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Publications de Maurice Stencel (288)

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Petits propos télévisuels.

Ce n’est pas la télévision qui rend con. Ce sont les téléspectateurs qui sont cons.. .
La télévision leur sert les conneries qu’ils aiment.Voilà tout.
- Qui réalise les conneries,me demande-t-on ?
J'ai dit...On m'a répondu....j'ai dit.... Non ?
- Si.
- Mais alors, les cons c’est.…nous !

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Minia

Minia

 

J’éprouve soudain le besoin de me souvenir.  C’est dû à l’âge, j’imagine. A quoi me raccrocher sinon aux visages et à l’histoire de ceux qui m’ont connu. Ou de ceux que j’ai connus. Ils ne sont plus. Ils vivent, dit-on dans la mémoire des autres. Encore faut-il qu’ils vivent encore, eux, les autres. Combien de vies différentes ont-ils vécues, dès lors. Et peut être qu’aucune d’entre elles ne correspond à la réalité. Qu’importe aujourd’hui ?

Minia est le premier nom dont je me souvienne. C’était celui d’une fillette de cinq ans que j’ai rencontrée en Pologne lorsque mes parents m’y ont envoyé pour saluer mes grands-parents. Je tirais sa natte en riant bêtement. C’était ma cousine. Je l’aurais épousé si elle avait vécu. A l’occasion de son sixième anniversaire sa mère m’avait envoyé sa photo en couleurs,  son nom était imprimé en bleu, un petit rectangle de dix centimètres sur cinq. Je l’ai conservée longtemps dans une poche de mon portefeuille.

Le second, c’est celui de Jeff. Il me servait d’ange gardien à l’école primaire lorsqu’un condisciple me poussait de la main en criant « Fier cul ». Il prétendait que j’étais arrogant alors que je n’étais que réservé et timide.

J’ignore ce qu’il est devenu. Son frère braquait les commerçants  de la ville, et pratiquait la boxe française. Il était très habile de ses jambes. Il s’était fait arrêter et Jeff l’avait remplacé. Il fallait bien manger. Sa mère était veuve, et ils étaient six enfants.

J’ai longtemps conservé une toile de 30 x 30 que m’avait offerte Esteban. Elle représentait un intérieur dont je ne sais plus s’il était flamand ou espagnol.

Esteban était un réfugié qu’une famille amie de la nôtre avait recueilli durant la guerre civile espagnole. Ses parents, ais-je appris par la suite, étaient communistes. La famille qui l’avait recueilli était catholique affichée.

De lui aussi, j’ignore pratiquement tout. Est-il vivant ou est-il mort, je ne l’ai jamais revu.

Un jour, j’ai voulu écrire un livre qui devait répondre à des questions qu’on appelle métaphysiques. Le titre en était  « le chemin de la vie ». Je le reconnais aujourd’hui,  il m’avait été inspiré par « la porte étroite »  d’André Gide. Un éditeur l’avait publié parce que ces livres étaient à la mode à cette époque. Il n’en avait vendu que très peu. Peu de temps plus tard, il a voulu éditer de petits livres, à l’américaine, dont chacun raconterait une histoire haute en couleur à la manière dont les dessinateurs racontent une bande dessinée.

Je lui avais proposé  « le commandant Zorovski »  qui lui avait plu et qui avait eu un succès extraordinaire en l’espace de quelques semaines. J’avoue qu’un ami journaliste à la radio l’avait cité comme étant le prototype de la littérature  des adolescents d’aujourd’hui.

- Il faut creuser cette veine, Pierre.

Il me secouait les épaules en riant.

- Les aventures de commandant Zorovski sont un chef d’œuvre. Vous avez du génie, il me faut une suite pour la fin du mois.

Je pensais que c’était idiot mais je lui ai écris une nouvelle aventure du commandant Zorovski en huit jours. A la Foire du Livre de Berlin, il en a vendu les droits pour l’Allemagne et l’Italie. Ma carrière était lancée.

C’est Isabelle qui me l’avait conseillé.

- Il faut tenir un journal où tout sera noté. Et des évènements de ta vie qui sont ta matière première, et les livres écrits. Une vraie comptabilité dont je me chargerai.

Elle sourit en me tendant la bouche.

- Enfin, pas tout.

