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Dialogue sur l'amitié

De l’amitié: dialogue entre Nietzsche et Montaigne

J’ai rêvé d’une rencontre quelque part hors du temps, entre la Saxe et le Périgord, entre le 16è et le 19è siècle…, entre Friedrich Nietzsche et Michel Eyquem, seigneur de Montaigne;;;

Montaigne- Ce qui m’emplirait de plaisir, c’est de goûter un verre de vin rouge délicat et de belle couleur; non, donnez m’en une pleine carafe, « je me défens de la tempérance comme j’ai fait autrefois de la volupté. Elle me tire trop en arrière, et jusqu’à la stupidité ». Monsieur N, m’accompagnerez-vous ?

Nietzsche- Non merci, pas de ces sortes de drogues, « agents de la corruption », pour moi, je veux juste un grand verre d’eau pure. Vous vouliez me voir, mon cher, c’est bien parce que c’est vous, que j’ai accepté de renoncer un moment à ma solitude… C’est pour parler de philosophie je suppose ?
…Ah, de l’amitié ? Et bien, d’accord parlons-en, parler beaucoup est un bon moyen de se dissimuler…

M- Je vous dirai d’abord que par amitié, je ne parle pas de toutes ces accointances et familiarités ordinaires qu’on noue suivant les circonstances, mais j’entends par ce mot le mélange de deux âmes pour n’en former plus qu’une…

N- Permettez, je vous interromps tout de suite. La camaraderie, d’accord, cela existe, mais la véritable amitié ! !?

M- Il est vrai que c’est la chose la plus rare à trouver au monde, mais j’ai eu le bonheur dans ma vie de connaître cette sorte d’union divine. Une bien belle amitié, ayant si tard commencé et qui n’a pu durer bien longtemps. Je pleure encore la perte de cet ami ; depuis sa mort il me semble n’exister plus qu’à demi.

N- Moi aussi j’ai cru connaître cela un moment, avec un grand compositeur pour qui j’ai éprouvé une vénération dévorante lorsque j’étais jeune homme. Il était l’homme selon mon cœur… Mais j’ai été cruellement déçu, je me suis rendu compte qu’il ne s’intéressait qu’à ce qui pouvait le servir dans son œuvre et ce que je prenais pour une profonde amitié s’est rompu, nous sommes devenus étrangers l’un à l’autre, « tels deux vaisseaux dont chacun a son but et sa route tracée ». J’en ressens encore une telle souffrance que depuis j’ai préféré m’éloigner des hommes.

M-Je crois vous comprendre. Une amitié doit être réciproque et elle doit aussi être tout à fait désintéressée. Dans l’amitié, il ne peut y avoir d’affaires ou de commerce sauf d’elle-même…Entre de vrais amis, il faut ignorer l’envie, ce tombeau des sentiments, ainsi que bannir les mots que sont obligations, prière ou reconnaissance…

N-Ah oui, j’ajoute qu’« une âme délicate est gênée de savoir qu’on lui doit des remerciements, une âme grossière, de savoir qu’elle en doit »…

M- Et pour moi une amitié n’est vraiment parfaite et complète que lorsqu’entre les deux amis tout est commun, souhaits, pensées, jugements,…

N- Ah non là je vous arrête ! Si on veut un ami, il faut pouvoir s’y opposer, respecter l’ennemi jusque dans son ami ! On n’est au plus près de son cœur que si on lui résiste et il n’est pas d’amitié qui dure sans de grandes exigences! Il ne faut pas non plus vouloir partager avec lui tous ses tourments ! L’ami pour moi doit pouvoir deviner et se taire !

M- Mon Dieu ! Calmez-vous mon ami, pourquoi s’emporter, ne soyez pas si chagrin, on ne peut en effet être d’accord sur tout, n’est-ce pas?
Et puis il y a les femmes, Ah ah ! Que pensez-vous des amitiés avec les femmes ?

N- Diable ! Les femmes ! Il y a dans toute femme « un esclave et un tyran cachés », elles ne sont pas capables d’amitié et même en amour, elles prétendent faire « tous les sacrifices et rien à part cela n’a plus de valeur » pour elles !

M- Ah ah ! Je vous suis un peu sur ce sujet, les relations avec les femmes sont difficiles à classer. L’affection qui nous lie à elles a un caractère si ondoyant, brûlant, un feu de fièvre … Leur inconstance, leurs excès…

N-Oui, oui ! « Ne vaut-il pas mieux tomber entre les mains d’un assassin que dans les rêves d’une femme en chaleur ? »

M-Pour moi je vous avoue que leur commerce charmant m’est très agréable et même, étant d’un naturel bouillant, je le recherche. Mais, être amoureux de sa femme est un supplice autant qu’un péril !

*
Je laisse à nos deux compagnons la responsabilité de leurs errements sur les femmes…

Mais j’acquiesce assez à leur vision de l’amitié.
Une amitié parfaite, pour moi c’est une relation faite de partage, de confiance réciproque et de complicité. Une consanguinité d’esprit qui unit. La joie prodigieuse de savoir simplement que l’autre existe.
Aimer vraiment, c’est aussi préférer l’autre. Cela implique, quoi qu’il advienne, une part d’acceptation, de retrait de soi. Raréfier son être, tout en continuant d’exister pour l’autre et sans jamais renoncer complètement à sa propre liberté.

Martine ROUHART

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Commentaires

  • 4000 fois, Monsieur Paul ! Heureuse de l’apprendre , merci! 

  • Merci Chère Liliane de me faire souvenir de ce texte, belle soirée à toi 

  • administrateur partenariats

    Des milliers de vues...

    Des blogs magnifiques, une visibilité sans pareille. 

  • Ce "Dialogue" a déja été lu plus de 4000 fois...

  • Merci beaucoup pour votre commentaire, Marcelle. Je suis d'ailleurs en train d'écrire un roman sur une histoire d'amitié qui hélas se défait, et j'ai repris au début cette phrase de Tahar Ben Jelloun: "l'amitié pourrait être l'état idéal de l'existence. Un lien nécessaire et rare. Il ne souffre aucune impureté". Amicalement, martine

  • J'adhère à votre vision de l'amitié!

    Mais c'est assez rare, j'ai une amie depuis l'école maternelle, nous pouvons faire une année sans nous voir et à chaque nouvelle rencontre nous nous retrouvons sur la même longueur d'onde...

    Le mot est un peu galvaudé.

    Marcelle

    Amicalement ( quand même) !!!

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