Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Publications de Claude Carretta (6)

Trier par

PROCHE, LOINTAIN par Martine Rouhart

Notes de lecture sur le roman  PROCHE, LOINTAIN  
publié récemment par Martine Rouhart



                                             °  °  °  °  °


L’amitié ! Quel beau défi pour la plume alerte de Martine Rouhart,  ange de la conscience et princesse des mécanismes de l’âme humaines.


Elle fait rêver, cette amitié entre deux hommes, née du hasard et pourtant profonde, qui les habite totalement, et féconde en ce qu’elle a ouvert de vastes champs nouveaux de vie aux deux amis.


Mais l’habile narratrice, un peu comme le Créateur, fait surgir des ombres dans ce ciel si limpide, de petits nuages bien innocents qui, sans crier gare, annoncent un orage sec, brutal, dangereux.


Il ne se passe pas grand-chose dans ce roman, et nous sommes pourtant tenus jusqu’au bout en haleine, jusqu’au un dénouement qui éclaire et donne tout son sens à ce beau texte, savamment composé et joliment écrit.


Roman d’espoir, même si c’est à travers un acte posthume que le lecteur est rassuré : cette belle amitié, telle un bijou précieux, saura perdurer dans le monde des vivants.

                                             Claude Carretta

Lire la suite...

Bruxelles, une capitale impressionniste

Giverny, Musée des impressionnismes, du 11 juillet au 2 novembre 2014

JPEG - 90.3 ko
1. Théo Van Rysselberghe (1862-1926)
La Libre Esthétique
Arts graphiques & Arts plastiques, 1896
Lithographie - 90,5 x 68 cm
Bruxelles, Musée d’Ixelles
Photo : Musée d’Ixelles / Mixed Media

Les Français regarderont sans doute d’un œil dubitatif voire suspicieux, les affiches annonçant la nouvelle exposition du Musée de Giverny : « Bruxelles, une capitale impressionniste » ? Ça n’a aucun sens. En apparence.
Organisée en collaboration avec le Musée d’Ixelles qui conserve un fonds d’œuvres important constitué à partir de la collection d’Octave Maus, cette exposition démontre que Bruxelles, à la fin du XIXe siècle, ne se contenta pas d’accueillir les impressionnistes français dans ses Salons, qui furent des lieux d’émulation pour les avant-gardes internationales. Il y a bien eu un impressionnisme belge, spécifique à ce jeune pays indépendant depuis 1830. Bruxelles est alors une ville chantier, en plein essor industriel, une nouvelle nation se construit et les artistes participent à la création d’une identité nationale tout en s’ouvrant à la modernité européenne.
Le parcours, qui ne réunit que des peintres belges ou presque1 commence par le réalisme et une série de paysages précurseurs de l’impressionnisme. La peinture en plein air, faite d’effets de lumières et de matières, libérée de tout anecdote, se développe en effet au cours des années 1860, dans la lignée des peintres de Barbizon qui ont eux aussi exposé leurs toiles en Belgique. Louis Artan et Jean-Baptiste Degreef traduisent, dans les années 1870, des ciels mouvementés, épais et palpables, qui menacent les mers ou les plaines ; puis surgit L’Éclair de Guillaume Vogels et s’agitent les flots d’Isidore Verheyden, dans des tableaux presque abstraits. Hippolyte Bélenger enfin, autour de qui se forma l’école de Tervuren - sorte de Barbizon flamand – peint avec fougue et à grands coups de brosse les vibrations des cieux, Le Soir après l’orage.
Ce nouvel élan fut porté par la Société libre des beaux-arts, créée en 1868, en opposition à l’art académique. Elle réunit Louis Artan, Louis Dubois, Constantin Meunier, Félicien Rops, Alfred Verwée et bien d’autres, tandis que, parmi les membres d’honneur, on compte Millet, Daumier, Daubigny, Théodore Rousseau ou encore Courbet dont l’influence sur cette génération de peintres est évidente. La société organise des expositions jusqu’en 1875 et s’appuie sur la revue de L’Art Libre dirigée par Camille Lemonnier qui résume ainsi les nouvelles aspirations de ces artistes : « faire de la peinture saine et forte, sans jus ni recette ; en revenir au sens vrai du tableau aimé non pour son sujet mais pour sa matérialité riche, comme une substance précieuse. »2

JPEG - 114.3 ko
2. James Ensor (1860-1949)
Vue de Bruxelles, 1885
Huile sur toile - 100 cm x 81 cm
Liège, Musée des Beaux-Arts
Photo : Liège, musée des Beaux-Arts - BAL