Isabelle était ma maitresse depuis que j’avais rompu avec Louise.  Louise était la femme avec laquelle je vivais à mes tout débuts. C’est grâce à elle que nous mangions. Elle disparaissait un jour par semaine, et le lendemain elle ramenait des billets de banque qu’elle étalait sur la table. Elle disait :

- Je vais prendre un bain.

Nous nous sommes séparés après que deux de mes livres dont le héros était Zorovski aient paru. Isabelle qui était agent littéraire m’avait emmené à une foire, et le soir même, elle s’était introduite dans ma chambre vêtue seulement d’un string de dentelles. Elle faisait l’amour comme Louise ne l’avait jamais fait. Avec moi en tout cas. C’est elle d’ailleurs qui l’avait confié à Louise.

Depuis, tous mes livres eurent du succès et Isabelle notait les tirages dans ce fameux petit livre où on pouvait lire Zorovski – France : I52.000 ex. Italie : 66.000 ex. puis à la ligne suivante Isabelle -Pierre : 2 fois.

Cela nous faisait rire, et parfois…

Isabelle s’occupait de ce qu’on nomme l’ordinaire. Moi, j’écrivais tout les matins de 9 heures à midi. Plus de la moitié du temps, nous le passions à voyager soit pour visiter des éditeurs étrangers soit pour parcourir le monde. Ces parties de la planète dont je savais qu’elles existaient au travers des brochures touristiques, je les ai visitées de nombreuses fois. Elles situaient souvent le lieu qui était le théâtre des aventures du commandant Zorovski.  Au début de ma carrière, nous nous déplacions avec seulement un sac au dos. Plus tard, je réservais un guide et une voiture mais nous descendions toujours dans les hôtels que fréquentaient les gens du cru. Au Skri-Lanka, nous avons changé de chambre trois fois durant la même nuit à cause du bruit que faisaient deux cérémonies nuptiales différentes, à deux étages différents.

Isabelle en parfaite psychologue fermait les yeux lorsque je faisais la cour à la secrétaire d’un hôte qui m’éditait. La renommée est un aphrodisiaque puissant.

Quarante ans plus tard, après la mort d’Isabelle, j’en jouissais encore. Un écrivain renommé âgé de septante ans dispose toujours d’un attrait physique considérable.

Mais aujourd’hui à quatre-vingt, je suis seul et je m’ennuie. J’ai cessé d’écrire. Je ne lis plus rien. Même les journaux et leurs nouvelles ne m’excitent plus.

Je reste accoudé sur ma table de bureau, devant mon ordinateur fermé, et je m’efforce de me souvenir. Le livre de ma vie, comme Isabelle avait baptisé quelques carnets à spirales remplis de son écriture, je l’avais  rangé depuis longtemps. Aucun personnage qui y figurait, aucun des évènements qui avaient marqué mon existence ne m’apparait plus comme certain. Peut être que je les avais imaginés.

Un seul souvenir m’apparait clairement. Celui d’une fillette de cinq ans à qui je tirais la natte en riant bêtement. Son portrait figurait sur petit carton que sa mère m’avait envoyé à l’occasion de son anniversaire. Petit carton que je n’ai jamais plus retrouvé.  Elle se nommait Minia.

    

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Que penser ?



Un ami avec lequel j’ai parcouru jadis, à diverses reprises, le poing levé, les rues de la capitale me disait :
Que penser ? J’ai été communiste, j’ai été maoïste, j’ai été guévariste. Je sais comment et pour qui les américains doivent voter. Ce que doit être la politique d’Israël dont les habitants ne connaissent rien de ce pays dont ils ont été absents durant deux millénaires. Je ne comprends pas les Français qui élisent un président qu’ils abhorrent, ni les Flamands qui se fient à un mangeur de gaufres. Rien ne tourne rond nulle part depuis quelques temps. Sans parler du climat qui se moque des climatologues distingués et prévisionnistes, suivez mon regard.
Que penser de la Tunisie, de la Belgique, de l’Egypte. Et demain, peut-être, d’autres pays qui sont un peu les nôtres durant les vacances ?
En haussant les épaules, il a ajouté :
L’histoire bégaye, une fois de plus.

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Une belle journée de septembre.

 

La ville était pratiquement vide. Seuls quelques passants, des étrangers à la ville vraisemblablement, déambulaient sur la grand place le mouchoir à la main, et se frottaient le visage et le cou tant le soleil de midi les faisaient transpirer.

