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C'est en 1837 que Frédéric Chopin fit la connaissance de George Sand. Entre ces deux êtres que tout séparait naquit une liaison passionnée qui dura neuf ans.

Musicien de génie, profondément attaché à son pays natal (son père était français et sa mère polonaise), Chopin se fixa à Paris après l'écrasement de l'insurrection polonaise et la mise à sac de Varsovie par les troupes russes en juillet 1831. C'est un homme d'une grande intelligence et d'une profonde noblesse de cœur, mais il est doté d'une sensibilité presque maladive et d'une santé fragile... "Son esprit était écorché vif, écrit de lui George Sand... le pli dune rose, l'ombre d'une mouche le faisait saigner."

Conservateur et sédentaire, il se plaît dans l'atmosphère raffinée des salons parisiens. George Sand, qui préfère la vie champêtre de Nohant aux attraits de la capitale, est son exact opposé ; sa célébrité garde un parfum de scandale, elle aime les changements et l'aventure, prône l'émancipation des femmes et ne cache pas ses sympathies républicaines.

Comme la littérature l'avait rapprochée de Musset, c'est la musique qui rapproche George Sand de Frédéric Chopin. "Je l'ai revue trois fois, écrit Chopin... Elle me regardait profondément dans les yeux, pendant que je jouais. C'était de la musique un peu triste, légendes du Danube ; mon cœur dansait avec elle au pays. Et ses yeux dans mes yeux, yeux sombres, yeux singuliers, que disaient-ils ? Elle s'appuyait sur le piano et ses regards embrasants m'inondaient."

En 1838, pour tenter de rétablir la santé défaillante de Chopin et soigner son fils Maurice, issu de son mariage avec Casimir Dudevant, George Sand les emmena tous les deux, ainsi que sa fille Solange, sur l'île de Majorque, au sud de l'Espagne. Ils sont loin de se douter que cette même Solange, petite fille espiègle et pleine de vie qui batifole gaiement sur le pont du bateau sera, des années plus tard, à l'origine de leur rupture.

Ils trouvèrent à se loger dans le cadre pittoresque mais insalubre de la Chartreuse de Valldemosa, un ancien monastère à moitié en ruine. Si ce séjour fut profitable à George Sand et à ses enfants, il se transforma en revanche pour Chopin, dont la santé se dégrada rapidement en raison du climat humide de l'île en hiver, en un véritable calvaire : les pluies torrentielles moisissent les murs et les chambres sont presque impossibles à chauffer. Chopin, atteint d'une maladie que l'on n'appelait pas encore "tuberculose", mais "phtisie", dont il mourra en 1849 et que l'on ne savait pas soigner, tousse et crache le sang ; le cadre étrange de la Chartreuse suscite en lui des impressions pénibles et jusqu'à des hallucinations. "Le cloître était pour lui plein de terreurs et de fantômes, écrit George Sand dans ses Mémoires, même quand il se portait bien. Il ne le disait pas et il fallait le deviner. Au retour de mes explorations nocturnes dans les ruines avec mes enfants, je le trouvais, à dix heures du soir, pâle, devant son piano, les yeux hagards et les cheveux comme dressés sur sa tête. Il lui fallait quelques instants pour nous reconnaître."

Les habitants de Majorque, effrayés par la maladie de Chopin et prévenus contre George Sand, les tiennent à l'écart...

C'est pourtant au milieu de ce calvaire que Chopin trouva la force d'achever ses admirables Préludes. "Ce sont des chefs-d’œuvre, plusieurs présentent à la pensée des visions de moines trépassés et l'audition de chants funèbres ; d'autres sont mélancoliques et suaves ; ils lui venaient aux heures de soleil et de santé, au bruit du rire des enfants sous la fenêtre, au son lointain des guitares, au chant des oiseaux sous la feuillée humide, à la vue des petites roses pâles épanouies sous la neige."

Le calvaire finit pourtant par prendre fin. Dès que les forces de Chopin le permettent, cette étrange "famille" regagne la France à la fin de l'hiver, via Barcelone et Marseille. "Je quittais la Chartreuse avec un mélange de joie et de douleur. J'y aurais bien passé deux ou trois ans, seule avec mes enfants. Le ciel devenait magnifique et le lieu enchanté. Notre installation romantique nous charmait... Le malade lui-même eût été adorablement bon de guérir. De quelle poésie sa musique remplissait ce sanctuaire, même au milieu des plus douloureuses agitations ! Et la Chartreuse était si belle sous ses festons de lierre, la floraison splendide dans la vallée, l'air si pur de notre montagne, la mer si bleue à l'horizon ! C'est le plus bel endroit que j'aie jamais habité, un des plus beaux que j'aie jamais vus."

Conformément à la conception romantique de la création artistique, ce douloureux épisode se révéla "fécond" puisqu'il fut à l'origine d'un très beau roman de George Sand : Un hiver à Majorque et d'une œuvre musicale qui compte parmi les plus accomplies de la littérature pianistique.

Les citations entre guillemets sont extraites du chapitre V de l'autobiographie de George Sand Histoire de ma vie, texte établi, présenté et annoté par Georges Lubin, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard (1978), et de : Un hiver à Majorque : texte établi, présenté et annoté par Jean Mallion et Pierre Salomon, collection de l'Aurore, Editions Glénat, 1993. Cette édition comporte également en appendice le chapitre V de l'autobiographie de George Sand. Les Préludes de Frédéric Chopin ont fait l'objet de nombreux enregistrements, les plus célèbres sont ceux d'Arthur Rubinstein et de György Cziffra.
 
 
 
 

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Commentaires

  • Merci ! J'ai écrit ce texte pour un spectacle ici
    à Bourges avec une pianiste et une chanteuse.

  • Bonsoir,

    Merci pour ce partage intéressant.

    Adyne

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