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administrateur théâtres

Dossier cadeaux: je vous emballe ce dossier avec des rubans d'amitié?

(Cadeau trouvé par hasard dans les archives du SOIR)

Samedi 30 novembre 2013

Quelle est cette fièvre qui nous pousse chaque année à nous réunir pour échanger des cadeaux ? Est-ce vraiment pour faire plaisir ou plutôt par coutume ou par habitude ?

Inévitables cadeaux sans lesquels la fête de Noël ne serait pas ce qu’elle est. Sagement entassés en attendant l’heure du déballage. Choisis avec précision comme un archer qui veut décocher sa flèche droit au cœur ou saisis au hasard de la dernière minute comme on lance une bouée à la mer, les cadeaux témoignent bien autre chose que la générosité : ils sont les acteurs d’un bien complexe rituel. Bloqués dans l’éternel présent de la consommation, on reçoit la Noël en pleine poire et au fond du portefeuille comme une évidence, comme si elle avait toujours été là et comme si elle le sera toujours. Pourtant, même si elle plonge ses racines bien loin dans le temps, la fête de Noël et les cadeaux qui vont avec sont une création récente, comme le raconte la sociologue Martyne Perrot. C’est au milieu du XIXe siècle, avec l’essor de la bourgeoisie et du commerce, que cette histoire prend forme. D’Allemagne, elle emprunte quelques traditions et un arbre pour rassembler les présents. Des contes de Charles Dickens et de E. T. A. Hoffmann définissent la sainte Trinité de l’esprit de Noël : enfance, famille et charité. Et le chef d’orchestre, le Père Noël, a connu quelques incarnations avant de s’imposer en un bonhomme ventripotent et débonnaire, grand-père idéal. En franchissant l’Atlantique, le Bonhomme Noël qui venait visiter les chaumières du centre de la Vieille

Europe s’est métamorphosé en Santa Claus, lointain cousin américanisé et profane Sinterklaas qui, au passage, a adopté le traîneau de rennes pour se déplacer, élu résidence au pôle Nord et opté pour l’uniforme rouge, bottes et ceinturon. Et les cadeaux alors ? Au commencement, il y avait les étrennes, qui remontent à l’Antiquité romaine et que l’on s’échangeait à l’aube du mois de janvier. Progressivement, vers le milieu du XIXe siècle, les vitrines des grands magasins en plein essor deviennent le théâtre de toute une scénographie qui allie féerie et efficacité commerciale. Des catalogues et des affiches font la promotion des dernières nouveautés en matière de jouets. Vers la fin du siècle, la période où l’on offre les cadeaux glisse vers le 24 décembre avec le soutien d’un Père Noël de plus en plus visible. En 1917, les deux frères Joyce et Rollie Hall, gérants de la papeterie Hallmark à Kansas City, ont eu l’idée de remplacer le papier de soie coloré, dont ils étaient en rupture de stock, par du papier de fantaisie. Le papier de cadeau moderne était né. En 1930, c’est l’invention du scotch tape, ou papier collant, qui sera le dernier élément d’un des rites collectifs les mieux respectés de nos sociétés contemporaines. Sociologues et ethnologues s’intéressèrent à cette ritualisation du don et à sa portée symbolique.

Parmi eux, Marcel Mauss(1852 -1950), qui définit le don comme une dette positive articulée en trois phases. Donner, recevoir et rendre. Au don répond ce qu’il dénomme le contre-don, qui crée une relation durable entre les individus, désormais reliés par un lien invisible, mais bien réel. La réciprocité des cadeaux peut s’apparenter à une sorte de dette morale qui renforce les liens entre les membres d’une famille. Certains ont comparé les réveillons de Noël au potlatch, une cérémonie du cadeau pratiquée dans les tribus amérindiennes et dans les ethnies de l’océan Pacifique. Les cadeaux échangés y sont toujours d’importance équivalente et reflètent l’importance subjective que l’on accorde à l’autre personne. En conclusion de son ouvrage, Martyne Perrot émet la crainte que la portée symbolique de l’échange des cadeaux soit mise à mal par leur revente ou leur échange anonyme sur internet dès le lendemain de la fête. D’autres sociologues se pencheront sur la question dans cinquante ans, mais on peut déjà observer qu’en Asie ou en Afrique, il est totalement normal de « faire circuler » les cadeaux. Qu’on les déballe ou pas, n’est-ce pas le geste qui compte ?

Des gens sont à la recherche d’un rituel autre que marchand

Pourquoi faites-vous référence dans le titre à une invention ?

