il ne s’agit pas pour autant d’une peinture à l’approche « difficile ». Néanmoins, elle laisse de prime abord un goût « hermétique ». Peut-être parce que la plupart des œuvres exposées partent d’un arrière-plan noir duquel émergent les couleurs extrêmement vives, à certains moments aveuglantes, pour les faire ressortir de la manière la plus abstraitement fauviste possible. Les couleurs semblent, à première vue, se bousculer, devenir chaotiques. Mais ce n’est qu’une impression que le visiteur dépasse aussitôt, une fois qu’il immerge son regard à l’intérieur de la toile. Ce sentiment de chaos est rapidement dépassé lorsqu’on s’aperçoit qu’en réalité, chaque élément chromatique s’enserre dans la zone qui lui est destiné.

Partons de CLAUSE SUSPENSIVE Les couleurs émergent d’un arrière-plan noir intense, interrompu de violet et de mauve en son centre. De la partie supérieure gauche tourbillonne un halot doré. Cette particularité à part, tout est en quelque sorte, mathématique en ce sens qu’il permet une lecture à partir de l’avant-plan vers le bas : trois zones chromatiques se définissent, annonçant une quatrième recouvrant la majorité de l’espace. Une première zone dominée par le violet amène, tel un premier gradin, le regard vers le haut, suivie d’une deuxième zone jaune-or. Celle-ci annonce un troisième espace dominé par le rouge vif. A’ partir de cette étape, une quatrième zone chromatique monopolise l’espace par le noir. L’on a le sentiment que ces quatre strates représentent des étapes, des moments de conscience mûrement réfléchis sur la toile. Tout créateur porte en lui sa mythologie personnelle.    

 CLAUSE SUSPENSIVE (89 x 116 cm-huile sur toile de coton)       

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Nous ne faisons que créer à partir de notre propre mythologie. Le discours qui sous-tend l’œuvre de cette artiste est empreint de ce qui concrétise et anime son for intérieur.

Dans cette œuvre se dessine, à l’arrière-plan du visible, un désir d’encouragent, compris comme une adjonction au dépassement de soi. 

FRACTION DE SECONDE  est la seule œuvre exposée à se définir à travers une véritable géométrie.

FRACTION DE SECONDE (80 x 116 cm-huile sur toile de" coton)

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Un triptyque en un seul plan décompose trois zones. Chacune d’elles définit deux couleurs : bleu-vert pour la partie droite. Rouge-vert  pour la gauche.

Le centre réunit une ramification de tonalités essentiellement composée de vert-clair, de blanc vaporeux, de mauve-clair sur le haut comme sur le bas, l’un répondant à l’autre. Le tout étant structuré par un cercle projeté depuis l’avant-plan noir, lequel est divisé par deux barres noires dans sa partie médiane. Si une impression de chaos submerge CLAUSE SUSPENSIVE (cité plus haut) un sentiment de rationalité dicté par la matérialité sauvage de l’œuvre envahit FRACTION DE SECONDE. Le titre, très explicite, appuie picturalement la scansion du temps. Il est d’ailleurs rarissime qu’une œuvre picturale déconstruise le temps d’une façon aussi chirurgicale. Les trois espaces sont scindés sur des proportions exactes. L’on pourrait carrément évoquer une œuvre musicale.

TRIOMPHER DU SCHEMA (116 x 89 cm-huile sur toile de coton) 12273295660?profile=original

nous propose le même discours, à un point tel que nous pourrions parler d’une œuvre architecturale, en ce sens qu’à partir d’une progression par le bas, à l’avant-plan, l’ensemble s’étale progressivement vers le haut. A’ partir d’une zone à dominante verte, en bas à l’avant-plan, des ramifications  éparses conçues sur le jaune donnent le sentiment de se trouver face à trois terrasses savamment reliées par ces mêmes ramifications. Il y a une sorte d’atmosphère « champêtre » évoquant le souvenir d’une « agriculture en terrasses », au-dessus de laquelle s’étale un jeu de formes jaunes, rouges (en dégradés) entrelacées de reliefs bruns, appuyés par un trait noir, suivis d’un vaste espace bleu confinant vers le haut. Ces ramifications sont comme des ancres qui nous retiennent à notre humanité. Sur cette même partie supérieure se trouvent des ramifications bleues répondant aux ramifications jaunes de l’avant-plan, situées vers le bas. L’œuvre est également propulsée vers le regard du visiteur à partir d’un arrière-plan noir. L’artiste l’a conçue sur le principe de l’encouragement, en ce sens qu’elle incite à n’être autre que nous-mêmes dans notre parcours à la fois humain et créateur.   

 Avec FULGURANCE DU VERRE (100 x 81 cm-huile sur toile de coton) 12273296077?profile=original

nous sortons du schéma que nous propose l’artiste pour aboutir vers un univers feutré, dominé par le blanc diaphane, entrecoupé de jaune-clair à partir duquel se propulse la forme. Cette forme se déploie à partir d’un trait noir intense, partant de la droite, en haut et descendant abruptement vers le bas. A’ partir de ce trait, se développe une forme de « végétation » fouillée. Nous nous trouvons ici au cœur de l’abstraction lyrique « classique », en ce sens qu’une certaine douceur domine la composition et qu’une idée de forme culturellement « connue » surnage au milieu de l’espace pictural. Ce n’est pas involontaire si nous parlons de « végétation » car cette forme sortie de l’inconscient nous ramène à l’idée de l’arbre. A’ tel point qu’il serait légitime de se demander si l’œuvre n’aurait pas été mal accrochée aux cimaises : on voudrait presque la redresser! Sortie tout autant que les autres de sa mythologie personnelle, elle joue avec l’espace à l’intérieur d’un dialogue qui touche à la maladie. Car l’artiste représente ici la pathologie se profilant vers le haut tout en descendant vers le terrain de la guérison symbolisé par l’espace blanc-diaphane purifiant, en quelque sorte, l’espace.

 QUE LE VENT L’EMPORTE (81 x 100 cm-huile sur toile de coton). 12273295893?profile=original

Comme pour FRACTION DE SECONDE (cité plus haut), définissant picturalement le temps, le vent, pris comme personnage dans son individualité, est très rarement représenté plastiquement. Il sert souvent d’alibi pour illustrer le mouvement conséquent d’une tempête. Le temps et le vent expriment ici deux manières de saisir l’intangible : une fois de façon mathématique et rationnelle avec FRACTION DE SECONDE, ensuite de façon furtive et sauvage avec QUE LE VENT L’EMPORTE. La manière d’aborder la thématique consiste à épouser la nature du sujet. L’artiste épouse la mathématique du temps ainsi que l’intangibilité du vent. Un splendide ballet fait de brun (en dégradés) et de blanc fouette l’espace, entrainant dans cette collusion chromatique le mouvement nécessaire à la dynamique voulue pour créer l’idée projetée dans la forme du tourbillon.

 AINSI FUT FAIT (116 x 89 cm-huile sur toile de lin).

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Le titre est incontestablement d’inspiration biblique. L’œuvre se dessine par le bas à partir d’une note bleu (en dégradés) s’élevant vers le haut.

Au fur et à mesure que l’ascension s’amorce, le chromatisme s’intensifie, tout en laissant apparaître un faisceau blanc partant également du bas. Une fois rejoint la crête de la vague, celui-ci coïncide avec la trouée exposant le ciel. La vague atteint son sommet et à ce moment là, toutes les interprétations sont permises. Soit elle se referme sur elle-même, engloutissant tout ce qui lui est en-dessous. Soit elle s’ouvre pour révéler la lumière du ciel. La consonance biblique se réalise non seulement par le titre mais aussi par l’évocation d’un sujet biblique. En effet, interprétée de la sorte, comment une œuvre pareille peut ne pas évoquer l’épisode-clé de l’Exode au cours duquel l’armée de Pharaon est décimée par la mer? Et comment, cinématographiquement parlant, ne pas évoquer les deux versions des DIX COMMANDEMENTS de Cecil B. de Mille?  Cette séquence cinématographique représente la thématique de l’espoir, ainsi que l’artiste la reprend dans son écriture picturale.

KEO MERLIER-HAIM s’intéresse d’ailleurs beaucoup à l’histoire des Religions. QUE LE VENT L’EMPORTE, comme nous l’avons souligné plus haut, traduit également des réminiscences bibliques, ne fût-ce que par son titre.

En effet, comment ne pas penser à l’Ecclésiaste 1 :14, au cours duquel Salomon s’abandonne à cette célèbre méditation : « J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil et voici, tout est vanité et poursuite du vent ».  L’artiste a configuré cette œuvre dans le cadre de l’espoir. Si le vent efface le sable pour nous offrir une rémission, alors que le vent l’emporte… 

Le titre de l’exposition est, comme nous l’avons précisé, LES LUMIERES DE L’AME. KEO MERLIER-HAIM a voulu mettre en exergue la puissance de la lumière conçue comme le vecteur qui transcende le tréfonds de notre intériorité. En effet, la lumière joue le rôle principal dans l’œuvre de l’artiste.  Une question peut être posée, à savoir la lumière est-elle une matière à l’instar du vent et du temps? L’atteignons-nous de plein fouet ou tout comme ce que nous appelons « la vérité », il nous faut obligatoirement la contourner pour pouvoir l’atteindre? L’artiste commence sa quête devant la toile blanche en se demandant de quoi elle va, comme elle le dit, « parler ».

Sans aucune idée préconçue, elle attend que l’émotion la submerge pour l’exprimer sur la toile à partir de trois phases : un début, un milieu et une fin. Verbe, sujet, complément articulent le « parler » du discours pictural.

Le voyage créateur débute par la pensée et se termine par la main. Les titres de ses tableaux ont un rapport étroit avec le message exprimé. Comme elle l’avoue d’entrée de jeu, son art est intellectuel.

Elle n’est pas instinctive dans son travail. Son émotion, car émotion il y a, est immédiatement mise en forme. Ce qui relance l’œuvre engagée dans une sphère largement poétique. Cela se constate dans son approche du lyrisme : à la question de savoir si son écriture picturale est plus abstraite ou lyrique, elle répond d’emblée, plus abstraite car elle cherche à donner corps à une idée. Néanmoins, la dimension poétique transparaît lorsqu’elle affirme que c’est avant tout l’imaginaire qui la guide. La toile blanche lui donne la possibilité de saisir l’espace, en ce sens qu’elle cherche la meilleure façon de cadrer tel sujet intellectuel en fonction de ce qu’elle doit raconter. Comme nous l’avons spécifié plus haut, elle n’est pas une instinctive car elle réfléchit beaucoup avant de risquer le premier coup de pinceau. Son œuvre est avant tout un travail sur l’émotion. Un travail essentiellement poétique lequel se garde de rationaliser l’humain.

KEO MERLIER-HAIM qui peint depuis une dizaine d’années, a débuté par le figuratif mais l’a rapidement déserté pour l’abstrait en raison de la liberté qu’il offre. Autodidacte, sa technique de prédilection est l’huile sur toile de lin. Ses influences embrassent une palette de styles. L’impressionnisme de Cézanne la fascine et cela se remarque dans le traitement fauviste des couleurs que nous évoquions plus haut. Mais elle est également fascinée par le lyrisme du peintre franco-chinois Zao Wou Ki, dont on comprend que le chromatisme ainsi que la l’esthétique l’aient particulièrement influencée. Néanmoins, son activité créatrice ne se limite pas à la peinture. En effet, elle travaille aussi dans la sphère théâtrale en tant que metteur en scène en plus d’une activité d’écrivain.  

KEO MERLIER-HAIM nous offre un lyrisme prophétique dont l’abstraction nous incite à la connaissance et au dépassement de nous-mêmes, image sine qua non à la condition humaine.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2017 Robert Paul

 

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Kéo Merlier-Haïm et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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Photos de l'exposition de Keo Merlier-Haïm à l'ESPACE ART GALLERY

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                                        DE L’ABSTRACTION DES CORPS : L’ART DE DEJAN ELEZOVIC

Du 08-06 au 30-06-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous proposer une exposition dédiée à l’œuvre du sculpteur suisse, Monsieur DEJAN ELEZOVIC intitulée LA PORTE DU REVE.

Il y a des moments où, une fois entré dans la dimension onirique, l’ « abstraction » (faute de la définir autrement) se dilate en un ensemble de formes que seul le rêve, en tant que véhicule vers une dimension transcendantale, se risque dans une interprétation subjective. Et cela rejoint l’objectif de la sculpture moderne naissante des années ’20.

Des artistes tels que Brancusi se livrèrent à ce travail de mise en parallèle entre formes issues du vocabulaire culturel et onirisme. Il est merveilleux de constater qu’à partir de formes échappées du classique, les œuvres se sont dirigées vers une élongation, pour ne pas dire un étirement à outrance, conduisant à des résultats à première vue non aboutis, parce qu’aux antipodes de ce qui était considéré comme « connu » par une société bourgeoise engoncée dans un conformisme qualifié de révolu par l’avant-garde et fuyant les mutations de toutes sortes, en particulier le changement d’elle-même. Mais ce qui était « connu » et considéré comme définitif était, en dernière analyse, le corps humain restitué dans les proportions établies par le classicisme gréco-romain. Dès lors, l’apparition de l’abstraction en matière de sculpture au début du 20ème siècle, va bouleverser la perception totale de l’œuvre sculptée. Il en va de même pour la peinture sauf que la sculpture va carrément s’introduire dans la pierre, en débusquer toutes ses caractéristiques minéralogiques pour mieux les soumettre aux impératifs techniques et symboliques de la création. L’abstraction appliquée au corps humain brisera à tout jamais l’illusion de la connaissance dans la représentation du corps, à partir d’une rupture sémantique.   

DEJAN ELEZOVIC nous rappelle que son œuvre « contemporaine » par la date, participe de la philosophie du début du siècle dernier. Il nous offre des pièces sur bois qui adoptent souvent des torsions du buste, à la base « classique », pour se perdre dans les méandres que seul le rêve peut à la fois animer, interpréter et prolonger. Dire que l’essentiel de son œuvre est constitué de « pleins » et de « vides » résulterait à s’engouffrer dans la banalité. Mais à y regarder de près, ces pleins et ces vides, constitués de courbes et d’évidements, évoquent une nostalgie de la figure humaine transcendée par une esthétique à l’écoute de l’art moderne.

Ne perdons jamais de vue qu’en matière de sculpture, le mouvement se produit par la rotation du visiteur autour de l’œuvre. SOUVENIR présente deux surfaces enflées : la première dans le bas, l’autre dans le haut de la pièce. Au milieu de celle-ci, une surface évidée unit les deux parties.

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Est-ce l’évocation d’un buste? Est-ce simplement un travail sur la forme? Néanmoins, LE DISCOBOLE de Myron (5ème s. avant J.C.) n’est-il pas, lui aussi, un travail sur la forme à partir du corps? Myron reprend une forme connue, l’image de laquelle nous sommes issus : le corps humain. Le corps humain aux prises avec une action socialement connue : celle de lancer un disque, dont l’issue aura des connotations religieuses donc politiques.  

DEJAN ELEZOVIC évoque une idée traduite dans une langue onirique laquelle demande une interprétation plastique subjective, à la fois de la part de l’artiste comme du visiteur. Cela dit, la dialectique demeure la même, en ce sens que derrière le DISCOBOLE s’abrite une idée, non seulement physique du corps mais aussi psychique de ce dernier.

Un parallèle intellectuel (même idéalisé) entre beauté extérieure (le corps) et beauté intérieure (l’Etre). L’artiste, lui, émet un parallèle unissant le corps dans son idée avec la Nature dans sa totalité sensible en se focalisant sur les propriétés spécifiques du bois qu’il traite. Car, délaissant la pierre qu’il trouve moins vivante, il donne la priorité au bois qui, par ses anneaux séculaires, porte en lui la trace visible du temps.

L’OISEAU PENSIF nous ramène à une réalité transcendée. Le discours esthétique demeure le même : deux formes de dimensions opposées, une grande vers le bas signifiant le corps, une autre plus petite signifiant la tête, composant non pas l’oiseau mais bien l’idée de l’oiseau. Un savant jeu de torsions fait que la tête du volatile est tournée à la fois sur sa droite (vue de derrière) et sur sa gauche (vue de devant). La patine joue un rôle primordial dans l’élaboration de la forme en faisant coïncider l’avant du bec avec (dans le bas) la proéminence du ventre de l’oiseau.

      L'OISEAU PENSIF

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COLOMBE DE LA PAIX. L’œuvre a ceci de commun avec L’OISEAU PENSIF (cité plus haut), à savoir qu’elle est associée au piédestal (également de bois) qui la soutient, prenant la forme d’un tronc fendu sur ses deux côtés en son milieu. Ces deux pièces expriment la démarche créatrice de l’artiste : sa prédilection pour le bois par rapport à la pierre (signalée plus haut), le conduisant à créer un assemblage d’images mentales par le biais de la matière. L’oiseau, qu’il soit colombe, perroquet ou moineau, participe comme le bois de la Nature. Posé sur le bois du piédestal, il symbolise l’union entre l’arbre et le volatile. L’un participant de l’autre. Si le piédestal portant la colombe demeure simple, celui de l’OISEAU PENSIF est conçu de façon complexe. Scié en son milieu, une structure cubique en plomb sépare le volatile de son tronc.

      COLOMBE DE LA PAIX

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Cette structure se prolonge dans la fente provoquée par la scie jusqu’à se prolonger vers le bas. La couleur cendre de la structure en plomb résulte du ponçage ainsi que de l’effet de l’air sur la pièce polie.

ELLE DORT présente à l’instar de SOUVENIR (cité plus haut) une forme languissante, abandonnée au sommeil. Sont-ce des jambes?  La partie arrière d’un torse touchant le coccyx? Le haut de la pièce présente un plan incliné, lequel renverse son rythme pour lui accorder une sorte de balancement, accentué d’angles en pointes, vers le bas et vers le haut, comme pour souligner une forme vivante affaissée par le poids du sommeil. La coloration du bois révèle, dans sa partie gauche (par rapport au visiteur) l’éveil d’une sensualité.

      ELLE DORT 

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GARDIENS DU REVE Cette piève unique est sans doute la quintessence de l’exposition car elle allie ce qui confère l’âme de la sculpture moderne occidentale, héritée des arts dits « primitifs », à savoir l’interaction vitale entre pleins et vides. Les vides épousant les pleins dans leur intériorité, ceux –ci se multiplient à l’extérieur par des excroissances rappelant les membres, à la fois osseux et musclés d’un corps humain. Remarquez cette dichotomie ressentie entre l’extrastructure et l’intrastructure de la pièce, accentuée par la patine noire qui recouvre l’intérieur de la sculpture. Cette partie intérieure se différenciant de l’extérieure sert d’ouverture béante -« un ventre »- autour duquel s’organise ce qui sera la forme : un ensemble architectural unissant intérieur et extérieur dans un tout formel. L’ouverture en son milieu n’existe que pour dévoiler les mécanismes internes d’une gestation.

      GARDIENS DU REVE

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REVE est la seule pièce de l’exposition qui ne soit pas en bois mais en albâtre, un minéral extrêmement malléable. Sa blancheur irradiante, sa dimension diaphane, offrent au visiteur l’occasion de « rêver », c'est-à-dire de fixer longuement un nuage jusqu’à ce que l’œil médusé s’abandonne à des aperceptions et prolonge son voyage onirique.

      REVE

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DEJAN ELEZOVIC, qui a fréquenté l’Académie de sculpture de Pristina, sculpte depuis plus de vingt ans. La sculpture a toujours été son moyen d’expression par excellence puisque étant enfant, il sculptait déjà lui-même ses jouets. Le bois est, par conséquent, un matériau sacré pour lui. Les matériaux usités sont principalement le saule, le tilleul, le cerisier et l’orme. Ses pièces ont une hauteur moyenne d’une trentaine de centimètres, à l’exception de GARDIENS DU REVE (cité plus haut) laquelle totalise environs une soixantaine de centimètres.  

Comme pour la pierre, il veut dévoiler la forme qu’elle cache. L’artiste voit dans son élongation la meilleure façon de présenter la noblesse du matériau.

Il y a dans sa façon de sculpter ce que l’on pourrait appeler la « nostalgie du corps humain », car soucieux d’impulser la vie, l’on trouve dans ses formes des parties non précisément anatomiques mais que l’imaginaire du visiteur peut interpréter comme telles. Il ne représente jamais la réalité mais s’en inspire par le rêve dans son rendu esthétique.

A’ ce titre, il coupe le bois sur sa longueur pour la dégager sur quatre pièces, toujours soudées, puis il tourne le rendu sur lequel sculpter et le lisse. Nous envisagions, plus haut, la dialectique du beau dans la Grèce antique. Cette dialectique passait de l’Agora à l’atelier du sculpteur. DEJAN ELEZOVIC entreprend un itinéraire différent mais qui l’amène au même résultat : il part de la forêt (la Nature) pour atteindre l’atelier. Evidemment, la présence de la Nature fait aussi partie de cette même dialectique dans la Grèce antique, puisque la pierre, en l’occurrence le marbre (particulièrement celui de Paros) participe également de la Nature. Cela dit, la suprématie de l’intellect sur la matière l’emporte sur le reste. Et c’est précisément contre cette suprématie de la matière l’emportant, notamment, sur les sens que la sculpture moderne du début du 20ème siècle s’est attaqué avec des sculpteurs tels que Brancusi (cité plus haut) et surtout Hans Arp que notre artiste a beaucoup étudié au point d’en subir son influence. Aujourd’hui, le combat est gagné, ce qui a permis à des artistes tels que DEJAN ELEZOVIC de tourner leur interrogations vers la Nature en accordant à la forme une dimension polymorphe. Le bois rejoint la pierre dans un retour vers une esthétique « moderne ».

Peut-il y avoir derrière cette sculpture une volonté de retourner vers un certain « classicisme moderne » ? Le titre choisi par l’artiste pour illustrer son exposition est LA PORTE DU REVE. Son acte créateur symbolise cette porte. Car le rêve (éveillé ou en phase paradoxale) est en lui-même une création puisqu’elle implique l’imaginaire et le vécu émotionnel de l’artiste (ou du rêveur). Et c’est par la grande porte que l’artiste nous invite à rejoindre son univers.

DEJAN ELEZOVIC part de la Nature pour y retourner dans une conception rêvée touchant souvent à l’abstrait pour en exulter le créé.   

François L. Speranza.

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A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Dejan Elezovic et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

R.P. 

 

                                                   

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N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul 

12273293856?profile=originallogo de l'artiste Dejan Elezovic

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L’ESPACE ART GALLERY, située désormais à la Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles, a inauguré du 04-O5 au 03-O6-18, sa première exposition intitulée TROPISME, consacrée au peintre français, Monsieur ARNAUD CACHART.

Ce qui dans l’œuvre d’ARNAUD CACHART frappe au premier contact, c’est la mise en scène d’une atmosphère « endiablée ». Une atmosphère endiablée, adoucie par la présence de la Femme, conçue comme le produit d’une nature mythifiée. A certains moments, le visiteur est saisi par la force de la représentation chorégraphique, mettant en scène la transe ou l’endormissement. Deux états, en apparence opposés, réfléchissant les deux états du récit mythologique soulignés par Nietzsche : le déchaînement dionysiaque suivi du repos apollinien. L’un procédant de l’autre dans l’accomplissement du geste créateur.

LES EPIGEES (DANSEUSES) (73 x 100 cm- huile sur toile de lin).

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Il y a une dimension bachique dans cette œuvre. Un feu dionysiaque anime la composition. Dans une série de contorsions  chorégraphiques, nous ressentons l’écho de la Grèce antique dans une transposition moderne faisant référence à l’adoration archaïque de l’Homme pour le cosmos. Adoration perdue que la musique et le théâtre associés ont retrouvé au début du 20ème siècle dans des œuvres telles que LE SACRE DU PRINTEMPS de Stravinski et Diaghilev. Cette œuvre se distingue par une série de contorsions chorégraphiques dont on retrouve l’écho dans la nervosité des drapés. Un trait culturel de l’art consiste à donner au vêtement une dimension sociale et morale. Dans cette œuvre, le vêtement au drapé torturé sert de miroir à la nudité psychique des corps.

PROMESSES NOCTURNES (50 x 100 cm-huile de lin sur toile)

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Ce même vêtement, ici lacéré, recouvre le visage des deux personnages féminins au centre de la toile et sur la gauche. La lacération du linceul témoigne du déchirement passionnel des personnages. Car la caractéristique majeure de l’œuvre de l’artiste est celle de traiter de l’aspect le plus symbolique du récit mythologique : celui des passions traduites dans l’image du divin aux prises avec le labyrinthe pulsionnel. A’ l’instar du théâtre et de la danse (ou pour mieux dire, la transe), la passion a pour effet d’étirer les corps, de les rendre convulsifs.  

Et surtout, comme en témoigne l’œuvre de l’artiste, de masquer les visages, soit en les enfouissant dans le sol, soit en les occultant par la chevelure en bataille, soit en les effaçant dans l’étoffe d’un voile.

Le repos apollinien trouve son expression dans LE PARADIS RETROUVE (106 x 89 cm-huile sur toile de lin)12273289452?profile=original

Les corps recroquevillés des deux personnages féminins à l’avant-plan, témoignent d’un intérêt certain pour la sculpture, considérée comme un instantané du mouvement saisi de la danse, centré dans les poses du repli et de l’étirement. Observez particulièrement le personnage de gauche : remarquez le repli des bras se terminant par les mains renfermées sur elles-mêmes, laissant entrevoir un espace comme couvé entre les doigts. Remarquez également la conception des jambes dont la gauche rejoint le bras gauche dans une symétrie parfaite. Notez la façon dont la tête, inclinée, est comprise entre l’omoplate et la terminaison des mains. Le personnage féminin de droite, toujours à l’avant-plan, témoigne du même intérêt pour la sculpture dans la mise en exergue des os structurant la colonne vertébrale. L’image de la Femme se confond avec celle de la nature dans un rapport mythologique avec la phase sacrificielle : tout contribue à célébrer la vie et la Femme en est l’Alpha et l’Omega. Mais autour d’elle, quelle explosion symphonique de couleurs! Orchestrées autour d’une dominante jaune vif, des notes à la fois vives et chaudes, telles que le rouge, le brun, le  bleu et le vert contrastent avec le noir, placé à des endroits stratégiques comme à la gauche de la toile, à partir du bas vers le haut. Le feu enflamme la toile. Il ne s’agit pas d’un feu destructeur mais bien d’un feu de vie, à l’intérieur duquel volent des oiseaux. Le feu est partout présent, engendré, notamment par des calices de fleurs expulsant des bougies allumées (avant-plan à droite). Par la présence de femmes, sur le plan moyen vers la droite, vêtues d’une robe dont les plis s’envolent telles les volutes d’un feu follet. Néanmoins, cette œuvre nous permet de comprendre qu’elle est avant tout celle d’un dessinateur. Un dessinateur pour qui le trait est capital pour circonscrire la matière une fois posée sur la toile. A’ titre d’exemple, l’œil nu peut encore percevoir le dessin sous-jacent qui dépasse très légèrement de la position actuelle vers le haut de la jambe gauche du personnage féminin recroquevillé, sur la gauche, à l’avant-plan.

Même si le dépassement du trait est à peine perceptible, cela offre une rare opportunité pour le visiteur de se rendre compte de son importance dans la conception et l’éclosion de la forme.

Cette curiosité s’observe également chez bien des maîtres de la peinture classique.

La couleur trouve son expression de la symbolique associée à l’image de la Femme. En l’occurrence, la couleur marron-ocre (brun rehaussé de rouge vif), créant la matière du sol terreux envahissant le corps de deux personnages féminins à l’avant-plan.

Dans bien des mythologies, la Femme est une terre parce qu’elle enfante. Ces deux personnages féminins semblent émerger de la terre nourricière. Sur la gauche, la divinité statufiée de Zeus assure la continuité mythologique de la scène. Au fur et à mesure que la communion mystique avec Zeus s’affirme, le chromatisme change. La lumière recouvre le corps du troisième personnage féminin agenouillé aux pieds du dieu. A’ un point tel que la blancheur, presque virginale, se marie avec celle baignant le torse de la divinité grecque. Remarquez la dextérité du dessin faisant partir la toge du dieu à partir des broussailles. Observez la haute qualité quant au traitement des plis typiques de la sculpture classique. A’ ce titre, la morphologie de la divinité traduit l’intérêt de l’artiste pour l’art grec revu par la Renaissance, car à y regarder de près, ce Zeus en majesté a des traits proches de ceux du MOISE de Michel-Ange (1513-1515), particulièrement dans le traitement laineux et touffu de la barbe.    

LES GEISHAS-LES RIVALES (73 x 92 cm-huile sur toile de lin12273289097?profile=original

apportent à cet ensemble toute la délicatesse orientale qu’exige la conception d’un visage asiatique dans sa sophistication. Notez l’expression lointaine des regards. Le personnage de gauche a les yeux mi-clos, tandis que celui de droite fixe un point indéfinissable. Jamais leur regard ne se croise. Intéressant est également le jeu des mains : une main saisit trois doigts de l’autre. Remarquez aussi le statisme des deux femmes : il y a manifestement occultation du sentiment dans le rendu à la fois psychologique et corporel. Mais comme le titre l’indique, ces femmes sont des rivales et ce calme apparent ne fait qu’annoncer la tempête.

