Il y a quelques temps déjà, j’ai rencontré Candide. Elle souriait. Lui demandant si elle permettait que je reste un peu en sa compagnie, elle ne répondit pas. Elle me regardait. Je tournai la tête pour analyser les alentours. Quel phénomène ou qui pouvait faire sourire cette charmante personne. Je ne vis rien. Revenant à la jeune femme, je vis que son sourire était offert. Je me demandai s’il était honnête d’en prendre un peu. En personne bien éduquée, je lui demandai la permission de m’approvisionner à cet éclat si généreux. Elle se mit à rire, je pris cela pour un consentement. Curieuse, j’aurais voulu savoir d’où elle venait. Le soleil dans mon dos progressait vers l’ouest. Je ne pouvais pas rester plus longtemps et Candide ne paraissait pas disposée à me répondre. Avait-elle compris mes paroles ? Parlions-nous la même langue ? Bredouillant une excuse, je m’arrachai à ce sourire si chaleureux et lui promis de revenir.
Depuis, chaque matin, je m’arrête et elle est là. Est-ce moi qu’elle attend ?
Les jours qui suivirent cette première entrevue, furent tous identiques. Un matin, alors que je répétais toujours la même demande quand à son origine, elle se mit enfin à parler.
Tu veux savoir d’où je viens ? Pourquoi ? Je n’ai pas de réponse. J’ignore d’où je viens. Je me suis trouvée là, aussi étonnée que tu ne l’étais. Après ton départ le premier jour, j’ai cherché des souvenirs. J’ai élimé ma mémoire espérant y trouver quelques indices. Je ne voyais qu’une confusion de couleurs surnaturelles. Ce n’était pas la couleur des fleurs, ni celle des bêtes, ni même celle des hommes. Il y avait tant de brume, de membres intriqués, des voix sans paroles sensées. Il y avait aussi des rires vulgaires et gras. J’ai cru reconnaître des senteurs nauséabondes. Comme toi, j’ai demandé qui ils étaient. Je n’ai pas compris leur réponse. Ils étaient trop nombreux et le chœur mal accordé cracha des mots incompréhensibles. Cacophonie, si je me souviens. Vois-tu, j’ai oublié tant de mots. Parfois, il m’en revient certains. J’ai préféré ne plus retourner dans cet angle obscur. C’est tellement beau et bon ici. Tout est nouveau, tout est frais. Je ne cherche plus à savoir d’où je viens. Cela ne doit pas être important si je ne m’en souviens plus. Et toi, d’où es-tu ?
Je me mis à sourire. Quelle question étrange ! Je suis d’ici, cela me paraît évident. Que ferais-je en cet endroit et à cette heure si je n’étais pas d’ici, si je n’appartenais pas à cet environnement.
Le temps, encore une fois, le soleil court vers l’ouest. Je dois partir comme chaque matin. Je la laisse là avec son sourire. J’emporte le mien, né du sien. Je sais que demain, je la reverrai. Maintenant, la glace est brisée. Nous avons communiqué. Nous avons la vie pour répondre à toutes les questions qui nous trottent en tête. A demain Candide. J’aime ce prénom que je t’ai choisi. Je m’éloignais déjà quand j’attrapai sa question :
c’est quand demain ?
Je n’avais plus le temps, elle comprendrait demain.Entêtée, quand je la revis le lendemain matin, elle fut la première à parler.
Dis-moi, c’est quand demain ?
Nous y sommes arrivées, c’est aujourd’hui.
Je ne comprends pas. Demain, c’est aujourd’hui ? Donc tu ne me quitteras plus ?
Candide, après aujourd’hui, il y aura une infinité de demain. Et nous pourrons nous voir chaque nouveau demain.
Si tu veux ! Moi, je préfère aujourd’hui. Parce que tu es là et que je peux te sourire.
Douce Candide, tous les jours, c’est aujourd’hui. Donc ne cherche plus ce qu’est demain. On n’est jamais demain. Je viens de m’en rendre compte. On n’est jamais qu’aujourd’hui. Peut-être, avant que je ne rencontre ton sourire, y avait-il des demain ; en cet instant précis, je ne sais pas plus que toi ce qu’ils étaient. Ils sont devenus des hier probablement.
Des ‘hier’ ? Tu es très compliquée. Parle plus lentement. Explique-moi ce que sont les ‘hier’.
Candide, ce n’est pas simple. Non, en fait, c’est très simple, c’est étonnamment simple. Hier, c’est quand ton sourire ne croisait pas mon matin. Hier, c’est quand je me regardais dans la glace et je ne m’aimais pas. Hier, c’était un peu comme maintenant quand je me sentais si triste de l’image dans la glace qui……………………me répondait………..triste……Candide ? Candide ????? Mais où es-tu ? Ne pars pas, ne t’en vas pas ! C’est toujours moi qui te quitte, emportant ton sourire pour la journée. C’est toujours moi qui suis triste quand je viens pour te dire bonjour. Candide !!!!!!!!!!!! Réponds-moi, s’il te plaît, réponds-moi……..Non !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!