Cette invention est surtout une construction marchande, à un moment où différentes traditions populaires convergent, ce qui a permis « l’invention » du cadeau de Noël tel que nous le connaissons. Sans l’apparition des grands magasins, des vitrines et des publicités pour les jouets à la fin du XIXe siècle, cette fête n’aurait sans doute pas pris l’ampleur que nous lui connaissons. En s’appuyant sur ces éléments, le commerce a aussi exploité le sentimentalisme de la relation mère-enfant.

Qu’est-ce qui a changé dans la symbolique du cadeau avec le passage des étrennes aux fêtes de Noël ?

L’enfant a pris une importance considérable, il est devenu le centre de la réunion de famille. Pour la famille, c’est un moment d’autocélébration et de réaffirmation des liens entre générations. On est tout proche du solstice d’hiver, un moment angoissant et menaçant. L’enfant fait alors figure de passeur. On fait une offrande à ces enfants qui nous succéderont un jour pour conjurer l’avenir. Il y a dans cette fête quelque chose de très archaïque qui marque le passage de l’ancien vers le nouveau. Pour les enfants et les proches, on est prêt à des dépenses considérables. On retrouve et on réaffirme les liens de famille, ce qui n’est pas toujours facile aujourd’hui alors que les familles sont dispersées et recomposées.

La fête de Noël, dites-vous, est un rite collectif structuré par des règles invisibles que tous respectent sans les avoir apprises ou formulées…

Ça a été mis en évidence par les études du sociologue américain Theodore Caplow, qui a étudié la pratique des cadeaux de Noël dans la ville américaine de Middletown. Parmi ces règles invisibles figure celle de la présence de l’arbre de Noël, du paquet cadeau, d’une décoration thématique, d’une grande réunion, ainsi que de la réciprocité et d’une échelle de valeurs dans les cadeaux. À ceux que nous aimons le plus, nous offrons les cadeaux les plus chers en intention ou en prix. On ne va pas offrir à une cousine des cadeaux d’une plus grande valeur que ceux offerts à ses propres enfants. Dans les traités de savoir-vivre des familles bourgeoises du XIXe, on trouvait parfois un chapitre sur l’art d’offrir mais, aujourd’hui, ce n’est écrit nulle part et pourtant inconsciemment, on respecte tous ça. Ce qui se joue, c’est un resserrement des liens au sein de la famille. Chacun est à sa place, les oncles, les tantes, les grands-parents, les cousins, le couple et les enfants. On va s’offrir des cadeaux pour prolonger ces liens dans l’année.

Pourquoi avez-vous vu dans la Noël une fête paradoxale ?

En France, je suppose que c’est pareil en Belgique, beaucoup de gens critiquent l’aspect mercantile et pourtant, pratiquement tout le monde se soumet à ces dépenses somptuaires. On dit que ça nous barbe, qu’on ne supporte pas cette pression. Néanmoins, 90 % des gens fêtent Noël. Le paradoxe est dans ce tiraillement entre le rejet et l’engouement.

La Noël est aussi l’un des rares événements collectifs profanes qui accrédite le surnaturel et le merveilleux ?

C’est surtout vrai pour les enfants, qui attendent des cadeaux tombés du ciel. Ça leur permet de demander ce qu’ils veulent au Père Noël sans être en dette. Le commerce n’est évidemment pas le dernier à exploiter cet élément surnaturel. Pendant un moment, des débats passionnés ont opposé des parents, des psychologues pour savoir s’il fallait laisser les enfants croire au Père Noël. Françoise Dolto s’est engagée en écrivant les réponses du Père Noël qu’envoyaient les postes françaises. Aujourd’hui, ce débat s’est largement calmé, la polémique s’est plutôt déplacée vers l’aspect mercantile de la fête. Cela reste un moment particulier où, même si on critique, à juste titre l’exploitation commerciale, certains font des choses qu’ils n’auraient pas faites à d’autres moments. En 2013, un ménage français dépensait en moyenne 350 € par personne, une somme qui n’a fait que croître avec les années.

Dans la symbolique du cadeau, on est passé de la récompense au dû ?

Avec la dématérialisation du donateur, l’enfant ne craint plus d’être puni. Le don est devenu un dû. À l’âge d’internet, les enfants sont devenus gestionnaires de leur liste de cadeaux, c’est tout juste s’ils ne fournissent pas le code-barres.

Quelle évolution attendre de l’échange cadeaux à Noël ?

D’un côté, la revente et l’échange des cadeaux sur internet sapent le sens du rituel. Cependant, il semblerait que cela concerne d’abord des cadeaux qui ne sont pas sentimentaux, offerts par des parents éloignés. L’individualisation et l’éclatement des familles tendent à diminuer la résonance collective du rituel. De l’autre, en réponse au message commercial omniprésent, de plus en plus de gens vont se montrer plus attentifs à ce qu’ils offrent en privilégiant des cadeaux éthiques ou solidaires. Nombreux sont les gens qui recherchent un rituel autre que marchand. C’est la soirée de l’année où l’on constate une augmentation très nette des actions de bénévolat qu’on peut voir comme un cadeau immatériel. Au point qu’un représentant de l’association de Saint-Vincent de Paul m’avait dit lors d’une enquête : Si c’était comme ça toute l’année, il n’y aurait plus de pauvres.

Martyne Perrot, Le cadeau de Noël, histoire d’une invention, <note_i>éd. Autrement, 170 p., 15 €.

C’est pour emballer ?

Un cadeau sans emballage, c’est une grande part du plaisir en moins. D’abord, parce qu’il retarde le moment de la découverte et permet de jouer aux devinettes. Même si d’ingrats déballeurs précoces peuvent, d’un geste de la main, ruiner un emballage savamment agencé, d’autres vont prendre le temps de dénouer les rubans et de détacher les collants pour faire durer le plaisir. Et puis, l’emballage est une manière de personnaliser son cadeau en ajoutant autre chose qu’un bouillonnement de rubans. D’accord, cela peut aussi être laborieux. De l’autre côté de l’Atlantique, où la fête de Noël prend des proportions insensées, ils ont résolu la question en organisant des Gift Wrapping Parties, des séances d’emballage collectives où des voisins se retrouvent dans une ambiance festive pour emballer leurs cadeaux à la chaîne.

Les premiers emballages cadeaux étaient chinois et en papier. Cela remonte au IIe siècle av. J.-C. En Europe, les premiers papiers peints apparus en Angleterre vers 1509 ont également été utilisés pour emballer parcimonieusement des cadeaux de prestige, mais il n’était pas très résistant.

Aujourd’hui, la quantité hallucinante de papier consacrée aux emballages peut laisser rêveur. Les Américains, par exemple, consacrent 86 millions de tonnes de papier aux emballages, souvent éphémères.

Un gaspillage de moins en moins admissible. La priorité est à la réutilisation. La première réponse est d’emballer les cadeaux dans les emballages de l’année précédente, souvent réduits à la taille d’un mouchoir après avoir éliminé les zones déchirées.

Avant la prolifération des papiers cadeaux, les familles avaient l’habitude de réutiliser des rouleaux de papier peint ou du papier kraft. On peut y songer en les agrémentant de petites ficelles, de morceaux de carton, de bouts de bois, de branches. Tout peut devenir emballage, des dessins d’enfants, des pages d’un calendrier animalier ou même, pour les plus aventureux, de papier journal renforcé par des feuilles d’arbres, celles-là. Pour les décorations, l’ONG environnementale Terracycle propose sur son site de recycler des sachets de boisson ou des emballages alimentaires pour en faire des nœuds bien joufflus du plus bel effet, si on n’a pas peur pour les yeux.

Ce sont les mêmes préoccupations environnementales qui ont remis au goût du jour le furoshiki, art japonais ancestral de l’emballage dans du tissu, un matériau presque réutilisable à l’infini. Cette pratique qui remonte à l’ère féodale était utilisée pour emballer et transporter les vêtements pendant les ablutions au bain public. Ordinaire et raffinée, cette technique est aujourd’hui utilisée pour emballer les objets du quotidien, une boisson, une boîte repas, des vêtements et même des bouquets de fleurs. C’est aussi une façon durable de créer des emballages personnalisés et uniques pour envelopper les cadeaux, et qui peuvent être réalisés dans de nombreux tissus, comme la soie, le coton, la viscose ou le nylon. On trouve différents types de furoshiki suivant les objets ou les formes des boîtes qu’ils doivent envelopper. C’est une pratique qui demande une certaine dextérité, mais elle s’apprend vite, précise Sofia Larosa, qui anime un atelier furoshiki pour Passerelle Japon à Liège. Une fois qu’on a assimilé les pliages de base et la technique du nœud, on peut laisser parler sa créativité. L’animatrice encourage les participants de son atelier à apporter leurs propres pièces de tissu. Et pour un cadeau, plus le tissu est beau, plus il sera élégant. On pourra aussi y ajouter des morceaux de bois, des fleurs ou des perles.

