Louis Savary vient de publier son dernier opus aux éditions "Les presses littéraires".
Un dernier ouvrage de ce poète aphoriste wallon dont je suis le parcours avec grande admiration depuis de nombreuses années.
Depuis 1960, cet auteur, actif comme poète, cinéaste, comédien, chansonnier, nous a séduit avec constance par son esprit frondeur et sa poétique impeccable.
Je tiens à lui rendre hommage pour cette prodigieuse production en en évoquant quelques jalons dont j'ai déjà souligné la qualité dans un cd-rom que j'ai consacré à son oeuvre il y a quelques années déjà ("Louis Savary, aphoriste wallon" - extrait du Testament des poètes de Robert Paul).
J'évoquerai tout d'abord ses quelques ouvrages consacrés au théâtre:
C’est un vaste univers
maîtrisable d’autant
qu’on peut s’y observer
sans se sentir dedans.
C’est une voie royale
où convergent les hommes
qu’ils soient bêtes de scène
ou bien bêtes de somme.
C’est un billet fripé
au fond d’un portefeuille
relique d’un acteur
dont on porte le deuil.
C’est un but ambitieux
qu’on n'atteint pas toujours
tant pour y parvenir
sont modestes les jours.
Le théologien et homme de théâtre Paul Tellier présente le livre :
Difficile de dire d’un poète.
Pour moi, poète et prophète sont de même famille.
Des femmes et des hommes : ils vivent dans le même monde que nous, sont soumis aux mêmes impératifs, aux mêmes grandeurs et aux mêmes turpitudes, et leur destin est le nôtre.
Mais depuis quelques millénaires, nous savons, qu’ils ne sont pas tout à fait les mêmes.
Une simple marmite, quotidiennement manipulée, est, dans sa fonction première, un outil, rien qu’un outil. Elle n’éveille en nous que satisfactions olfactive, visuelle parfois, et celle toute proche, du ventre repu. Pour le poète-prophète, la même marmite devient subitement révélatrice d’un autre monde, d’un homme autre, d’un projet, d’un avenir, d’une menace, d’une promesse…
Il y a donc ce regard, cette perception particulière et mystérieuse, que nous n’avons pas. Et puis, il y a cette faculté, aussi mystérieuse et magique du poète-prophète : celle de ne pouvoir traduire en mots sa perception du monde, et de nous la livrer, et de nous enivrer.
Louis Savary nous a donné une illustration flamboyante du poète-prophète dans ses volumes précédents. La terre, l’eau, l’air, la flamme, tous ces éléments qui nous sont familiers, tellement familiers qu’on ne les perçoit même plus, l’auteur leur a rendu une vie nouvelle, une fraîcheur, une pétulance qui nous éloignent de toute banalité.
Et puis voilà que Louis Savary entame un périple nouveau, tout autour du théâtre.
La marmite, nous connaissons.
L’air, la flamme, la terre, l’eau, nous connaissons.
Je vous le dit tout net : ici, dans ses nouvelles œuvres, si vous ne connaissez pas –au moins un peu- le théâtre, vous serez égarés.
Vous serez un peu comme des sédentaires regardant passer une carriole de nomades.
A moins que ce diable d’homme, poète-prophète Louis Savary, ne vous invite à monter pour le voyage. Rien n’est impossible.
Pour moi, c'est délices.
La vie m’a permis d’être un homme de théâtre pendant quarante ans.
C’est la vie. C’était (c’est encore quelquefois) l’une de mes passions. Celui qui a goûté du théâtre comprendra.
Dans les volumes de Louis Savary « sur » le théâtre, je rencontre trois hommes :
l’homme-de-théâtre-nomade, celui pour lequel l’expression artistique théâtrale a été –et est toujours- un chemin royal d’approche de l’homme.
l’homme de la terre –me permettrait-il de dire l’homme du terroir ? –qui se lève avant l’aube pour voir le soleil surgir, et qui regarde avec respect ses salades autant que son figuier.
et puis, là quelque part, fidèle, tenace, l’homme poète-prophète, celui qui, par cette acuité du regard et de la plume, nous entraîne de la scène à la terre, de l’homme à l’homme, celui d’hier d’aujourd’hui de toujours, de l’excès salvateur à la sagesse sereine.