Il serait inexact de parler de « deuxième écriture » car bien des détails sémantiques se retrouvent dans l’extension de cette œuvre, tels que le chromatisme.

Néanmoins, KALEIDOSCOPE PRIMITIF (89 x 116 cm-huile sur toile de lin)

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évoque un Eden qui se réfléchit de façon subconsciente dans l’image de cette femme mythologique qui depuis des millénaires structure le récit, à la fois onirique et littéraire. KALEIDOSCOPE traduit un art que les historiens qualifient erronément de « naïf ». Et cette appellation a subsisté, faute de mieux. Il n’y a rien de « naïf » à se projeter dans le temps de l’Eden. Car toute civilisation, aussi technologiquement développée soit-elle, a conçu un « Age d’or ». La preuve en est qu’elle ne manque jamais une occasion de s’y référer. Et ce, depuis le 18ème siècle, dans la création rousseauiste du mythe du « bon sauvage », mettant en exergue les tares inavouées de la civilisation occidentale, à l’aube de ce que sera ultérieurement la Révolution industrielle. Dans cette œuvre, la dominante jaune vif s’atténue jusqu’à disparaître partiellement. Elle est remplacée par le vert (en dégradés), contrebalancé par des notes bleues, rouges et blanches concrétisant la matérialité de la cascade se diluant dans l’élément liquide. La Femme est absente mais elle est remplacée par la virginité de la nature. Cette œuvre, réalisée suite à un voyage au Venezuela, traduit la pureté de l’émotion.

L’œuvre picturale exposée met en exergue l’expérience du voyage de la part de l’artiste. Ce dernier a fait des études littéraires jusqu’à devenir professeur de Littérature. Vous l’aurez bien évidemment remarqué, la Mythologie classique tient une place prépondérante dans son œuvre picturale. Outre la poésie qui se dégage des toiles, apparaît une intellectualisation du rôle de la Mythologie par le biais du personnage de la Femme : elle donne le meilleur d’elle-même en renforçant le sentiment d’appartenir à un Tout empirique à l’intérieur duquel hommes et femmes participent de la même tragédie. Nous sommes en plein dans la pensée grecque que le théâtre antique a si merveilleusement exprimé en explorant des personnages féminins tels que Médée. Ces femmes sont, dans leur féminité, des référents masculins devant faire ressortir le courage des hommes aux prises avec des situations dramatiques. Les femmes du PARADIS RETROUVE (cité plus haut) saisissent Zeus dans sa plénitude. Elle s’échappent de toute possibilité de possession et si elles s’offrent, ce n’est qu’à partir de leur volonté. Le classicisme a toujours fasciné l’artiste par sa beauté. Il voit dans Rodin le continuateur du beau et de l’intemporel. De formation autodidacte, il peint depuis l’âge de vingt-six ans. Sa technique de prédilection est l’huile sur toile de lin.

L’artiste a une particularité qui consiste à dissimuler sa signature à l’intérieur de sa toile. Il ne la place pas en évidence comme la majorité des peintres. Ses initiales s’enserrent toujours à l’intérieur d’un détail de l’œuvre. Ce système convient parfaitement car le regard, d’abord happé par une myriade de détails, se laisse tout doucement absorber dans les méandres chromatiques de l’espace pictural.

ARNAUD CACHART, renoue avec l’humanisme classique, dans l’image ainsi conçue de la Femme en tant qu’élément fondateur de la civilisation humaine

François L. Speranza.

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A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste, Arnaud Cachart et François L. Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(03-06-2018)   

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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul

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Signatures de l'artiste Arnaud Cachart.

Collection "Belles signatures"  © 2017 Robert Paul 

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Photos de l'exposition à l'ESPACE ART GALLERY

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                   LE THEATRE DES SENS : L’ŒUVRE D’ALEXANDRE PAULMIER

Du O1-03 au 18-03-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a eu le plaisir de vous proposer une exposition consacrée à l’œuvre du dessinateur français, Monsieur ALEXANDRE PAULMIER, intitulée PHANTASMA.

PHANTASMA. Un tel titre semble, à première vue, inutile puisque la seule vue d’un dessin de cet artiste plonge le visiteur dans un monde abyssal : celui de l’Eros. Dans un voyage entre le sien et celui de l’artiste qui, en quelque sorte, le guide dans ses fantasmes. Cet univers fantasmagorique s’articule sur un terrain « classique » infiniment exploré : celui de la Femme. Du corps de la Femme devenant le terrain des fantasmes « masculins » repris dans la sphère des codes sociaux.

Notons, d’emblée, l’orthographe que l’artiste apporte au titre de son exposition : PHANTASMA, écrit avec « ph », reprenant par là le concept grec de la notion du spectacle associée à celle de la vision spectrale, voire de l’illusion. Il ne s’agit, en aucun cas du « phantasme », considéré comme « hallucination », participant de la pathologie.

Aborder l’univers du fantasme érotique dans l’Art nous ramène à des piliers incontournables ayant jalonné bien des disciplines. Comment concevoir le fantasme au cinéma sans évoquer le nom de Fellini et sa conception de la Femme-matrone, plantureuse, maternelle et sensuelle à souhait? Comment évoquer ce même fantasme, en matière de peinture, sans considérer le nom de Dali où désir, masturbation et pulsion de mort alternent sur la toile? Comment, concernant la littérature, ne pas penser à Bataille reclassant le fantasme érotique dans les arcanes de l’Humanité, au-delà de ce que nous qualifions étymologiquement d’ « Histoire »?

Concernant ALEXANDRE PAULMIER, il convient de se tourner furtivement vers Bataille pour voir transparaître sur l’espace scénique des images issues inconsciemment de l’ « Erotisme ». Bien que l’artiste n’ait jamais lu cet ouvrage, il n’est pas étranger à l’univers de Bataille, ayant été influencé par la lecture de « Histoire de l’œil ». Des impressions issues de l’auteur transparaissent chez l’artiste.  

Dans son œuvre, l’image de la Femme s’étale dans un univers vaporeux, évanescent, onirique, évoluant à l’intérieur d’un théâtre fourmillant de symboles, tels que la naissance, le désir ou la mort : Eros et Thanatos, ces deux symboles clés de la psyché humaine. Déjà à ce stade, nous retrouvons Bataille pour qui l’érotisme nous éveille à la prise de conscience de notre propre finitude en tant qu’expérience tragique. De même qu’à une recherche de la volupté comme finalité charnelle comme tentative offerte à l’Homme de se transcender. Ce qui fait de l’érotisme une forme d’exotisme : une tentative de sortir de ses propres limites.

Face à cet artiste, nous nous trouvons face à un érotisme à la fois délicat et sulfureux, présenté de façon poétique. S’agissant de dessins, le contraste savant entre le noir et blanc à l’origine du clair-obscur, produit l’effet d’un décor composé de formes dont la sensualité des entrelacs souligne l’érotisme. Chaque trait réalisé à l’encre de Chine devient, par sa seule présence, une zone graphique érogène par les contorsions qui la définissent. Les postures, les seins volumineux ne sont que des indices articulant la sémantique du désir.

Fourmillant de symboles, l’œuvre d’ALEXANDRE PAULMIER se veut, avant tout, une interrogation sur la notion de l’érotisme. Cette interrogation, personnelle, n’existe qu’en accord avec l’évolution historique, culturelle et politique qui soutient cette notion. Bien que contemporain dans son écriture, le sujet évoqué remonte à l’aube de l’humanité par le biais de la figure de la Femme. L’on pourrait même affirmer que derrière cette œuvre se cache une anthropologie de la Femme par l’exploration d’une autre notion : celle du désir. Le véhicule permettant l’éclosion de ce désir est le rêve. Le rêve pris comme facteur de l’univers au-dessus duquel trône la déesse Femme. Mais comme toutes les divinités, celle-ci nous renvoie à nous-mêmes. A’ notre propre désir, à notre vulnérabilité. Comme toutes les divinités, elle existe, souffre et meurt à notre image.

EROTISME 2 (29,7 x 42 cm-encre de Chine)

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L’extase se produit dans l’étreinte  amoureuse. L’artiste dévoile sa musique langoureuse faite d’entrelacs, à la fois suaves et nerveux où le trait assure l’existence de la sensualité. Par sa finesse, mêlée à une luminosité dominée par le clair-obscur, parsemée d’un brouillard pointilliste, plus ou moins accentué, le trait se faufile, accentuant délicatement les courbes du mouvement amoureux.

La souffrance est présente dans VAGUE INQUIETUDE 2 (42 x 59,4 cm-encre de Chine).

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Avec cette figure masculine souffrante décomposée au point de présenter un faciès féminin transformé, au visage explosé, à la bouche ouverte comme dans un cri, avec ses seins terminés par une paire d’yeux, l’artiste exprime une image antagoniste au désir. Une image destructrice de la féminité prise en tant qu’objet. Les yeux terminant les seins sont ceux de l’homme au cœur d’une société malade de voyeurisme. Le trait prend ici une toute autre tournure. Il est épais, pâteux. Il prend l’aspect d’artères reliées à des organes vomis du corps. Il ressemble à des câbles. La féminité n’est plus qu’un corps-objet, malade dans son essence, indéfinissable. Car pour l’artiste, la féminité peut parfaitement se réfugier à l’intérieur d’un corps masculin.  

L’effacement se produit avec EFFEUILLAGE (29, 7 x 42 cm-encre de Chine)

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où la Femme, devenue masque, se fond dans le décor, considéré comme un vide qui dissèque, pour ainsi dire, le corps, tuant ainsi la sensualité de l’Etre féminin, conçu  par l’homme comme le réceptacle du désir. Pour l’artiste, ce corps fondu dans l’espace acquiert une non identité : il devient indéterminé. Et c’est bien là que se situe le nœud du problème car si le corps est indéterminé, l’objet du désir l’est également. L’ « impossible » étant alors le seul territoire où résiderait le désir.   

D’autres facettes de l’Etre féminin sont prises en considération, telles que l’enfantement : EROTISME 1 (29,7 x 42 cm-encre de Chine)

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où l’enfant glisse de l’utérus vers la lumière. L’artiste nous conduit à l’intérieur de la coupe d’un fœtus où le trait définit des membranes schématisées.

EROTISME 3 (29,7 x 42 cm-encre de Chine)

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nous conduit au cœur d’une mythologie assurément universelle, à savoir la dangerosité supposée de la Femme en période de menstruation. Les menstrues du personnage féminin expulsent, à l’avant-plan, un corps de femme acéphale possédant deux paires de seins. Cette scène symbolise l’incompréhension de l’homme face à un phénomène qui le dépasse et qu’il craint. Ne perdons jamais de vue que cette crainte existe encore au sein de certaines sociétés dites « traditionnelles » où il est interdit à une femme réglée d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Le sang menstruel participe de la notion fondatrice de toute civilisation : celle du « pur et de l’impur », sans laquelle aucune loi, aucun interdit fondateur n’existerait.

L’artiste ne s’éloigne pas de la mythologie en rejoignant la Grèce antique lorsqu’il reproduit le visage de la Gorgone, avec son regard privé d’yeux et sa chevelure serpentine pour évoquer son personnage féminin.

DESIR D’EROS (50 x 65 cm-encre de Chine)

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aborde un autre aspect de l’érotisme : celui de la mort. Eros et Thanatos en tant que deux extrêmes se rejoignent pour souder une image. Un concept. La composition est d’une rare nervosité. Le trait est torturé. Des têtes de morts ainsi que des yeux voyeurs et des masques grimaçant parcourent l’espace.

ESQUISSE EROTIQUE (41 x 56 cm-encre de Chine)

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est la seule œuvre de l’exposition qui ne soit pas un dessin mais une peinture réalisée à l’encre de Chine. Le pinceau est d’une finesse telle que le trait n’est plus qu’une nervure à peine suggérée. Au premier contact, le regard peine à se frayer un chemin parmi cet ensemble d’entrelacs délicats. Mais au fur et à mesure qu’il s’affirme, voilà que la forme apparaît, magique! Elle survient dans une succession de segments indépendants l’un par rapport à l’autre, sans qu’aucun fil conducteur ne relie la composition dans son ensemble. Cette œuvre nous subjugue et nous déroute, en ce sens qu’elle est pleinement aboutie, malgré le piège que nous tend son titre. Car c’est précisément par cette confusion ontologique que la création se réalise. Le visiteur s’abandonne à cette musique de lignes, au rythme des courbes à peine définies, jusqu’à ce que le regard condense cet ensemble abstrait en une réalité en plein accomplissement. L’inachevé s’achève dans la forme confuse d’un rapport amoureux.

L’importance du clair-obscur dans l’œuvre de l’artiste est primordiale car elle définit l’érotisme comme un univers total. Un monde à soi et pour soi, au même titre qu’un Gustave Doré, par son propre style, aborderait chaque giron de la Divine Comédie de Dante. L’érotisme reste en suspens car l’artiste refuse sciemment de le définir. Il l’interprète par le biais du trait qu’il considère aussi érotique que le sujet puisqu’il incarne la sensualité. Concernant le discours, il se sert de l’apport mythologique pour souligner l’aspect négatif de ce qu’il est convenu d’appeler la « perversion de l’érotisme », en mettant en scène la Femme en tant qu’objet de consommation. Cette perversion est celle d’un langage social qui souille l’image de la Femme.

Son œuvre se trouve à la charnière de la peinture et du dessin trahissant une influence certaine de la bande dessinée. Malgré les apparences, ce n’est pas une forme de BD hybride. Le sujet occupe tout l’espace, laissant une marge entre la composition et le cadre.

Néanmoins, les personnages dans leur anatomie fantasmagorique ainsi que les décors relèvent pleinement de la peinture.

A’ titre d’exemple, la colonne de feu qui s’élève sur la gauche de DESIR D’EROS (cité plus haut) ne peut être conçue que par un peintre habitué à traiter la masse dans le volume amplifié par la matière.

Ainsi certaines ondulations d’ESQUISSE EROTIQUE (cité plus haut) rappellent les envolées bleues de Matisse. De fines envolées tracées sans la lourdeur de la matière. Mais légèrement soulignées à la pointe du pinceau.

L’artiste dessine depuis environ sept ans. Il a obtenu une formation académique en fréquentant l’Atelier Hourdé à Paris. Il a été, néanmoins, fortement influencé par la liberté que prenait, dans les années ’80 le dessinateur Philippe Deville dans la conception spatiale de ses bandes dessinées. D’où une sorte d’esthétique mixte alliant tradition picturale dans le cadrage et expression dessinée dans la plastique des personnages.

L’œuvre d’ALEXANDRE PAULMIER nous interroge sur le mystère du désir. Franchira-t-il un jour l’écueil de l’amour? Et comment l’explorera-t-il au cœur de cette pyramide sensuelle? De quelle façon abordera-t-il le mystère amoureux? Si l’ « impossible » est la source du désir, l’ « indicible » sera-t-il celle de l’amour? Souhaitons à cet excellent dessinateur de poursuivre sa quête par-delà les mers oniriques.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul


12273279679?profile=original                                 Signature de l'artiste - ALEXANDRE PAULMIER,

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
R. P.

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DU CIEL INTERIEUR A LA CHAISE HUMAINE : L’ŒUVRE DE NEGIN DANESHVAR-MALEVERGNE

Du 01-02 au 25-02-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart 35, 1050 Bruxelles) propose une exposition divisée en deux thématiques, consacrée à la photographe française, Madame NEGIN DANESHVAR-MALEVERGNE, intitulée : LES CIELS INTERIEURS et LA THEORIE DE LA CHAISE,  laquelle s’avère être une réflexion complexe sur la condition humaine.

Illustrer une humanité prise dans ses propres problématiques par le biais de la photographie. Voilà une tâche considérable! Surtout si l’on limite la photographie au reportage d’actualité montrant souvent une humanité en guerre, s’entredéchirant dans la tragédie quotidienne. L’optique abordée par cette exposition nous montre une vision de la tragédie totalement différente.

Comme le titre l’indique (LES CIELS INTERIEURS), il s’agit de l’extériorisation des ciels appartenant essentiellement au for intérieur de l’artiste, lesquels prennent leur source dans l’humanité pour s’y réfléchir. Ces ciels sont ceux de l’Homme Elémentaire aux prises avec l’essence même de sa condition. Cette condition est savamment soulignée par une esthétique oscillant entre cinétisme et surréalisme.

Ces œuvres, s’il fallait les analyser d’un point de vue cinématographique, seraient des « fondus enchaînés avec double (voire multiples) exposition ». A’ un point tel que plusieurs plans se superposent, comme pris à travers un prisme posé sur l’objectif de la caméra. L’élément surréaliste apparaît dans les vues du ciel, d’un bleu « Magritte » parsemé de nuages lourds. Au fur et à mesure que le regard se rapproche de la composition, le visiteur se rend compte qu’il n’y a pas de « centre » à proprement parler. Car tout est, pour ainsi dire, « barré » par d’autres plans : en réalité, un plan barre l’autre dans une transparence englobant toutes les données pour aboutir vers une complexité sémantique faisant œuvre de totalité. Le jeu sur les nuages est une constante de l’artiste, au point de provoquer des aperceptions. Mêlé à un océan de cumulus, une forme étrange émerge lentement au regard. Une forme, à première vue, indéfinissable que l’on pourrait aisément prendre pour les plis d’une robe.

En réalité, l’artiste a incorporé les plis d’un drap blanc, ajoutant une part de mystère à ce magma nuageux. (LES CIELS INTERIEURS-n°1-80 x113-argentique sur papier RC satiné)

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Ces compositions acquièrent leur force plastique en superposant, en outre, cadre sur cadre, dans une même transparence. Cette superposition confère à l’œuvre, non seulement une dimension de nature cubiste, combinée à cet univers diaphane se perpétuant encore plus lorsque tout se joue sur un arrière-plan d’un noir absolu. Mais encore il renoue, plastiquement, avec une technique usitée dans les trente premières années du siècle dernier, à savoir le « collage ». Superposés en fondus enchaînés avec multiples expositions, le drap blanc (évoqué plus haut) se confond avec le blanc des nuages, eux-mêmes occultés par l’image fantomatique d’une façade présentée en diagonale dans toute sa force. Cette façade est, selon l’artiste, une image de la modernité devant servir d’équilibre tant au point de vue humain que politique et économique mais le fait qu’elle soit floue fait que le visiteur reste dans l’incertitude du devenir humain. La conception plastique de l’espace composé de figures géométriques à l’intérieur d’une multitude de cadres superposés, traversés par une série de stries a pour effet de « soutenir » la composition par des « échafaudages », renforçant précisément cette nature à la fois diaphane et cubiste évoquée plus haut. Néanmoins, rapportés à la mythologie personnelle de l’artiste, ces stries (des câbles à haute tension) barrant le ciel représentent les obstacles que nous impose l’existence et qu’il faut dépasser. L’artiste nous avoue qu’à la vue d’un ciel bleu barré par ces câbles, l’idée d’intituler cette thématique CIELS ENCHAINES lui a traversé l’esprit. D’une image, elle n’attend aucun émerveillement mais bien le besoin impératif de la concevoir, en la réinterprétant tant dans la forme que dans le sens.

A côté de cet ensemble enlevé par un surréalisme vital, se dessine également une voie essentiellement cinétique. Il s’agit d’un cinétisme renouant à la fois avec les effets lumineux produits par l’aventure expérimentale cinématographique du cinéma muet ainsi que des constructions géométriques à la Vasarely. 

(LES CIELS INTERIEURS n°7-80 x 110 cm-argentique sur papier satiné)

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Le cadre engendre le cadre : à partir de la base s’élèvent quatre cadres.

La base (elle-même servant d’arrière-plan à la totalité de la composition) est irradiée par le premier effet lumineux.

Un second cadre, entre l’intérieur d’un autre cadre intermédiaire portraiturant un ciel gris, prend son essor, dans lequel un deuxième effet lumineux apparaît. Un troisième cadre montrant un ciel orageux laisse deviner le soleil. Enfin, le ciel gris pluvieux servant de quatrième cadre, comprenant les deux autres, termine la composition. Ce dernier cadre est strié de droites, en diagonale. Les sources lumineuses irradiant l’arrière-plan d’un noir intense, rappellent les jeux de lumière réalisés par le cinéma expérimental des années ’20, tant par l’intensité lumineuse que par la forme des faisceaux de lumière déployés dans l’espace de l’image.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, à côté de ce cinétisme cinématographique primitif, figure également des références manifestes avec le cinétisme essentiellement géométrique à la Vasarely. (LES CIELS INTERIEURS n°8-80 x 110 cm- argentique sur papier satiné).

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Dans cette œuvre, géométrie et cinétisme se superposent. Et, pour la première fois (dans le cadre de cette première thématique) l’artiste s’accorde la liberté de jouer avec les couleurs. Des couleurs vives, de surcroit, telles que le rouge (en dégradés), rappelant à la fois par le chromatisme ainsi que par la structure de la forme, la calligraphie cinétique de Vasarely.   

Avec cette artiste, peinture et photographie se confondent. Le socle de l’œuvre est incontestablement la photographie. Néanmoins, des traits à la fois fins et épais, comme chargés de matière, viennent strier la composition. (LES CIELS INTERIEURS n°3-80 x 110 cm-argentique sur papier satiné)

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Le ciel, envisagé en contre-plongée, est pris de telle façon qu’il se présente comme cadré en plan. Le ciel est face à nous et non au-dessus de nous. Le visiteur est confronté à une vision frontale de l’Ether. Il ne se sent pas dominé par ce dernier. Dans l’Histoire de l’Art, et ce à la suite des diverses mythologies, le ciel est avant tout la demeure du divin. Non seulement le ciel nous domine mais il nous observe et nous juge. Ici, nous ressentons l’emprise directe de l’artiste sur l’élément ouranien. Si la terre est invisible, cela ne signifie aucunement qu’elle n’existe pas, car cet espace bleu, tant et tant de fois traité, symbolise l’Etre dans toute sa perfectibilité. Ces traits striant la surface, évoqués plus haut représentant les obstacles existentiels à franchir, en sont la preuve.  

Abordons, à présent, la deuxième thématique de cette exposition, à savoir LA THEORIE DE LA CHAISE.

Même si, d’un point de vue plastique, les œuvres sont d’une autre nature, la philosophie de cette seconde thématique rejoint la première dans sa dialectique.

Cette thématique est animée par la notion de la déconstruction ou si l’on veut, de la construction déconstruite.

De l’ensemble vivant déstructuré tombant en ruines, la chaise acquiert ici une dimension anthropologique mise en exergue par l’élément psychanalytique : la chaise humaine se démultiplie, se dédouble, s’atomise, se dissout en s’anéantissant dans un chromatisme terne : (LA THEORIE DE LA CHAISE n°7-40 x 60 cm-argentique sur papier satiné).

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Remarquons, d’emblée, l’importance de la position « debout » de la majorité des « personnages » (car la chaise revêt ici la dimension, spirituelle et physique, de l’Homme). Même en perte d’équilibre, la chaise se dresse tel un bouclier de Résistance. A l’instar de cette composition, la chaise bouge debout, presque sur une corde raide, dans un chromatisme symbolisant sa propre détresse tout en affirmant sa volonté de résister. Cette théorie dont l’humanisation de la chaise se veut l’exemple, se révèle être un discours sur la philosophie de l’image. Sur sa surconsommation sans esprit critique de la part de ceux qui la reçoivent, les aliénant de leur intelligence innée. Résister à cela, à notre époque hyper médiatisée et à tous les dangers qu’elle comporte (vitesse de la réception du produit iconique, violence de ses propos…), permettra à l’esprit humain de rester debout.

Néanmoins, l’œuvre ne se cantonne pas dans une tristesse chromatique, elle se dynamise également dans des couleurs fauves, appuyant ainsi ce jeu de construction-déconstruction cubique, à l’instar d’un Braque (LA THEORIE DE LA CHAISE n°8-40 x 60 cm-argentique sur papier satiné)

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Cette chaise est l’image d’une humanité vulnérable qui s’est perdue et se (re)cherche dans chacun des fragments qui se disloquent de son corps. 

Ce qui témoigne de l’implication de l’artiste dans l’héritage ainsi que dans l’évolution de l’histoire de l’Art consiste dans le fait que le visiteur est pris à témoin de l’abolition de la frontière visuelle entre la plastique du tableau et le relief de la photographie dans la construction d’une œuvre « totale ».  

L’écriture demeure la même : le cadre engendre le cadre, reprenant chaque élément de la chaise en tant que donnée objective, par toute une série d’attributs « physiques » la composant (tels que le dossier démultiplié) (LA THEORIE DE LA CHAISE n° 2 et 3-40 x 60 cm-argentique sur papier satiné).

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Mais, à y regarder de près, construction, déconstruction ne sont-elles pas, en dernière analyse, l’amorce d’un même acte? Un acte que l’artiste applique à la modernité comme un appel, voire une stimulation à faire triompher l’humain, pris comme une dynamique évolutive devant passer par tous les stades pour se retrouver. Néanmoins, même si cela s’accorde à une esthétique contemporaine, cette démarche appartient, en définitive, à tous les siècles. Car si l’Homme a un destin, c’est précisément celui de se renouveler.

Et se renouveler sous-entend se déconstruire pour se ressouder à nouveau, riche d’expériences vécues. Le traitement que l’artiste apporte à l’œuvre efface définitivement toute différence entre la photographie et la peinture. Les notions de « paysage » et de « portrait » demeurent présentes. Le paysage se révèle à travers l’univers surréaliste de l’artiste, symbolisant ses diverses facettes oniriques. Le portrait se distingue par la mise en exergue d’une série d’états d’âme.

L’art numérique s’est, depuis maintenant des années, extrêmement bien implanté dans la sphère des techniques artistiques.

Par le passé, il se cherchait en ayant tendance à aborder des sujets figuratifs réfléchissant, notamment, son intérêt pour la science fiction, le cinétisme ou le conceptuel.

Avec cette artiste, nous entrons de plein pied dans la réflexion humaniste, entreprise comme exploration d’un intime prenant sa force aux sources mêmes du questionnement. De ce point de vue, elle donne à l’art numérique ses lettres de noblesse. Car c’est grâce à des personnalités comme la sienne que cette forme artistique atteint des sommets d’expression. Encore étudiante, elle superposait des diapositives pour arriver à un résultat sans comparaison aucune avec ce qu’elle réalise aujourd’hui. Déjà en gestation, l’idée s’est pleinement concrétisée avec l’arrivée du numérique. Et pourtant (est-ce conscient ou non?) il y a un héritage artistique dans ce qu’elle crée, tel que les collages du début du 20ème siècle, l’association au cubisme de Braque ou les effets lumineux du cinéma muet expérimental, évoqués plus haut.

L’artiste a obtenu un Doctorat d’Etat * ès Lettres et Sciences Humaines à la Sorbonne. Elle a enseigné la Littérature comparée et francophone jusqu’en Master à l’Université de Cergy Pontoise tout en se dirigeant vers la recherche et la photographie qu’elle considère comme consubstantielles à son parcours créateur.

En parlant du numérique, il est  intéressant de constater que cette branche des arts plastiques ne se contente pas d’une appellation aussi simple que « numérisme » à l’instar du « cubisme » ou du « fauvisme ». Il est constamment précédé du mot « art » comme pour appuyer ses potentialités créatrices.

Sans doute a-t-on voulu attribuer au mot « numérique » une dimension ostensiblement technologique à l’heure où l’informatique trône dans presque tous les domaines. Néanmoins, même si cela était le cas, c’est oublier un peu trop vite que le mot « art » vient du latin « ars » lequel provient intellectuellement du grec « technè » (technique). Il n’y a pas d’art sans technique. Le fait de faire précéder le mot « numérique » par « art » est un pléonasme. L’artiste ne sculpte pas, ne joue pas du pinceau. Elle joue de l’ « ordinateur ». Ce mot, créé en 1955 par le philologue Jacques Perret, renoue avec la phraséologie biblique présentant Dieu mettant de l’ordre dans le Monde, à l’instar de l’artiste mettant de l’ordre et de l’équilibre dans l’image qu’elle conçoit après l’avoir reçue. L’émergence du cadre engendrant le cadre, structurant la première thématique, correspond d’ailleurs à une confusion volontaire entre présent, passé et futur que le visiteur reçoit dans l’immédiateté du contact provoqué par l’œuvre.

L’art, en l’occurrence, numérique se veut avant tout une aventure expérimentale mettant en exergue le but de se démarquer des sentiers battus.  Car il n’a jamais été question, du moins pour l’artiste, de noyer une technique des arts plastiques dans le bourbier de la technologie.

L’humanité intense qu’exhale l’œuvre de NEGIN DANESHVAR-MALEVERGNE nous en confère la preuve absolue.  

François L. Speranza.

* N.D.L.R:

Doctorat d’Etat ès Lettres (définition)
Le Doctorat d’Etat est l’héritier du doctorat institué par Napoléon qui conférait le plus
haut grade universitaire destiné à accéder aux postes de Chercheur, de Maître de
conférences ou Professeur à l’Université. Il correspondait à un très long travail
approfondi de recherche sur des sujets rares ou peu documentés. N’ayant aucune
correspondance internationale, il disparaît en France vers la fin du 20 e siècle par souci
d’homogénéisation et correspond actuellement à l’Habilitation à Diriger des Recherches
universitaires du niveau Doctorat.
 Communiqué par Philippe Malevergne

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Une publication
Arts
 
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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable


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                                       Signature de l'artiste - Negin Daneshvar-Malevergne    

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
R. P.