Le podium sur lequel allaient se produire les candidats avait été installé le matin même. Le tissu rouge qui l’entourait dissimulait les tréteaux qui soutenaient le plancher.  A l’arrière un escabeau de plusieurs marches permettait d’y accéder.

Les ouvriers qui l’avaient installé, avant de partir avaient sauté dessus de nombreuses fois afin de s’assurer que le plancher ne risquait pas de s’effondrer.  

- S’agit pas que quelqu’un passe à travers.

Erigé sur le côté de la place, les sièges encore empilés les uns sur les autres, le tout avait un air incongru que les lumières des projecteurs allaient sans doute transformer le soir même.

Une annonce avait paru dans le quotidien local selon laquelle un crochet destiné à des amateurs de chansons aurait lieu dès le coucher du soleil après qu’un animateur ait chauffé l’auditoire.

C’était Festi-Chanson qui avait organisé la première attraction populaire et culturelle parrainée par le grand magasin du haut de la ville. Si elle s’avérait positive, elle se reproduirait l’an prochain avec un cérémonial plus spectaculaire. Dix rangées de sièges avaient été prévues.

- Et si les spectateurs sont plus nombreux ?

L’organisateur avait rassuré le responsable communal.

- Dieu vous entende. Ils se serreront contre la barrière.

Ils furent plus nombreux. Ils s’étaient serrés contre la barrière et quand le feu s’était déclaré deux spectateurs avaient été écrasés par des fuyards affolés. Ils étaient venus séparément, seul le hasard les avait réunis.

Le journal du lendemain les réunit à nouveau dans une seule et même manchette : « Deux de nos concitoyens sont décédés, écrasés par la foule, lors d’un incendie fortuit mais spectaculaire. Le substitut du procureur Ernest Duliere a ouvert une enquête ».

Avant de préciser la cause du sinistre, le plus simple avait été l’identification des victimes. Ils étaient munis l’un et l’autre de leurs pièces d’identité.

- C’est le destin. Pour une fois, qu’il se passe un évènement culturel.

Il avait fait appeler l’inspecteur Fernand  Delrue , un officier de la police judiciaire.

- Tu t’occuperas des victimes, Fernand. Qui sont-ils ? Etc. Le rapport habituel.

Valérie Dumonceau, une des deux victimes, une jeune femme âgée d’une trentaine d’années, une jolie fille, s’était levée tôt. Elle le faisait tous les jours. Son cerveau était incapable de distinguer le dimanche des autres jours de la semaine.

Cela n’ennuya pas Valérie, la température s’annonçait chaude, le soleil brillait déjà. Elle avait l’intention de se promener dans le parc et de mettre des vêtements légers. De ceux qu’on met sur la plage en été.

Le dimanche les souvenirs reviennent. En marchant dans le parc municipal souvent vide ou assise sur un des bancs, le bras pendant derrière le dossier. Elle n’avait pas toujours été la jeune femme seule et réservée que ses voisins connaissaient à peine.

- Bonjour.

- Bonjour.

En se laissant tomber sur le banc, Pierre demanda s’il pouvait s’asseoir. C’est en éclatant de rire qu’elle répondait.

- Je vous en prie.

Le même manège se reproduisait tous les dimanches depuis deux mois. Il était en short, la chemise largement ouverte. Un jour il avait eu le courage d’aborder Valérie. Il avait dit qu’il était à court d’haleine, qu’ils seraient ridicules tous les deux si dans ce parc vide, il s’asseyait sur un autre banc.

Il s’était présenté :

- Pierre Mullier.

Il travaillait dans le bâtiment qu’on pouvait apercevoir au bout du parc. Celui qui rassemblait les services techniques de la ville. Il tendit le bras.

Un peu plus loin au fond de l’impasse ; dit-il, c’était le domicile de l’ingénieur de la ville. Un ingénieur qui était mort peu de temps auparavant et qu’il était appelé à remplacer.

- La maison est encore occupée par la veuve. Je ne vous ennuie pas ? Je sais que je suis bavard. Regardez. Vous l’avez déjà vu peut être ?

Un homme sortait de la maison. Il avait à la main un sac en plastique dans lequel se trouvait une boite en carton marquée «  pâtisserie Moulard ».