Ah oui, délices !
Délices, parce que Louis Savary n’écrit pas un ou des livres « sur » le théâtre, où je serais obligé d’aller de a à z pour comprendre.
Il me permet. Il m’invite au nomadisme. Je me sens libre.
Je vais là où je veux. Je m’arrête quand je veux.
Et là, au détour d’une page, je découvre une flamme, virulente ou tendre, piquante ou caressante, nouvelle presque toujours, qui m’en apprend encore sur ce « vieux » théâtre qui fut mien tant d’années.
Délices !
Louis Savary frappe les trois coups et nous convie à assister à des saynètes théâtrales en dix actes délicieux truffés de vers malicieux :
Serait-ce une ingénue
au strabisme ambigu
qui nous incite au vice
en lorgnant la vertu ?
Les répliques fusent au travers des " personnages pathétiques ", des " tragiques emplois ", des " figures sublimes "
Serait-ce une Andromaque
en butte à son destin
de reine rabaissée
au rang d'une catin ?
L'auteur nous promène avec ses cent haïkus de théâtre de loges en coulisses, de balcons à la scène, côté cour et côté jardin. Nous sommes acteurs, public, metteurs en scène. Nous endossons avec bonheur les costumes proposés :
Serait-ce d'homme à homme
une intense rencontre
à se jouer à deux
d'étranges zones d'ombre ?
Serait-ce un feu follet
jailli de nulle part
qui nous livre ô magie
mille mondes épars ?
Non ce n'est pas croyez
une foi sans raison
en un verbe éternel
avide d'oraisons.
Non ce n'est pas de grâce
un acte illégitime
abaissant son public
au rang de victime.
Non ce n'est pas un jeu
dont se perd la pratique
Ni un sérieux travail
de bouffon pathétique.
Et si c'était à vous ici de nous livrer vos propositions ici?!
Commentaires
Je viens de lire : "Un poème nous sépare". Les aphorismes poétiques de Louis Savary sont réjouissants à l'esprit, bénéfiques à la réflexion, touchants au coeur, traversés de fulgurances... L'histoire d'amour est évidente entre l'auteur et la poésie et si un poème les sépare, c'est celui que Louis Savary tient au bout se sa plume et n'a pas encore écrit !
J'ai découvert l'oeuvre de Louis Savary - c'est bien plus qu'un aphoriste- au moins un penseur - dans la bibliothèque de mon père, Emile. J'ai aimé aller de livre en livre, de pensée en pensée, de poème en silence.
Et si c'était....
Je paraphraserai Frédéric Dard..." A force d'être déçu des autres, je finirai bien par croire en moi "
Merci de mieux nous faire connaître ce grand artiste et de nous donner le goût d'approfondir la connaissance de son oeuvre.
si c'etait à nous de tracer le chemin de demain,pour l'amitié du langage du coeur ,ou la vie respire
SE dire ... dire au plus près
... au loin aussi
... profondément
... = en effleurant ...
Laissez-moi, le temps de vous lire et de vous découvrir !
Certes, dans un intimité poétique et divine, que nous donne la Poésie et sans doute la vôtre ,
dont je perçois, d'ores et déja , l'intensité et la grande diversité !
Vous êtes, ce que j'appelle , un Etre complet, qui donnez en pléniude la complètude..
Je vous écris , dès ma lecture plus approfondie, et ma connaissance de vous, à travers ces tous qui font vos Oeuvres..!
Théâtre et Poésie, quoi de plus Beau pour la grandeur de l'âme !
Après lecture....cela nous plonge dans une profonde réflexion..".l’excès salvateur à la sagesse sereine."
voyages...merci Monsieur Robert Paul!!!