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            VARIATIONS SUR LE BESTIAIRE : L’ŒUVRE DE ROBERT KETELSLEGERS

Du 10-01 au 28-01-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) ouvre l’année nouvelle en vous proposant l’œuvre carrément époustouflante du peintre belge, Monsieur ROBERT KETELSLEGERS, qui ne manquera pas de faire chavirer vos idées sur la peinture! L’exposition s’intitule TOUTE LA VERITE, CELLE DE L’IMPOSTURE.

Parmi les thématiques qui parcourent l’Histoire de l’Art, ROBERT KETELSLEGERS renoue avec le dialogue unissant l’intimité abyssale de l’Homme avec le royaume dit « animal » que l’Occident a souvent regardé avec condescendance.

L’artiste nous convie à une interprétation contemporaine de la notion du « bestiaire ». En quoi ce bestiaire est-il « contemporain » ? Principalement par les sujets qu’il aborde, lesquels sont essentiellement historiques et politiques. Ceci dit, le bestiaire, étant une extension supplémentaire du théâtre de mœurs  dans la tradition littéraire, il ne pouvait qu’aborder des sujets « contemporains » à toutes les époques. Esope, en l’an 600 avant J.C. dénonçait les tares de son temps. Au 13ème siècle, « Le Roman de Renart » visait l’exemple moral à travers la satyre. Modernisant Esope, reprenant des récits régionaux et s’inspirant des intrigues de son temps, La Fontaine, au 17ème siècle portait au pinacle le bestiaire littéraire, laissant la voie libre à Perrault dans le développement du conte de fées, en tant que genre indépendant.

Concernant les arts plastiques, les choses deviennent explicites. L’image exprime l’hybridisme primordial associant plastiquement l’Homme à l’animal dans un même et unique concept : celui d’un mariage mystique à l’intérieur de l’arène cosmique. Depuis la Préhistoire cette fusion, d’abord concrétisée dans la chasse voyant la suprématie de l’Homme sur l’animal dans le but d’une cohésion sociale centrée à la fois sur l’économie et sur la relation magico-religieuse, s’est progressivement transformée en un rapport mystique, principalement souligné dans les sociétés polythéistes. Pensons à l’Egypte où le dieu Horus était représenté par un corps d’homme surmonté d’une tête de faucon. Pensons également à la Grèce et à ses centaures. Avec le christianisme survient la dichotomie drastique entre l’Homme (créé à l’image de Dieu) et l’animal qui lui est subordonné.

Il n’est plus question d’une quelconque fusion mystique. Du moins, en ce qui concerne les arts plastiques. Car en matière littéraire, l’Occident chrétien entretient le bestiaire mais essentiellement dans la sphère du récit fantastique avec à la clé une finalité morale. Nous avons cité, plus haut, « Le Roman de Renart ». Et cela n’a rien de gratuit, puisqu’il se termine sur une issue morale à destination du peuple.

Si nous faisons exception de l’œuvre surréaliste d’André Masson et de son bestiaire magnifique aux accents fantastiques, ce genre dans l’art contemporain se révèle plutôt timide. Il s’agit surtout d’hybridisme associant des corps d’animaux de diverses origines.

Comment définir le bestiaire de ROBERT KETELSLEGERS? Il s’agit, avant tout, d’un hybridisme, associant l’homme et la bête s’ébauchant sur le modèle de la figure filiforme de conception « aristocratique » par son attitude assez « pincée ». L’artiste aborde, notamment, des sujets qui ont parsemé l’histoire du 20ème siècle, tels que l’attitude du pape Pie XII face à la Shoah. L’avènement du nazisme. Le fascisme italien ou la conférence de Yalta.

Une codification sémantique définit le sujet : le visage (la gueule) du personnage demeure souvent impassible. Il s’agit d’un félin (le guépard) ou d’un rapace (le faucon). Parfois le personnage prend l’aspect d’un pélican. L’immobilité dans l’action en train de s’accomplir est un leitmotiv de l’artiste, en ce sens que nous nous trouvons face à une sorte de photogramme tiré d’un film. Il ne tient qu’au visiteur de pousser sur le bouton de son imaginaire pour que le film redémarre. Seul le décorum replaçant le personnage dans le temps confère l’identité historique à la scène. Le titre joue également un rôle analogue.

Qui se souvient, d’emblée, que JOSSIF DOUGACHVILI (125 x 205 cm-huile sur toile)

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était le véritable nom de Staline (l’acier, en russe) ? Et pour bien insister sur l’identité du personnage, l’artiste lui applique une série d’attributs, tels que la célèbre moustache en pointe, la pipe et l’uniforme blanc qui le distingue du groupe d’officiers qui l’entourent.

Le bras tendu vers l’avant du personnage central de AIELI, AIELO, AIELA (125 x 205 cm-huile sur toile),

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la svastika nazie ainsi que l’uniforme SS donnent le ton de cette peinture.

FIAT VOLUNTAS DEI (QUE LA VOLONTE DE DIEU SOIT FAITE) (124 x 204 cm-huile sur toile) 

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s’afficherait presque comme une parodie si l’on excepte l’issue tragique de la Shoah. Le pontife se présente avec une tête de rapace. Assis sur son trône, entouré de ses Gardes Suisses, il bénit. Tandis qu’à l’arrière-plan se profile l’entrée d’Auschwitz-Birkenau. Quel est le véritable sujet de ce tableau ? Observons que le Pape aussi bien que les Gardes Suisses détournent leur regard de la finalité de leur acte. Aucun des personnages ne s’adresse visuellement au visiteur, c'est-à-dire au regard qui personnifie leur conscience. Ceci est dû au fait que l’artiste n’aime pas trop le regard de face. Il préfère le regard en biais, bien plus chargé de mystère. De vérité cachée. Le sujet est le refus de la responsabilité historique.

YALTA (CHURCHILL, ROOSEVELT, STALINE) (104 x 154 cm-huile sur toile)

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montre trois fauves : Churchill, fumant son cigare, Roosevelt, plutôt apathique et Staline. La direction des visages est fort emblématique. Roosevelt est le seul à regarder droit devant lui. Tandis que Churchill et Staline fixent leur regard vers la droite (par rapport au visiteur). Même si l’artiste n’a jamais songé à cette éventualité politique, le fait que Churchill et Staline regardent vers la droite, pourrait symboliser géographiquement que ceux-ci regardent vers l’Est. Et nous savons tous ce qu’il adviendra de la partition des Balkans à partir de Yalta. Néanmoins, rappelons que cette pensée n’a jamais traversé l’esprit de l’artiste. Si l’humour est sa signature, une autre constante régit son œuvre, à savoir un jeu de mains savamment conçu de style expressionniste. Un symbolisme prophétique parsème cette œuvre : Roosevelt, le regard hagard, laisse pendre ses mains vers le bas : la mort est proche. Staline a les mains croisées : signe de satisfaction. Churchill pose sa main (tenant un cigare) sur son béret : signe d’égale satisfaction. Notons qu’en matière d’humour, le personnage de Churchill a été servi : fumeur invétéré, cigare au bec, il tient un deuxième cigare allumé à la main.

Outre l’humour, une autre constante régit son œuvre, à savoir un jeu des mains, savamment conçu, de style expressionniste ainsi que le jeu des regards fuyants.

Les quatre personnages entourant Staline, à l’avant-plan de JOSSIF DOUGACHVILI (cité plus haut), présentent leurs doigts en éventail.

Leurs mains sont croisées, déployant leurs doigts. Il s’agit, comme spécifié plus haut, de mains « expressionnistes », donnant vie aux personnages.

Ce jeu de mains croisées s’explique à la fois par leur position ainsi que par leur coloris. En réalité, cette œuvre représente Staline au centre d’une cohorte de généraux qu’il a fait exécuter. Les mains des généraux ont une couleur cadavérique. Leurs yeux sont clos. Seul Staline fixe le visiteur dans l’attitude photographique de la pose. L’arrière-plan est composé d’un mur blanc-cassé, presque diaphane, sur lequel sont gravés les noms de ses victimes. L’artiste en a profité pour placer sa signature à leur côté.

Tandis que le prénom et le patronyme de Staline se distinguent en lettres rouges-sang, juste en dessous de la faucille et du marteau.

Nous retrouvons ce même je de mains dans AIELI, AIELO, AIELA (cité plus haut). A partir du centre, tous les personnages provenant de la gauche de l’image écartent leurs doigts en éventail. Leurs mains sont énormes, à un point tel qu’elles semblent démesurées par rapport aux fusils qu’elles tiennent. Y a-t-il la volonté de renouer avec l’Expressionnisme, considéré comme « art dégénéré » par ces mêmes nazis que l’artiste caricature?

L’artiste répond à cette question par la négative. Il ne se considère pas comme un peintre purement « expressionniste ». Ce style fait simplement partie de son écriture sans pour autant la déterminer. Pour la première fois, le peintre montre les félins (à la gueule assez terne) grimaçant, montrant non pas des crocs de carnassiers mais bien des dents humaines. Il ne s’agit pas de félins déguisés en nazis mais bien d’hommes que la bestialité a rendus fauves. Comme pour YALTA (cité plus haut), humour et tragédie se côtoient. Au fur et à mesure que le regard s’affine, l’on remarque que la ligne d’équilibre exprimée par les jambes tendues se termine par la pointe des bottes touchant le postérieur du soldat de devant : un coup de pied aux fesses pour stimuler la marche! Le personnage central s’apprête à freiner la marche du soldat qui le précède pour lui botter les fesses à son tour. On avance à grands coups de pieds comme pour encourager la fuite en avant. Et c’est précisément ce qu’il s’est passé après 1941 (Stalingrad), lorsque le régime nazi comprit que la guerre était perdue. Pour signifier le mouvement, la parade débute par la gauche et l’on voit tendre vers l’avant la jambe d’un soldat dont nous n’apercevons pas encore la silhouette. Graphiquement parlant, la conception des soldats portant le fusil est très intéressante. D’aucuns pourraient évoquer le bande dessinée. Vrai d’un côté, faux de l’autre.

Une cassure rythmique s’amorce dans l’occultation de l’épaule droite du personnage. Partant de la paume de la main, le fusil s’élance avant d’être arrêté par la cingle reliant les deux extrémités du casque pour réapparaitre sous la forme pointue de la baïonnette, reprenant ainsi le rythme interrompu. La diagonale formée par le bras du personnage central prolongée par l’épée, s’oppose à la raideur de la droite exécutée par le bras tendu. Le tout assure un équilibre total. Rien de tout cela ne se retrouve dans la bande dessinée à proprement parler.

Par ces observations remarquons également que l’œuvre de ce peintre est avant tout celle d’un architecte! Nous l’observons encore par la conception des vêtements laquelle met en exergue un engouement affirmé pour le cubisme.

La robe du Pie XII de FIAT VOLUNTAS DEI (cité plus haut) est constituée d’une suite de triangles séparée par une file de boutons formant une ligne médiane. Le col des Gardes Suisses est constitué d’un losange coupé en son milieu. Dans YALTA, l’artiste reprend la même conception cubiste définissant les vêtements des trois personnages. Celui de Churchill est assurément le plus saillant parce que le plus travaillé, devant faire office de « fourrure » au « vieux lion » comme on le surnommait. Sa tête est d’ailleurs celle d’un lion. Deux parallélépipèdes constituent les pantalons de Roosevelt et de Churchill. Bien sûr, la bande dessinée n’est pas étrangère dans la conception des personnages mais elle n’est présente que dans l’idée.

Un jeu de mains, aussi intéressant que les précédents (mains jointes en prière), se retrouve dans LA TOUTE DERNIERE CENE (104 x 153 cm-huile sur toile).

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A l’instar de FIAT VOLUNTAS DEI, les disciples entourant le Christ évitent de regarder en direction du visiteur. Comme pour insister sur ce détail, l’artiste donne au Christ un double regard en lui conférant deux paires d’yeux. L’humour dénote le personnage de Judas, à l’avant-plan, tenant un cigare. Celui-ci rit et, une fois encore, l’artiste l’affuble de dents humaines. Tragédie et humour ne font qu’un : outre le cigare que fume Judas, le vin porte l’appellation d’origine contrôlée « Noces de Cana ». Dans les assiettes, des crabes tournent leurs pinces en direction du visiteur.

IL DUCE HA SEMPRE RAGIONE (LE DUCE A TOUJOURS RAISON) (105 x 125cm-huile sur toile)

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est en réalité un autoportrait de Benito Mussolini (à droite) affublé de son alter ego (à gauche) présenté sous les traits d’une marionnette surgie d’un recoin de l’arrière-plan. Pour la deuxième fois, concernant cette exposition, le visage (la gueule) du félin prend une expression caractéristique : celle de Mussolini haranguant la foule exprimant ses mimiques suscitant le rire. Il est intéressant de constater que l’artiste accorde deux expressions caractéristiques opposées à des personnages s’inscrivant dans une même séquence historique : des dents prêtes à mordre, signifiant la haine pour ce qui concerne le nazisme et l’expression carrément imbécile s’agissant du fascisme. Tous deux symbolisant une même finalité tragique. Et nous avons là toute la dialectique de l’artiste : la tragédie servie dans un esprit carnavalesque. 

ROBERT KETELSLEGERS qui a une formation académique, ayant fréquenté l’Institut supérieur des Beaux-Arts Saint Luc de Liège, possède une technique à l’huile remarquable dans le résultat qu’elle engendre. Le visiteur a devant lui l’espace ouvert d’une surface entièrement « lisse », en ce sens que très peu de matière est utilisée, l’artiste frottant et grattant au maximum la surface pour éliminer le moindre résidu. Néanmoins, la finesse du trait assurant la formation du volume, la matérialité du sujet transparait par delà la toile. Le résultat est saisissant!

La matière est là sans la moindre trace de couteau ou de spatule. La matière, absente dans sa consistance, apparait dans ce qu’elle suggère, sa matérialité.

En règle générale, et ce pour mieux faire ressortir la scène ainsi que l’ampleur de la tragédie, les arrière-plans sont de couleur gris-blanc.

Détail singulier : la signature de l’artiste est posée presque toujours vers le haut de la toile. Dans LA TOUTE DERNIERE CENE, elle est carrément comprise à l’intérieur de l’auréole entourant le Christ.

En dernière analyse, ces variations sur le bestiaire indiquent que la philosophie couronnant l’œuvre plastique de l’artiste demeure la même par rapport à celle du passé concernant le domaine littéraire. La forme et le fond sont invariables. Ils partagent la satyre comme dénominateur commun. Mais dans ce domaine, le peintre va plus loin.

VERITE et IMPOSTURE (la trame de l’exposition) sont deux vérités opposées parce qu’elles participent de deux réalités opposées : celles de l’engagement et de la trahison au sens le plus large. Avec, néanmoins, cette différence notable, à savoir que l’artiste dénonce. Il ne moralise pas. D’ailleurs, la conception esthétique de sa peinture empêche la moindre moralisation.

Par ce côté « carnavalesque » que nous évoquions plus haut, l’artiste se moque des bourreaux. Il dénonce l’absurdité cruelle d’un siècle laquelle, ne l’oublions jamais, peut parfaitement se répéter. 

ROBERT KETELSLEGERS est un « cynique » dans le sens grec du terme. En exagérant la sémantique d’un langage (plastique, historique et politique) en perte d’humanité, il en décrypte l’absurdité avec une totale indépendance d’esprit.  

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable


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A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza


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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
R. P.

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ELIETTE GRAF ENTRE POESIE ET MAGIE

                                ELIETTE GRAF ENTRE POESIE ET MAGIE

Du 14-12 au 31-12-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart 35, 1050 Bruxelles) a eu le plaisir de terminer l’année en vous présentant une exposition consacrée au peintre suisse, Madame ELIETTE GRAF, intitulée DE LA POESIE A LA MAGIE DU REVE.

Est-ce le rêve qui est poétique? Est-ce la poésie qui est magique? L’un étant consubstantiel à l’autre, cette alchimie onirique trouve son expression dans l’univers candide et feutré de cette très belle artiste.

Que ce soit dans les grands formats comme dans les petits, le dénominateur commun réside tant dans la délicatesse des couleurs que dans celle du trait. A un point tel qu’à l’analyse, le trait s’étiole, comme aspiré par la couleur. Il ne demeure que la forme, à la fois sensible et fantomatique, aboutissant dans la magie de l’apparition. Car il y a dans l’œuvre de cette artiste une dimension épiphanique, créée par la délicatesse d’un chromatisme pastellisé. Rares sont les couleurs violentes. L’atmosphère est tendre, baignant dans la poésie de l’instant. Instant lequel par le traitement du sujet, cadré à l’intérieur de l’espace, devient intemporel. Le chromatisme s’étale comme une brume enveloppant l’ensemble. La forme naît de la couleur et s’empreigne jusqu’à se muer en une matière à la fois physique et onirique. A’ la charnière entre figuratif et abstrait, la forme devient vaporeuse au point de faire de la figure humaine une silhouette se fondant dans la composition. Les œuvres sur grands formats sont extrêmement fouillées par rapport aux petits formats, plus dépouillées. Progressivement, la « poésie devient magie du rêve ». Le conte de fées devient peinture.

Trois écritures définissent l’œuvre de l’artiste :

  • Grands formats : a) sujets féeriques soutenus par un chromatisme fouillé b) sujets exclusivement urbains centrés sur des vues nocturnes
  • Petits formats : dépouillés avec un chromatisme efficace mais moins prononcé sur la surface de l’espace

Le visiteur constatera sans peine que la couleur dominante dans l’œuvre de l’artiste est le bleu.

RONDIN (95,5 x 94 cm-huile sur toile)

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A’ partir de cette même note bleu scintillent d’autres couleurs, telles que le vert, le jaune ou le rouge, traités comme des satellites autour de la ronde que forme les 10 silhouettes évoluant autour des deux personnages centraux.

La peinture d’ELIETTE GRAF ruisselle de symboles. Certains appartiennent à sa mythologie personnelle, d’autres sont d’origine maçonnique.

LES VEILLEURS DE NUIT (111 x 114 cm-huile sur toile)

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La couleur bleu est toujours la couleur dominante. Seule lui est opposée le blanc servant à donner le volume à l’architecture dans la volonté nette de dynamiser l’ensemble par le biais d’un jeu cubique. Dans cette œuvre les personnages-silhouettes semblent être plastiquement plus affirmés, en ce sens que chacun d’eux s’inscrit matériellement dans la couleur par laquelle il est issu. Le bleu que l’on retrouve comme un leitmotiv sur la plupart des toiles est un bleu en différents dégradés, ce qui tend à donner du paysage nocturne un aspect festif, presque solaire, s’il ne s’était pas agi de la nuit. L’astre lunaire dont la lumière baigne la toile a des allures de soleil nocturne.

REVE DE CIRQUE (70 x 93 cm-aquarelle)

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Il y a dans cette œuvre une atmosphère « chagallienne » à la fois par l’élan partant du bas vers le haut, assemblant la ville dans un espace ramassé. Ensuite par l’attitude du personnage à la pipe de laquelle s’échappent des bulles. Son attitude penchée vers le bas rappelle fortement (même de façon involontaire) celle de certaines figures de Chagall. Il s’agit d’une image lointaine. D’un cirque lointain. Une vue plongeante sur le chapiteau. Mais ce n’est qu’une évocation onirique du cirque. Nous ne l’apercevons que de loin. Nous n’y entrons pas comme chez Chagall. Les personnages évoluent dans les airs, exactement comme dans un rêve. Le rêve vole au-dessus de notre tête. Au-dessus de notre rationalité. Ici, il vole au-dessus du cirque. Les artistes évoluent dans le bleu du ciel. Ils sont évanescents, presque immatériels. Tandis que chez Chagall, par le biais du traitement chromatique fait de couleurs vives, ils incarnent la magie dans une inconditionnelle matérialité plastique.  

Les toiles de petites dimensions constituent un tour de force.

DIS-MOI OU TU VAS? (60 x 40 cm-aquarelle)

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la couleur bleu-nuit enveloppant l’arbre dilaté, confère à ce dernier une matérialité aussi plastique que si cette œuvre avait été réalisée à l’huile. Admirables sont les personnages-silhouettes. Ils sont le sujet du tableau.

Leur évanescence, presque translucide, répond à la question placée dans le bas de la toile : « Dis-moi qui tu es. Dis-moi où tu vas ». Le décor désertique de l’ensemble ajoute une dose d’angoisse dynamisant le questionnement métaphysique. L’arbre est conçu à partir d’une variation sur le gris-noir laquelle par son côté squelettique amplifie la vérité de ce questionnement. Seuls les trois oiseaux couleur or, se profilant dans leur frêle silhouette, apportent l’espoir à ce même questionnement.

Observons que la couleur bleu du ciel qui d’habitude enveloppe l’espace est ici contenue par le blanc du cadre. Le chromatisme ne recouvre pas l’entièreté de l’espace.

LA GRANDE VILLE (45 x 35 cm-aquarelle)

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on ne peut qu’être médusés par la verticalité constituant la ville à partir de la finesse du trait exécuté sur un si petit espace. Les personnages, presque des insectes observés de loin, entament un chemin ascendant qui les conduit vers la ville. Il s’agit d’une ville « calme », aux couleurs tendres se détachant à partir d’un arrière-plan laiteux. Il ne s’agit en rien de la mégapole que nous connaissons. Mais bien d’une ville trouvant son visage humain à travers le conte de fées, par laquelle les personnages s’engouffrent à travers une brèche lointaine.

A côté d’un figuratif généralement fuyant (les personnages-silhouettes), l’abstraction a également droit de cité.

PARADIS DE COULEURS (99 x 96 cm-huile sur toile)

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est une symphonie chromatique où les couleurs se répondent sans s’entrechoquer formant un ensemble vibrant.

PAYSAGE MAGIQUE (56 x 82 cm-huile sur toile)

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l’abstraction tourne à l’aperception. L’abstrait fait ici figure d’alibi car le visiteur peut y voir tout ce que la culture figurative permet : silhouette humaine, vapeur thermique, nuage…Le rêve, dans l’émanation cérébrale qui s’incarne dans le langage de la poésie.

ELIETTE GRAF est issue d’une famille du Jura suisse installée dans les Franches Montagnes.

L’artiste insiste sur le fait que cette région a engendré des hommes à l’esprit indépendant, épris de liberté. Son enfance a été bercée par le fantastique et les contes de fées.

La tradition maçonnique est le second élément qui a déterminé son langage créatif. Certains de ses ancêtres (sans être spécifiquement Francs-Maçons) travaillèrent comme maîtres maçons à la cathédrale de Strasbourg. En présentant les personnages par groupes de trois, RONDIN (cité plus haut) joue avec la symbolique maçonnique. Le chiffre trois étant le symbole de la créativité. Chiffre que nous retrouvons, notamment, dans la triade chrétienne incarnée dans la Trinité. L’univers des cathédrales se retrouve également dans son œuvre. LES VEILLEURS DE NUIT (cité plus haut) sont en réalité les crieurs de la cathédrale de Lausanne chargés de rassurer la population pendant la nuit noire, en criant, au fil des heures que tout était tranquille.

Comme nous l’avons spécifié, l’artiste entretient une relation particulière avec la couleur bleue. Il s’agit d’un bleu vivifiant, carrément dynamique. C’est, en réalité, le bleu de l’hiver. Il y a un lien entre l’hiver et la nuit, en ce sens que l’hiver est la saison de l’endormissement. Mais cette nuit n’en est pas vraiment une puisque l’astre lunaire brille comme un soleil. Le bleu devient la couleur du rêve. Une couleur protéiforme puisqu’elle illustre l’espace de la poésie. L’artiste a une double formation : elle possède, en plus d’être une autodidacte, une expérience académique. Elle peint depuis maintenant trente-six ans et a présenté ses œuvres dans quelques soixante-dix expositions. Une autre caractéristique la concernant réside dans le fait qu’elle est également illustratrice. Cela se remarque, notamment, dans le traitement qu’elle apporte à la figure humaine, issue d’on ne sait quel grimoire aux recettes magiques. Sorcières et fées s’entremêlent pour le bonheur de l’enfance qui habite un coin de l’âme du visiteur. Car pour aimer cette peinture, il faut se laisser nourrir par le vertige du fantastique. Elle a débuté par l’aquarelle pour enchaîner avec le pastel et terminer avec l’huile. Sa philosophie est la suivante : L’aquarelle lui sert pour obtenir une image précise sortie de son esprit. Tandis que son rapport avec l’huile est essentiellement technique, en ce sens qu’il s’agit d’une matière qui se travaille. Elle insiste sur le fait qu’une symbiose doit s’installer entre le tableau et l’endroit qui devra l’accueillir. Une magie supplémentaire à celle de la création puisqu’une toile est un être vivant destiné à évoluer dans un biotope adéquat. L’un nourrira l’autre. Et le flux de la création issu de la poésie baignera la terre fertile de la magie qui respire en nous.

François L. Speranza.

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Une publication
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable


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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza


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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(Décembre 2017) photo Jerry Delfosse)

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            REFLETS D’UNE AME QUI SE CHERCHE : L’ŒUVRE DE MIHAI BARA

Du 28-09 au 15-10-17, l’ESPACE ART GALERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) vous convie à une exposition axée sur l’œuvre du peintre roumain, Monsieur MIHAI BARA, intitulée REFLETS DE L’AME.

Les reflets de l’âme ont ceci de particulier qu’ils permettent, une fois exprimés sur la toile, sur la pierre ou sur la page blanche, la possibilité de briller sous l’astre de la folie créatrice. Cette folie trouve sa liberté dans l’étreinte unissant l’artiste au Monde. L’âme projetée sur l’espace scénique fait s’unir les rires, les fautes et les folies en devenant l’assise soutenant la comédie humaine.

L’univers de MIHAI BARA est constellé de créatures fantasmagoriques évoluant dans une atmosphère à l’esthétique ludique. Cet univers se caractérise par sa puissance constituée de couleurs vives, issues du fauvisme: rouge, vert, jaune, bleu à outrance dans une théâtralisation qui propulse le sujet au cœur du regard. L’artiste renoue ainsi avec l’héritage pictural du passé. Sur base d’une écriture néo expressionniste élégante, il aborde tout à la fois l’expressionnisme tourmenté de conception allemande classique ainsi que le primitivisme, au sens où les néo expressionnistes du début des années ’80 l’entendaient : un retour à la nature (à la fois le biotope et l’humain) par le biais du mythe exprimé par un chromatisme rappelant celui d’un Gauguin. Mais il y a aussi une volonté cubiste dans sa façon de « replier » ses personnages en plusieurs fractions dans la conception du volume, particulièrement en ce qui concerne les visages dans le but de les déformer. En cela, il redevient expressionniste dans la déformation critique de l’événement narré. Il est impossible pour le visiteur de passer devant n’importe quelle toile de l’artiste sans remarquer le traitement extraordinaire de la couleur nourrie d’une matière extrêmement travaillée. Un sentiment de « froissé » envahit le paysage. L’arrière-plan des toiles est généralement noir (ou foncé) visant ainsi à propulser le sujet du néant au devant du regard. La conception des visages est axée sur le modèle du « masque ». Un masque qui contribue à déformer le visage, amplifiant ainsi son humanité originelle dans un déchirement. Nous voyageons au cœur d’un carnaval absurde dans lequel grimaces, yeux exorbités et traits déformés redimensionnent l’humain en le replaçant au centre de sa propre tragédie. Néanmoins, le visage n’est pas le seul témoin du reflet de l’âme. Le traitement des mains participe également du portrait psychologique.

Elles assument le rôle d’alter ego par rapport masque dans son expression. Le sujet occupe la totalité de l’espace, à un point tel que la conception du volume, sous toutes ses facettes, confère à ce dernier des dimensions architecturales. A titre d’exemple, LES SILTIMBANQUES (100 x 100 cm-technique mixte)

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présente un personnage dont le corps est l’édifice, partant de la base de la toile jusqu’à atteindre, par la tête et les mains, les limites du ciel.

Dans l’œuvre de l’artiste, comédie et tragédie se mêlent dans une distorsion qui fait de la forme le témoin de la condition humaine. Avec son visage atrocement déformé par le mensonge, LE MENTEUR (100 x 100 cm-acrylique sur toile)

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se retourne dans toutes les directions pour semer ses calomnies. La torsion de gauche à droite et de droite à gauche se produit par duplications de la bouche, terminant le visage ainsi que par le regard coupé en deux, multipliant les axes directionnels, l’ensemble étant appuyé par un nez constitué de deux losanges séparés par une arête en diagonale, laquelle fracture le visage en une myriade de facettes au chromatisme vif, garantes du déséquilibre vital de l’œuvre. Seul le statisme de l’ensemble témoigne de la lucidité du menteur face à son mensonge. Car il s’agit de l’acte conscient de l’homme qui ment et non du délire pathologique du mythomane. Bien qu’il s’agisse de couleurs fauves, à aucun moment elles ne deviennent criardes ou agressives. Il y a chez l’artiste une véritable science des couleurs : quelle note utiliser, où la placer, comment la composer.

