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Publications de Bernard Rivir (3)

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le chat

Chez nous les animaux occupent une place centrale. La jument, et le chat. Mais voilà, il y a nos petits enfants. Alors...

La chatte se lova dans sa couverture. Elle ronronna d’aise, et posa son museau sur ses pattes. Le pâle soleil de janvier chauffait sa fourrure grise au travers de la vitre. Elle n’avait cure qu’il gelait sur la terrasse.
Doucement, elle sombra dans une agréable torpeur. Elle s’endormit tranquillement, toute aise de ce confort dont elle appréciait la douceur depuis des années, et qui lui rappelait le temps où, chaton, elle se blottissait tout contre le ventre de sa mère.
Elle n’avait pas entendu le ronronnement de la voiture qui se garait devant la maison. A peine leva-t-elle une paupière, un œil, lorsque résonna violemment la sonnette de la porte d’entrée. Le grincement de la poignée de la porte, les bruits de voix, dans le hall d’entrée, rien ne troubla le repos de notre chatte.
Soudain, entra dans le salon un petit enfant haut comme trois pommes, titubant et marchant maladroitement. Le plus fermement qu’il put, il se planta devant la chatte. Il la désigna du doigt, et souriant de ses quelques dents, il émit d’une voix aiguë un son dans lequel il était aisé de reconnaître le mot « chat ».
D’un bond, elle se propulsa au-dessus du dossier du fauteuil, interdite devant une apparition si brusque.
Cette nouvelle position la mit hors d’atteinte. La chatte observait le petit être : la forme, l’odeur lui rappelaient  celles de ses maîtres et des êtres humains, mais… Prudence ! Peut-être y a-t-il danger. Son instinct de félin se réveilla, elle feula, menaçant, du moins l’imaginait-t-elle, le petit enfant.
Lui ne se souciait plus guère de la chatte. Il avait trouvé plus d’intérêt à une petite balle, son jouet, qu’il avait abandonnée sous la table de salon. Ce répit lui permit d’examiner ses chances de fuite : entre elle et la porte vers le hall d’entrée, le petit bonhomme, toujours agité, et puis cette porte, fermée. Les oreilles en casquette, le regard attentif, rivé vers le bébé, elle guettait l’instant favorable où elle allait pouvoir bondir et s’échapper.
Enfin, l'enfant se dirigea, de son pas chancelant, vers la cuisine. La porte vers le salut était encore fermée, mais elle imagina une cachette: elle se glissa sans bruit du fauteuil vers une chaise. Elle s’y hissa, et, dissimulée par le pan de la nappe de la table, elle observa le salon au travers du cannage.
Elle se calmait, les pattes blotties sous le corps, mais toujours attentive au moindre mouvement du petit enfant. Il ne lui portait plus d’attention, il ne la voyait plus, tout occupé qu’il était, avec quelques jouets familiers que sa maman lui avait donnés. Pourtant, il se trouvait encore tout proche. La chatte imagina que le mieux était de rester parfaitement immobile.
Le temps passait. L’enfant, tout à ses jeux, semblait l’avoir oubliée. Aucun des adultes présents n’avait encore eu la bonne idée d’ouvrir la porte du vestibule, par où elle escomptait s’échapper.
Tout d’un coup, le bébé lança son terrible cri « sssah », et pointa à nouveau son doigt vers le pauvre animal. Elle s’écrasa le plus qu’elle pouvait, mais elle se trouvait être encore une fois le centre d’intérêt du petit enfant.
Elle entendit un grincement de gonds derrière elle. Elle comprit immédiatement que la porte salvatrice venait de s’ouvrir. D’un bond leste de félin, elle sauta vivement de la chaise, se jeta au travers de l’entrebâillement de la porte, laissant pantois et médusé le bébé qui ne comprenait pas qu’elle puisse le fuir.
Elle grimpa les escaliers, força de la tête la porte de la chambre et se glissa sous le lit. Elle souffla, et s’imaginant poursuivie, elle guetta l’arrivée du petit enfant.
Elle attendit, longtemps, mais plus rien ne se passa. Doucement, elle quitta sa cachette, grimpa sur le lit, et, avec délices, se glissa sous la chaude couette. Elle s’y lova, s’endormit paisiblement après cette terrible aventure.

