A vingt ans, vingt balais fleuris,
de Londres à Paris,
de la Butte au boul' Mich ... aussi,
j'étais libérée, déchainée.
Sur le pavé du Quart Much,
je ne marchais pas, nenni !
de jour et de nuit,
je sautais, je dansais, je volais.
Longs cheveux au vent défaits,
La rebelle, réconciliée.
Mon passé de pleurs, chagrin sourd,
Banni, oublié, enterré.
De mes épaules, le poids lourd,
De toute l'enfance porté,
Dégagé, enlevé !
De la Shoah, les ombres et morts
De mes os, de mon corps,
Extraits, expulsés, extirpés.
A moi la joie, la Vie, la liberté !
Tout était curiosité, découverte.
La voie m'était ouverte :
Musique, théâtre, arts et Poésie.
Pour eux, je veillais déjà tard la nuit
Et menais double vie :
Le jour chez les Avocats, Champs Elysés
Le soir et partie de la nuit,
Croquant la vie à belle satiété,
A l'envie,
A double bouchée.
Les surréalistes, Freud, Fromm et Ubu Roi.
La bible et les prophéties.
La fraternité, la justice, l'Utopie.
Tout était bon pour moi !
Dès 18 ans déjà
Étudier de toutes les religions
La transcendante vision,
Et fidèle à mon intérieur appel,
Trouver le karma, la réincarnation,
Et l'état de consciences au delà
Du seuil de conscience, de raison
Dans le silence, la méditation.
Après visite à l'extasié Rama Krishna
Et l'éclairé de compassion, Bouddha ...
Trouver le Moi d'Amour cosmique,
Enfin, le Messie, le Christ
Au profond de mon coeur, tapis là,
Qui ne me quittera pas.
Autant d'insouciance
Fut volée mon enfance,
Autant éternels mes Vingt ans
Ont duré, perduré très longtemps,
Inusables et d'espoir infini
Gonflés, transportés ... bénis.
Sous l'aile de l'ange consolateur,
Qui sécha mes pleurs,
J'étais guidée, nourrie,
Protégée, inspirée,
De confiance à jamais.
Tout était possible, permis
et ouvert.
Mon intérêt, mon souci
couvrait la terre entière.
Je me sentais capable de tout arranger.
Lion fort et protecteur, d'aider,
les amis qui souffraient,
par leur peine interpellée.
Tout en travaillant
à mi temps,
Je me formais
en gestuelle-eurythmie,
et me reconvertissais
dans la Waldorf pédagogie.
Pour connaître tous les courants existants,
nous battions la semelle des quartiers de Paris.
Mon appart de Montmartre servait
d'auberge à tous les amis
qui jouaient tard mais doucement
de la musique la nuit.
Et pour eux, rue Lepic, je faisais mon marché
pour les nourrir et les ravitailler,
après mon travail et ma longue journée.
Je nous revois rouler par terre de rire
quand Fabrice Lucchini,
en ce temps Le Galois Perceval,
devant notre bande de disciples orientals,
mimait, cocasse, nos Mahatmas indiens !
Ou se faisait rabrouer par sa bonne Cathie
pour un peu se taire et devenir introverti,
voyons, tout de même, méditer enfin !
A Orsay, ou dans une cave du quartier Latin,
j'invitais mes amis Musiciens indiens
qui de voix d'or d'éternité
chantaient célestement bien
les Raggas du soir ou du matin
qui nous sortaient du temps,
nous ravissaient au loin,
puis voulaient m'initier à leur chant divin.
Jodorowsky tirait ses magiques Égyptiens tarots,
Au fond d'une cave intime de St Germain,
toujours si transcendant, humain,
devant un cercle de jeune badauds,
admirateurs émus, ébahis.
Et moi, je renouais dans cette vie
avec aisance avec l'astrologie.
Vingt ans, je les ai eus
et si tard, vécus avec ivresse.
Éternelle et vibrante jeunesse !
Jusqu'à ce que .... vienne naître mon enfant
qui a son tour à belles dents
veut croquer ses propres vingt printemps.
Elle voudrait vivre mon London, mes Beatles,
nos maquillages et longs ou courts vêtements,
notre Peace and Love et la douceur d'antan,
notre innocence immense
et notre insouciante confiance ...
tout un temps de joyeuse délivrance,
d'avenir possible et d'humaine transcendance
et comme je la comprends !