Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras
du choix. Celle-ci était trop ridée, tandis que celle-ci, elle la convoitait. Elle appartenait à une jeune mariée à peine sortie de l’adolescence. Répandre de belles larmes de bonheur sur ces joues non encore abîmées par l’outrage du temps la tentait. Elle choisit d’y faire couler des perles de rosée sur cette joue satinée, en souhaitant de tout son cœur que la fête continue dans l’espoir d’un avenir aimant et chargé de promesses.
Pendant un instant, la larme a eu un cas de conscience sur sa propre vocation. Elle pensa que la cruauté du monde lui faisait déverser encore trop de larmes de désespoir, de chagrin sur des joues qui ne demandaient que de l’affection. Au quotidien, sa présence était bien trop souvent la conséquence d’un malheur éprouvé, mais quel rôle voulait-on lui faire jouer dans ce bas lieu ?
Elle n’était qu’une eau salée où de pauvres âmes désespérées s’y noyaient.
Elle trouvait qu’elle sombrait dans un univers trop manichéen étant plus présente dans des situations négatives que positives. C’est alors qu’elle décidait de rompre ce contrat qui l’unissait à cette dictature du dramatique.
Non elle ne serait plus le bon pompier qui arroserait les joues des êtres rattrapés par tous les malheurs de l’existence, elle voulait bien au contraire voir s’allumer dans les yeux de tous les mortels, la flamme d’une vie heureuse et chargée d’espoir et c’est ainsi que la Larme devint le pyromane de la joie en faisant briller les yeux de chacun, petits, jeunes et vieux. Peu à peu, elle
s’autoproclama : « Larme magique ».
Ainsi, elle fit son entrée dans le royaume de la Paix et de l’Amour et son eau n’eût plus jamais la même saveur.