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J'ai écrit ce texte en 2003. Il a été lu lors de la reconstitution d'une cérémonie de prestation de serment telle qu'à la Renaissance, vers le milieu du seizième siècle. 

"Imaginez-vous marchant par un chemin poussiéreux le long des remparts de la Bonne Ville de Binche. Non, nous ne sommes pas en l’an 2003 : c’est un bel après-midi d’été vers le milieu du seizième siècle.

Déjà, depuis une lieue, cheminant avec les paysans, les commerçants, les soldats, et aussi des pèlerins sur la route de Saint Jacques de Compostelle, vous admirez le fier beffroi de notre belle cité, rayonnante sous l’ardent soleil. L’air vibre de chaleur. Les moissonneurs ont érigé çà et là des meules blondes. Des bœufs, agacés de nuées de mouches, tirent de lourdes charrettes. Quelques militaires à pied ou à cheval se hâtent de rejoindre leur garnison. C’est qu’il y a du monde sur la route de Binche !

Imaginez que vous vous présentiez enfin à la Porte Saint Paul. Mais oui, celle-là même où fut reçu Charles-Quint à Binche en août, il y a un an ! On s’y presse d’entrer, d’en sortir, sous l’œil débonnaire, parfois amusé, des gardes espagnols, embarrassés de leur cuirasse et de leurs casques. Mais n’ont-ils pas fière allure !

Pour pénétrer dans l’enceinte fortifiée de Binche, il faut se faufiler parmi les tombereaux et chariots de blé, d’étoffes, de toutes sortes de victuailles et de marchandises dont se repaît le bon peuple binchois. Vous voilà au pied du refuge de Bonne Espérance, que vous saluez d’un regard, en vous engageant dans l’étroite rue qui conduit au cœur de la cité. Elle n’est pas très longue, cette rue. En son milieu, dans un caniveau, coule un filet d’eau sale, qu’il faut enjamber pour croiser un attelage. L’ombre des façades vous rafraîchit un peu. Vous croisez quelques commères qui jacassent, une jeune fille qui s’esclaffe d’un rire clair, un chien, un corniaud, la queue et les oreilles basses. Un porteur d’eau s’annonce aux fenêtres ouvertes, des gamins se poursuivent en hurlant, et vous saluez quelque connaissance.

Imaginez que vous voilà dans le haut de la rue. Sur votre gauche, c’est le parvis de la collégiale. C’était le Moustier Sainte Marie, mais collégiale elle est, depuis que les chanoines de Lobbes y ont mis à l’abri les reliques de Saint Ursmer, il y a plus de cent ans. C’est maintenant le Saint Protecteur de notre ville. Il est vénéré du bon peuple qui n’a de cesse de lui rendre hommage.

L’heure des vêpres est encore loin. Espérant encore un peu de fraîcheur, vous y entrez. Point de mobilier, point de prie-dieu. Bourgeois, artisans, manants, des hommes et des femmes vont et viennent : deux hommes discutent affaires en chuchotant, des amoureux s’y sont donné rendez-vous, des femmes à genoux prient silencieusement en attendant le prêtre confesseur. C’est que ce lieu est saint. Mais il est aussi lieu de vie publique. Quand sonneront les cloches, quand apparaîtra le prêtre dans ses vêtements liturgiques, quand il prononcera les premiers mots latins de la messe, alors le silence se fera autour d’un profond recueillement respectueux de la divinité.

Vous admirez les vitraux illuminés de soleil. Ils racontent la vie des saints, le paradis, l’enfer. Des rais de lumière tranchent l’obscurité de la collégiale, et dessinent sur les dalles du sol des taches colorées.

Les statues polychromes sur leur piédestal, les peintures parfois naïves qui illustrent les saints évangiles, le chemin de croix, vous les connaissez. Mais vous ressentez encore la majesté et la spiritualité de l’édifice.

Vous sortez de la collégiale. La chaleur vous étouffe, et vous étourdit quelques instants. Ce n’est pas la Cour des Miracles, mais sur le parvis, quelques misérables, mendiants et estropiés, espèrent que vous leur accorderez l’aumône. Vous leur jetez quelques piécettes, et vous hâtez le pas.