A CHAQUE FOU SON OISEAU (60 x 60 cm-acrylique sur toile)

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est la fusion de deux folies, forgée dans l’image de l’oiseau pénétrant le visage de l’homme. Ici, le déséquilibre fait office d’assise : le visage se passe du corps pour tenir debout. A partir d’une dominante verte structurant à la fois le visage ainsi que l’oiseau et le point sur lequel le personnage est posé, quelques brèves notes jaunes, rouges et bleues éclatent ça et là, accentuant la folie de l’ensemble. L’arrière ainsi que l’avant-plan constituent une opposition chromatique forte entre le noir intense et le rose-ocre terreux. Aux dires de l’artiste, cette toile lui a demandé beaucoup d’essais. Le résultat est une peinture extrêmement travaillée. Nous avons ici un ensemble pictural répondant à l’esthétique primitiviste dans la pure veine du néo expressionnisme des années ’80.   

 

SAINT GEORGES EN TUEUR DE DRAGON (180 x 150 cm-acrylique sur toile)

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L’artiste prouve sa connaissance de l’icône orthodoxe. Traduite dans son écriture personnelle, le corps du cheval ne se déploie qu’à partir de l’avant. Un bref raccourci laisse apparaître sa patte gauche arrière, provocant une intéressante variation rythmique. C’est à partir de cette variation rythmique que se produit le bond en avant de l’entité Saint Georges/cheval, assurant la victoire sur le dragon. On ne peut pas parler de « cinétisme » à proprement parler. Néanmoins, au fur et à mesure que le regard se promène sur la toile, des détails apparaissent (tels que les pattes avant du cheval émergeant d’un fond noir intense, esquissant le piétinement de la bête), mettant en exergue les particularités narratives de la mise en scène : Saint Georges résulte d’une stylisation issue d’une vision mystique. Son visage, mince se terminant en pointe est compris entre l’auréole et le vêtement (tous deux dorés) qui lui confèrent sa puissance. Nous retrouvons le jeu extrêmement parlant des mains stylisées. La droite tient les rennes du cheval. La gauche tient la lance qui transperce la bête. Cette stylisation des mains donne le sentiment que le Saint ne fait que tenir les rennes et la lance par le bout des doigts. Observez la façon dont la lance est tenue : on dirait l’archet délicat d’un violoniste. De même que son visage, tourné vers le ciel, atténue l’action guerrière pour atteindre la plénitude. La stylisation des rennes ainsi que de la lance participent du message mystique exprimant la victoire du bien sur le mal. La tête du cheval est conçue en un bloc compact tombant vers le bas. Le museau de l’animal définit la partie vivante de l’ensemble du corps (dont nous ne voyons, en réalité, qu’une partie). Par l’intrusion d’une fente faisant apparaître une série de dents puissantes serrant les rennes, l’artiste insuffle la vie à sa création. Nous retrouvons, ici encore, la puissance chromatique de l’arrière-plan noir faisant ressortir le sujet du fond d’un abîme originel. Le personnage de Saint Georges oscille entre histoire de l’Art proprement dite et l’iconographie chrétienne à but spécifiquement prosélytique. Ne perdons jamais de vue qu’au Concile de Nicée, en 787, l’art (plus exactement la présence de la figure humaine) ne fut toléré que comme vecteur d’enseignement théologique à destination du peuple. De conception théologique orientale, l’iconographie de Saint Georges a été particulièrement étudiée par l’art russe de tradition orthodoxe.

MIHAI BARA a parfaitement réinterprété cette culture iconographique et iconologique en jouant sur les composantes jaune/rouge qui dominent la composition. Le jaune : l’or – symbole de puissance depuis l’Antiquité classique et proche-orientale, parce que considéré comme métal incorruptible. Le rouge : symbole de chaleur, de feu régénérateur. Mais surtout, symbole du sang de la vie dans la mystique chrétienne. A certains moments de l’Histoire, le rouge devient pourpre, particulièrement dans la philosophie néo platonicienne, représentant l’image du pouvoir en relation avec la cherté du produit (la pourpre) extrêmement difficile à obtenir, que l’on extrait à partir d’un gastéropode. Ce qui en fait une couleur réservée à une élite sociale jusqu’à son passage symbolique vers la tunique rouge enveloppant le Christ. La couleur rouge devient alors le symbole du pouvoir temporel et spirituel. L’artiste a tenu compte à la fois de l’histoire et de la symbolique politique des couleurs. Cette œuvre témoigne de l’intérêt du peintre pour l’art sacré. MIHAI BARA nous avoue qu’avec un groupe d’amis artistes Roumains, il pense explorer les sujets bibliques dans un futur proche.      

LES SALTIMBANQUES (cité plus haut) présente un personnage campé dans différentes attitudes : jeu de mains qui jonglent (en bas, à droite et à gauche, la balle revient comme un leitmotiv) faisant de chaque élément un personnage de l’histoire. L’arrière-plan est divisé en deux parties : le noir partant de la base pour signer la ligne d’horizon, à partir de laquelle débute le bleu recouvrant l’ensemble de l’espace.

LA RUMEUR (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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nous convie dans l’esthétique allemande de l’expressionnisme historique, d’avant la Première Guerre Mondiale jusqu’à la République de Weimar.

Nous avons une série de masques à la Otto Dix ou à la Emil Nolde, présentant des visages tordus et grimaçants. Le pers à l’avant-plan, à droite se distingue par sa bouche grande ouverte permettant à la rumeur de se répandre. Une fois encore, les mains régissent la composition en structurant l’espace. Tel un beffroi, la main sortant de la base de la toile à droite, déploie ses doigts sur lesquels repose le visage du personnage, en haut. Tandis que la main de gauche (en haut) « recouvre » la tête du personnage. Les trois masques répondent à trois situations différentes. La main de droite partant de la base pour atteindre le haut, rappelle la façon architecturale de procéder pour concevoir le corps du personnage des SALTIMBANQUES.  

LA NUIT (62 x 50 cm-acrylique sur toile)

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est un jeu chromatique savant entre le noir et le bleu foncé. Il s’agit d’une vue nocturne qui renverse le discours sur la façon de concevoir ce type de vue. D’habitude l’arrière-plan est noir car il représente la nuit. Tandis que la ville garde des bribes de couleurs. Ici, c’est le contraire : la nuit est bleue et la ville est noire, malgré quelques ersatz de brun (en dégradés), de bleu, de vert, de rouge et de rose, conçus de façon à imaginer qu’ils ne font que passer. LA NUIT est, comme l’indique l’intitulé de l’exposition, l’expression d’un reflet de l’âme. Un état mélancolique qui tenaillait l’artiste une nuit dans sa vie. Abstrait à ses débuts, l’artiste n’en finit pas de poser son abstraction comme un sceau sur son écriture néo expressionniste. Avec cette œuvre, son abstraction se caractérise dans cette vision nocturne qui brise les conventions esthétiques. Nuit et ville se fondent tout en s’opposant. Sans doute nuit et ville se complètent-elles dans la mélancolie onirique qu’engendre l’ensemble.

Plusieurs étapes ont parsemé le parcours créatif de l’artiste. Nous avons indiqué, plus haut, ses débuts dans l’abstraction. Cela se retrouve dans le traitement des surfaces, comme brouillées par une brume hachurée. La place de la figure humaine se retrouve dans le rôle, social et politique qu’elle joue, à savoir le réceptacle de l’âme incarnée dans ses états. La dialectique qu’elle dégage est celle de l’acceptation de soi qui se retrouve dans l’Autre. Un dialogue qui se perpétue dans le labyrinthe intérieur qui mène à l’introspection par rapport à son propre regard et à la société qui impose le sien. Nous sommes plongés en pleine dialectique néo expressionniste : la figure humaine se dématérialise pour devenir conscience.

L’artiste est fasciné par le sentiment du regard intime, de la conscience individuelle par rapport à ce que la société laisse apparaître d’elle-même : l’image d’une société spectacle. La figure humaine occupe la position d’un personnage multi facial, lequel n’est qu’une petite pièce dans le puzzle social. Bien que son écriture soi dirigée vers le néo expressionniste, l’artiste est radicalement contre les étiquètes, en se posant au-delà des expressions. Car l’expression est basée sur le sentiment intime du Monde. Le visiteur ne manquera  certainement pas d’être interpellé par la haute qualité technique de ces œuvres. Précisons, d’emblée, le fait qu’il n’y a aucune forme de collages dans ses réalisations.

Ce côté froissé (évoqué plus haut) est le résultat d’un savant ajout d’apports divers, tels que le latex liquide, le papier ou du matériau textile, en ce qui concerne la phase d’élaboration du support. L’artiste a de l’œuvre une idée quant à la composition des lignes de forces. Chacune de ses œuvres est anticipée par un dessin préparatoire, mettant en exergue son grand talent de dessinateur. La toile est conçue comme une fresque dans l’étymologie technique de la Renaissance italienne : « l’affresco ». La toile est badigeonnée de latex sur lequel l’artiste dépose plusieurs couches d’acrylique, avant d’ajouter les supports précités pour créer ce côté « froissé ». Nous avons noté, plus haut, le très grand talent de dessinateur de l’artiste. Cela se remarque aisément dans LE BATEAU DES FOUS (65 x 50 cm),

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une composition où le blanc contraste avec le fond noir. Le Roi, reconnaissable à sa couronne tombante est mort. Deux personnages, situés à l’opposé l’un de l’autre, regardent vers deux directions différentes. La question que pose cette œuvre est celle de savoir quelle voie il convient désormais de prendre. Nous voilà confronté à une œuvre politique dans le pur style expressionniste allemand. Le bateau étant synonyme de la société, la question est donc de savoir dans quel chemin la société est prête à s’engager. Les dessins sont réalisés au crayon aquarellable, lequel a la particularité de pouvoir dessiner des traits précis sur une surface sèche. A l’intérieur de ces traits précis, l’artiste étale la couleur. Ce type de crayon permet de jouer avec l’humidité si la surface du support est humidifiée. Terminons l’analyse de ce travail en précisant que le peintre affectionne également la peinture sur foulard, à partir de tissus recherchés.

MIHAI BARA qui a suivi une formation de huit ans au Collège d’Art de Brasov en Roumanie, est un artiste côté qui a subi l’influence de peintres roumains, détenteurs d’une tradition picturale propre à sa culture. Il est aussi extrêmement sensible à l’œuvre de peintres tels que Tapiès, Dali, Breughel (l’Ecole flamande) mais aussi Klimt pour ses couleurs joyeuses. Le néo expressionnisme est, de par ses diverses influences, extrêmement difficile à définir. L’artiste pousse d’un cran son exploration créatrice pour atteindre des terres inconnues, éclairs chatoyants et déformés du reflet de son l’âme. 

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Frannçois Speranza et Mihai Bara interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(Octobre 2017) photo Jerry Delfosse)

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                LE SIGNE ENTRE PLEINS ET VIDES : L’ŒUVRE DE CHRISTIAN GILL

Du 07-09 au 24-09-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) débute la saison nouvelle avec une exposition consacrée au peintre français, Monsieur CHRISTIAN GILL, intitulée : INTEMPORALITES.

INTEMPORALITES…jamais exposition n’a bénéficié d’un meilleur titre! Ce qui frappe, en premier lieu, c’est certainement la dimension « dantesque » envahissant l’œuvre de cet excellent artiste. Une dimension qui rappelle l’Enfer de Dante, au premier chant de la Divine Comédie. Une lumière, à première vue, ténébreuse, faite de crépuscules et de gaz sulfureux, enrobe la toile. Le décor est un mélange savant constitué de roches et de ruines, animées par un jeu d’arcades squelettiques, assurant un passage entre les éléments divers. En fait, ce décor est un « concerto » (dans l’étymologie première du terme : une lutte) entre architecture et nature transcendées. L’équilibre de l’ensemble est assuré par le statisme des figures humaines en silhouettes, campées de dos, figurant à l’avant-plan. GRAND ROUGE (80 x 8O cm-acrylique sur toile)

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Leur présence s’avère précieuse, car à aucun moment elles ne sont là juste pour « meubler » le décorum. Mais bien pour assurer, par le biais de leur statisme, l’équilibre inhérent à l’ensemble. Nous avons évoqué, plus haut, la dimension « dantesque » soulignée par l’atmosphère chromatique que nous avons définie « ténébreuse ». Néanmoins, nous nous sommes empressés de souligner que ce spectacle ténébreux n’apparaissait qu’à « première vue ».

Au fur et à mesure que le regard s’immerge dans la toile, il se laisse envahir par une mutation psychologique opérée par un changement dans l’interprétation du chromatisme. 

L’œuvre de CHRISTIAN GILL se signale par une luminosité faite de couleurs douces, lesquelles, par l’irruption d’une lumière diaphane, généralement placée en haut vers la droite du tableau, sous les traits d’un soleil fantomatique, fait que cette atmosphère « ténébreuse » dont nous parlions plus haut, se transforme en une explosion qui dynamise la composition en changeant le regard dans son interprétation. L’atmosphère cesse d’être « sombre » pour aborder la part mystérieuse de la démarche créative faite de mutations psychologiques, aboutissant vers la complexité à la fois narrative et interprétative. Les personnages sont vêtus d’un drapé, long et sans plis, les recouvrant de la tête aux pieds. GRAND BLEU (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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Ils adoptent une position statique dans une attitude excluant toute volonté de « mouvement ». Ils sont « formes » se fondant dans d’autres formes.

Si mouvement il y a, il est issu de la violence tranquille du chromatisme, lequel est galvanisé par ce faisceau de soleil émergeant d’une zone préalablement aménagée par l’artiste, lui permettant d’irradier les couleurs, originellement tendres et qui par cette action dynamisante, perturbe l’ambiance psychologique. Les couleurs se divisent généralement en trois teintes : le bleu (la couleur préférée de l’artiste par laquelle il a débuté cette série consacrée au signe), le rose et le noir (en dégradés). L’ « intemporalité » n’existe que dans le silence que distillent ces couleurs crépusculaires. L’œuvre de cet artiste est lisse, en ce sens que très peu de matière est présente, étant donné qu’elle est automatiquement nivelée au couteau. Les couleurs acquièrent, ici, la valeur de l’écriture automatique, en ce sens que c’est par le chromatisme que l’œuvre se crée. En réalité, la couleur conduit à l’émotion. Le figuratif, n’est en fait, que suggéré. Notons que l’artiste s’exprime toujours dans ce même chromatisme.

La genèse de l’œuvre part de tableaux de petites dimensions LE PETIT BLEU (30 x 30 cm)

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dans lesquels nous trouvons les germes appelés à se développer dans les toiles de dimensions importantes. Précisons que les tableaux de petit format ne sont en rien des « esquisses » puisqu’ils imposent la narration de départ.

Même en modèle réduit, tout est présent : chromatisme, décor, irruption du soleil, personnages en silhouettes, à l’avant-plan.

Les tableaux (qu’ils soient de petites ou de grandes dimensions) ne sont régis que par une seule thématique, celle du SIGNE. Et cette thématique s’explique par la détresse exprimée par l’artiste face au sort réservé aux chrétiens d’Orient. Les personnages en silhouettes, à l’avant-plan, totalement démunis, attendent un signe. Ces mêmes personnages sont tributaires du passé surréaliste du peintre. Leur présence, ainsi que l’atmosphère se dégageant des tableaux, procède à la fois d’un surréalisme tempéré ainsi que d’une conception métaphysique de l’espace.

A côté des signes, nous trouvons une œuvre impressionnante intitulée TRIPTYQUE DE LA MONTAGNE (2x 100 x 73 cm et 1 x 100 x 81 cm).

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Cette œuvre relate le souvenir de voyages en Asie. Si la technique demeure la même, la dialectique, elle, diffère du tout au tout.

Nous avons ici une évocation des estampes japonaises conçues en triptyque. L’artiste a voulu associer l’expression de deux cultures (occidentale en ce qui concerne le triptyque dans son appareil comme dans sa symbolique et orientale pour ce qui est de l’esthétique de l’estampe). L’émergence d’une forme d’écriture inconsciente se dessine dans la façon de lire cette œuvre. L’artiste a débuté son triptyque par le panneau de gauche. A l’origine, il ne s’agissait que d’une œuvre indépendante. Ensuite il a décidé de donner une suite à cette pièce en composant deux panneaux supplémentaires. De fait, même si cette œuvre peut se lire de gauche à droite, comme l’alphabet latin, rien n’empêche le visiteur de promener son regard à partir de n’importe quelle direction. La conception du triptyque occidental consiste à créer un épisode différent par panneau jusqu’au terme de l’histoire. Dans cette œuvre, l’histoire s’étale sur les trois volets avec pour seul thème la montagne. Dans son traitement, les crêtes ainsi que les contours sont conçus à la façon des nuages « tchi », une manière typiquement asiatique (chinoise d’origine) de concevoir les volumes afin de les rendre évanescents (nous retrouvons ce procédé tant pour la conception des nuages que pour la réalisation des cimes terminant les arbres. Même la célébrissime GRANDE VAGUE DE KANAGAWA de Hokusai (1830-31) est conçue de la même façon dans la conception de la crête de la vague montante ainsi que de l’écume.

Tandis qu’une couleur très sombre, tirant sur le bleu foncé, accentue l’intérieur de la vague, comme pour accentuer sa matérialité…immatérielle).

Ce même trait culturel chinois influençant l’esthétique asiatique allie, tout les en dichotomisant, les pleins et les vides. Dans le triptyque, relégués à l’arrière-plan, les vides sont concrétisés par la pâleur des montagnes enneigées qui se perdent au loin. Tandis que les pleins rugissent dans le chromatisme incandescent que l’artiste apporte pour exprimer la matérialité du relief montagneux. Une note rose évanescente unit le panneau central à celui de droite, accentuant ainsi la dialectique du plein et du vide. Toujours sur ce panneau central, une construction au chromatisme sombre témoigne d’une présence jadis humaine. Ce jeu de pleins et de vides, d’expression chinoise est le reflet plastique de la dialectique entre le yin et le yang.   

Autodidacte de formation, l’artiste a, depuis son enfance, baigné dans le milieu artistique du Montmartre, nostalgique des montparnos. Il a d’ailleurs pratiqué le dessin de façon intensive et s’est notamment formé en fréquentant des ateliers d’artistes qui lui ont prodigué de multiples conseils tout en le nourrissant de leur art. Sa sœur est également peintre. Ayant également pratiqué le surréalisme (comme nous l’avons évoqué), il éprouve une véritable vénération pour Dali.

Néanmoins, concernant ses influences (bien que celles-ci ne se retrouvent absolument pas dans son écriture picturale en ce qui concerne cette exposition), il cite aussitôt Picasso et Utrillo. Inconditionnel de l’acrylique, il utilise cette technique car elle lui permet de revenir très vite sur un geste mal engagé. Un détail tout aussi intéressant, mettant en exergue un trait révélateur de sa psychologie, réside dans le graphisme de sa signature. Celle-ci est minuscule. Auparavant, elle était trop imposante. Certains artistes le lui ont fait remarquer.

Et c’est à ce moment là qu’il a décidé de la réduire au maximum, à un point tel qu’elle a fini par devenir pratiquement invisible. Amusez-vous, d’ailleurs à la débusquer, si jamais vous y arrivez! Mais cet élément prouve que l’artiste, en minimalisant au maximum sa signature, s’efface devant son œuvre pour atteindre l’essentiel : l’expression de sa conscience. Ce qui, au-delà de tout vocabulaire stylistique, rend mystique sa démarche picturale.

Cette expression inquiète et sereine de la conscience, est semblable à ces longues silhouettes, lisses et drapées, qui cherchent à l’avant-plan de la vie, l’écho du signe sur la toile à peine tracé.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Frannçois Speranza et Gill interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
(Septembre 2017) photo Jerry Delfosse)

 

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            ENTRE LES SPHERES DE L’INFINI : L’ŒUVRE D’OPHIRA GROSFELD

Du 01 au 25-06-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a consacré une exposition, intitulée PINCEAU RYTHMIQUE, dédiée à l’œuvre de l’artiste belge, Madame OPHIRA GROSFELD.

PINCEAU RYTHMIQUE annonce, par l’exactitude de son intitulé, la démarche engagée par l’artiste pour atteindre la finalité du geste aboutissant à la forme, étalée dans l’espace. La portée même de l’intitulé exige du visiteur de s’impliquer dans l’exploration de l’univers du peintre pour trouver les clés donnant accès à cette finalité.

Cette exposition, pleine de poésie, en dit long sur la portée du jeu technique de l’artiste. Car c’est précisément la haute palette de son jeu technique qui devient le véhicule conduisant le peintre à exprimer le trait sous toutes ses coutures. Négliger cet aspect des choses aboutit à ne rien comprendre de l’esthétique de cette artiste. La technique devient la servante obéissante de l’émotion, en ce sens qu’elle s’avère à la fois consubstantielle et finalité de son discours pictural. Abandonner les possibilités explorées dans la technique au bénéfice, par exemple du symbole ou de l’émotion, équivaut à tuer le discours dans son déploiement créateur.

OPHIRA GROSFELD est une artiste pour qui le premier coup de pinceau détermine les prémisses d’un parcours menant, de rythme en rythme, vers la finalité (même provisoire – si tant est qu’une œuvre soit « définitivement » terminée) d’une création en tant que prise de conscience. Un trait elle, n’est jamais quelque chose de gratuit, en ce sens qu’il amène un autre trait, soit en continu, soit en parallèle. L’harmonie se conçoit dans une suite de traits, révélant un pinceau affiné, « rythmique », soutenu par des couleurs variées, jamais criardes, dont dénominateur commun est un arrière-plan au chromatisme souvent uniforme dans les teintes. Son œuvre est abstraite. Il s’agit, ici, d’une abstraction « lyrique » parfois calme et ordonnée. Parfois regorgeant d’une passion lumineuse, traduite dans un chromatisme de circonstance. Une abstraction où tout répond à tout. il s’agit d’une œuvre faite de musique souvent syncopée comme le jazz, où le « staccato » règne en maître. Une musique obéissant à une mathématique cachée dont on ne perçoit que l’aspect visible émergeant au regard.

Si cette œuvre est non figurative, force est de constater que, de temps à autre, des signes aussi « connus » que la sphère ou le « paysage » (décliné de mille façons), apparaissent comme pour redimensionner, en quelque sorte, la nature « non figurative » de son œuvre. Car le « non figuratif » ne se rapporte pas uniquement à la figure humaine.

L’aquarelle et l’encre de Chine…quel beau mariage ! L’aquarelle donne le ton à l’ensemble. L’encre de Chine, lui, le renforce dans l’élaboration du trait entourant les formes ou déployées librement sur la surface, dynamisant l’ensemble de la composition par des éclairs d’un noir luisant : ALLEGRETTO (69 x 64 cm).

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Ces traits, qu’ils soient appuyés ou extrêmement fins, voire à peine prononcés, assurent précisément le « staccato » jazzistique évoqué plus haut. Emergeant de derrière la décharge électrique dont ils sont à l’origine, la couleur point comme d’une myriade de lucarnes pour se révéler à la lumière.  

Encre de Chine et aquarelle engendrent un univers à la fois calme et féerique. Les couleurs, même les plus vives (comme le rouge ou le bleu) sont, de par leur traitement, rendues calmes. Cela est dû à cette science que possède l’artiste de « pastelliser » le chromatisme, donnant ainsi le sentiment du pastel. Il ne s’agit pas, ici, d’ « aquarelle » pure car l’huile est, somme toute, présente mais bien d’une conception personnelle de l’aquarelle.

Concernant l’ensemble de sa palette, intéressante est aussi l’utilisation du jaune que l’artiste applique sur des zones aménagées à cet effet, « enflammant » pour ainsi dire l’espace pictural par rapport aux couleurs plus fortes, soigneusement conçues pour engendrer un contraste aussi saisissant.

Arrêtons-nous un instant sur ENTRE DEUX MONDES (53 x 43 cm)

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 et REVERIE (53 x 43 cm).

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La note jaune appliquée à ces deux œuvres donne à cette couleur l’expressivité du sentiment de plénitude. Ici, cette expressivité demeure « feutrée » car il ne s’agit, bien sûr, pas d’un jaune à la Turner mais bien d’une couleur-symbole se rapportant au soleil, c'est-à-dire à la chaleur douce de la vie.

ENTRE DEUX MONDES prouve, comme nous l’avons souligné, que l’artiste ne se cantonne pas dans l’abstrait.

Elle explore une étendue figurative où l’abstraction transcende le monde physique pour atteindre les profondeurs cosmiques. L’œuvre est structurée en différents espaces : quatre à partir de l’avant-plan ouvrent le champ à un cinquième espace annonçant un ciel irradié de soleil éclatant dans une large diffusion de jaune. Il y a, dans l’ensemble, plus de chromatisme à l’avant-plan (vert, bleu, blanc, rouge en dégradés) que dans l’infini ouvert du ciel. Une dichotomie s’installe entre un monde matériel, symbolisé dans les oppositions chromatiques de l’avant-plan et la pureté de l’infini, exprimé dans un chromatisme épuré. La ligne de démarcation entre ces deux mondes se matérialise par un trait d’une finesse à peine perceptible ouvrant sur la possibilité d’un ailleurs cosmique.        

REVERIE (53 x 43 cm) nous offre, de façon plus confuse et moins structurée dans les plans, le même discours concrétisé dans l’opposition entre matérialité (forme traitée au mauve, à l’avant-plan) et spiritualité évoquée par une trouée irradiée de jaune vif, donnant également sur un ailleurs qui dévoile le for intérieur de l’artiste. Son âme à vif !

On ne passe pas (impunément!) devant l’œuvre d’OPHIRA GROSFELD sans s’y arrêter. Le visiteur a besoin de prendre un temps d’arrêt nourri d’une réflexion (dans le sens intime du terme : celui d’une démarche réflexive) pour s’imprégner de la psyché de l’artiste que des forces les plus secrètes, les plus improbables animent. Les titres qui accompagnent ses œuvres sont en parfaite adéquation avec l’esprit des toiles.

Titres, symbolique et technique conduisent vers un même but. Néanmoins, l’on sent qu’elle ne vit que pour la technique. Celle-ci devient l’outil lui permettant d’accéder vers la cosmicité d’un monde intime, lequel, par l’intervention du geste, devient supérieur.

INFINIS POSSIBLES (57 x 43 cm)

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est suite de sphères, l’une imbriquée dans l’autre. Nous avons évoqué, plus haut, la présence de la forme sphérique ainsi que la présence dramaturgique de la note jaune. En vérité, ces deux éléments se rejoignent dans leur symbolique, car dans bien des cultures, la sphère est le symbole de l’infini. En l’associant au jaune vif, synonyme de chaleur et de joie de vivre, l’artiste explore et exprime la dimension transcendante de l’Etre.

Dès lors, en enchevêtrant les sphères, elle accorde à l’espace la possibilité de se perpétuer, dans la volonté de transcender l’infini. Sa peinture est essentiellement lisse. Le pinceau glisse rythmiquement sur la toile. La matière dans sa rusticité est abolie, en ce sens qu’elle utilise un papier spécial à grain fin, ce qui procure un sentiment d’élasticité dans la spatialité.

La démarche d’OPHIRA GROSFELD se divise principalement en deux étapes :

1)    elle laisse son esprit divaguer au fil de la toile, comme dans l’extase d’un état second ou prise dans une méditation

2)    une fois le travail terminé, elle le laisse « mûrir » pour le reprendre par la suite et lui imposer une étape de réflexion, axée sur l’équilibre des formes ainsi que sur les problèmes harmoniques pouvant déséquilibrer la construction de l’œuvre.

Par conséquent, son travail se structure à la fois par une impulsion créatrice suivi d’un stade de réflexion critique. Technique assez difficile à réaliser, l’aquarelle lui impose ses propres lois physiques qu’elle appréhende par le biais de son imaginaire, obligeant ainsi la couleur à adopter un langage expressif. Rythme et technique sont complémentaires. Le pinceau n’est que l’outil lui permettant de créer le mouvement. L’apaisement de l’esprit face à la toile la convainc que l’œuvre est aboutie dans la phase définie de son état d’Etre. De formation académique, elle ne se réclame d’aucune influence directe mais certaines de ses toiles font, parfois indirectement, référence à Jackson Pollock, notamment dans la technique du « dripping » (le fait de faire couler plusieurs gouttes de couleur sur la toile – posée sur le sol - pour avoir une idée de la trajectoire à donner à l’œuvre) comme tremplin pour se lancer dans l’inconnu créateur, en attendant le stade critique rectificateur de la réflexion. Le nom d’Hassan Massoudy, peintre et calligraphe irakien, n’est pas non plus étranger à son art. Nous pouvons en retrouver des traces dans sa conception du trait (à la fois lettre et signe), fourni ou lisse, il enserre la couleur à l’intérieur d’un giron chromatique.

OPHIRA GROSFELD est une artiste pour qui la technique est la servante de l’émotion avec laquelle elle compose un dialogue où le pinceau se perd en se retrouvant dans la mesure cosmique du rythme.

François L. Speranza.