- Tous les dimanches, c’est pareil. C’est monsieur Duliere, le procureur. Il va acheter une pâtisserie pour sa femme et il en profite pour en apporter une à sa maitresse. Leurs maisons sont contigües par l’arrière. Vous n’aimez pas les cancans ?

Il y avait longtemps qu’elle n’avait ri de si bon cœur.

Jean Duthoit, l’autre victime, n’était pas encore levé.  Tous les dimanches c’était le même combat qui se livrait entre son corps engourdi et son cerveau. C’était toujours son cerveau qui triomphait et Jean finissait par se lever.

La veille, il avait traîné dans les cafés de la ville où il avait ses habitudes. Dans l’un il avait joué aux cartes, dans un autre il avait bavardé avec le patron. A la fermeture, il avait hésité avant de rentrer chez lui. Il avait l’esprit brumeux, ce n’était pas désagréable.

Un dimanche matin, alors que le cerveau avait triomphé plus tôt que d’autres dimanches et qu’il arpentait le parc municipal, il aperçut un cycliste à qui il ne manquait que le casque pour ressembler à un coureur professionnel. Il avait laissé tomber son vélo, il s’était assis lourdement sur un des bancs, et discutait en riant avec une jeune femme d’aspect assez quelconque.

Sinon que parce qu’un autre homme semblait se plaire auprès d’elle, Jean lui trouvât du charme. Deux dimanches, il avait assisté au manège en se promenant autour du kiosque à musique. Deux dimanches, il lui avait trouvé du charme.

Mais c’est un autre dimanche qui allait les unir elle et lui. Le dimanche de leur mort.

Ce dernier dimanche, il avait dormi longtemps pour ne pas interrompre un rêve dans lequel il tenait Valérie dans les bras. Mais peut être que ce n’était pas Valérie.

Il connaissait son nom et son adresse. Non pas en rêve mais en réalité. Il l’avait croisée un jour de semaine, il l’avait suivie jusqu’au siège d’une société de comptabilité, il s’était renseignée à son sujet. Discrètement, avait-il pensé.

-J’ai l’impression, Valérie, que tu as fait impression sur un jeune homme sympathique. Il passe souvent devant les bureaux.

- A vélo ?

Une des secrétaires, celle dont le bureau donnait sur la rue, s’était étonnée.

- Tu connais quelqu’un qui fait du vélo ?

Elle répondit non mais elle pensa à Jean Mullier, son ami du dimanche matin.

- Viens vite, Valérie.

Trop tard. ! Le temps d’arriver, de se pencher à la fenêtre, on n’apercevait plus qu’une silhouette déhanchée. Qui, de Pierre Mullier, l’amoureux du dimanche ou de l’inconnu dont elle ne connaissait pas le visage, Valérie souhaitait-elle que soit le cycliste qui passait devant le bureau ?

Pierre Mullier avait pris la résolution de lui parler dès le prochain dimanche. Il ne sert à rien de faire trainer les choses.  L’amour a ses exigences, pensait-il. Pierre était mûr pour le mariage.

La veille il avait reçu des organisateurs de Festi-Chanson une requête précise quant au matériel nécessaire. De quoi construire un podium et de disposer de dix rangées de chaises.

Le beau temps aidant, cette fête culturelle, patronnée par le Grand Magasin de la ville, s’annonçait comme un futur succès.

Lorsque la veille du fameux dimanche Valérie avait pénétré dans la brasserie située place de la gare, un homme avait levé les yeux vers elle. Pourquoi avait-elle eu la certitude qu’il s’agissait de l’inconnu qui passait et repassait devant les bureaux ?  C’était Jean Duthoit en effet. Il eut un mouvement soudain. Celui de quelqu’un qui se décide.

Elle aimait l’atmosphère de cette brasserie. Il y avait du monde. Personne ne semblait se connaitre. Tout à l’heure, lorsque le train sera prêt à partir, chacun rejoindra son destin.

Le lendemain matin, le dernier jour de sa vie, elle s’était rendue au parc. Elle vit le substitut du procureur sortir, un sac à la main, de la maison de feu l’ingénieur de la ville que Pierre Mullier était appelé à remplacer.

Pierre Mullier vint la rejoindre.

- Je n’ai pas beaucoup de temps, Valérie. Il y a fête ce soir à la Grand Place. J’ai des choses importantes à vous dire. Vous viendrez ? 

