Tout au début, notre histoire a été une relation difficile
Tu étais là, devant moi à me narguer
Face à ma perplexité et l’expression de mon incompétence
Et moi, pour me défendre, je ne te manifestais aucun intérêt
Entrer en relation avec toi était une gageure,
Toute empreinte que j’étais de mes peurs
De me découvrir et de me livrer à toi
Que tu me domines malgré tes airs de ne pas y toucher.
Tes couleurs, belles comme celles de la terre
Entière
Ocre, blanche, bitumeuse ou ferrugineuse
Tes diverses textures chamottée ou lisse, rugueuse,
Coupante ou soyeuse
M’ont amenée petit à petit à m’interroger sur l’histoire
Que nous pourrions partager ensemble.
Je devais t’apprivoiser,
Mais tu devais le faire également,
Tel le renard du désert,
Moi qui revendique mon autonomie et mes secrets
Me révéler à toi me suscitait un lâcher prise que j’ai refusé
Longtemps
Je t’ai alors contrainte,
Je t’ai battue, labourée,
Domptée, lacérée, caressée, embrassée ,
Griffonnée, arrachée,
Abandonnée pour te reprendre ensuite,
Te posséder de plus belle encore et encore.
Mais ta résistance se faisait plus vive encore
Toi qui paraissais si malléable, si douce
Mais cependant si décidée à ne pas te laisser faire
Je te voulais sans partage, à moi tout entière.
Ce corps à corps a été difficile voire parfois impossible.
Mais que gardais-tu dans ton sein, terre muette et inaccessible.
Je t’ai parlé enfin, te livrant, vaincue,
Mes secrets et mes questions les plus intimes.
Je t’ai raconté des histoires qui sont venues
Se rajouter à d’autres déjà vécues.
Nous avons lâché prise , fatiguées de ce combat
Que nous nous sommes mené.
Petit à petit , tu as répondu à mes paroles, à mes lettres
Cent fois écrites, effacées et réécrites ;
Ton corps s’est laissé apprivoiser à mes mains
de plus en plus expertes,
Caressantes,
Répétant cent fois et cent fois encore le même geste
Glissant, façonnant,
M’écrivant dans ta matière.
Fragments de souvenirs partagés,
Empreintes du temps et de l’espace,
Histoires de terre,
Tant d’années à présent nous relient
Que pour ne plus casser cette complicité.
Anne