Le musée de Giverny évoque ensuite les deux principaux groupes artistiques qui encouragèrent les avant-gardes belge et européenne : le Cercle des XX et la Libre Esthétique, au sein desquels s’épanouit l’impressionnisme. Les piliers de ces deux organisations sont l’avocat Octave Maus et Edmond Picard, fondateurs de la revue L’Art moderne en 1881, Emile Verhaeren également, et puis Sylvie Monnom (belle-mère de Théo Van Rysselberghe) qui dirigeait l’imprimerie de La Jeune Belgique et d’Art Moderne, et fournit affiches et catalogues. Dans la première salle du parcours se déploie justement un bel ensemble d’affiches au graphisme soigné (ill. 1), annonçant les expositions de différents Salons, tandis qu’une vitrine réunit des catalogues tout aussi travaillés.
Fondé en 1883, le Cercle des XX - vingt artistes parmi lesquels Finch, Khnopff, Lambeaux, Vogels, Ensor, Van Rysselberghe... - organisa des Salons de 1884 à 1893, selon plusieurs principes : toutes les disciplines devaient être mises en valeur, de l’architecture à la musique en passant par la peinture et la sculpture ; aucune règle, ni école, ni style n’était imposé ; enfin l’art devait avoir une mission sociale et pas seulement idéale. Les étrangers étaient les bienvenus, Octave Maus fit venir Monet et Renoir - qui refusèrent de participer à la huitième et dernière exposition impressionniste à Paris, mais acceptèrent de participer au Salon des XX en 1886 - Pissarro, Caillebotte...
Lorsque le groupe des XX fut dissout, Maus et Picard fondèrent, dans sa continuité, le cercle de la Libre Esthétique en 1893. Là encore l’impressionnisme avait une place de choix sans avoir l’exclusivité ; les tendances symbolistes et expressionnistes s’y développèrent également.

JPEG - 60.4 ko
3. Jan Toorop (1858-1928)
Dame à l’ombrelle, 1888
Huile sur toile - 95 x 72 cm
Bruxelles, Musée d’Ixelles
Photo : Musée d’Ixelles

Plusieurs artistes sortent du lot dans l’exposition de Giverny, outre Emile Claus qui bénéficie d’une section à part, Théo Van Rysselberhhe est évoqué par de nombreuses œuvres : il fut l’un des fondateurs du groupe des XX, l’auteur d’affiches et de nombreuses peintures, partisan du néo-impressionnisme.
La présence de James Ensor est plus contestable, dans la mesure où sa période impressionniste est de courte durée. Sa Vue de Bruxelles (ill. 2) témoigne de cette influence, mais le Christ dans la tempête dans les dernières salles est clairement expressionniste. Néanmoins, il participa à tous les Salons des XX et à quelques-uns de la Libre Esthétique et il incarne finalement cette perméabilité de la création belge qui puise dans tous les différents courants pour produire un art qui lui est propre.
À l’opposé des toiles d’Ensor, les œuvres d’Alfred Stevens sont également assez nombreuses, mais semblent moins justifiées dans la mesure où l’artiste mena toute sa carrière ou presque en France, avec le succès que l’on sait. Certes, il fut un membre d’honneur de la Société libre des beaux-arts mais il ne participa ni au Cercle des XX ni à la Libre Esthétique. Lui qu’on surnomma « le peintre de la Parisienne », n’a pas grand chose à voir avec les impressionnistes, si ce n’est par les amitiés qu’il entretint avec eux. On pourra notamment voir Ce qu’on appelle le vagabondage au réalisme sentimental ou encore La Consolation qui traduit autant la douleur d’une veuve que l’élégance des femmes venues lui présenter leurs condoléances.
D’autres œuvres viennent brouiller le discours en milieu du parcours : elles ont pour sujet les ouvriers traités dans une veine naturaliste. Constantin Meunier en fait des héros de la vie moderne, Eugène Laermans les montre en foule compacte, Léon Frédéric peint quant à lui Les Âges de l’ouvrier sur un immense triptyque (1895-1897) en jouant avec les codes de l’art religieux. Cette peinture sociale évoque un contexte, celui de Bruxelles en plein essor industriel, celui des artistes dont les innovations prennent des orientations diverses, mais l’insérer au milieu des peintures impressionnistes dessert le propos de l’exposition.

JPEG - 67.4 ko
4. Théo Van Rysselberghe (1862-1926)
Portrait de Marguerite Van Mons, 1886
Huile sur toile - 89,5 x 70,5 cm
Gand, Museum voor Schone Kunsten
Photo : Lukas ‐ Art in Flanders VZW / Dominique Provost