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Une publication
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Frannçois Speranza et Ophira Grosfeld: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(Juin 2017) photo Jerry Delfosse)

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Signature Ophira Grosfeld

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N.D.L.R: pour mémoire

Deux autres écritures d'Ophira Grosfeld:

-Ophira Groosfeld - L'âme des cieux

(Une vidéo de Robert Paul)

        

-Ophira Grosfeld:: L'opéra dans les cieux

(Une vidéo de Robert Paul)

      

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               PAR-DELA’ BÉATRICE : LE DIALOGUE DE CLAUDIO GIULIANELLI

Du 31-05 au 25-06-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a mis à l’honneur l’œuvre du peintre italien, Monsieur CLAUDIO GIULIANELLI, par une exposition intitulée DIALOGUE AVEC LA NATURE.

La caractéristique majeure concernant l’œuvre de cet artiste est, sans conteste, l’atmosphère théâtrale qu’elle exhale. A cette noble théâtralité, s’ajoute la poésie de la Renaissance, particulièrement dans la vision dantesque de la Nature, exprimée par la Femme, la Béatrice sublimée, embellie, symbolisée dans le Tout cosmique. Plastiquement exprimée, cette vision se concrétise sur la toile par le personnage féminin, à l’avant-plan, derrière lequel ressort un paysage champêtre, montagneux, lacustre ou maritime. Ce paysage, tout de brumes entouré, met la Femme en exergue, dans une Toscane mythifiée. La Renaissance est présente, tant dans le costume du personnage que dans sa façon de poser. Jamais elle ne pose de face mais toujours de trois-quarts ou de profil. Elle est campée à l’intérieur d’un arc dont nous ne voyons que l’arcade avec les colonnes portantes. Concernant le cadrage, une constante régit la présentation du portrait tant masculin que féminin, à savoir que bien souvent, le personnage n’est pas représenté en entier. Celui-ci est compris dans un cadre (une focale, s’il s’était agi de photographie – un « plan américain », s’il s’était agi de cinéma) extrêmement serré, le montrant à partir de sa taille. La mise en exergue du personnage, en l’occurrence de la Femme, s’exprime par le fait qu’elle occupe, même campée dans un coin, la majorité de l’espace, à l’avant-plan. Elle est cadrée de telle façon qu’à partir de la taille, celle-ci « monte » en flèche (typique de l’esthétique de la Renaissance), jusqu’à donner le sentiment d’atteindre le sommet de l’arcade (sous laquelle est enserrée) qu’un ciel aux teintes surréalistes empêche de rejoindre. Ajoutons à cela que son regard est constamment adressé au visiteur dans un sourire légèrement changeant, selon les œuvres. Juste derrière elle, le paysage est délimité par une ligne d’horizon très basse (également typique de l’esthétique de la Renaissance).

La lecture que nous impose l’œuvre de cet artiste est essentiellement philosophie et symbolique. Chose, une fois encore, appartenant à la pensée du 16ème siècle où philosophie (naissance de la pensée moderne) et symbolique (consistance du courant religieux) s’alternaient dans les méandres de la pensée politique. Une suite d’allégories de la Renaissance apparaît dans chaque œuvre que le regard approche.

Un premier élément, musical celui-là, s’invitant sous la forme de la flûte (que l’on retrouve dans tout le parcours de l’artiste comme une signature), représente la présence de la danse. La conception de la flûte, à la Renaissance est complexe dans son interprétation, car à l’instar de la bulle de savon (dont nous parlerons plus loin), elle représente la fragilité de l’existence ainsi que l’illusion destinée à s’évanouir. D’ailleurs, une des images évocatrices de l’esprit, à la Renaissance est celle montrant un cylindre (une flûte ?) scintillant.

LE REVE (60 x 60 cm- acrylique et huile sur toile – 2017)

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nous montre un personnage féminin conçu de trois-quarts, le visage en plan jouant de la flûte. Sur la droite de la toile, deux bulles en suspension dans l’espace.

La Femme est campée à l’intérieur d’une arcade. Au-dessus du personnage, figurent sur la gauche un soleil et sur la droite une lune. Un paysage montagneux s’affirme à l’arrière-plan. Nous évoquions, plus haut, les aspects philosophique et symbolique de l’écriture de l’artiste. Deux exemples nous sont donnés ici. La bulle de savon, échappée d’une flûte, flottant dans l’air est le symbole, à la fois de la légèreté ainsi que l’éphémère de l’existence, laquelle flotte dans un espace conçu par Dieu…le temps qu’elle éclate! Le soleil et la lune figurant en haut des colonnes portantes, symbolisent l’être masculin (le soleil) et l’être féminin (la lune) identifiant l’humain. La symbolique du soleil est celle du pouvoir. Celle de la lune est relative à la féminité, à l’illumination, à l’éternité, en ce sens qu’elle incarne la notion du cycle, réalisée dans l’apparition, la croissance et la disparition, symbolisant ainsi la dimension résurrectionnelle du fait qu’elle réapparaît quotidiennement. Le soleil, lui, symbolise le pouvoir car par sa lumière il donne la vie. Le soleil et la lune sont, dans toutes les cultures, les parèdres d’une même notion : celle de l’existence, à la fois biologique et sociale.

La flûte appartient à la symbolique mystique propre à l’harmonie car il s’agit de l’instrument joué par les anges. Associé au surnaturel  ainsi qu’à la vie pastorale depuis l’Antiquité classique, il traduit l’harmonie intérieure, par conséquent, il participe de la Nature.

Les couleurs usitées par l’artiste sont globalement tendres. Même le rouge, couleur « fauve » par excellence, n’est jamais exploité à l’excès. LE REVE est considéré par son auteur comme une œuvre « froide », de laquelle se définit la féminité du personnage en accord avec la Nature. Il est vrai, après analyse, que se qui pourrait créer cette atmosphère de « froideur », serait, en fait, le traitement apporté aux chairs du visage et du buste, apparaissant en dégradés, conçus à partir du jaune-or du turban et des manches de la robe.

Dans les autres tableaux, le visage de la Femme s’étale sur des coloris tendres, néanmoins, plus vivants.

CE QUE VOUS SAVEZ PEUT-ETRE (50 x 70 cm-acrylique et huile sur toile – 2011)

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comporte un renforcement de la symbolique : une bulle trône au dessus d’une architecture monolithique (située à l’arrière-plan), à l’intérieur de laquelle est enfermée une silhouette humaine. L’artiste « implique » ici l’être humain de façon directe, en le plaçant face à ses fins dernières.

LE VOL DE PULCINELLA (50 x 70 cm- acrylique et huile sur toile-2017)

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déclame une poésie festive.

La Femme, buste de profil, visage de trois-quarts, agite deux marionnettes, l’une blanche, l’autre noire. La marionnette blanche symbolise la « Fantaisie », elle porte sur son visage un masque noir : elle se dissimule. La marionnette noire, elle, symbolise la « Rigueur ». Elle est habillée en gendarme et porte une matraque. L’arrière-plan, entièrement dominé par le bleu (en dégradés) du ciel et de la mer, alterné par le blanc de l’écume, est entrecoupé par le jaune vif des banderoles ainsi que du rouge bordeaux du turban et de la robe du personnage féminin.

CONCERT AVEC LA NATURE (38 x 38 cm-acrylique et huile sur toile-2017),

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ajoute à cette palette symbolique un élément supplémentaire sous la forme de « l’alambic », au-dessus duquel se trouve la bulle avec à l’intérieur, comme s’il s’agissait d’une mise en garde, la silhouette humaine. Considéré sous son aspect symbolique, l’alambic est un réceptacle renfermant toutes les choses de la Nature. Une sorte de boîte de Pandore (destinée à rester fermée), à l’intérieur de laquelle sont contenues les quatre saisons, représentées par les quatre éléments : le Printemps (l’air), l’été (le feu), l’Automne (la terre), l’Hiver (l’eau). Brassées à l’intérieur de l’alambic, son contenu s’écoule dans la plus totale harmonie.

BULLES (50 x 70 cm-acrylique et huile sur toile-2009),

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nous fait assister à une véritable transformation de l’écriture expressive de l’artiste. Car il s’agit de la seule œuvre qui se détache stylistiquement du contexte, en présentant la Femme dont le turban devient littéralement « cinétique » : il se défait sans pour autant disparaître. Une innovation est apportée par le fait que pour la première fois, même campé de profil, le personnage est nu.

Un élément supplémentaire réside dans le fait que l’arrière-plan, composé de deux zones bleues, en dégradés (clair avec de fortes notes blanches pour le ciel parsemé de nuages et foncé pour signifier la mer), est exclusivement maritime. Bien que les mains du personnage tiennent la flûte de laquelle s’échappe la bulle de savon (issue de la Renaissance), le contexte est ici totalement surréaliste. C’est précisément par cette dimension « cinétique » du turban défait, néanmoins physiquement présent, que s’affirme comme point de départ la lecture entreprise par le visiteur, lorsque celui-ci débute son périple cognitif.

Le contraste entre le rouge du turban et le bleu « magrittien » de l’arrière-plan donne à cette œuvre une force d’une rare intensité. Il convient d’insister sur le fait que l’artiste vient précisément du surréalisme. Et cela n’est, en dernière analyse, pas surprenant du tout, étant donné que la spécificité du surréalisme est celle de réinterpréter l’histoire de l’Art en éloignant d’elle toutes les frontières, en faisant reculer les possibles. Il s’agit ici d’exposer une Renaissance sublimée sans emprunter une écriture esthétiquement « surréaliste » mais en adoptant les traits d’un symbolisme formel. Nous savons que l’artiste provient du surréalisme. Mais ici, la dimension « surréaliste » ne se développe qu’à partir de l’apport métaphysique propre à un de Chirico dont l’on retrouve l’empreinte dans les coloris relatifs à l’atmosphère englobant le personnage à l’architecture.

L’allégorie de la bulle de savon demeure la même, à savoir l’illusion destinée à disparaître contenue en son sein ainsi que la grâce de sa rondeur laquelle s’avère être la présence de l’esprit traduite dans la forme.

CLAUDIO GIULIANELLI a une formation de chimiste. Cela se perçoit dans la science qu’il apporte aux couleurs, en ce sens que l’alchimie dont il se revendique, assure l’harmonie narrative à la base philosophique de son discours. Et cette base philosophique, il la puise précisément dans les études de Philosophie poussées qu’il entreprend.

Extrêmement féru de littérature dantesque, il trouve dans Béatrice la matrice même du personnage de la Femme ainsi que le véhicule spirituel entre l’Homme (l’Anthropos) et Dieu. C’est à se demander s’il ne l’a pas (volontairement ou inconsciemment) substituée à Eve, personnage central dans la formation psycho-sociale de la Femme. Et l’Homme (en tant que genre) où est-il dans tout ça? Il semble ne pas exister…mais ce n’est qu’apparence car c’est par la symbiose que Béatrice forme avec la Nature qu’il se voit faire partie du cycle de l’Eternel Retour.

Il coexiste pleinement à l’intérieur du principe de vie, puisqu’à l’intérieur du récit dantesque, il forme une entité amoureuse et philosophique avec la Femme. Notons que très souvent, c’est la couleur rouge (en dégradés) par laquelle l’artiste conçoit la robe portée par la Femme. Le côté à la fois lumineux et « pastellisé » de la robe contrastant avec la blancheur laiteuse des chairs, est le résultat d’une technique mixte, composée d’acrylique et d’huile. La conception des plis des tissus (cannelés) ainsi que la température des couleurs n’est pas sans rappeler (toute proportions gardées), la technique de Giotto. Ce qui, une fois encore, nous ramène à Dante.

Hasard ou coïncidence ? Cette robe rouge était celle que Béatrice portait lorsque Dante, enfant, la vit pour la première fois…

Béatrice a, notamment, été au centre des préoccupations esthétiques et thématiques des préraphaélites, vers la fin du 19ème siècle : pensez, notamment, à Dante-Gabriele Rossetti qui l’a souvent représentée indépendamment de la présence de Dante. Chose assez inhabituelle chez les préraphaélites qui l’ont, le plus souvent portraiturée en sa compagnie, comme pour symboliser l’entité de l’amour à l’intérieur du couple mythique.

Autodidacte, l’artiste fréquente les musées depuis l’enfance. Il a trouvé dans Bosch et le Caravage les maîtres qui lui ont ouvert la voie de l’expression artistique.

Chose commune à bien des artistes, lorsqu’il se trouve devant la toile, il ignore ce qu’il adviendra de son œuvre. Et c’est là que la couleur vient à la rescousse! C’est à partir de l’exploration des possibilités multiples que lui offre le chromatisme qu’il opte pour telle issue narrative. L’artiste se laisse envoûter par la magie de la palette. A ce titre, il avoue que « l’on ne peint pas avec son cerveau !», signifiant par là que la peinture, et plus au-delà, la création n’est pas le résultat d’une froide suite d’opérations calculées aboutissant à un résultat escompté.

Tout au long de son parcours, l’artiste a participé à de nombreuses expositions de par le monde.

Vous l’aurez remarqué, par delà la dimension littéraire et humaniste, il y a chez CLAUDIO GIULIANELLI une atmosphère théâtrale « bon enfant », mettant en exergue l’univers de la Commedia dell’Arte. Néanmoins, ne perdons jamais de vue que ce théâtre des rues auquel interagit le visiteur est celui d’un artiste du 21ème siècle, qui par sa culture et son pinceau, passe par le regard actuel, pour atteindre l’intemporalité.

François L. Speranza.

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Une publication
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Claudio  Giulianelli  et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(Juin 2017) photo Jerry Delfosse)

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Signature Claudio Giulianelli

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                          DE L’ESTHETIQUE DU SUJET : L’ART DE JIRI MASKA

Du 03-05 au 31-05-17, l’ESPACE ART GALLERY (35, Rue Lesbroussart, 1050, Bruxelles) a consacré une exposition au peintre et sculpteur tchèque, Monsieur JIRI MASKA, laquelle nous a surpris à plus d’un titre.  

Ce qui, d’emblée, saute aux yeux comme une évidence, c’est le côté « tragique » dans l’œuvre de cet artiste. Même concernant des thèmes qu’il tourne à la parodie, tels que NAKED ABBOT GOING TO VATICAN (102 x 102 – combinaison technique),

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la dimension tragique demeure présente. Certes, à la vue de cet ensemble de formes, entrelacées, prenant naissance l’une dans l’autre, l’on peut éprouver un sentiment pouvant prendre l’aspect de l’angoisse, en ce sens qu’il y a chez cet artiste une « esthétique de la déconstruction », laquelle au fur et à mesure que le regard s’immerge dans la toile, devient un ensemble « cohérent », en ce sens qu’au-delà des entrelacs, la forme se révèle. En réalité, l’artiste conçoit un sujet « caché », car au-delà de la matière étalée, surgit le corps, en ce sens qu’on le devine, circonscrit à l’intérieur d’un trait noir luisant, signifiant le volume. Concernant NAKED ABBOT, L’homme, reconnaissable à ses attributs, nous regarde par delà ses yeux exorbités et sa série de dents inférieurs, à l’intérieur d’une bouche esquissant un sourire ou un cri, nous laisse entrevoir la vaste gamme du tragique. Le cœur, de couleur rouge vif, affirme l’humanité. Conçues comme des aperceptions au sens psychologique du terme, une série de formes d’apparence animales, se distinguent sur la gauche de la toile. Homme et animaux sont réalisés de la même façon. En fait, ils émergent de l’arrière plan dans la magie de l’apparition.

La dimension spiritualiste est également une composante dans l’esthétique de l’artiste.  GOD OR DEVIL ? (102 x 102 – combinaison technique)

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nous entraîne dans les abîmes de l’âme par la conception d’une créature mythologique,  reprenant les attributs de la divinité païenne, celle du « daimon » grec, qui se situe au-delà du « bien » et du « mal » (au sens judéo-chrétien du terme), puisqu’elle les rassemble en sa divine personne. Cette œuvre portraiture une créature inquiétante, entourée de formes fantomatiques, certaines au faciès animal.

Comme pour ABBOT, la couleur dominante est le rouge bordeaux très foncé. A l’instar de cette œuvre, un cœur rouge vif apparaît sur la poitrine de la divinité.

La touche d’humour, typique de l’artiste, se ressent dans la présence du nœud papillon, toujours de couleur rouge, ornant le cou du personnage. L’arrière- plan, conçu en jaune clair, évoquant la lumière, contraste avec la dominante chromatique sombre. Un trait noir luisant entoure le personnage en soulignant le volume. Il y a là l’image à la fois d’un combat intérieur entre les pulsions de vie et de mort mais aussi l’image d’une trajectoire politique qui a conduit la Tchéquie (le pays d’origine de l’artiste) vers la dérive capitaliste, entraînant la société vers la consommation.

Un autre trait d’écriture singularise cette œuvre, à savoir l’espace occupé sur la toile par le personnage central.

Cela se perçoit parfaitement dans MANITO (62 x 62),

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un excellent exemple de la façon dont l’artiste structure l’espace. Ici, le personnage devient « central », à la fois parce qu’il est le protagoniste du récit pictural mais aussi parce qu’il occupe précisément la partie centrale de l’espace pictural. Et dans cette œuvre, l’espace est structuré en cinq plans :

1)    L’avant-plan, constitué à la fois de la couleur du sol, composée de jaune-sable ainsi que de mauve foncé, associé au noir.

2)    Le centre de la scène, réalisé à la fois par la massivité du corps du personnage (signalé par le fort chromatisme vert) et du paysage dont la note jaune est une extension de celle de l’avant-plan.

3)    Une série de montagnes traitées en bleu fonce.

4)    Une deuxième série de montagnes, traitées en noir pour souligner la distance spatiale d’avec les premières.

5)    Le ciel, en bleu clair maculé de taches blanches, signifiant les nuages.

Notons que le cadre, souligné d’un fin trait noir, est à son tour, « encadré » par un second trait, aussi fin que le premier pour bien faire ressortir tous les aspects de la composition.

MANITO témoigne excellemment de la manière dont le personnage central s’accapare littéralement de domination spatiale. De ce point de vue, force est de constater qu’il n’y a chez l’artiste, aucune volonté de « subtilité » déclarée dans sa façon de concevoir le protagoniste : celui-ci « trône » dans l’espace en éclipsant le reste. Cela est dû, précisément, à cette forte touche d’humour que nous évoquions plus haut.

MANITO traduit, par son volume, sa couleur verte et par l’attitude du protagoniste, une dimension « carnavalesque » qui « grossit » le personnage jusqu’à le rendre gargantuesque. 

Un autre facteur identifie l’œuvre de JIRI MASKA : un sens aigu de l’esthétique du sujet. Qu’entendons-nous par là ? Le « sujet » ne se limite pas au personnage central mais bien à l’ampleur des contextes psychologique et sociopolitique qui l’ont engendré. Cela, l’artiste l’a bien compris lorsqu’il associe personnages (central et subordonnés), décor, contextes personnel et historique dans une même trajectoire narrative. Et cette esthétique du sujet se marie avec ce que nous nommions plus haut, l’ « esthétique de la déconstruction », en ce sens que pour que le sujet s’affirme, il lui faut se dilater, se « déconstruire » au maximum de ses possibilités, pour pouvoir se recréer derrière un écran de formes, sur le moment, inintelligibles afin de se régénérer comme « sujet » dans la totalité de l’espace pictural.

DEAD SOULS (110 x 126 cm – combinaison technique)

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est une petite merveille. Inspirée de l’œuvre littéraire de Gogol, elle s’articule par une forme, en apparence abstraite, de laquelle se détachent des ectoplasmes (les âmes errantes), qui semblent flotter, au fur et à mesure qu’elles se réveillent au regard du visiteur. Autre trait identitaire de l’artiste : les œuvres s’articulent à partir d’une même constante chromatique, faisant office de signature. Ici, le traitement lugubre du bleu donne à l’ensemble une sorte d’intemporalité « mobile », flottant sur la surface de la toile, laquelle devient le théâtre sensible de l’imaginaire.

L’œuvre de JIRI MASKA est peuplée de monstres. Certains d’entre eux sont des monstres de foire, tels que le personnage de ARCHBISHOP FROM CANTERBURY MAKES DEAL WITH DEVIL (51 x 51 cm – combinaison technique),

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où nous assistons à la transformation psychophysique de l’évêque, sur la tête duquel poussent des cornes stylisées. Le personnage est construit sur trois parties :

1)    La robe pourpre qui lui confie son identité. Cette pièce, conçue en rose, est renforcée par un trait rouge vif, lequel se répand sur les contours du cadre.    

2)    un amas de tissus, en réalité, une pièce volumineuse de laquelle apparaît

3)    la tête du personnage qui fixe le visiteur.

Autour de lui, une série de petits personnages, faisant penser à des diablotins, semblent danser une ronde.

La scène est campée sur un arrière-plan de couleur noire, au fond duquel se distingue, en une esquisse stylisée, la ville de Canterbury. Traité de la sorte, le sujet prête au rire et à la bonhommie. Ce qui, concernant l’expression du problème moral, diffère d’avec GOD OR DEVIL ? (cité plus haut). Néanmoins, force est de constater que les personnages qui peuplent ces questionnements sont un « abbot », c'est-à-dire un « abbé » (en anglais), un bishop (à savoir un évêque) ainsi qu’une créature hybride prisonnière d’un ouragan pulsionnel. Par conséquent, des entités évoluant dans la sphère du Sacré, religieux et politique, lesquelles se concentrent et se déflagrent dans les tréfonds de l’individu. 

Si JIRI MASKA est un peintre excellent, il est également un sculpteur hors pair.

DIANNA (combinaison technique),

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représente un buste de femme acéphale. Abordée de face, c’est à partir de ses seins proéminents qu’elle se construit sur toute une série de torsions et de courbes qui confèrent à la pièce la réalité d’une vitesse d’exécution ressentie par le visiteur. Son corps devient alors un entrelacement de pistes que le regard parcoure pour s’arrêter sur tel détail, avant de reprendre son périple. La sinuosité de son buste en « S » s’achève sur des cuisses massives dont l’on ressent l’importance, carrément « architecturale », car elles servent de soutien à l’édifice corporel. Si le buste est acéphale, l’artiste souligne qu’il s’agit bien d’une femme et pour bien le mettre en exergue, il confère aux seins une proéminence soulignée, précisément pour affirmer la féminité du personnage.

Analysée de dos, DIANNA

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constitue un réseau de lignes abruptes, partant du cou jusqu’au creux des reins. Cette peau artificielle sur le derme est un vêtement. Un déroutant drapé, lequel compense, par son habillage, la nudité que le buste exhibe de face. Cette pièce est, de par sa composition, l’association de deux œuvres différentes, scindées en une entité.

Il y a une volonté de retourner à l’Antiquité classique par le biais d’une écriture contemporaine. Le corps est restitué par un volume qui pointe sur la force et les tensions tournés vers l’élan et la puissance. Les plis partant du cou jusqu’au creux des reins, même stylisés, rappellent les cannelures qui structurent les drapés antiques.

L’œuvre, tant picturale que sculpturale, de JIRI MASKA participe d’un expressionnisme abstrait.

L’artiste peint depuis sa plus tendre enfance. Son talent fut détecté par son grand-père lorsqu’il n’avait que six ans. Plus tard, il a fréquenté des écoles d’arts graphiques dans son pays natal d’où, pour des raisons politiques, il a choisi de s’expatrier vers Washington. Là, il a suivi des études de peinture au College Everett. Il expose régulièrement et avec succès de par le monde.

L’appellation « combinaison technique » porte parfaitement son nom. Car l’artiste ne s’en tient pas à une seule technique mais les explore toutes. Il utilise le latex ainsi que le talc. Les spatules de toutes les tailles autant que les mains pour stratifier la matière. L’huile et l’acrylique sont indistinctement usités. Nous évoquions, plus haut, la centralité que le personnage principal occupe dans l’espace. Techniquement parlant, cette figure (que l’artiste nomme « structure ») est la première à être conçue sur la toile. Tout se détermine autour de celle-ci.

JIRI MASKA n’a pas d’influences stylistiques particulières. A y regarder de près, pourquoi en aurait-il ?

La seule préoccupation qui l’anime est, en dernière analyse, ce qui se révèle, au contact de ses œuvres. L’Esthétique : celle du sujet.

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Jiri Maska  et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(Mai 2017) photo Jerry Delfosse)

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Signature Jiri Maska

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  Exposition  Jiri Maska  à l'Espace Art Gallery - mai 2017 - Photo Espace Art Gallery

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               ENTRE REVE ET FEMINITE : L’ŒUVRE DE CHRISTIAN CANDELIER       

Du 30 – 03 – au 30 – 04 - 17, l’ESPACE ART GALLERY a consacré une exposition axée sur l’œuvre du sculpteur français, Monsieur CHRISTIAN CANDELIER, intitulée COURBES ET DOUCEURS.

Jamais l’intitulé d’une exposition n’a été aussi juste : COURBES ET DOUCEURS. La matière s’étale sur la surface comme une marée lumineuse pour se répandre de courbe en courbe. Car les courbes, ce n’est pas ce qui manque dans l’œuvre de cet artiste, amoureux d’un concept moteur devant animer l’image, celui de la « beauté », considérée par Hegel comme le summum de l’esthétique. Cette beauté hégélienne, l’artiste la conjugue avec une vision personnelle de la Nature que le corps sensuel et étiré de la Femme, exprime dans chacune de ses courbes soutenues par un étirement à la fois tendre et délicat. Quoique différemment exprimé, l’on retrouve dans ses sculptures le mouvement ascensionnel d’un Rik Wouters (pensez à la VIERGE FOLLE – 1912-

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bien qu’il s’agisse là d’une œuvre de grandes dimensions), l’envol vers un ailleurs qui émerge au regard. Les pièces ici exposées sont majoritairement de petites dimensions. Et c’est précisément là que réside le tour de force. Le petit format n’éclipse en rien la sveltesse du corps. Que du contraire : il le met en exergue ! L’étirement qu’il produit se prolonge sur toute la surface. Celui-ci non seulement englobe l’espace mais l’engendre, en ce sens que, précisément, l’œuvre se dévoile sous toutes ses facettes, au fur et à mesure que le visiteur tourne autour d’elle. Tout se dévoile sous le regard. Tout se crée par cette mécanique articulée du regard, du mouvement dont le visiteur est à l’origine et de l’étalement de la forme comme résultat d’une alchimie spatio temporelle. A ce titre, l’artiste présente ses pièces sur un socle parfaitement adapté aux dimensions de la sculpture. Mais revenons un instant sur la question de la Nature. Il y a manifestement deux écritures plastiques différentes dans l’œuvre de l’artiste. Il nous propose, dans un premier temps, des créatures lisses à souhait, assurant par le corps deux types d’attitudes : le déploiement vers le haut et le mouvement ramassé par une position concave dans laquelle, recroquevillée sur elle-même, la Femme touche ses pieds dans une attitude presque foeutale où la finesse des lignes fait que le contact entre les cuisses et les seins forme un cercle intérieur, ouvert au regard pour qu’il se perde dans le vide.

Comme une brassée d’algues, les cheveux descendent, rassemblés jusque sur les pieds : PRISCILLA (36 x 14 x 14 -2,9 kg - bronze).

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L’œuvre de CHRISTIAN CANDELIER propose une exploration des chorégraphies sculpturales, héritées d’un 20ème siècle en quête de nouveaux langages.

Ces langages sont, avant tout, basés sur une conception nouvelle de l’espace. La danse, paradigme de la gestion scénique, a offert au siècle dernier une nouvelle approche corporelle qui déserte les conventions académiques. Doit-on rappeler les contorsions d’Isadora Duncan et le scandale du « Sacre » de Stravinsky-Diaghilev? Il s’agissait là d’une volonté de libération exprimée à l’intérieur d’un cadre sociopolitique représenté par l’espace scénique. Le corps, en expansion, était là pour le briser.

Avec DELPHINE (21 x 21 x 46 – 5 kg - bronze),

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CHRISTIAN CANDELIER aborde à sa manière, une thématique maintes fois explorée par bien des sculpteurs, à savoir l’extase. L’extase se développe sur trois voies d’expression : l’érotisme, le sacré religieux pour se retrouver dans le dénominateur commun de la transe. L’artiste nous livre ici une possibilité d’expression parallèle, celle de la joie. Cette fuite ascensionnelle à partir du sol, donc de l’élément chtonien pour atteindre l’ouranien témoigne d’une sémantique associée au bonheur. L’élan part de la jambe gauche, conçue pour former une diagonale (si l’on regarde la pièce de profil), reprise par le buste, légèrement relevé, portée à son terme par la tête. Analysée de face, un déséquilibre, assuré par sa jambe droite posée sur la gauche, comme pour la stabiliser, nous offre un buste dressé vers l’avant, surmonté d’une tête légèrement penchée vers sa droite, faisant office de « répondant » à la force de la diagonale. Reposant sur sa droite, la tête est comprise entre ses mains. Le socle (élément dont nous reparlerons plus loin) est d’une importance capitale car il sert, si l’on veut, de « piste » à l’élan fourni par le corps. Celui-ci part d’un coin du socle (considéré comme espace concrètement visible – à l’instar d’une scène de théâtre - et non pas imaginaire) vers son élancement. Il y a une mise « en suspension » du mouvement considéré comme le segment d’une série d’actes mécaniques.  

Mais à côté de cette finesse d’exécution, tout en traits lisses, figure également une Femme carrément « rugueuse » qui, adoptant globalement les mêmes postures, se sert de son corps pour souligner les tensions de l’effort : DANSEUSE, LA BALLERINE D’EDGARD (20 x 15 x 19 – 2 kg – cire).

