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Publications de Josiane Hubert (3)

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Déconstructivisme

A l’heure du coucher, visage figé sous l’insulte encaissée sans broncher. Dans le sommeil, fendillements. Draps défaits du petit matin. Traits reconstitués avec patience, morceau par morceau, à la colle repositionnable.

Se refaire une tête, une autre. Battre les cartes, les redistribuer. Fragmenter l’ancien visage en mille facettes mouvantes et moirées.

Reconstruire au hasard : l’œil écoute, la bouche regarde et une oreille se fait langue pour mieux circonvenir les attentes de l’autre. Des cheveux plein la voix, discours tissé de scories, lapsi et zézaiements, pour la plus grande incompréhension de ceux qui, de toute manière, n’écoutent jamais rien.

Mitose, méiose, les mots se subdivisent, les syllabes prolifèrent, s’engrossent mutuellement. Sens seconds et sourds-entendus. Sabir et charabia, qui par hasard passaient par là, entreprirent un jour de construire une tour, à l’aide de langues de bois. Tenons et mortaises, dictons et foutaises, le grand colloque international s’y tient tous les dimanches entre hoquet et colique, à deux heures du matin.

La vestale en robe blanche, aux yeux cernés par des nuits sans soleil, ne cesse de ranimer les flammes défaillantes d’une pentecôte prolongée au-delà de toute décence. C’est à la lueur des bougies que les visages se décomposent pour de bon. Dans le public, Francis Bacon jubile et son menton tremblote avant de se répandre en gélatine rosâtre sur son plastron. Autour de lui, les gens s’efforcent de faire bonne figure sans trop perdre la face. En vain. Les joues s’affaissent et les sourires hypocrites se désagrègent aux avant-postes des assentiments convenus.

Dieu rallume le feu sous le chaudron de la bouillie primordiale. En matière de création, tout est toujours à recommencer.

Josiane Hubert.

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L'histoire dans l'histoire

L’histoire se cache dans l’histoire et le temps dans le temps.Le projectionniste a interverti les bobines et le film, défilant jusqu’au bout de l’ennui dans la salle obscure de notre vie, n’a pas de sens précis. A vrai dire, il va dans tous les sens et manque à coup sûr de bon sens.Recommençons. L’histoire est dans l’histoire comme la fenêtre est dans le mur. La lumière est dans la fenêtre, encadrée par un châssis de paradoxes. La lumière est aussi dans le feu qui brûle au milieu des ombres, consumant les bûches jusqu’à la lie, n’y laissant qu’un petit soupir rougeoyant dans son tas de cendres. Le dernier petit soupir de l’amour qui s’étouffe au premier bâillement du jour.Recommençons. L’histoire est dans l’histoire. La pierre est dans le mur. Dans le cœur de la pierre vivent de lourds secrets, enchâssés dans l’attente d’un improbable désenvoûtement. Les secrets sont figés dans la façade aveugle, lavés et délavés par la pluie, par l’oubli des générations qui se succèdent, qui s’emboîtent l’une dans l’autre comme les histoires dans les histoires. Les secrets aussi, on les oublie. Et puis un jour, quand ils renaissent, on est surpris.L’histoire est dans l’histoire mais peu à peu elle se délie et vit sa propre vie. Pour être entendue, elle crie. Elle crie aux vents par tous les temps, de l’imparfait au subjonctif. C’est une histoire absolument incroyable, un vrai tissu de mensonges, mais qu’importe, c’est un conte, un geste, un jeu, une légende, une histoire à dormir debout, à veiller jusqu’au bout de l’espoir, à regarder mourir le dernier petit soupir du feu qui s’asphyxie dans ses cendres. C’est une histoire à en pleurer, comme toutes les histoires humaines, il faut l’entendre pour la croire, il faut la vivre, elle ne se termine pas très bien mais tant pis, elle vaut la peine d’être entendue. Ou lue. Elle est sertie dans les murs des maisons où elle a vécu. Si vous passez dans la rue, la nuit, peut-être ressortira-t-elle, comme la vérité du puits, suintant des murs noirs, des murs gris, et s’inscrivant en clair sur la façade, en prose ou en poésie.Quand elle en aura fini, quand vous la connaîtrez par tête, elle réintègrera l’histoire, l’histoire même qu’elle a quittée pour venir vous manger le cœur, pour vous désapprendre à grandir ou pour s’empêcher de mourir.L’histoire est dans l’histoire et la lumière est dans la nuit. Le temps est hors du temps, hors de la vie.Recommençons.2009-2010.
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Pour la défense de la langue

IInamovible, l’espéranced’un virage de cap décisif,incisive plantée dans la chair de la langue,incise vive entéeau pli d’une phrase branlante,bouleversement radical permanent,retournement des senset du sens de la vie,retour à l’essentiel.IILa tournure qu’ont prise les chosesdemande un détournement d’urgencede l’usage consacré de la langue,toutes papilles confondues,saveur des mots collésà la voûte céleste du palais déserté.Les dents ne doivent pas s’ériger en barrièrecontre laquelle viendrait buterla vérité celée par habitude.Les dents s’écartentsur le passage de la langue,joyeuse entrée de ta salivedans mon intime convictionque tout est bon à dire.IIIQue les sons forgés dans la gorge,conçus au berceau du palais,les cris du cœur et des phanères,les hululements de douleur,les gémissements de plaisir,les chuchotements de tendresse,les murmures de compassioncirculent à l’air libre d’une voix entendue.A langue abattue, les motscourent sur le fil du rasoirde la folie.IVLa langue veut servir celui qui la délie.
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