Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

12273078093?profile=originalL' Ethique à Nicomaque." est une oeuvre philosophique en 10 livres dans laquelle Aristote de Stagire (384/3-322 av. JC.) développe sa doctrine morale dans sa forme la plus évoluée. Il existe trois autres traités de morale d'Aristote: "L'éthique à Eudème", "La grande morale", le "Traité des vertus et des vices", mais leur authenticité est contestée. Nicomaque, fils de l'auteur, qui révéla cet ouvrage, lui donna son nom.

Toute activité humaine, théorique ou pratique, a pour fin le bien. Il y a des fins vers lesquelles nous tendons en vue d'autres fins. C'est pourquoi les premières sont relatives, imparfaites et présupposent une fin absolue recherchée pour elle-même: c'est le bien suprême, dont l'étude est du ressort de la politique, prise dans le sens d'éthique collective. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que le bien suprême est le bonheur; quant à ce dernier, les opinions sont divisées: pour certains, c'est une vie de plaisirs primaires, d'autres le placent dans la gloire, d'autres enfin dans une vie contemplative. Après avoir à ce sujet critiqué la conception platonicienne des idées, qui préconise le "bien en soi", Aristote revient au problème du bien suprême, ou bonheur, lequel ne peut être défini que par rapport à la fonction caractéristique de l'homme: or, comme celle-ci est l'activité rationnelle, il résulte que le bien parfait, ou bonheur, est, chez l'homme, "activité de l' âme selon ses penchants", conception qui contient et concilie tout à la fois les exigences spiritualistes et eudémonistes, lesquelles trouvent le bonheur, soit dans le plaisir, soit dans l'activité sociale. Délaissant la vertu purement physique de l'âme végétative, Aristote examine la vertu propre à l'être humain. Ici, se place l'importante distinction des vertus humaines en "dianoéthiques" et "éthiques"; les premières sont particulières à l'activité rationnelle et sont susceptibles d'être développées au moyen de l'enseignement; les secondes, propres aux facultés appétitives, sont engendrées par l'habitude.

Le deuxième livre est consacré à la définition de la vertu éthique: à l'encontre des choses naturelles que l'on possède d'abord et dont on use ensuite, la vertu est en acte avant d'être en puissance: on devient juste en agissant justement, d'où l'importance, pour la vie morale, d'une éducation de la jeunesse où il sera de règle de faire un bon usage du plaisir, lequel -comme on le voit- n'est pas rejeté. Que doit-on entendre par acte vertueux? La vertu n'est ni une passion, ni une faculté de l'âme, mais une habitude, et précisément, une habitude qui perfectionne à la fois l'agent et l'acte. Aristote considère donc la vertu non pas comme un "acte", mais plutôt, par une analyse empirique, comme un "fait" qui se compose de deux éléments: l'un volontaire, déterminant le but, l'autre intellectuel, qui précise les moyens pour atteindre ce but. Il arrive ainsi à la trop célèbre définition de la vertu: "La vertu est une disposition acquise volontairement par rapport à nous dans la "mesure" [le juste milieu], elle-même définie par la raison conformément à la conduite d'un homme réfléchi". Pour en venir à l'examen de la vertu en tant qu'acte, Aristote la définit comme la perfection de l'activité, le sommet de la dernière extrémité opposée au mal; mais il ne s'attarde pas à cette position de principe, il s'attache davantage au concept de "médiation" qu'il considère sous l'aspect pratique et pédagogique.

Le troisième livre est consacré à l'acte pratique en vue de définir ce qu'il y a de volontaire et d'involontaire dans l' action, et d'analyser l'intention et la délibération. Ce qui est volontaire trouve sa cause chez l'agent et dérive, soit uniquement du désir de ce dernier, soit du désir guidé par la raison, donc par un choix préférentiel ou l'intention, laquelle est "désir pour ce qui est délibéré". Par l'intention, qui suppose une simple vertu physique, -se transforme alors en vertu proprement dite, qu'il définit enfin comme "habitude conforme, voire conjointe à la juste raison". La vertu, de même que le vice, résident donc en notre pouvoir: l'homme est responsable, et la thèse selon laquelle "personne" n'est volontairement mauvais" doit être rejetée.