Il est bien sûr difficile de déterminer les limites de l’impressionnisme, qui n’a rien d’une école, et n’est finalement qu’un mouvement défini par l’adjectif d’un critique d’art. Et comme le rappellent les commissaires, il y a autant d’impressionnismes que d’individualités. On retrouve cependant quelques préoccupations communes à tous ces artistes entre 1880 et 1905 : ils s’intéressent à des scènes de plein air et à la vie moderne, qu’il saisissent dans leur fugacité avec des couleurs pures et des touches vibrantes. Ainsi, George Lemmen se fait chroniqueur de l’intimité quotidienne, en peignant une femme occupée à coudre, tandis que Verhas, connu pour ses portraits d’enfant, représente en 1887, dans un grand format, Les Demoiselles Van den Perre jouant sur la plage avec leur pelles et leur seaux ; les jeux d’ombres et de lumières qui animent leurs robes et leurs bonnets blancs accompagnent leur joie enfantine. Les premiers touristes et les nouveaux loisirs balnéaires se retrouvent sur les toiles de Félicien Rops, Frantz Charlet et Frans Smeers qui ont posé leur chevalet sur les plages d’Ostende ou de Heist. Jan Toorop quant à lui, peint une élégante Dame à l’Ombrelle (1888) dans un subtiles camaïeu de blancs, mêlant les influences du japonisme et de l’impressionnisme (ill. 3).
Les peintres s’essaient aussi au genre du portrait : le petit Albert Devis représenté en pied et sur fond neutre par Henri Evenepoel rappelle l’art de Manet. Van Rysselberghe semble saisir au vol Marguerite Van Mons dans une composition originale : la jeune fille furtive et légère, mélancolique aussi toute en noir devant une porte bleue et or, a la main sur la poignée et va disparaître (ill. 4).
Mais si les influences de Manet, Degas, Renoir ou Monet se retrouvent dans ces différentes toiles, les Belges surent garder leur indépendance stylistique : les peintres flamands en effet ne peuvent renoncer à leur attachement héréditaire à la réalité. Les formes ne se dissolvent pas totalement dans la couleur, et la matière picturale garde son épaisseur, alors que les Français sont plus conceptuels et leur style plus éthéré comme le souligne Camille Lemonnier.


JPEG - 379.7 ko
5. George Morren (1868-1941)
Le Verger, 1890
Huile sur toile - 100 x 175 cm
Collectio particulière
Photo : Galerie Lancz Bruxelles
JPEG - 125.8 ko
6. Théo Van Rysselberghe (1862-1926)
Madame Van de Velde et ses enfants, 1903
Huile sur toile - 105,5 x 125,5 cm
Genève, Association des Amis du Petit Palais
Photo : Association des Amis du Petit Palais

Le néo-impressionnisme se développa à Bruxelles presque en même temps que l’impressionnisme. À la suite de l’exposition de La Grande Jatte de Seurat en 1887, les artistes s’enthousiasmèrent en effet pour le divisionnisme, sans se plier toutefois aux contraintes d’une division de la touche trop systématique. De George Morren, Le Verger, resurgi à la Brafa, séduit par sa lumière chaude et sa technique à la fois impressionniste et pointilliste (ill. 5) . Outre des marines, Van Rysseberghe peignit dans cette technique des tableaux entre portraits et scènes de genre : Madame van de Velde et ses enfant (ill. 6) ou Le Thé au jardin.

Finalement, Emile Claus, auquel l’exposition réserve toute une section, incarne l’interprétation belge de l’impressionnisme et du postimpressionnisme : le luminisme. Il utilise une touche fractionnée et une palette ensoleillée, sans se départir d’une note naturaliste propre à l’art flamand. Il commence par des peintures à caractère social dans une veine naturaliste comme son Vieux jardinier, superbe et monumental. Le Pique nique ill. 7) décrit la confrontation de deux mondes symboliquement séparés par un fleuve : des paysans observent sur l’autre rive une compagnie raffinée déjeuner sur l’herbe. Mais la lumière si séduisante qui baigne la composition fait oublier le sujet plus sombre du tableau. Enfin, Les Patineurs ill. 8) rappellent La Pie de Monet dans ce traitement de la neige tout en nuances, mais le sujet reste typiquement flamand, dans la tradition de Bruegel.


JPEG - 263.9 ko
7. Emile Claus (1849-1924)
Le Pique-nique, vers 1887
Huile sur toile - 129 x 198 cm
Bruxelles, Collection royale
Photo : ruxelles, IRPA‐KIK
JPEG - 140.4 ko
8. Emile Claus (1849-1924)
Les Patineurs, 1891
Huile sur toile - 148 x 205 cm
Gand, Museum voor Schone Kunsten
Photo : Lukas ‐ Art in Flanders VZW / Hugo Maertens

En 1904, la Libre esthétique organisa une grande exposition sur l’impressionnisme français, un bilan en quelque sorte, une rétrospective pour un mouvement qui prend fin. L’exposition de Giverny s’achève, elle, par l’annonce des courants suivants : les Pêches de Rik Wouters trahissent l’influence de Cézanne, tandis que Jos Albert et son Grand Intérieur appartient au fauvisme brabançon. Reste à savoir en quoi ce fauvisme-là se démarque des Fauves français.

Commissaires : Marina Ferretti, Claire Leblanc.


Marina Ferretti, Claire Leblanc, Johan De Smet, Bruxelles,une capitale impressionniste, Snoeck, 2014, 160 p., 29 €, ISBN : 9789461611581.


Informations : Musée des impressionnistes Giverny, 99 rue Claude Monet, 27620 Giverny. Tél : +33 (0)2 32 51 94 65. Ouvert du 28 mars au 2 novembre 2014 tous les jours de 10 h à 18 h. Tarif : 7 € (réduit : de 3 à 4,50 €).
Site internet du musée.


Notes

1Jan Toorop par exemple est néerlandais, et Dario DeRegoyos est d‘origine espagnole, mais tous deux vécurent de nombreuses années en Belgique.

2Cité dans le catalogue de l’exposition p. 28.

Source  La Tribune de l'Arti
Lire la suite...