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A ce stade, le corps traduit un état aux antipodes de celui de la Femme en extase, étirée dans la sveltesse du geste. La tension due à l’effort s’exprime par une matière « en ébullition », traduisant la mécanique musculaire. Cela est le résultat d’un rendu à base de cire.

Chose absolument impossible à réaliser avec de la terre patinée, propice à réaliser le côté « lisse » d’un corps svelte et languissant. Le dénominateur commun entre ces deux écritures réside dans le fait que ces deux types féminins assument les mêmes proportions physiques longiformes. Il faudrait que prochainement, l’artiste nous montre d’autres pièces du genre de LA DANSEUSE, car concernant l’exposition achevée, il n’y en avait qu’une seule. Ce qui agissait comme un contraste.

MEDITATION (33 x 20 x 30 – 2,6 kg – bronze)

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nous montre la Femme repliée à l’intérieur de sa féminité. Elle est assise sur un globe : globe terrestre ou ventre de femme en gestation, pourriez-vous penser. Rien de tout cela. L’artiste a voulu que le socle (car une fois encore, c’en est un) épouse le module du cercle caractérisant la nature même de la sculpture. Elle effectue une contorsion faisant de sorte que le corps se rétracte vers l’intérieur dans une attitude convexe, vers les tréfonds de la pensée, physiquement exprimée.

Cette contorsion, nous la retrouvons, toutes proportions gardées, chez LE PENSEUR de Rodin où malgré la présence écrasante du volume, la contorsion (ou plus exactement, la semi-contorsion) du personnage, également nu, fait que la pensée s’exhale de la matière. Nous évoquions, plus haut, la « chorégraphie ». La chorégraphie vient de la danse, c'est-à-dire du théâtre.

Par sa « transe », CARMEN (18 x 28 x 30 – terre cuite patinée)

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provient directement du théâtre antique en évoquant, notamment, « Les Bacchantes » d’Euripide, que le sculpteur grec du 4ème siècle avant J.C., Scopas, a magistralement transposé dans sa célèbre « Ménade aux chevreaux ». Par sa torsion ainsi que par le rejet du buste en arrière assuré par la tête, CARMEN, par l’unité de ses jambes autant que par celle des cheveux aboutissant au même point avec ses bras, vers la gauche, déstabilise l’équilibre de l’œuvre et lui impose une série de rythmes. Bien sûr, comme dans toute sculpture, il y a des pleins et des vides et l’on réalise que l’écriture plastique de l’artiste se fait dans l’évidement. Cette constatation est toujours provoquée par l’extrême finesse des traits. A l’analyse, cette pièce est sortie d’un creux, prenant naissance dans le bas, engendrant les pieds de la sculpture et remontant progressivement jusqu’à s’unir avec le corps pour que vive le volume.

Seule pièce de l’exposition exécutée sans modèle, elle est une invocation à la transe bachique, unissant l’œuvre et son démiurge dans une même ivresse.

Les visages sont rarement évoqués. Celui de CARMEN est littéralement coupé en son milieu par une droite faisant s’unir les deux parties de la face par un angle droit. Cette arête se prolonge jusqu’au cou du personnage. Cette conception épurée du visage se manifeste pour la première fois dans l’art moderne. Par cette volonté d’effacer les traits pour retourner à l’essentiel du volume. Dans ce cas précis, l’artiste a traduit son amour pour Modigliani dans la conception de l’allongement du visage.

Il n’y a que dans LA SONGEUSE (39 x 32 x 95 – 25 kg – bronze),

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la plus grande pièce de l’exposition, que des détails anatomiques tels que les yeux, le nez et la bouche sont évoqués. Ici, le mouvement n’est pas l’œuvre d’une quelconque rotation du torse mais bien d’un axe directionnel de la tête, penchée vers sa droite, comprimée par les épaules légèrement soulevées. Cette pièce pourrait-elle se passer d’un socle ? A-t-elle été conçue pour reposer sur un socle ? A coup sûr, si on la déposait par terre, elle tomberait ou s’affaisserait sur un côté. Le socle en est une partie intégrante.   

Nous évoquions, plus haut, la dialectique hégélienne en rapport avec la « beauté ». L’artiste nous offre une féminité répondant à une série d’images épurées par une patine, à la fois brillante et délicate, ce qui accentue le sentiment de douceur. Le traitement par la courbe répond au besoin d’insuffler une dynamique à l’ensemble : une essence motrice qui protège le personnage de tomber dans un statisme létal. Précisons que le sentiment de « beauté » ne déroute en rien l’artiste de la réalité intrinsèque de la Femme (elle vaut bien évidemment plus que cela !). Néanmoins, l’honnêteté intellectuelle nous incombe d’insister sur le fait que quand on a un tel talent, l’on est impérativement obligé d’évoluer dans ce registre au risque de tomber dans le « déjà vu ».

En ce sens que, s’il est reconnu que l’esthétique (en l’occurrence hégélienne) régit sa démarche, il ne faudrait pas qu’il tombe dans le piège de l’esthétisme. Il arrivera un jour où ce besoin se ressentira de lui-même.

A la question de savoir s’il est conscient du fait qu’intituler ses créations par des prénoms féminins aussi « légers » que Delphine, Carmen ou Géralda risqueraient, pour ainsi dire, de les « désacraliser », par rapport à l’enjeu dont ses œuvres se revendiquent, l’artiste répond qu’elles existent par leur prénom. Qu’il l’a inventé ou qu’il peut  l’avoir emprunté à ses modèles.

La seule touche « érotique » qui effleure la Femme se ne se concrétise pas par sa nudité mais bien par la présence du chapeau qui lui couvre la tête. L’artiste estime qu’un élément aussi léger qu’un chapeau peut habiller une femme car il sert de contrepied à sa nudité tout en la mettant en exergue. Par cet aspect, il renoue avec les classiques grecs, car ce qui à leurs yeux, conférait le divin aux héros, ce n’était ni l’expression du visage ni encore moins les attributs vestimentaires mais bien la nudité du corps.

L’artiste s’est-il déjà essayé à la sculpture monumentale ? Aussi surprenant soit-il, la réponse est non. Bien que l’on ait parfois le sentiment que certaines pièces de petites dimensions pourraient servir de « prototypes » à des compositions de tailles plus importantes.

L’idée d’un rapport avec la Nature se ferait alors sentir de façon plus vive. Car ses œuvres pourraient être parfaitement intégrées à l’intérieur d’un cadre naturel tel un parc, renforçant le côté « heimat » qui sied précisément à cette conception de Nature transcendée par l’image de la Femme. Cette image, l’artiste la conçoit  tendre et lisse, axée dans une continuité linéaire. Seule dans son intimité, elle provient de l’Antiquité classique et se veut l’interprète du « beau », à la fois comme expérience esthétique mais également tactile car si ces pièces sont « lisses », c’est surtout parce qu’elles invitent au toucher, à la caresse. A cela s’ajoute alors une dimension charnelle, opposée à l’intellectualisme froid de certaines œuvres d’aujourd’hui.  

Autodidacte, ayant participé à des stages chez plusieurs sculpteurs, CHRISTIAN CANDELIER travaille la terre chamotée fine. Il adore la malaxer, augmentant ainsi ce sentiment charnel du toucher. L’énergie est son credo. Après avoir laissé le temps s’écouler sur sa création, il y jette un second regard en la faisant tourner sur elle-même dans le but de voir s’il est toujours « en accord » avec ce qu’il a voulu exprimer.

S’il ne l’est pas, il retravaille la pièce dans le vif et n’hésite pas à « en faire trop », comme il dit, en augmentant des torsions. Et c’est à la lumière rasante qu’il traque les imperfections toujours en faisant tourner la sculpture. 

Nous avons cité plus haut Modigliani en guise de référence. Néanmoins, son berceau demeure le classicisme et des sculpteurs tels que Donatello, Rodin et Camille Claudel (tous issus de Michel-Ange, lui-même se référant aux Grecs) sont à l’origine de son geste créateur. C’est pendant ses Terminales qu’il a découvert Hegel et ses principes d’Esthétique. Féministe convaincu, il prône une égalité sans failles entre l’Homme et la Femme. D’un point de vue professionnel, il a toujours admiré la sensibilité du travail des artistes femmes fait d’élégance, de douceur et de tendresse.   

L’œuvre de CHRISTIAN CANDELIER est une ode à la Femme qui, intrinsèquement, nous pose une question : la féminité est-elle un fruit de la Nature ou bien l’expression vivante d’un rêve ? Au visiteur (quel que soit son genre !) d’y répondre.

François L. Speranza.

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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Christian Candelier  et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(avril 2017 photo Jerry Delfosse)

                                                                                                            

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      DE L’ORDINAIRE COMME ESTHETIQUE : L’ŒUVRE DE YVONNE MORELL

Du 30-03- au 30-04-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), vous présente une exposition intitulée UNE VIE ORDINAIRE….MAIS EXTRAORDINAIRE, centrée sur l’œuvre de Madame YVONNE MORELL, une excellente artiste peintre suissesse qui a fait de son monde intérieur le théâtre de sa peinture.

Quand l’art fait office de socle à l’humour, il faut s’attendre à toutes les surprises. Et encore…on est toujours surpris du résultat ! En réalité, le titre de l’exposition est très éloquent quant à l’interprétation de l’œuvre de l’artiste.

L’ordinaire pris dans une dimension, non pas sacralisante comme le ferait le surréalisme, mais bien dans le repos de sa musique quotidienne. L’humour est ce que le visiteur entrevoit quand son regard parcourt les scènes d’une vie aussi quotidienne qu’extraordinaire dans son expression.

De longues figures filiformes, figées dans leur stylisation se serrent, l’une contre l’autre, pour atteindre une unicité spatiale à l’intérieur du cadre. L’œuvre baigne dans une intemporalité nostalgique. Les personnages, principalement féminins, même contemporains de l’artiste puisqu’il s’agit presque toujours de personnes proches, donnent le sentiment de provenir d’un ailleurs fabuleux. L’œuvre se concrétise également par une fausse « inertie » provoquée par le visage, figé dans une immobilité expressive agrémentant le statisme des personnages. Leurs visages sont proches des masques dans leur traitement. Tandis que leur rendu physique fait penser à certaines figures filiformes de l’expressionnisme allemand des années ’30 : AU MUSEE (40 x 50 – acrylique sur toile).

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Le dialogue corporel des personnages s’inscrit dans le langage du regard.

LE PRINTEMPS DANS L’AIR (60 x 60 – acrylique sur toile)

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La conception des visages n’est pas sans évoquer les masques de James Ensor, lequel annonce d’ailleurs l’avènement de l’expressionnisme. Le chromatisme des vêtements assure l’unité picturale de l’ensemble : le brun foncé des robes se détache nettement des autres éléments chromatiques. Ils se posent en ligne de démarcation entre l’avant et à l’arrière-plan. Le blanc des écharpes assure la transition entre le brun des robes, l’irruption des visages et l’arrière-plan, composé d’arcades également de couleur blanche.

Les deux sacs, à mi-hauteur des corps, assure la continuité de la couleur avec l’avant-plan du tableau, composé de fleurs.

Toujours dans le registre de l’humour, SOUVENIR D’ENFANCE (60 x 50 – acrylique sur toile)

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est la seule œuvre qui fasse, en quelque sorte, faux bond avec l’esthétique qui sous-tend son œuvre. La femme se présente de façon absolument inattendue. Le visiteur doit-il chercher à deviner son visage ? Considérons le fait que le personnage portraituré est en réalité la grand-mère de l’artiste. Cette œuvre affirme la confidence unissant le peintre à ses sujets. Ce qui frappe c’est la posture de cette femme. La seule chose qui saute au regard c’est son postérieur apparaissant de façon colossale, voire cyclopéenne. Il domine non seulement la composition mais aussi le sujet dans son identité sociale. Il s’agit de la représentation de la « femme au foyer », penchée sur son four. Elle apparaît comme un ballon gonflé à l’hydrogène qui enfle, au fur et à mesure qu’elle se penche sur son travail. Dos et postérieur, même unis dans une entité plastique, sont séparés par un cordon de couleur blanche.

Un trait notable de son écriture réside dans le fait qu’elle donne un côté « serré » tant à ses personnages qu’au traitement par lequel elle conçoit la ville, par le biais de la rue où les maisons s’ « entassent » les unes contre les autres, provoquant un certain déséquilibre dans leur élongation.

SORTIE EN VUE (60 x 80 – acrylique sur toile)

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donne une belle illustration de l’expression du corps dans l’exigüité du cadrage. Ramassées à l’intérieur d’un espace totalement enveloppant, les trois femmes offrent une esquisse du mouvement grâce au traitement des jambes (en plan). Chaque paire présente une ligne directionnelle particulière appuyée par les contorsions des têtes. A l’instar des jambes, chacune d’elles assure la rotation qui est la sienne. L’espace, souligné par l’importance de la couleur, trouve ici sa fonction enveloppante : le jaune des coussins enveloppe les trois femmes. Le brun clair des finitions boisées enveloppe le divan et le brun foncé de l’arrière-plan enveloppe la totalité de l’espace, à l’exception des extrémités, gauche et droite, desquelles se profile une zone grise signifiant le parquet sur lequel repose une petite table avec un abat-jour.

L’artiste se pose une question à l’honnêteté déconcertante, à savoir quel est son style ?

Vous l’aurez peut-être remarqué, nous évitons d’utiliser le mot « style » à tout bout de champ. Comme le disait Céline dans sa dernière interview peu avant sa mort, il n’y a en réalité qu’un ou deux « styles » par siècle. Nous préférons donc parler d’ « écriture », histoire d’y voir plus clair. Car elle est « personnelle » par rapport au « style », souvent trop galvaudé, voire copié. Mais s’il fallait se risquer à déterminer chez elle un « style », le côté « art brut » pourrait venir à l’esprit. Cela est dû à l’apport d’objets en métal sur certaines de ses toiles : des lunettes posées sur les yeux du personnage de gauche de INSEPARABLE (40 x 50 – acrylique sur toile)

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ainsi que des vélos flanqués contre les façades des maisons comme pour EN VILLE (95 x 95 – acrylique sur toile).

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Précisons aussi que les formes qui habitent ses personnages sont inspirées d’anciennes sculptures que l’artiste a réalisées dans le courant de son parcours. Leur morphologie filiforme témoigne d’une influence de la sculpture du 20ème siècle. On pense, notamment, à Giacometti même si l’artiste ne s’est jamais inspirée directement de lui. Néanmoins, la verticalité des personnages témoigne du résultat issu d’une interprétation picturale de la sculpture. Il est fort dommage, d’ailleurs, que l’artiste n’ait pas songé à présenter certaines de ses pièces sculptées lors de son exposition. Car le lien plastique entre ses personnages tout en matière friable et ceux conçus en matière liquide saute aux yeux comme une évidence.  Espérons qu’un beau jour, elle nous fera le plaisir de les exposer avec ses toiles. Nous avons évoqué, plus haut, l’empreinte expressionniste. L’artiste peut donner le sentiment de « flirter » en quelque sorte avec des noms qui ont jalonné l’histoire de l’Art du 20ème siècle. Néanmoins, si elle flirte, c’est à son insu car elle connait mal l’évolution des principales écoles du siècle dernier, ce qui lui évite de se plonger dans l’œuvre d’un artiste jusqu’à s’en imprégner totalement. A titre d’exemple, il y a chez elle une manière de façonner les corps qui peut rappeler, à certains égards, Egon Schiele, à cette différence près que Schiele compose des toiles permettant un élancement total des corps dans l’espace, tandis qu’YVONNE MORELL déploie ses formes dans un cadrage comprimé. Néanmoins, la plastique des membres, la coloration des chairs n’est pas sans évoquer l’esthétique de Schiele. La réalisation des coiffures se retrouve dans l’œuvre du peintre autrichien : la forme n’existe que par la présence hypertrophiée du volume.

Nous avons souvent noté que chez certains artistes, la présence d’un champ créatif, non alimenté par une culture encyclopédique, tire sa puissance dans une forme d’intuition artistique laquelle perçoit, dans les tréfonds de la pensée, les possibilités infinies de la création.  

Il n’y a aucune référence « classique » dans sa peinture. La perspective y est globalement absente.

Y a-t-il un côté « art naïf » dans son écriture ? A première vue, l’on aurait tendance à répondre : « non ». Mais, en y réfléchissant bien, peut-être y a-t-il, concernant le terme « naïf » un prolongement interprétatif que l’on pourrait donner à ce style. Est-ce le graphisme qui est « naïf » ? Est-ce, à la fois la simplicité du sujet représenté ainsi que l’évocation du souvenir suscité chez le visiteur qui l’est ? Cela reste, pour le moment, encore à définir.   

Nous avons évoqué, plus haut, la proximité entre l’artiste et ses sujets. Cette proximité trouve son ciment dans le souvenir comme dénominateur commun déployé dans tous ses aspects.

L’artiste explore, notamment l’expérience olfactive, récurrente dans certains de ses tableaux comme pour l’évocation de sa grand-mère, affairée devant son four.

L’odeur de la polenta est également un personnage de la toile. Il s’infiltre entre les couleurs pour titiller le visiteur qui se crée un souvenir imaginaire.

Le thème de l’amitié se concrétise par le biais de la solidarité, plastiquement exprimée précisément par ce côté « serré » que nous évoquions plus haut.

Tout est « serré » dans son œuvre, autant les personnages que les édifices. L’expression de l’unité implique hommes et femmes à l’intérieur de la ville, représentée par la coupe d’une rue. Et, au-delà de la rue, c’est le Monde que l’artiste invoque. La ville est typique des Pays-Bas, reconnaissable à son architecture de style flamand. 

L’artiste, qui utilise principalement l’acrylique, est passée maître dans la restitution du relief qu’elle réalise, non pas par un apport de matière traitée au couteau mais bien par des collages extrêmement fins réalisés par des papiers très résistants, augmentant de ce fait, le côté charnel de l’œuvre d’apparence étonnamment lisse. Au fur et à mesure que le regard se rapproche, la matière se révèle dans une granulosité maîtrisée. 

YVONNE MORELL a fait ses académies dans différentes écoles d’art. Elle organise aujourd’hui des cours de peinture pour enfants et adultes, tout en participant à des expositions. La quotidienneté de la vie associée à ses humeurs se révèle être l’âme de son art.

L’humour, mentionné plus haut, devient la sève qui donne vie à chacune de ses compositions où l’innocence devient la force vitale de l’expression. Il s’agit ici d’un humour discret, voire réservé qui se libère en associant le visiteur à son propre quotidien devenu souvenir, parfum et nostalgie. L’ordinaire devient ainsi extraordinaire par la vision qu’elle offre de l’instant joyeux cueilli dans sa simplicité.

François L. Speranza.

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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Yvonne Morell et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(29 mars 2017 photo Jerry Delfosse)

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Signature d'Yvonne Morell

                   12273217878?profile=original            Exposition  Yvonne Morell à l'Espace Art Gallery en mars et avril 2017 - Photo Espace Art Gallery

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QUAND SURREALISME ET HUMANISME EXPRIMENT L’ŒUVRE D’ALVARO MEJIAS

Du 23-02 au 26-03-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter une exposition consacrée au peintre surréaliste vénézuélien, Monsieur ALVARO MEJIAS intitulée LA INMORTALIDAD DEL CANGREJO (L’IMMORTALITE DU CRABE).

Dans l’évangile de l’Histoire de l’Art, le surréalisme prend naissance au début du 20ème siècle. En 1917, Guillaume Apollinaire, voulant accéder à la perception de l’invisible, invente dans une lettre adressée à l’écrivain et critique littéraire belge Paul Dermée, le mot « surréalisme » pour effacer définitivement l’expression « surnaturalisme », à connotation trop philosophique. Cela valait pour la littérature mais la peinture et plus tard le cinéma n’allaient pas être en reste. Poursuite de la lutte ou renaissance d’un concept ? Force est de constater que le surréalisme n’est pas, comme le prédisaient d’aucuns, mort et enterré. Que du contraire, il s’adapte, s’enserre et se faufile dans les arcanes les plus glissantes de notre société pour augmenter les possibilités d’un art que l’on constatera être encore plus ancien que ce qu’une certaine critique a essayé, jusqu’à il ya peu, de nous faire croire.

S’il est indéniable de considérer ALVARO MEJIAS comme un peintre surréaliste, il faut admettre aussi qu’il participe à redonner au surréalisme ses lettres de noblesse en le replaçant dans une continuité historique, tant pour ce qui concerne l’Histoire de l’Art que pour l’Histoire de la pensée humaine. Par son œuvre, les deux disciplines se trouvent parfaitement imbriquées et repositionnées au sein de la quête séculaire de l’humain.

Bien des critiques ont considéré la peinture mésoaméricaine contemporaine comme une forme de baroquisme sympathique alors que celle-ci se présentait déjà comme du surréalisme au sens étymologique du terme.

Avec ALVARO MEJIAS, nous retournons aux sources du surréalisme originel : celui du mythe que les cultures mésoaméricaines ont exploré dans une iconographie à l’intérieur de laquelle lignes et couleurs explorent une essence onirique. Le surréalisme présenté comme « cultivé » reprit sans le savoir, après la Première Guerre Mondiale, une démarche onirique analogue (peuplée de rêves et cauchemars), dont la spécificité fut d’être ancrée au sein d’une bourgeoisie à prédominance catholique, ankylosée dans une frustration consommée, ayant perdu tout rapport avec la sacralité de la situation inconsciente du moment, jugée « sans intérêt » (réfléchissant ainsi la suprématie d’une philosophie matérialiste et mortifère) qu’il fallait reléguer aux oubliettes du refoulé, lesquelles nous ramènent à notre vulnérabilité face à l’indicible de l’instant pulsionnel, vécu jusqu’à ses dernières limites.

Le surréalisme que nous offre l’artiste plonge ses racines dans le mythe, à la fois culturel et personnel. Mais, à y regarder de près, le mythe, n’est-il pas lui-même l’expression première du « surréalisme », par la tragédie qu’il exprime de façon poétique?

Par « tragédie », nous entendons l’œuvre prise comme source de méditation et d’enseignement, c'est-à-dire, au sens grec du terme. 

En quoi, d’un point de vue technique, le surréalisme de l’artiste se définit-il ? Il se définit, en premier, par la puissance de ses couleurs qui lui assurent sa lumière. Par « puissance », nous voulons mettre en exergue la façon dont les couleurs (tendres dans l’ensemble mais efficaces dans la lumière qu’elles créent) projettent le sujet vers le regard du visiteur. A partir d’une note dominante (jaune, bleu, vert…) utilisée comme fond chromatique, toute la palette sert, en quelque sorte, de propulseur au sujet destiné à être capté par l’œil.

D’un point de vue mythologique, ce qu’il y a sur la toile, témoigne de la présence envahissante des dieux et des déesses, prenant l’expression de formes que seule la part mythique de nous-mêmes, c'est-à-dire, la part liée à notre essence, peut interpréter et prolonger.

Le grand sens de la technique de l’artiste se développe tant dans les grandes toiles que dans les petites. La caractéristique de ces petits formats est définie par une sorte de déploiement de la forme, un peu comme le dépliage de celle-ci. Ils se définissent par plusieurs zones à l’intérieur desquelles elle s’exprime dans une myriade de détails : OTRO MUNDO (UN AUTRE MONDE) (40 x 40 cm-huile sur toile),

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la particularité de l’écriture de l’artiste se définit dans le fait qu’elle aborde la forme de telle façon que, de par son traitement, elle effleure à plusieurs reprises une abstraction pour ainsi dire, « contrôlée ». Nous l’observons à la vue de ces vibrations presque « musicales » s’échappant de cette série de courbes et d’entrelacs, chromatiquement concentrés à l’intérieur d’une dominante rouge, de laquelle apparaissent des notes vertes (au centre) et mauves (vers le bas).

Ces couleurs, vives à l’origine, mais réduites à leur expression la plus tendre, mettent en  relief la forme dans toute la plénitude de son essence. Peu importe qu’elle soit connue ou non, l’essentiel c’est qu’elle réponde aux exigences de l’espace, conçu comme aire de jeu sur laquelle elle s’étale. Car, au-delà de cet onirisme, il y a une discipline de la forme et de la couleur : tout est agencé pour qu’aucun élément ne sorte de la zone qui lui a été assignée et dans laquelle il évolue. Cela est vrai au point que la peinture recouvrant l’espace ne déborde jamais du cadre.

Cela prouve la fascination de l’artiste pour la peinture aztèque où les œuvres sont spatialement conçues de la même façon.

Cela dit, y a-t-il un ordre manifestement préétabli dans les compositions de l’artiste ? Il n’y en a pas, en ce sens qu’il ne sait jamais de quelle façon se terminera la toile qu’il conçoit.

Concernant les grands formats, l’écriture picturale reste la même, en ce sens que, comme pour les petites compositions, tout se développe à partir d’une couleur dominante. RECORDANDO MI INFANCIA (ME SOUVENANT DE MON ENFANCE) (100 x 81 cm-huile sur toile),

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la couleur dominante est le vert en dégradés à partir de laquelle se bâtit l’image. Le titre est évocateur car le « me souvenant » implique la démarche cérébrale de se souvenir laquelle se conjugue avec l’action du visiteur de regarder. Il s’agit là de deux actes à portée réflexive, mettant en scène l’artiste et le visiteur dans l’accomplissement d’un même acte : la création et le prolongement de celle-ci par le biais de l’imaginaire du regardant. Nous avons ici une adéquation presque physique entre l’artiste et le visiteur, reliés par le dénominateur commun qu’est l’enfant (c'est-à-dire l’artiste), campé à la gauche de la toile, dont le rendu est imprécis. S’il est imprécis, ce n’est que volontairement. Car, le souvenir, procédant de la mémoire, demande à l’instar de la vision une sorte de « mise à feu » pour arriver à préciser les contours du passé. L’enfant est encore flou. Seul le regard du visiteur peut lui donner une consistance charnelle. A droite de la toile

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se trouve la mère de l’artiste dont les traits du visage sont précisés de façon réaliste, offrant à la conception physique de l’enfant, le contrepoint d’un rêve « éveillé ». Au centre de la composition, faisant partie du corps de l’oiseau en passe de prendre son envol, nous avons une image riche d’enseignement, à savoir la spirale.

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Celle-ci est un symbole à portée universelle représentant le temps. Néanmoins, dans la culture aztèque, elle bénéficiait d’une iconographie hiéroglyphique se rapportant à l’Histoire et à son évolution sous l’aspect du calendrier. Le temps, dans la culture aztèque, ne se concevait pas de façon linéaire comme en Occident mais bien de façon circulaire : chaque cercle (cycle) se terminait par sa fermeture. De ce même cercle (terminé) en naissait un autre, lequel, bien sûr, s’achevait de la même façon.

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Néanmoins, que ce soit sur base d’un cercle ou d’une droite (imaginaire), l’iconographie du temps supposait une évolution, c'est-à-dire, qu’elle portait vers le haut.

Il y a dans cette œuvre une opposition vitale entre réalité « onirique » et réalité « physique » : l’enfant « onirique » opposé à sa mère « physique ». L’évanescence du  flou opposé à la matérialité organique existant par elle-même. Observez la position des mains de la mère : elle pose sa main droite, au-dessus de la spirale, caressant le dos de l’oiseau sur le point de s’envoler. Sa main gauche tient quelque chose de sphérique semblable à un fruit. Cela forme un mouvement insolite dans le jeu des mains animant pour ainsi dire l’existence de l’oiseau.

Dans le bas du tableau, nous remarquons ce qui pourrait évoquer un jeu par la présence de ce qui ressemble à des fléchettes, placé à côté de ce qui serait une balle.

L’œuvre est structurée comme suit :

1)    Les teintes rouge et rose dominent l’avant-plan, mettant en relief ce qui pourrait être la balle et les fléchettes, symbolisant l’aire du jeu

2)    le vert est la couleur du souvenir avec l’enfant et la mère en guise de référents cognitifs

3)    le bleu évoque le ciel vers lequel l’oiseau prend son envol

L’écriture surréaliste de l’artiste s’affirme tant dans les sujets que dans les titres. Jetons encore un regard sur les œuvres de petit format : ORIGEN DESCONOCIDO (ORIGINE INCONNUE) (40 x 40 cm-huile sur toile),

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est une toile qui offre un florilège de possibilités interprétatives du point de vue pictural. Il représente un ensemble iconographique composé de formes hétéroclites. Certaines sont connues telles que les poissons et les algues, d’autres participent plus d’une forme personnelle d’abstraction lyrique. Le tout étant relié par un chromatisme de fond à dominante verte. Mais voilà que sur la gauche du motif central, apparaît vers le haut à droite du motif, une paire d’yeux fixant le visiteur. L’ensemble de la composition traduit une atmosphère résolument aquatique. Cela peut sembler incroyable, néanmoins, lorsque l’on demande à l’artiste la raison pour laquelle il a intitulé ce tableau ORIGINE INCONNUE, il avoue le plus calmement possible, qu’il n’en sait rien et que cela lui est venu comme ça ! Ce titre, associé au sujet, n’est pas sans évoquer l’origine du vivant. Traduit sur le plan pictural, cette œuvre reprend les possibilités et les objectifs de l’artiste : passer un jour du figuratif à l’abstrait de façon progressive. Sommes-nous donc en train d’assister à une mutation lente de l’écriture picturale de l’artiste ? Possible. Mais cette écriture devra tenir compte du symbolisme latent qui l’articule. A titre d’exemple, le motif principal du tableau cité est basé sur le module ovale, évoquant l’œuf.