Il passe ensuite, dans le quatrième livre, à la description des vertus éthiques particulières: la fermeté, la tempérance, la libéralité, la magnanimité, la douceur, la franchise, l'urbanité, la pudeur, description très utile pour nous éclairer sur le climat moral particulier au peuple grec.

Un examen spécial est consacré (livre cinquième) à la justice et à l'équité: il distingue la justice distributive (à chacun selon son mérite) et la justice réparative (équilibre du profit et des pertes dans les contrats et proportionnalité entre les peines et les délits).

Comme il avait abouti plus haut à une définition de la juste raison, il se devait d'étudier (livre sixième) les vertus dianoéthiques où l'intellect fournit au désir, à la fois la fin et l'image du bien, et où la raison participe au choix des moyens par lesquels la volonté parviendra aux fins. Les vertus dianoéthiques sont au nombre de cinq: la science, l'art, la prudence, l' intellect et la sagesse. La science a pour objet ce qui est nécessaire et est "susceptible de la démonstration", laquelle s'actualise par induction et devient ainsi connaissance de l'universel, soit par le particulier, soit par syllogisme déductif partant de l'universel. L' art est défini comme "habitude de créer avec la véritable raison", et a pour but de produire des choses qui peuvent exister ou ne pas exister. La prudence ou bon sens est une "habitude pratique appliquant la véritable raison à ce qui est bien pour l'homme". l' intellect, ou intelligence, est la faculté qui recueille intuitivement, et non pas démonstrativement, les principes de toute connaissance. La sagesse, union de l'intellect et de la science, s'adresse aux choses plus élevées. Toutes ces vertus ont également de la valeur en elles-mêmes; et en particulier, la prudence, à laquelle se rattachent toutes les autres (thèse presque identique à celle de Socrate) et qui est indispensable à la vraie vertu.

Le livre septième traite de l'intempérance et du plaisir. Tentant d'expliquer pourquoi des hommes qui sont en possession d'une certaine science dans le vice, Aristote reprend en somme, malgré ses critiques, l'attitude de Socrate: il conclut, en effet, que ces hommes-là, au fond, ne connaissent pas la science. Par contre, l'étude du plaisir, qui anticipe sur celle qu'il poursuivra dans le livre dixième, est inspirée par un eudémonisme résolu, mais équilibré, qui reconnaît que le plaisir est le fondement du bonheur.

Dans les livres huitième et neuvième, il traite de l' amitié et de l' amour, désignés sous un même nom, vertu liée à la justice, fondamentale pour l'animal politique qu'est l'homme.

Dès le début du dixième livre, il reprend le problème du rapport entre le plaisir et la vertu, et conclut que le plaisir procède d'une "perfection de l'acte", non essentielle, mais qui survient "comme la beauté pour qui est dans la fleur de l'âge". Le plaisir peut accompagner n'importe quelle fonction de l'âme, même les plus élevées: c'est pour cela que la vertu et le bonheur ne sont pas séparés du plaisir. Le bonheur suprême résidera dans la pure contemplation de la vérité éternelle, activité qui, tout en nous délivrant des maux de ce monde, nous fera participer à la béatitude divine. Cette activité spéculative ne peut être continuelle chez les humains comme chez les Dieux; de là, la nécessité de l'activité éthique, modératrice des appétits, et qui a son domaine d'application spécialement dans la vie politique, laquelle, pour cette raison, doit être étudiée avec attention (voir "La politique"). Cet écrit, certainement postérieur à deux autres oeuvres de morale aristotélicienne, est une continuelle oscillation entre l'eudémonisme humaniste (vers lequel est orientée "La grande morale") et l' intellectualisme éthique qui inspire "L'éthique à Eudème". Toutefois c'est par ce caractère même que l' "Ethique à Nicomaque" demeure en substance l'ultime et la plus significative expression de la morale grecque.

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles