Aujourd'hui je choisis de travailler le lien entre écriture et expression plastique. Je ne considère pas la peinture ou le dessin comme un langage stricto sensu. On donne à ce terme un sens figuré qui induit des limites conceptuelles au geste de peindre. Les mots ne sont pas aussi extensibles que les gestes. Les mots et les gestes se croisent, se frôlent et parfois se contredisent.
Lorsque je peins, une partie de moi-même s'exprime inconsciemment et mon intentionnalité si forte soi-t-elle ne jugule jamais ni le ça ni le moi passant par le verbe. Peindre, dessiner, donc instituer l'outil comme vecteur de la pensée est un parti pris qui se heurte au ça et au moi du spectateur de façon presque incontrôlable. La grammaire, l'orthographe et la syntaxe cadrent de façon plus rigoureuse un texte que l'apprentissage d'un geste technique. Les règles d'écriture sont les mêmes pour un gaucher ou un droitier par exemple; ce, même si les interdits langagiers sont faits pour être transgressés ou simplement bousculés. Le geste technique doit d'abord s'adapter aux repères corporels de l'artiste, de l'artisan ou de l'ouvrier. D'autres exemples pourraient venir à l'appui de ce propos.
Le texte, avec sa sémantique, ses sous-entendus devient dans ma main, en plus de sa fonction première, un matériau au même titre que le pastel ou la gouache. Non pas que je renonce à sa signification langagière, mais en tenant compte de quelques "savoirs de référence", je laisse mon subconscient guider mes gestes et exprimer la tension existante entre les mots et moi.