Que dire d’autre ? La mort de Valérie et de Jean était due à la fatalité. Reste qu’il s’était agi d’une belle journée de septembre.

 

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Etre pour ou contre, ou ne pas être?

Avez-vous remarqué ? Il suffit d’affirmer que vous êtes pour ou contre pour prétendre être un être 'de conviction'.
Ou, comme le disait le regretté Pierre Dac, philosophe réputé du siècle dernier, d’être pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour.
Aujourd’hui, grâce à Internet qui vous sert de haut-parleur, en l’espace d’un instant vous êtes à la tête d’une fraction significative de l’opinion, sans qu'elle vous demande de justifier la vôtre.
Un conseil cependant : si vous souhaitez apparaître comme jeune, écologiste, partisan de la nature, consommateur bio, et amateur de vélo dominical, il vaut mieux être Anti-quelque chose. Les Pour, c’est complètement out.

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L'histoire véritable de Jésus de Galilée.

Il n’y avait plus beaucoup de convives à table.  Après que Jésus se soit levé, Judas s’était levé à son tour. Ils s’éloignaient en se parlant. Judas avait entouré les épaules de Jésus. Pierre avait toujours soupçonné qu’il lui portait une amitié trop marquée.

Il faisait torride. Dès le milieu de l’été, Bethléem est un véritable chaudron. Impossible de sortir, la tête découverte.

 Il se demandait de quoi ils pouvaient parler. Jésus faisait de grands gestes. Il marchait à grands pas. De temps en temps, il se retournait pour parler à Judas qui avait peine à suivre. Pierre  ne les aimait pas beaucoup ni l’un ni l’autre.

Au début, Jésus et les siens n’étaient rien. A peine un groupuscule qui n’inquiétait pas Jean-Baptiste, le plus entreprenant de tous les leaders qui s’opposaient aux autorités hébraïques.

- Rejoins-nous ; disait-il à Jésus.

Il l’avait demandé à plusieurs reprises mais à chaque fois, Jésus riait.

- Continue de te laver les pieds.

 Il fût un temps où Pierre, l’intendant de Jésus,  s’était demandé si Jean-Baptiste n’était pas plus habile que Jésus. S’il ne valait pas mieux le suivre. Puis, parce que même les romains ne s’en préoccupaient pas,  il avait conclu qu’il ne représenterait jamais rien auprès des hébreux non plus.

Jésus, il le voyait bien, avait une autre allure. Ce n’était pas seulement un tribun dont la voix portait loin mais son discours était original.

- Après la mort, vous serez devant mon père. Il vous jugera. Ceux qui sont les premiers aujourd’hui et ici seront les derniers alors que les plus pauvres, les plus nombreux d’entre nous, seront les premiers, et à la droite de mon père.

Jésus pensait que ce qu’il disait correspondait à la réalité. Il était le fils de Dieu et le roi des juifs.

- Tu ne crois pas sérieusement que ce que tu dis est vrai ?

Judas pensait que Jésus voulait juger de sa rhétorique. Parfois cependant, il avait le sentiment que Jésus était convaincu de ce qu’il disait. Il refusait de n’être que le fils d’un charpentier ?

Il y avait des classes sociales différentes en Palestine. Des marchands, des ouvriers et des paysans, des pauvres et des riches. Des autorités civiles et religieuses. Et des artistes qui, le soir venu, à la lueur d’un feu, amusait un auditoire mélangé qui leur jetait des pièces de monnaie.

Tout le monde se plaignait de la présence des romains qui occupaient le pays. Ils se mêlaient peu cependant de la vie des hébreux. Mais il s’agissait d’occupants dont les distractions étaient différentes de celles qu’appréciaient les hébreux hormis les courses qui réunissaient tous les amateurs dans de vastes stades. Les mêmes stades où se réunissaient les autorités militaires lorsque le représentant de Rome se livrait à des proclamations qui confirmaient son autorité.

Pierre était un fils de marchands. Ce sont souvent les fils de marchands qui sont heurtés par la facilité apparente avec laquelle leur père a gagné l’argent que les fils dépensent si aisément. Ils disent que c’est cet argent qui est la base de toutes les injustices sociales. Les moins nantis cependant, il en était convaincu, c’était leur désintérêt pour l’argent qui était la cause de leur misère. La preuve, c’est qu’ils ne cherchaient pas une meilleure condition.  

Jésus considérait Pierre comme un de ses fidèles parmi les plus dévoués. Judas, c’était autre chose.

Peut- être parce que Judas connaissait la liaison qu’il entretenait avec Myriam ? Et qu’il n’en avait jamais parlé avec quiconque. Même avec Jésus. On peut être le fils de dieu, on en est pas moins un homme. Myriam était belle.

Pierre, lui aussi, était amoureux de Myriam. Peut être voulait-il simplement jouir d’elle ou en faire sa compagne et la mère de ses enfants, qui le sait ? Ce qui est sûr, c’est que la présence d’un autre constitue bien plus qu’une injure qu’on essuie de la main. La jalousie amoureuse, le sentiment qu’un autre jouit de ce qu’on considère comme sa propriété, provoque une haine véritable qui obscurcit le cerveau. Seule la mort du rival permet de jouir aussi fort que ne le fait la possession de celle qu’on désire.

Depuis quelques temps Jésus hésitait entre une carrière politique qu’il devinait croissante et Myriam qui lui devenait indispensable.

Il la prenait par la main, et ils s’éloignaient tous les deux sans prévenir qui que ce soit. Ou bien, il marchait à la tête de ce peuple dont il était désormais le seul roi, un bâton à la main. Il hésitait et jouissait de chacune de ces situations, tour à tour, durant la nuit. La nuit, les rêves n’engagent à rien.

Pierre de son côté  était déterminé à parler avec Myriam.

- Oui ou non, Myriam. Veux-tu être ma compagne ?

- Pierre, tu sais bien que j’en aime un autre.

- Et lui, est-ce qu’il t’aime ?

Il lui prit les mains. Il avait ce regard qui l’avait toujours subjugué.

- Je te trouve belle. Je ferai de toi une femme qui compte. Mon père et moi, nous nous partagerons les affaires. Tu seras fortunée, toi aussi.

Il l’avait prise entre les bras. Elle n’osa pas se refuser. Le sort de Jésus désormais était scellé. Qui donc trahit le mieux sinon celle qu’on aime ?

Il faut le reconnaitre, la plupart du temps l’amour est une comédie. Ce sont les grandes déclarations qui en font une tragédie à même d’émouvoir le peuple.

Pierre était le fils d’un de ces marchands qui occupaient les marches du temple.  Le jour du Shabbat les fidèles s’y pressaient. Les fidèles fortunés occupaient le siège qui leur était réservé durant toute l’année. Ils constituaient une clientèle qui aimait à montrer sa piété et son aisance. En outre, certains membres du Sanhédrin y recevaient  des sommes d’argent destinés à des œuvres. L’entente était bonne entre les uns et les autres.

L’époque était mûre pour la prolifération de véritables sectes dont les chefs haranguaient les fidèles, et se faisaient concurrence. En réalité, ce n’étaient que de boutons d’acné sur le visage imposant de l’empire romain.

 Toutefois, le plus gênant, le seul en vérité, était celui qu’on surnommait le Galiléen, le fils d’un charpentier qui promettait à ceux qui le suivaient de survivre après leur mort dans un paradis géré par son père. Le paradis pour demain : la formule, un véritable slogan, était belle ?

Judas lui disait :

- Fais attention, Jésus. Tu te fais des ennemis qui savent qu’ils ont pour eux, et leur conscience, et les romains.

- Les romains ? Judas, jamais les nôtres ne leur vendront l’un de nous.

- Ils les vendraient tous s’il s’agissait de sauvegarder leur autorité.

- Le monde n’est pas ce que tu crois, Judas.

- Vivement dans ce monde que tu promets. Ou tout le monde sera beau et gentil. Et recevra en retour tout ce qu’il aura donné ici.

- Tu n’y crois pas ?

-Judas secoua la tête.

- Et toi ?

- A en mourir.

- A en mourir ?

Judas regardait son ami avec commisération. Combien d’êtres humains sont-ils prêts à mourir en contrepartie de la gloire. Ont-ils raison, ont-ils tort ?  Lui-même y rêvait sans doute, ce pessimiste qui ne croyait à rien de ce qu’on lui avait appris de ces ancêtres qui avaient reçu les tables de la loi de Salomon lui-même. Gravées dans le marbre afin qu’elles durent plus longtemps sans doute.