Mais ce module ovale est aussi celui de la cellule microscopique et du spermatozoïde à l’origine de la vie. Car il s’agit d’une réminiscence de la vie et par conséquent, de ses origines. Nous comprenons à présent que l’art d’ALVARO MEJIAS est, en réalité, un surréalisme symboliste. Et le génie (le mot n’est pas trop fort !) de l’artiste réside dans le fait qu’à aucun moment vous ne pouvez dresser une dichotomie ressentie entre ces deux styles. L’un soutient l’autre dans la construction d’un même édifice.

Et peut-être même que l’un ne peut se passer de l’autre car les croyances, les mythes, le cosmos…participent d’un même sacré, indistinctement surréaliste et symboliste. A sa façon, le symbolisme les a traduits, en Occident, par des images reprenant le personnage de la Femme en tant que Muse procédant de la déesse antique. Le surréalisme, lui, les a explorés en leur donnant une connotation ouvertement psychanalytique et libertaire.  

L’artiste a vécu la trop rare fortune d’avoir eu son père comme professeur de peinture. Celui-ci est lui-même un peintre symboliste. De ce dernier, il a hérité sa technique, à savoir le frotti au chiffon : comme il ne débute jamais une peinture au pinceau, l’artiste utilise le chiffon qu’il imbibe d’huile de lin et qu’il frotte sur la surface de la toile, jusqu’à ce que l’embryon d’une forme, lentement, n’apparaisse. A ce stade, il reprend la toile par une seconde couche d’huile et la termine au pinceau en la peaufinant, lui donnant ainsi une réalité.

Chaque toile est pour lui une œuvre unique. En aucun cas il ne peut la reproduire telle quelle. L’importance qu’il accorde à la couleur ne diminue en rien celle qu’il donne à la forme. Bien qu’il habite la France depuis des années, l’artiste n’en demeure pas moins vénézuélien, amateur des « murales » de Rivera ancrés dans le Réalisme Socialiste des années ’30. Mais il est aussi et surtout païen, récipiendaire d’une culture millénaire tout empreinte de mysticisme et de sacralité. Le titre même de son exposition, L’IMMORTALITE DU CRABE, nous ramène au dépassement de la mort ainsi qu’à la créature aquatique procédant de la vie, dont l’origine est inconnue et sacrée. Car le crabe fascine ne fût-ce que par son aspect tentaculaire : aire de tous les sortilèges. Dans le Tarot divinatoire, il symbolise, par sa carapace protectrice, l’image de la maternité en tant que gestation en cours dont le biotope est l’eau, c'est-à-dire, évoluant dans la fertilisation du vivant. Le crabe, pris dans l’imaginaire universel ne peut être qu’une forme particulière de l’expression vivante de la mythologie personnelle.   

Par la portée universelle de son œuvre, ALVARO MEJIAS prouve au Monde qu’avant d’être un style, le surréalisme, plongeant ses racines dans les arcanes de l’Etre, est avant tout un humanisme.

François L. Speranza.

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Lettres

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Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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François Speranza et Alvaro Mejias: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(8 février 2016 photo Jerry Delfosse)

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                                                                     Signature de Alvaro Mejias

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Exposition  Alvaro Mejias, à l'Espace Art Gallery en février 2016 - Photo Espace Art Gallery

Allongeaille de Robert Paul: Quelques oeuvres de l'artiste:


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UN THEATRE DE COULEURS ET DE FORMES : L’UNIVERS D’EDOUARD BUCHANIEC

Du 08 – 02 au 19 – 02 -17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a consacré une exposition dédiée à l’œuvre de Monsieur EDOUARD BUCHANIEC, un peintre français qui vous dévoilera l’univers décapant de sa fantaisie. 

Ce qui fait la signature de cet excellent artiste, c’est avant tout, la conception physique qu’il confère à ses personnages, à savoir un corps volumineux surmonté d’un visage qui rappelle la conception du masque. Le tout présenté comme une sorte de terrain délimité par une suite de zones chromatiques parfaitement indépendantes les une des autres. Un jeu de mains extrêmement évocateur anime l’entièreté de son œuvre exposée. Ceci est présent à un point où les mains sont si vivantes qu’elles pourraient, par la matérialité de leur gestuelle, remplacer la parole pour former un langage.

Il y a manifestement un dialogue entre la couleur et la forme. Celle-ci se définissant dans une hypertrophie du volume opposée à un vocabulaire chromatique composé de couleurs tendres, se signalant par une unité dans chaque zone considérée. Couleurs et forme s’interpellent, s’enserrent l’une dans l’autre comme des poupées russes : LA LISEUSE AUX POISSONS (100 x 81 cm – huile sur toile),

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le fauteuil dans lequel est assise la femme, sert en quelque sorte, de « soutien », encadrant le personnage dans son volume, le faisant ainsi ressortir. Dans ce tableau, quatre plans se superposent l’un sur l’autre :

1)    la table (zone brune)

2)    le personnage féminin (dominé par le bleu, en dégradés, et le blanc)

3)    le fauteuil (note verte)

4)    l’arrière-plan (dominé par le bleu, en dégradés clairs et foncés, pour signaler les poissons)

Masculins ou féminins, le traitement des visages présente une constante, à savoir qu’ils sont bouffis et plongés dans une même attitude procédant de la même technique : COUPLE A LA CRAVATE ROUGE (97 x 130 cm – huile sur toile),

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le balayage au pinceau délimite parfaitement les zones chromatiques. Le burinage laissé sur le visage par le pinceau lui confère une luminosité reprise dans la totalité de l’ensemble pictural, composé de vert, de bleu, de blanc, « dilués » dans un balayage savant, faisant ressortir la lumière d’une âme tout intérieure.       

La conception du visage concernant le personnage de gauche – la femme – témoigne d’une influence (même indirecte) avec Francis Bacon. La bouche « en cœur », le nez proéminent, les yeux alignés sur le même plan et le menton se terminant presque en « colimaçon », terminent ce visage empreint d’un expressionnisme interrogatif, lequel nous renforce dans l’idée qu’il y a effectivement une signature « Buchaniec », témoignant de l’identité de l’artiste. Il y a dans son art une dimension « brut » en révolte contre tout académisme.

PORTRAIT DE GROUPE (114 x 145 cm – huile sur toile),

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nous propose, à titre d’exemple, le personnage de droite dont le visage est totalement désaxé par rapport au tronc : les trois boutons (de couleur blanche) fermant son manteau (de couleur verte), axés verticalement, accentuent ce déphasage.

NU AU FAUTEUIL (100 x 81 cm – huile sur toile)

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est une apologie du volume et de la couleur à l’origine de la forme. Par sa translucidité, le corps nu de la femme anime la toile. Le trait circonscrit le volume en englobant la cuisse gauche du personnage jusqu’au pied, conférant au corps une dimension « naissante » du moment, lequel ne devient « présent » que par l’arrêt du visiteur sur l’image. Comme pour LA LISEUSE DE POISSONS (mentionné plus haut), l’œuvre se structure sur quatre plans :

1)    le sol sur lequel repose les pieds de la femme (« encadrés » par les deux pattes avant du fauteuil)

2)    le corps blanc de la femme irradiant l’ensemble de la composition

3)    le fauteuil « enveloppant » la femme de son chromatisme noir

4)    l’arrière-plan - vert foncé - se distinguant du vert plus clair de l’avant-plan

Le visage, penché sur sa droite, fixe le visiteur du regard aux orbites oculaires rapprochées. Est-ce la blancheur de son corps qui irradie sa féminité ? Est-ce cette même blancheur qui irradie le regard du visiteur ? Les deux questions s’entrecroisent car il s’agit ici d’une « féminité » au-delà des canons esthétiques conventionnels.

L’artiste s’efforce de retrouver la perception originelle de la « féminité » par une luminosité mystique ainsi que par l’hypertrophie d’un volume mettant en exergue l’identité iconique de la Femme issue de la pensée « primitive ».

Il y a rencontre entre le diaphane du chromatisme corporel et le regard du visiteur à l’intérieur d’une étreinte épiphanique.

Les mains reposent chacune sur les deux côtés du fauteuil (la zone noire « enveloppante »), attestant d’une possession totale de l’espace qui propulse l’image vers le regard.

Les deux pieds, tournés vers la droite, « déstabilisent » le corps (tronc de face, cuisses de profil) pour rencontrer le visage, tourné dans la même direction. Une légère excroissance du ventre se perçoit du côté gauche de sa personne ainsi qu’un court avancement de son bras droit par rapport au gauche, créant une torsion presque imperceptible des épaules, à l’origine d’une esquisse du mouvement dans son amorce, sa suspension ou son accomplissement.

Pour l’artiste, la couleur détermine la forme et vice versa. De même qu’une couleur peut en déterminer d’autres quitte à les retravailler pour rétablir un équilibre avec la forme. Forme et couleurs se répondent mutuellement. Un détail n’échappera point au visiteur, à savoir le rapprochement stylistique dans la conception à la fois sculptée et peinte du corps chez l’artiste. En effet, ce dernier pratique également la sculpture et cela se ressent à la vue d’une telle masse volumineuse pour affirmer le physique notamment dans la conception des mains. Depuis le début du 20ème siècle, bien des artistes pratiquant la peinture en même temps que la sculpture ont associé les deux techniques pour concevoir le traitement du corps dans la volonté d’un dépassement représentatif. Poursuivant ce procédé, l’artiste « peigne en sculptant » ses sujets pour mieux en dégager les voluptés. Comme tous les créateurs, il ne se pose pas forcément certaines questions. A titre d’exemple, nous avons fait allusion plus haut, à une symbiose entre les visages qu’il peint et le traitement apporté aux masques. Il n’y voit pas de lien direct, bien qu’il adore les arts de l’Afrique Noire, surtout lorsqu’il constate la capacité des artistes africains à animer une pièce en bois avec peu d’éléments. L’artiste est principalement autodidacte et parmi les influences qu’il a pu absorber, il convient de signaler, notamment, Matisse ainsi que les Impressionnistes pour la couleur et Picasso pour la forme.

Nous avons fait allusion, plus haut à Bacon, et c’est flagrant surtout dans la conception des visages. Néanmoins, Bacon n’est là que comme simple objet d’une influence – au demeurant, parfaitement honorable – mais ça s’arrête là, puisque la création de ses visages se signale par l’épanouissement des traits et non par la déconstruction et le pourrissement des chairs, comme souvent chez Bacon. Il y a, néanmoins, une filiation directe entre son écriture et l’art « brut » dont nous avons fait mention plus haut. Le fait que l’artiste soit un autodidacte apporte un complément explicatif à son attachement vital à la couleur et à la forme dans leur conception « primitive », dans le sens de leur idéalisation conçue, il y a des millénaires par l’esprit humain. De plus, chose insolite, il refuse que sa signature soit visible sur la toile, estimant qu’elle encombre la composition. Un jeu d’épreuve fascinant à jouer, consiste à dénicher sa signature, cachée dans les méandres de l’espace pictural. A peine visible entre deux couches de couleur. Par ce geste, l’artiste ne s’ « efface » pas face à sa création. Il met son ego de côté et laisse la place à la peinture.

L’artiste travaille à l’huile sur toile. Il pose une couche en épaisseur et la laisse sécher ensuite pour y rajouter une autre couche plus fine dans le but de faire transparaître celle qui est au fond et assurer à l’ensemble la luminosité qui fait son cachet.

EDOUARD BUCHANIEC est un peintre pour qui forme et couleur sont les portes absolues de son univers joyeux. Il nous l’offre pour que nous nous y plongions et nous laisse le théâtre de ses formes et de ses couleurs en guise de méditation.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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François Speranza et Edouard Buchaniec: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(8 février 2016 photo Robert Paul)

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                                                Signature de Edouard Buchaniec

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Exposition Edouard Buchaniec, à l'Espace Art Gallery en février 2016 - Photo Espace Art Gallery

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              CHRISTINE BRY : CAVALCADES AU CŒUR DE L’ACTE CREATEUR 

Du 08 au 30-12-16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), termine l’année 2016 en vous présentant CAVALCADE, une exposition basée sur l’œuvre de Madame CHRISTINE BRY, une artiste peintre française dont le travail ne manquera pas de vous interpeller.  

Qu’est-ce qui incite certains artistes d’aujourd’hui à se tourner vers l’art pariétal préhistorique ? Est-ce le besoin de s’immerger dans la technique primitive de l’art ? Est-ce pour créer une œuvre personnelle à partir d’une technique primitive à son origine ? Les artistes du Paléolithique se sont exprimés en extériorisant leur puissance d’Etre face au mystère de l’existence. C’est au tour, à présent, aux artistes du 21ème siècle de reprendre, pour ainsi dire, le flambeau pour recréer un imaginaire immergé dans la couleur des origines. Enfin, direz-vous, la Préhistoire est à l’honneur, après que le surréalisme et l’art métaphysique aient trempé leur pinceau, notamment, dans la Renaissance et le classicisme antique, pour exprimer une autre vision du Sacré, à partir de l’acte quotidien sublimé. Enfin, la Préhistoire sort définitivement de la sphère essentiellement scientifique pour atteindre le discours artistique dans sa continuité contemporaine!   

Il y a dans l’œuvre de CHRISTINE BRY une recherche manifeste (pour ne pas dire une science) de la distribution des couleurs sur la toile. Et, à ce stade, force est de constater qu’ici la toile disparaît, pour faire face à la matérialité recréée par la paroi des origines. On le constate par la disposition de la forme « ondulant », en quelque sorte, sur la toile, laquelle épouse les contorsions de la pierre originelle. A partir du chromatisme standard appartenant à la technologie primitive (rouge-ocre, brun clair et noir), l’artiste se plonge dans un univers magico-religieux, à l’intérieur duquel le bestiaire est, à la fois, émanation de la nature, dans l’apparition de créatures fantastiques issues du monde des esprits ainsi que de l’expression d’un produit économique assurant la survie du groupe dans la représentation d’un bestiaire destiné à la domestication et à la consommation. Le traitement des animaux (principalement des équidés et des cervidés) respecte parfaitement la morphologie animale esquissée par la précision du trait : corps très larges se déployant sur les côtés – museaux relativement petits et ramassés – modelés des animaux repris dans le rythme du galop, réintroduisant par le biais de la patte intérieure sortante, une volonté de produire la deuxième dimension. Ce qui lui permet d’insister sur le fait que les artistes du Paléolithique étaient également d’habiles techniciens car le trait procède avant tout de la technique.    

Mais à côté de cette vérité respectée, l’artiste s’expose en appliquant sur la toile des ersatz de chromatisme tels que le bleu et le rouge, encore inexistants il y a quelque vingt-mille ans : CAVALCADE 3 (83 x 104 cm-huile sur toile)

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GRANDE MIGRATION (93 x 134 cm-huile sur toile).

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Le rythme entre l’animal et la paroi fictive se ressent dans cette cavalcade tout en descente que nous offre CAVALCADE 3Le volume des animaux est assuré par un trait reprenant, en une fois, l’ensemble du corps. Comme dans l’art pariétal du Paléolithique, la crinière des chevaux est rendue par une fine toison en brosse, posée sur le haut du crâne des équidés. Un discret mais solide travail au couteau suggère la matière constituant la paroi pour qu’émane de celle-ci la preuve matérielle du temps. Le titre de cette exposition - CAVALCADES - porte en lui-même la philosophie de la démarche de l’artiste. Ces « cavalcades » assurent le passage vers les MIGRATIONS, c'est-à-dire, vers une écriture essentiellement personnelle et vitale, par laquelle elle se concède des libertés par l’apport d’un chromatisme inexistant au cours du Paléolithique, comme le rouge, l’orange, le blanc et le bleu (en dégradés) ainsi qu’une conception picturale du bestiaire, également personnelle, montrant, notamment, des cervidés privés du chromatisme propre et se fondant dans les couleurs de la nature, à l’arrière-plan. Il y a dans le rapport entre la toile lisse et la paroi accidentée originelle, la volonté de traduire l’existence d’un espace lui permettant d’engendrer la forme, par le fond, considéré comme la matrice.  

Cette écriture l’amène vers une autre conception de la représentation spatiale, à savoir celle du cercle à l’intérieur duquel évolue le bestiaire, faisant partie intégrante avec la nature : les bois d’un cervidé dont on ne distingue pas le corps surgissent de la partie gauche de la toile, à partir d’une nature sauvage et farouche, mise en relief par des explosions de lumière, issues des différentes touches de blanc associées aux couleurs ocre, rouge et bleu. Avec CAVALCADE 2 (77 x 104 cm-huile sur toile)

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et  CAVALCADE 3 (83 x 104 cm- huile sur toile), l’apport personnel est encore timide, malgré les points bleus qui s’étalent sur la surface. Ce n’est qu’à partir de GRANDE MIGRATION (93 x 134 cm-huile sur toile) 

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grande migration (détail)

que l’artiste se libère des conventions stylistiques paléolithiques, pour se projeter définitivement dans la communion unissant l’imaginaire magico-religieux préhistorique avec la sensibilité du sien. La symbolique de cette œuvre s’accroit dans la conjonction entre le cercle à l’intérieur du carré. Le cercle ou pour mieux dire, la sphère, est à la fois, une image de la Terre ainsi que celle du ventre de la Femme en gestation. Par conséquent, il s’agit d’une image de la vie, à l’intérieur de laquelle la nature se déploie.  

Tandis que le carré est une image de la rationalité. Est-ce là le produit de l’inconscient de l’artiste ? Peut-être. Néanmoins, ne perdons jamais de vue que l’image de la « rationalité » ne naît pas avec les « grecques » de l’art classique mais bien avec la disposition de la forme épousant le contour naturel de la paroi, permettant à l’image de se greffer dans l’espace en le colonisant de façon proportionnelle.    

Les petits formats (mentionnés plus haut) sont tout aussi intéressants car ils témoignent d’une liberté intérieure, dépassant parfois dans leur intensité, les compositions de grand format. ORIGINE 5 (29 x 29 cm-huile sur toile)

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et ORIGINE 6 (29 x 29 cm-huile sur toile),

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sont une invitation vers une possibilité d’abstraction, au-delà de la sphère magico-religieuse. Ils témoignent, chez l’artiste, de la volonté d’accorder la possibilité d’une passerelle entre le langage primitif et l’univers pulsionnel, tous deux unis dans l’acte créateur.   

L’œuvre de CHRISTINE BRY est-elle une actualisation de l’art pariétal préhistorique ? Certainement, dans la mesure où, comme nous le précisions plus haut, il était grand temps que l’art contemporain s’intéressât à cette vision de la nature avec en filigrane, une vision de la société, à la fois préhistorique et contemporaine. Mais à ce stade, soulignons un détail qui a son importance, à savoir une relecture anthropologique de la définition même de la « Préhistoire ». Depuis des années, le monde scientifique conteste cette notion selon laquelle, cette définition se détermine sur l’invention de l’écriture comme ligne de démarcation entre la « Pré » et l’« Histoire ». La démarche  artistique peut servir de déclencheur en vue d’une disparition définitive de cette dichotomie absurde. En ce sens que l’art pariétal mis en valeur par l’écriture picturale contemporaine, peut définir le trait sur la paroi comme le « signe » animé d’une écriture à venir. Une « proto-écriture » universelle à la base de l’identité de l’Homme et de son devenir, indissocié du Monde. C'est-à-dire un produit agissant de l’Histoire.  

Par l’espace abstrait retrouvé, elle pose une interrogation à l’homme contemporain par le biais d’une vision du monde afin de retrouver l’Homme conceptuel élémentaire.  

Il y a approximativement vingt ans, l’artiste fut saisie par une émotion irrépressible à la vue des peintures pariétales de Lascaux. Elle éprouva le sentiment de se trouver dans un lieu saint qu’elle compara au sentiment d’être confronté aux fresques de la Sixtine. Est-ce une coïncidence, néanmoins, bien des historiens de l’Art ont comparé par le passé les œuvres de Lascaux à celles de la Sixtine. Il s’agit, avant tout d’un sentiment d’envahissement.  

D’une sensation, à la limite physique, d’être à la place d’un néophyte du Paléolithique sur le point d’entrer en contact avec l’indicible pour l’exprimer avec ses moyens humains. Ce qui émut l’artiste au plus haut point, fut cette harmonie d’ensemble, consubstantielle à la structure naturelle de la grotte, interprétée comme une architecture 

Sa formation, elle la suivit alors qu’elle était encore aux études. Elle prit des cours de dessin tout en terminant son Mémoire de Philosophie à Lyon. Peignant essentiellement à l’huile, elle se considère comme une autodidacte. 

En 2008, elle participa à une exposition dont le thème était celui de LascauxC’est ainsi que toute l’émotion passée resurgit à la surface, jusqu’à lui faire sentir que, dorénavant elle allait fonder son œuvre sur cette esthétique.  

CAVALCADES traduit l’esprit d’une dynamique essentielle. Néanmoins, une question nous taraude, à savoir y aura-t-il dans cette démarche artistique la volonté d’associer, outre le bestiaire en mouvement, la présence de la figure humaine libérée de sa raideur squelettique (en l’occurrence celle que l’on retrouve dans les silhouettes de Lascaux), pour atteindre la plasticité mobile que seuls possèdent les chevaux et les cervidés ? En d’autres termes, l’artiste, si tant est qu’elle relèverait ce défi, accepterait-elle de façonner l’homme autrement que dans une raideur dictée par le contraste avec réception du Sacré, le rapprochant ainsi de la nature dans l’expression ressentie de sa matérialité, à la fois physique et historique ? Ou bien alors, le cantonnerait-il dans la sphère d’une abstraction fondée sur le seul chromatisme fauve d’une nature inquiétante et sauvage ?  

A l’analyse des œuvresl’on se rend compte que l’artiste est une personne très cultivée, en ce sens  qu’elle connaît parfaitement son objet de recherche dans ses moindres détails, tout en le transcendant, par le besoin de le redimensionner à la mesure, jamais atteinte, de la condition humaine.     

CHRISTINE BRY s’accapare du thème (pour ainsi dire du mythe) fondateur de la Préhistoire, tout en l’actualisant pour l’introduire dans l’intemporalité absolue du geste créateur. 

François L. Speranza.

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Une publication
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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François Speranza et Christine Bry: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(7 décembre 2016 photo Robert Paul)

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                                                                           Signature de Christine Bry

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Exposition Christine Bry, à l'Espace Art Gallery en décembre 2016 - Photo Espace Art Gallery

EXPOSITIONS PERSONNELLES

 EXPOSITIONS DE GROUPE

2016

Espace Art Gallery, Bruxelles (7 - 30 décembre)

La Vitrine, Saint-Etienne (22 novembre - 16 décembre)

Maison de Pays de Mornant (près de Lyon) (7-22 mai)

2015

Hôtel Pellissier, Visan ,Vaucluse (20 mars - 27 avril)

2014

Ville de Biarritz (novembre-décembre)

2011

Ferme des Arts de Vaison-La-Romaine,

Ville de Voreppe, Espace Louis Christolhomme
(novembre-décembre)

Exposition « Regards de femmes »

Galerie Art Course, Strasbourg (octobre-novembre)

2009

Musée Ancien de Grenoble

2013

Galerie La Maison de la Tour
Valaurie, Drôme (24 mai - 30 juin)

(Association « Osons l’art sans frontières »)

Galerie Arcurial, Lyon 8ème (31 janvier - 21 février)

2008

Formats atypiques- Galerie Philippe Boidet- Chambéry

2012

Galerie l'oeil du huit, Paris 9ème
(17 septembre - 7 octobre)

Grands Formats/ Valence

Galerie La Rotonde - Yvon Birster,
Paris 8ème (17 mars - 4 mai)

2007

Firminy / Musée des Bruneaux / CNPAF-Unesco

2011

Galerie La Rotonde, Paris 18ème (21 mai- 24 juin)

2006

Pôle Minatec / Grenoble

Galerie Saint Firmin, Lyon 8ème ( 17 mars- 29 avril)

( Associations « osons l’art sans frontières »)

2010

Ville de Voreppe, Espace Louis Christolhomme

Salon de Noël / Bollène

Maison de pays de Mornant, Rhône

2005

Galerie Amana Aix-en-Provence

2009

Musée d’Apt

Privas (FOL de l’Ardèche)

2007

Galerie Lee ,Paris 6ème

2004

ADAI CHU de Grenoble

2006

Ville de Thonon-les-Bains/ Chapelle de la Visitation

2003

ADAI Cloître de Lavilledieu

Grignan / Espace F.A. Ducros

Château d’Alba-la-Romaine

2004

Fondation Taylor, Paris 9ème

 2002

ADAI Cloître de Lavilledieu

Galerie Dinart / Nimègue / Pays-Bas

Château d'Alba-la-Romaine

Espace Saint-Laurent / Verneuil-sur-Avre

2000

Salon de l'ARICOM Paris

2003

Galerie Agbe Paris 4ème

1998

Galerie Cupillard Grenoble

Musée Auclair Cruas

1992

L'Entrée des artistes Barbizon

Hôtel Simiane Valréas

1991

Salon d'automne Paris

2001

Galerie Estève Paris 6ème

France-Oklahoma Oklahoma City (USA)

Festival du film / Saint Paul trois Châteaux

1990

Salon d'automne Paris

Fol de l’Ardèche, Privas

1989

Galerie Romanet Paris

2000

Ville d'Arcueil : Festival de l'Outre-mer

1988

Galerie des Arcenaulx Marseille

1999

Galerie de Buci, Paris 6ème

Château de la Tour d'Aigues

Ministère de l'Outre-mer Paris

1986

Bibliothèque française de Boston (USA)

Ville de Boulogne-sur-mer

1982

Galerie Cannes'art Boston (USA)

1998

Galerie Mercure Béziers

1997-98

Musée d’Apt

1996

Festival International / Université d’Aberystwyth (Pays de Galles)

RADIO-TELE
 

Galerie Jean Estève Paris 6ème

France 2 / Journal de 20 H (David Pujadas/

1991

Hammersmith Center (centre culturel) Londres

Geneviève Moll / 13 nov. 02

Maison des Arts Vergèze

1988

Musée d'Apt

1986

Centre Hospitalier de Valence

Galerie d'Art d'Orly



 

1983-84

Musée de Grignan

1981

Galerie Sainte-Césaire Nyons

 

.  

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Du 07 – 09 au 25 – 09 -16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), a eu le plaisir de présenter les œuvres de l’artiste peintre française, Madame MARIE-CLAIRE HOUMEAU, au cours d’une exposition intitulée TRANSPARENCES.

TRANSPARENCES est avant tout une étude extrêmement fouillée sur la matière. Il faut entendre par là une étude sur la philosophie de la matière. En cela, son œuvre atteint une dimension métaphysique. A la fois par l’éclairage apporté au sujet traité, à savoir le verre, mais aussi par la mise en situation spatiale du même sujet.

Le verre, décliné sous les traits de l’ampoule et de la bouteille, le dénominateur commun entre ces deux objets, réside dans le fait qu’il s’agit de verre brisé, lequel, une fois reconstitué par le truchement de l’imaginaire, recompose la forme initiale : l’ampoule et la bouteille telles qu’elles existent dans la réalité.

L’artiste se sert de la peinture pour nous rappeler une leçon de physique : le verre, qu’il compose une forme définie ou qu’il soit réduit en brisures, demeure toujours du verre. Dès lors, l’artiste rend la matière virginale, virtuellement inaltérée. Forme et idée, même désarticulées, retournent à l’entité originelle.

L’AMPOULE BRISEE (80 x 80 cm – huile sur toile),

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gisant au sol rappelle sa fonction première : celle de diffuser la lumière. A la fois par ce qui reste de sa forme initiale : le verre ayant gardé sa morphologie convexe, avec ses côtés clair et obscur évoquant l’intérieur et l’extérieur de l’ampoule. Le ressort permettant le passage du courant et le culot destiné à être vissé à la lampe. Cela vaut pour la forme ou si l’on veut, pour le « concept ». Quant à l’idée, elle est exprimée par la brillance à outrance de l’arrière-plan, conçu dans un blanc éclatant, mettant en exergue la destination première de l’objet : celle d’illuminer l’espace.

Il en va de même en ce qui concerne la BOUTEILLE BLEUE (90 x 90 cm – huile sur toile).

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Ses débris reposent à même le sol. On éprouve le sentiment d’avoir devant soi les différentes pièces d’un puzzle devant être monté pour retrouver la forme originale. Le rôle de l’arrière-plan demeure le même : il met en relief les pièces éclatées pour en relever leur matérialité.

A l’instar de l’ampoule, la couleur acquiert une symbolique inconsciente. Le bleu de la bouteille contraste avec le blanc de l’espace enveloppant.

Ce qui confère à l’ensemble une atmosphère assez froide. Peut-être même dangereuse par certains aspects, car à effleurer la toile du doigt, on a le sentiment de pouvoir se couper.