Non loin de la Collégiale, Jacques Dubroeucq, l’architecte montois, avait érigé l’imposant palais de Marie de Hongrie. C’est là qu’on festoya l’an dernier, lorsqu’elle y reçut Philippe d’Espagne, l’héritier des Provinces des Pays-bas. La sœur de Charles-Quint avait voulu ces fêtes grandioses, tant et si bien que leur éclat rayonne dans l’Europe entière. Dans quelques siècles, on en parlera encore… C’est donc avec fierté que vous adressez un regard admiratif au majestueux château, et à ses splendides jardins à l’italienne, tout vibrant sous le soleil, et où se promènent richement vêtus, dames et seigneurs de la Cour de Marie.

Il ne faut guère que quelques pas pour rejoindre la Grand’Place. Chemin faisant, vous passez devant une mauvaise taverne. Une puanteur de vinasse mêlée de cervoise tiède s’exhale de la porte ouverte. Dans la pénombre, un manant, ivre d’exécrable piquette, beugle une manière de gaie ritournelle, dont la mode nous vient d’Italie. Il n’a pour auditeurs que quelques compères de beuverie, ivrognes au regard vide affalés sur leur banc de bois.

Sur la place du Marché, la Grand’Place, il y a foule : bourgeois, manants, paysans se bousculent. Les uns vendent, les autres achètent. On y propose au marché aux herbes, sous des échoppes de toiles, des légumes frais cueillis, amenés dans des carrioles à grandes roues par des maraîchers qui les vantent de leur plus forte voix. Le marché aux poulets, à la rue Neuve, est tout bruyant du piaillement des volailles. A la halle aux draps, on y trouve de la laine et de la sayette, sorte de serge dont les artisans binchois se sont fait une spécialité depuis trois siècles. Tout près, à la halle aux filets, on y marchande du fil de lin et de chanvre. A la halle au blé, un brasseur négocie des grains et du houblon. A la triperie, des vilains se disputent quelque mauvaise étoffe.

Au grand poids de la halle, on y pèse laine, sel, bois, toutes les marchandises amenées les unes en charrette, les autres sur des bêtes de somme, ou encore à dos d’homme ou par brouette. C’est qu’il faut payer le winaige, la taxe seigneuriale sur tous les biens entrant et sortant de la ville.

Imaginez toute cette animation, témoignage de l’activité d’une ville prospère et riche. Vous vous mêlez à la foule que surveillent quelques sergents de ville : des malandrins, des ladres s’y essayent à quelques menus larcins.

A côté des trois arches de la halle aux viandes, voici l’Hôtel de Ville. Vous êtes arrivé. Dans la grande salle, vous saluez le Prévôt, et prenez place parmi les jurés et conseillers du Magistrat de Binche.

Voilà, Mesdames et Messieurs les conseillers, comment nous pouvons, sans prétention historique, imaginer l’atmosphère à Binche en 1550."

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la Renaissance à Binche

Binche n'en finit pas de s'enorgueillir de son carnaval, de ses gilles et de ses remparts médiévaux encore debout. Les touristes ignorent plus souvent que les 'Binchous' sont aussi très fiers de la période glorieuse de la petite ville, la première moitié du seizième siècle. A cette époque, les murailles protégeaient le château de Marie de Hongrie, jusqu'à sa destruction par François 1er. Marie de Hongrie, soeur de Charles Quint était la gouvernante des 'Pays d'en Bas'. En 1549, des fêtes fastueuses y furent données en l'honneur de Charles Quint et de son fils, le futur Philippe II.

Pour commémorer cette période fastueuse, diverses célébrations émaillent l'année. Modestement, je publie un petit sonnet de ma composition, qui agrémentera l'une de ces célébrations:

Un Ivrogne


Maître Jacques des rues de Binche arpentait

Les luisants pavés ronds et gras de fine pluie.

Du Palais de la bonne Marie de Hongrie,

Admirer les rares splendeurs, il s’en allait.


Maître Pierre le héla d’un estaminet.

Une fraîche chopine lui fit moult envie.

Hélas ! Odorants jardins, Beaux-arts il oublie

Aussitôt qu’il s’attable dans le mastroquet.


Ainsi au Château Royal guère plus ne songea.

Quand la vinasse la raison lui dérangea,

Le bistro le chassa, qui n’était point Lemblin.


Madame, que le triomphe de la piquette

Ne vous soit peine : Maître Jacques le promette,

Les ors de votre château, il verra demain…

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