 L’un d’eux,  un nommé Moïse,  leur avait fait traverser la mer rouge  pour les sauver.

Judas était un sceptique, il y en avait déjà un certain nombre. Et s’il accompagnait Jésus, ce n’était parce qu’il était crédule et tenait pour justes les harangues de son ami, presque son frère, mais pour le protéger. Trop de gens se prétendaient ses amis et ses disciples depuis que le succès lui faisait une sorte d’auréole.

Une dizaine d’entre eux se faisaient appeler ses apôtres et jouissaient de sa notoriété. L’un d’entre eux pour montrer son courage et sa dévotion n’hésitait pas à repousser ceux qui l’approchaient de trop près, un fils de marchands au langage châtié, un certain Pierre dont Judas se méfiait. Ses paroles coulaient de source sans aucune difficulté. Judas se méfiait des beaux parleurs.

A dire vrai, Pierre n’était pas celui qu’on croyait. L’amour qu’il portait à Myriam et la jalousie qu’il éprouvait à l’égard de Jésus l’avaient transformé. Qu’il retourne dans son royaume des cieux, pensait-il. Il le dit un soir qu’il était chez son père ébahi de retrouver ce fils dont il avait craint qu’il ne faille de nombreuses années avant que ne vienne la maturité. Cette maturité qui ne reconnait qu’un seul dieu sur terre : l’argent ! C’était l’époque durant laquelle Ponce Pilate, l’envoyé de Rome, dirigeait le pays des juifs.

Ponce Pilate n’aimait pas la mission que Rome lui avait confiée. Rome ? En réalité des rivaux qui de la sorte l’avaient éloigné du Pourvoir. La plupart du temps, il voyageait ou restait confiné dans sa luxueuse demeure

Entouré de ses serviteurs les plus proches et de quelques juifs qui lui relataient la chronique avec une sorte d’humour assez particulier, et qui le faisait rire même après leur départ. Le père de Pierre était l’un d’eux. Un jour, il se plaignit.  

- Ce Galiléen, une sorte de terroriste habile qui prétend être contre les marchands alors que ce sont ceux-ci qui nourrissent les pauvres. En réalité il combat les romains.  Il ne vaut pas mieux que les deux voleurs qui seront crucifiés demain.

- Pas mieux ?

Ponce Pilate méprisait ces juifs qui lui dressaient un tableau assez complet du territoire qu’il administrait. Il n’était pas assez naïf  pour croire tout ce qu’ils lui disaient mais un échange de propos anodins lui permettait de savoir l’essentiel.

Ici, semblait-il, il s’agissait de l’élimination d’un citoyen juif un peu trop bruyant au goût des autorités. Ponce Pilate décida de fermer les yeux puisque des juifs eux-mêmes, des citoyens parfaitement honorables, fermaient les leurs.

Il se leva pour se laver les mains, un tic qui le prenait à chaque fois qu’il tendait la main à baiser à certains d’entre eux.

Un certain Jésus, un galiléen dont il suffisait de faire courir le bruit qu’un des siens l’avaient dénoncé. Pour de l’argent. Trente deniers, disait-on. Il fût crucifié parmi d’autres voleurs.

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quelques réflexions. Pour rire ?

La vocation artistique est de nature quasi religieuse. Elle procède de la même mécanique, incompréhensible au travers du seul vocabulaire de la raison.

L’art a-t-il vocation de morale ? Est-il un substitut à la religion ? Ou l’anesthésiant de la condition humaine. Lorsque l’art aura disparu, les hommes se verront tels qu’ils sont : seuls et toujours dans le néant des premiers âges.

La schizophrénie du créateur, ce n’est pas son incapacité à répondre à la question : Pourquoi est-ce que je crée ? Des réponses existent ; même si elles sont insatisfaisantes, elles apaisent l’esprit. Le trouble fondamental vient de la question : pourquoi moi ?
Il est comme l’homme des premiers âges. De ceux où pour la première fois un homme a pris conscience de soi. Que l’angoisse s’est installée dans son ventre et que le seul antidote à sa solitude s’est exprimée sous la forme singulière qu’elle a conservé jusqu’à ce jour, source unique de l’art et du sacré :la sublimation de la peur.

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