Maintenant, pour moi, le furoshiki est devenu une seconde nature. Dans mon sac, j’ai toujours une ou deux pièces de tissu, au cas où j’aurais besoin d’emballer quelque chose. Au Caméléon Coquet, à Bruxelles, on propose des ateliers et on importe des tissus furoshiki du Japon. Particulièrement résistants et d’une belle tenue, ils sont imprimés des deux côtés. Ce sont de très beaux tissus, souvent imprimés de motifs traditionnels, et nous aimerions à moyen terme travailler avec des stylistes et graphistes d’ici pour créer des dessins exclusifs, souligne Jean-Yves.

Toujours en provenance du Japon, mais nettement plus confidentiel, il y a l’origata, art d’emballer dans une feuille de papier. Pour les Japonais, faire un paquet cadeau ne se limite pas à entourer l’objet offert de papier, mais plutôt à réaliser un pliage en fonction de la forme de l’objet et de la personne à qui il est destiné. Cette discipline complexe et très codifiée, qui remonte au Japon féodal, combine pas moins de trois mille types de pliages qui ont chacun leur symbolique particulière et une infinie variété de nœuds réalisés dans des cordelettes en papier torsadé. Tombé dans l’oubli, cet art ancestral a trouvé un nouveau public de niche, notamment grâce aux enseignements de l’Origata Design Institue de Tokyo. À Paris, le pavillon Miwa, lieu très sélect uniquement accessible aux membres, se dédie au rayonnement de la haute culture japonaise. On y organise des cérémonies du cadeau basées sur l’origata. Elles sont présidées par Keishosai Ogasawara, descendante de la famille Ogasawara, qui a théorisé l’art de l’origata au XIVe siècle. Au cours de la cérémonie qui tient plus d’une séance de méditation que d’une Gift Wrapping Party, la maîtresse de cérémonie réalise un emballage autour du cadeau qu’on lui apporte et qu’on désire offrir à une personne chère. Chaque pli se veut la transcription des sentiments et pensées qui peuvent relier deux personnes, et qui rendent le cadeau unique et sincère. Entre l’emballage et le cadeau, il n’y a plus de différence.

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Réponses

  • administrateur théâtres

    2965983564?profile=original Un proverbe dit : « Le contenu d'une cacahuète est suffisant pour que deux amis puissent le partager. »N'est-ce pas le partage qui compte et non la cacahuète?

  • Ah !  si on pouvait encore y croire ? Que c'était la joie... même pendant la guerre. Les oranges, le massepain, les spéculoos et les cadeaux : livres, meccano, poupée et toute l'insouciance de l'âge. Merci Deashelle. A toi aussi bonne Saint Nicolas

  • administrateur théâtres
     Bonne Saint-Nicolas!

     images?q=tbn:ANd9GcSEOI6GTOABgaLDeh5upOmRDvHtEkbzFt9obtuMeG7xqEr16St9Sw

  • magnifique article et intéressants renseignements sur l'art japonais j'aime cette culture - merci aussi aux réponses de Fabienne Vereecken et Jacqueline De Ro qui expriment également la réalité - et - une belle phrase de Fabienne :

    " les fêtes, leur symbolique, c'est nous qui en faisons ce qu'elles sont "

     

    bonne journée à tous et à toutes  

  • Depuis l'éclatement de la famille, les rites de fêtes ont évolué car il faut se partager vers chaque membre des familles sans pour cela voir et s'occuper des autres membres restant inconnus. Nous ne connaissons pas les parents du mari de ma belle-fille (juste vus au mariage de cette dernière) et n'avons dès lors aucun contact. Les petits-enfants devenus grands ne pensent qu'aux sous pour leurs dépenses personnelles. Où est encore le plaisir d'offrir? Et encore, si ils disaient ce qu'ils font avec cet argent ! Ayant perdu notre unique fils il y a déjà 13 ans, j'ai commencé à faire un disque cd avec photos et légendes depuis sa naissance et son éloignement et où donc les photos devenaient plus rares. Cadeau émotif, long à réaliser mais combien précieux pour ma part. Si je ne le fais pas cette année serai-je encore en forme pour y travailler l'année prochaine? Merci à Deashelle de remuer ainsi les origines et les traditions des cadeaux des fêtes. On s'y met d'arrache-pied pour terminer ce reportage familial en y ajoutant néanmoins complément  pour que cela reste encore une fête. Je vais me concentrer sur un emballage soigné en sachant très bien que c'est ce qui se trouve à l'intérieur  qui est intéressant pour les mains avides. Réalisme de l'âge sans dépression morale...........

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