Le verre est conçu dans toutes ses anfractuosités et ses transparences (d’où le titre de l’exposition). La symbolique menaçante et mystérieuse du bleu de la bouteille excite notre désir, en conjuguant notre peur du verre tranchant au désir de nous y plonger pour ressentir physiquement les effets de cet univers. Tandis qu’en ce qui concerne l’AMPOULE BRISEE (citée plus haut), la chaleur (même éteinte) qu’elle dégage nous inspire un sentiment de réconfort.

La matière (servante absolue du concept) et l’idée se conjuguent pour établir à partir de l’image, tout ce qu’il y a de faussement désagrégé et de déstructuré, obligeant ainsi le visiteur à lui conférer une âme, c'est-à-dire une dynamique à cet univers en suspension.

L’ensemble des pièces occupe, à la fois, le centre ainsi que les extrémités de l’espace. Le traitement de la bouteille est conçu presque en diagonale. Tandis que l’ampoule s’étale sur tout le centre de la composition, laissant à l’espace enveloppant (à l’avant comme à l’arrière-plan) la tâche de centrer le sujet dans un halo de lumière.

PLANETE EN FUMEE (80 x 80 cm – huile sur toile)

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participe de ce qui distingue la plupart des artistes d’aujourd’hui, à savoir la mise en scène d’une symbolique personnelle, très souvent associée à des problématiques contemporaines. Cette œuvre exprime symboliquement la décision irrévocable d’arrêter de fumer de la part de l’artiste. La sphère représente notre planète de laquelle s’échappe de la fumée. Il s’agit de la manifestation d’une libération personnelle associée au drame de la pollution. A l’instar de la BOUTEILLE BRISEE (citée plus haut), nous retrouvons la même note bleue mais exprimée en dégradés entremêlée au blanc. Santé personnelle et écologie sont ici intimement liées.

Techniquement considéré, l’artiste a d’abord abordé l’espace par le noir de l’arrière-plan, sur lequel elle a défini la sphère à la fois corporelle et terrestre, laquelle va en se libérant des chaînes de la pollution tabagique. Le bleu est ensuite appliqué par transparence, à partir de l’arrière-plan noir, représenté comme toxique. Cette œuvre se définit dialectiquement par rapport au mal (personnel et universel) à combattre. La lumière devient son aboutissement.

TRANSPARENCES est le résultat par lequel l’ombre se dilue pour faire place à la clarté. Elle participe d’une « brisure » (comme l’artiste le définit elle-même) dans sa vie personnelle.

Mais la fracture n’est pas destinée à demeurer telle quelle. La brisure n’est pas condamnée à suinter dans le pus du désespoir : elle devient la condition sine qua non à la reconstruction. Et cela se perçoit dans le sentiment du « puzzle » que le visiteur est tenté de reconstituer pour revenir à l’image basique de sa propre existence. Autodidacte, l’artiste peint depuis quinze ans. Elle a débuté par l’aquarelle qu’elle a pratiquée pendant cinq ans pour se diriger ensuite vers l’huile, utilisée de façon pure, sans adjuvants. Elle a voulu entamer son parcours créatif sans se référer à aucun nom de la peinture. Ce n’est qu’aujourd’hui, en constatant sa progression créatrice, qu’elle visite les principaux piliers de l’histoire de l’Art. Nul doute que le visiteur aura remarqué que l’artiste est attirée par les formes sphériques. Cela s’explique par la symbolique de la sphère, laquelle est, à la fois, une métaphore du globe terrestre ainsi que de l’œuf et du ventre féminin en gestation. Par conséquent, l’image de la sphère nous ramène à la vie. A la recherche de nouvelles idées, l’artiste compte persévérer dans ce cheminement créateur. Ses sujets précédents sont drastiquement différents de sa production actuelle. Mais on y décèle déjà la grande maîtrise du trait et surtout de la couleur dont elle semble être amoureuse. De son propre aveu, c’est la première fois qu’elle expose la thématique des sphères, curieuse de découvrir la réaction du visiteur.

MARIE-CLAIRE HOUMEAU analyse la brisure humaine et la met en scène à l’intérieur de l’espace pictural, lequel devient, par la sensualité à vif du traitement qu’elle lui accorde, celui de l’espace de l’âme.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

 

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François Speranza et Marie-Claire Houmeau: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(25 septembre 2016 photo Robert Paul)

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Exposition Marie-Claire Houmeau à l'Espace Art Gallery en septembre 2016 - Photo Espace Art Gallery

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                      VERS UN AUTRE SACRE : L’ŒUVRE DE RODRIGUE VANHOUTTE
Du 08 – 06 au 25 – 06 - 16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) vous propose une exposition consacrée à l’œuvre du peintre et dessinateur belge Monsieur RODRIGUE VANHOUTTE, intitulée LE TRIANGLE DE KARPMAN.
Dès la première approche, l’œil du visiteur est saisi par un choc, au sens étymologique du terme. Le regard est envoûté par cet amas de chairs dévastées, putréfiées, lesquelles sont en réalité, le reflet peint à vif de divers états d’Etre.
Le « Triangle de Karpman », appelé aussi « triangle dramatique », sanctionne, dans l’analyse transactionnelle, la dynamique d’un jeu de pouvoir pervers, impliquant trois sujets (d’où le nom de « triangle »). La caractéristique de ces sujets réside dans le fait que leur position est interchangeable. Ils occupent, tour à tour, le rôle du persécuteur, de la victime et du sauveur. Comme précisé plus haut, rien dans ce jeu pervers n’est définitif : la victime peut devenir, à son tour, persécuteur et celui-ci peut se muer en sauveur.
Ce triptyque intitulé précisément LE TRIANGLE DE KARPMAN (325 x 175 cm – huile sur double papier),

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illustre le résultat d’une telle expérience interpersonnelle, laquelle, même si dans les études de Karpman, elle se déroule au sein d’un microcosme tel que l’entreprise, régit l’ensemble des mécanismes de ce que Balzac nommait « la comédie humaine ».
A la vue d’un tel spectacle scénique, une question envahit le visiteur : sont-ce encore des corps ? Assurément ! Mais ce sont des corps n’obéissant plus aux lois de l’harmonie (si tant est qu’elle existe !). Ce sont des études de décomposition progressive de la forme aboutissant à la matière première, à savoir la chair dans tout ce qu’elle a de concret et d’organique, tout en se plongeant dans les arcanes de la condition humaine. Ces chairs en ébullition, en fermentation, sont les témoins du talent de l’artiste, à la fois en tant que peintre et dessinateur. La première chose qui s’impose au regard, est la puissance du trait révélant les volumes à la lumière tant dans les contorsions musculaires que dans les plis des chairs. Il s’agit incontestablement de l’œuvre d’un dessinateur qui peint car c’est le dessin qui décide de la conduction de la matière peinte. La couleur est là pour souligner l’élasticité des chairs dilatées ainsi que pour conférer à la forme l’expression cadavérique qu’exige le sujet.
Stylistiquement parlant, cette peinture est une vision apocalyptique de l’excès, en ce sens que la musique qui se dégage de ce spectacle est une musique torturée, se révélant comme telle sans aucun complexe. Cette façon de procéder n’est pas sans évoquer l’esthétique d’Egon Schiele. Sauf que chez l’artiste autrichien, même squelettiques, même défaits, les formes restent entières ne détruisant jamais l’idée même du corps. Ici, le corps « explose » pour ne laisser que sa trace, sa « forme » originelle, désormais en total anéantissement pour aboutir à un étalement de la matière sur l’espace scénique. N’est reconnaissable que l’idée des jambes, des pieds et du torse (la « forme ») mais tout se dilate progressivement, au fur et à mesure que la figure s’étale sur la surface. C’est à partir d’un fond entièrement blanc que se façonne le corps à l’état présent, lequel par l’intermédiaire de la matière corporelle en souffrance, devient le corps malade du Monde. De larges notes noires, rouges (en dégradés), vertes et brunes entourent la partie supérieure de la forme étalée pour mieux la mettre en relief. Les chairs portent également dans leur chromatisme l’empreinte de l’esthétique schilienne faite de brun (en dégradés), de rouge, de vert et de jaune : tout ce qui dans la symbolique évoque la décrépitude et le pourrissement. La représentation de la matière se concentre parfaitement dans le panneau du milieu, lequel montre, dans sa partie supérieure, un étalement de chairs lesquelles (toutes proportions gardées), ne sont pas sans évoquer Rembrandt (souvenez-vous du célèbre BŒUF ECORCHE (1655), abrité au Louvre, qui depuis sa création n’a cessé de hanter des peintres tels que Soutine, Chagall ou Bacon, fascinés la symbolique du corps mort étalé, voire crucifié).
AUTOPORTRAIT (190 x 120 cm – huile sur double papier)

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nous offre, à l’instar des corps malades, la vision d’un visage dont les traits sont attaqués par l’épreuve et le temps. L’autoportrait est avant tout (du moins depuis Rembrandt) la matière nécessaire à l’établissement d’un « état des lieux » de la conscience à travers le temps. Le visage ravagé est axé sur trois éléments-clés de l’expression : les yeux (hallucinés, cerclés par des cernes, semblables à un terrain labouré). Le nez (droit que l’artiste fait dévier en situant la source de l’arête dans une anfractuosité complètement tordue, confinant avec la partie supérieure droite du front (gauche par rapport au visiteur). La bouche, entrouverte, édentée dont une crevasse laisse apparaître deux dents béantes, également à la droite du visage (à gauche par rapport au visiteur).
Le haut et le bas de l’espace sont plongés dans une zone blanche, carrément vaporeuse, laissant apparaître le visage comme un masque d’épouvante, lequel est parcouru sur les deux côtés par tout un réseau de sillons, augmentant l’effet de décrépitude physique, répondant à une protestation morale. Le chromatisme usité ne diffère en rien de celui du triptyque (jaune, rouge, blanc et vert, en dégradés). Remarquez le traitement spécifique des yeux, lequel fait toujours référence à Rembrandt, puisque c’est par ceux-ci que son visage acquiert à chaque fois une lumière nouvelle.
RODRIGUE VANHOUTTE est un artiste qui veut aller au-delà de l’image. La dissoudre pour atteindre la finalité de tout créateur : le Sacré. Le corps est le réceptacle du Monde. L’artiste le dénude pour le désincarner. Il touche au plus profond du sensible par un contrôle constant de la matière. Que faut-il entendre par là ? De prime abord (c'est-à-dire vu de loin), le visiteur a l’impression d’une surabondance de peinture, typique d’un travail au couteau. Au fur et à mesure qu’il s’approche de l’œuvre, il constate que l’apport de la matière sur le papier est très pauvre et qu’en réalité, c’est par la brillance propre à cette même matière, cernée par le trait, amplifiant le volume, que la lumière engendrée donne vie à la forme. C’est par l’appauvrissement constant de l’apport de matière sur le corps désincarné que l’artiste arrive à l’essentiel : l’essence même du Monde réfléchie dans la forme.
Même si le corps est torturé, il n’en demeure pas moins vivant ! C'est-à-dire protestant son indignation contre l’état actuel de l’humanité. Par « actuel », nous entendons une dimension devenue « contemporaine » de l’Homme.
L’œuvre de RODRIGUE VANHOUTTE se trouve au bout d’une chaîne de réactions à vif de la part de nombreux artistes de toutes disciplines depuis le 19ème siècle. C'est-à-dire depuis que la question sociale a commencé à habiter l’histoire de l’Art. Plus exactement, lorsque l’ordre social a commencé à être bouleversé par une remise en question de la société de la part de l’Art. Au fur et à mesure, cette dénonciation de l’état social s’est transformée progressivement en une remise en question de la place de l’Homme dans le Monde, c'est-à-dire au sein du créé, ouvrant ainsi la porte à un autre Sacré. Celui déposé dans l’intériorité même de l’Homme, en dehors de toute instance religieuse officielle. A titre d’exemple, LE TRIANGLE DE KARPMAN (mentionné plus haut), est un triptyque privé d’un système de lecture : on peut le lire dans tous les sens. Néanmoins, le simple fait que ce soit un triptyque est un emprunt direct à l’Art religieux, obéissant à d’autres impératifs.
Cette recherche d’un autre Sacré couvait depuis longtemps. Des œuvres telles que le célèbre CRI de Munch dénonçaient déjà ce qu’on allait appeler « l’aliénation de l’Homme moderne », empêtré au cœur de la Révolution industrielle, laquelle allait façonner le 20ème siècle naissant, en lui imposant d’abord une Première Guerre Mondiale ensuite un Krach économique planétaire, puis une Seconde Guerre Mondiale couronnée par une ère atomique. De tous ces événements, l’Art se faisait déjà le prophète bien avant leur déroulement. Sauf que ces symptômes ne sont perceptibles que bien longtemps après le déclenchement de la maladie. Une vue rétrospective nous permet d’observer que dès 1911, Henri Bergson proclamait que « le monde occidental a besoin d’un supplément d’âme ».
Concernant l’œuvre, en apparence désespérée, de RODRIGUE VAN HOUTTE, rappelons que nous avons affaire à une matière vivante, héritière, notamment, de l’esthétique schielienne, laquelle présente dans une certaine mesure, une variation expressionniste sur la figure humaine, dictée par le déchirement des chairs, lui-même signifiant celui du Monde. Il y a dans cette œuvre une filiation philosophique due au fait qu’outre sa formation académique (il a fréquenté les Académies de Tournai et de Liège), l’artiste a également suivi des cours de Philosophie et surtout d’Histoire de l’Art. Ce qui a énormément influencé son langage pictural, en ce sens que, comme nous l’avons spécifié, l’artiste veut aller au-delà du narratif. Car pour lui, le peintre est tout sauf un fabricant d’images. Il doit, à travers le geste pictural, atteindre la sphère littéraire, philosophique et historique avec laquelle le visiteur doit se confronter par le véhicule du sentiment à l’idée et à l’émotion que dégage le tableau. Nous avons fait observer, plus haut, que son œuvre est assurément celle d’un dessinateur qui peint. C’est précisément en tant que dessinateur qu’il a débuté son parcours artistique. Ensuite, ce fut la découverte du Greco et du Caravage, en matière de peinture dans la sphère classique.
Et lorsque nous abordions plus haut, l’impact de l’Art du 19ème siècle dans l’aboutissement vers un autre Sacré, rappelons que ce fut précisément à cette époque que El Greco et le Caravage (savamment enterrés et oubliés depuis leur mort), furent redécouverts à la lumière d’un nouveau langage à la fois humaniste et pictural.
L’artiste ne « surjoue » pas dans la mise en signes. Si ses œuvres comportent si peu de matière, c’est précisément parce qu’il veut éviter de les surcharger par une sorte de « maquillage » inutile dans le but de les rendre « lisses », au fur et à mesure que le regard les appréhende. La puissance du trait est là pour sublimer la matière.
L’artiste qui, à la manière d’un alchimiste, fabrique lui-même ses pigments, utilise la technique de l’huile sur double papier. Il ne donne jamais de titre à ses tableaux car il préfère laisser ce soin au visiteur qui doit les interpréter.
Ses œuvres résultent d’un contact « direct » avec le sujet, en ce sens qu’il ne peint jamais d’après photo. Il nourrit d’ailleurs pour la photographie une certaine méfiance, trouvant que, de manière générale, elle falsifie la réalité. Bien sûr, lorsqu’on lui fait remarquer que la lumière usitée par tel photographe n’est pas celle d’un autre, il se ravise et admet que dans ce domaine il y a eu de grands créateurs. Néanmoins, pour des raisons de pureté narrative, il refuse catégoriquement de mêler la peinture à l’objectif !
Il cherche aussi à redéfinir la notion de « portrait », car il estime qu’aujourd’hui, ce langage traduit plus les états du peintre que ceux du sujet « portraituré ». Il n’a certainement pas tort. Néanmoins, la création, quelle qu’elle soit, ne se réalise pas « sans y laisser les plumes » ! L’artiste y laisse fatalement (parfois à son insu) quelque trace de lui-même…quelque trace, indispensable pour mieux se fondre au sujet.
L’Histoire de l’Art, la Philosophie et la Peinture sont pour lui les outils par lesquels il cherche, en stigmatisant l’humanité d’aujourd’hui, à individualiser la possibilité d’un Homme nouveau. Sa peinture est l’expiation d’un Monde qui, par le corps martyrisé, cherche une issue.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Rodrigue Vanhoutte François Speranza:  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(8 juin 2016 - Photo Robert Paul)

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Exposition Rodrigue Vanhoutte à l'Espace Art Gallery en juin 2016 - Photo Espace Art Gallery

Expositions choisies


1992          Ateliège Galerie, Liège

1993          Galerie Saint Luc, Liège

1994          Université du Sart-Tilman, Liège

1999          Abbaye du Val-Saint-Lambert, Belgique

2000          Abbaye du Val-Saint-Lambert, à l’occasion de l’inauguration de la Salle Capitulaire nouvellement restaurée

2001          Galerie Art-Home, Belgique, Exposition « Autoportraits » avec la participation du saxophoniste de Jazz Arthur Blyte en concert solo

2002          Galerie Art-Home, Belgique, avec lecture des textes de l’écrivain Michel Rabbin consacrés aux œuvres exposées

2003          Exposition « Mégalopaul », Galerie Art-Home, Belgique

2004          Temple Protestant Lambert-le-Bègue, Belgique

2005          ArtShok-Galery, Belgique

                   ArtShok-Galery, Amsterdam

2006          ArtShok-Galery, Amsterdam

                   ArtShok-Galery, Belgique

2008          Travail sur la pièce « Marat-Sade » de Peter Weiss, théâtre Armado, Paris

2012          Ayuntamiento de Castilléjar, Grenade, Espagne

2014          Galeria Cartel, Grenade, Espagne

2015          Galeria Castel, Grenade, Espagne

Retrato(s) de Granada

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N.D.R.L:

Rodrigue Vanhoutte vit et travaille à Grenade

Téléchargez le texte de François Speranza, traduit en espagnol:

HACIA OTRA CONSAGRA: LA OBRA DE RODRIGUE VANHOUTTE

HACIA OTRA CONSAGRA: LA OBRA DE RODRIGUE VANHOUTTE
Del 08 - 06 al 25 - 06 - 16, el ESPACIO ARTE GALLERY (Calle Lesbroussart, 35, 1050 Bruselas) le propone una exposición dedicada a la obra del pintor y dibujante belga Señor RODRIGUE VANHOUTTE, titulada EL TRIÁNGULO DE KARPMAN. Desde el primer enfoque, el ojo del visitante es cogido por un choque, con sentido etimológico del término. La mirada es hechizada por este montón de carnes devastadas y pudridas, las cuales son en realidad, el reflejo pinta- a -vivo de estados diversos de Ser. El " Triángulo de Karpman ", llamado también " triángulo dramático ", sanciona, en el análisis transaccional, la dinámica de un juego de poder depravado, implicando tres sujetos (de donde el nombre de "triángulo"). La característica de estos sujetos reside en el hecho de que su posición es intercambiable. Ocupan, por turno, el papel del perseguidor, de la víctima y del salvador. Así como precisado aqui arriba, nada en este juego depravado es definitivo: la víctima puede volverse, a su vuelta, perseguidora y éste puede cambiarse en salvador. Este tríptico titulado precisamente EL TRIÁNGULO DE KARPMAN (325 x 175 cm - aceite sobre papel doble), ilustra el resultado de tal experiencia interpersonal, la cual, aunque en los estudios de Karpman, se celebra en el seno de un microcosmo tal como la empresa, rige el conjunto de los mecanismos de lo que Balzac nombraba " la comedia humana ". A la vista de tal espectáculo escénico, una cuestión invade al visitante: ¿ todavía son cuerpos? ¡ Ciertamente! ¡ Pero son cuerpos que no obedecen más a las leyes de la armonía (por muy tanto que que existan!). Justo estudios de descomposición progresiva de la forma que acaban en la materia prima, a saber la carne en todo lo que tiene de concreto y de orgánica, sumiéndose en los arcanos de la condición humana. Estas carnes en ebullición, en fermentación, son los testigos del talento del artista, a la vez como pintor y dibujante. La primera cosa que se impone a la mirada, es la potencia de la raya que revela los volúmenes a la luz tanto en las contorsiones musculares como en los pliegues de las carnes. Se trata indiscutiblemente de la obra de un dibujante que pinta porque es el dibujo que decide la conducción de la materia pintada. El color está allí para subrayar la elasticidad de las carnes dilatadas así como para conferir sobre la forma la expresión cadavérica que exige el sujeto. Al hablar Stylistiquement, esta pintura es una visión apocalíptica del exceso, en el sentido que la música que se libra de este espectáculo es una música torturada, revelándose como tal sin ningún complejo. Este modo de proceder no es sin evocar la estética de Egon Schiele. Excepto que en el caso del artista austríaco,bien que esquelético,bien que deshechos, las formas quedan enteras jamás destruyendo la idea misma del cuerpo. Aquí, el cuerpo "estalla" para dejar sólo su rastro, su "forma" original, presentemente en destrucción total para llegar a una ostentacion de la materia sobre el espacio escénico.
Es perceptible sólo la idea de las piernas, de los pies y del torso (la " forma ") pero todo progresivamente se dilata, a medida que la figura se extiende sobre la superficie.
Es a partir de un fondo totalmente blanco que toma forma el cuerpo en el estado presente, el cual a través de la materia corporal en sufrimiento, se transforma en el cuerpo enfermo del mundo.
Matices anchas negras y rojas (en desvanecidos), verdes y morenas rodean el lado superior de la forma para obtener un relieve màs fuerte.
Las carnes también llevan en su cromatismo la huella de la estética schilienne hecha de pardo (en desvanecidos), de rojo, de verde y de color amarillo: todo lo que en la simbología evoca la decrepitud y la podredumbre. La representación de la materia se concentra perfectamente en la trampa del medio, el cual muestra, en su lado superior, un escalonamiento de carnes las cuales (todas proporción guardadas), no son sin evocar a Rembrandt (acuérdese del cèlebre BUEY DESOLLADO(1655), que se halla en el Louvre a Paris, que desde su creación no ha dejado obsesionar a pintores tales como Soutine, Chagall o Bacon, fascinados por la simbología del cuerpo muerto expuesto, incluso crucificado).
AUTORRETRATO (190 x 120 cm - aceite sobre papel doble) nos ofrece, a ejemplo de los cuerpos enfermos, la visión de una cara cuyas rayas son atacadas por la vida y el tiempo. El autorretrato es ante todo (por lo menos desde Rembrandt) la materia necesaria para el establecimiento de un " inventario " de la conciencia a través del tiempo. La cara asolada es orientada sobre tres elementos-claves de la expresión: los ojos (alucinados, cercados por ojeras, semejantes a un terreno arado). La nariz (derecha que el artista hace derivar situando la fuente de la espina en una cavidad completamente retorcida, confinando con el lado superior derecho de la frente (izquierda con relación al visitador). La boca, entreabierta, desdentada cuya grieta deja aparecer dos dientes boguiabiertos, también a la derecha de la cara (a la izquierda con relación al visitador).
El alto y el bajo del espacio son sumergidos en una zona blanca, en ángulo recto vaporosa, dejando aparecer la cara como una máscara de espanto, el cual es recorrido sobre ambos lados por toda una red de surcos, aumentando el efecto de decrepitud física, respondiendo a una protesta moral. El cromatismo usado no difiere en nada del del tríptico (amarillo, rojo, blanco y verde, en desvanecidos). Observe el tratamiento específico de los ojos, el cual hace siempre referencia a Rembrandt, ya que es por aquellos que su cara adquiere cada vez una luz nueva. RODRIGUE VANHOUTTE es un artista que quiere ir más allá de la imagen.
Disolverla para alcanzar la finalidad de todo creador: Lo Sagrado. El cuerpo es el receptáculo del mundo. El artista lo desnuda para desincarnarlo. Toca en lo más hondo de lo sensible mediante un control constante de la materia. ¿ Que hay que entender por eso? De buenas a primeras (es decir visto de lejos), el visitante tiene la impresión de una superabundancia de pintura, típica de un trabajo al cuchillo.
A medida que se acerca a la obra, comprueba que la aportación de la materia sobre el papel es muy pobre y que en realidad, es por la brillantez propria a la misma materia, llevada por la raya, ampliando el volumen, que la luz engendrada da vida a la forma.
Es por el empobrecimiento constante de la aportación de materia sobre el cuerpo desencarnado que el artista llega a lo esencial: la pura esencia del mundo reflejada en la forma. ¡ Aunque el cuerpo es torturado, no permanece menos vivo! Es decir protestando su indignación contra el estado actual de la humanidad. Por "actual", oímos una dimensión hecha "contemporánea" del Hombre. La obra de RODRIGUE VANHOUTTE se encuentra al cabo de una cadena de reacciones a vivo por parte de numerosos artistas de toda disciplina desde el siglo 19. Es decir desde que la cuestión social comenzó a habitar la historia del Arte. Más exactamente, cuando el orden social comenzó a ser revuelto por una puesta en cuestión de la sociedad por parte del Arte.
A medida, esta denuncia del estado social progresivamente se transformó en un cuestionamiento sobre lugar del Hombre en el mundo, es decir en el seno de lo creado, abriendo así la puerta a otra Consagra.
El depositado en la misma interioridad del Hombre, aparte de toda instancia religiosa oficial. A titulo de ejemplo, EL TRIÁNGULO DE KARPMAN (mencionado más alto), es un tríptico privado de un sistema de lectura: podemos leerlo en todos los sentidos. Sin embargo, el hecho simple sea un tríptico es un préstamo directo al Arte religioso, obedeciendo a otros imperativos. Esta búsqueda de otro Sagrado incubaba desde hace tiempo. Obras tales como el GRITO célebre de
Munch ya denunciaban lo que se iba a llamar " la alienación del Hombre moderno ", enredado en el corazón de la Revolución industrial, la cual iba a dar forma al siglo 20 naciente, imponiéndole primero una Primera Guerra Mundial luego una Quiebra económica planetaria, luego una Segunda Guerra Mundial coronada por una era atómica. De todos estos acontecimientos, el Arte ya se hacía el profeta bien antes de su desarrollo.
Excepto que estos síntomas no son perceptibles que sólo mucho tiempo después de la survenencia de la enfermedad. Una vista retrospectiva nos permite observar que desde 1911, Enrique Bergson proclamaba que " la gente occidental necesitaba un suplemento de alma ". Concerniendo a la obra, en apariencia desesperada, de RODRIGUE VAN HOUTTE, recordemos que estamos en relación con una materia viva y heredera, particularmente, de la estética schielienne, la cual presenta en cierta medida, una variación al significar expresionista sobre la figura humana, dictado por la aflicción de las carnes, al del mundo. Hay en esta obra una filiación filosófica debida al hecho que además de su formación académica (frecuentó las Academias de Tournai y de Lieja), el artista también siguió cursos de Filosofía y sobre todo de Historia del Arte.
Lo que muchísimo influyó sobre su lenguaje pictórico, en el sentido que, como lo especificamos, el artista quiere ir más allá del narrativo. Porque para él, el pintor no es un fabricante de imágenes. Debe, a través del gesto pictórico, alcanzar la esfera literaria, filosófica e histórica con la cual el visitante debe confrontarse por el vehículo del sentimiento con la idea y con la emoción que desempeña la obra pictural. Hicimos observar, más alto, que su obra es ciertamente la de un dibujante que pinta. Precisamente es como dibujante que empezó su trayecto artístico. Luego, fue el descubrimiento del Greco y de Caravage, en materia de pintura en la esfera clásica. Y cuando abordábamos más alto, el impacto del Arte del siglo 19 en el cumplimiento hacia otro Consagrado, recordamos que precisamente fue en esa época que El Greco y Caravage ( enterrados y olvidados desde su muerte), fueron redescubiertos a la luz de un nuevo lenguaje a la vez humanista y pictórico. El artista no dramatiza " en la puesta en signos. Si sus obras contienen tan poca materia, precisamente es porque quiere evitar sobrecargarlas por un tipo de "maquillaje" inútil con el fin de hacerlas "alisarlas", a medida que la mirada las aprehende. La potencia de la raya está allí para sublimar la materia. El artista que mismo, a manera de un alquimista, fabrica sus pigmentos, utiliza la técnica del aceite sobre papel doble. Jamás da título a sus cuadros porque prefiere dejarle este cuidado al visitante que debe interpretarlos. Sus obras resultan de un contacto "directo" con el sujeto, en el sentido que jamás pinta según foto. Alimenta por otra parte para la fotografía una desconfianza cierta, opinando que, de manera general, falsifica la realidad.
Por supuesto, cuando se le hace ver que la luz usada por tal fotógrafo no es la de otro, cambia de opinión y supone que en este dominio hubo grandes creadores. ¡ Sin embargo, por razones de pureza narrativa, categóricamente se niega a mezclar la pintura al objetivo! Procura también volver a definir la noción de "retrato", porque considera que hoy, este lenguaje traduce más los estados del pintor que los del sujeto " retratado ". Ciertamente no le falta razon. ¡ Sin embargo, la creación, sea la que sea, no se realiza " sin dejar parte de si mismo"! El artista mismo deja allí fatalmente (a veces sin saberlo l) algún rastro ,rastro indispensable para derretirse mejor en el sujeto. La Historia del Arte, la Filosofía y la Pintura son para él las herramientas por las cuales procura, estigmatizando la humanidad de hoy, individualizar la posibilidad de un Hombre nuevo. Su pintura es la expiación de un mundo que, por el cuerpo martirizado, busca una salida.
François L. Speranza.

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