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Lettre ouverte à une Voix orphique humaniste enchanteresse,

vibrant Passeur de sens,

Orfèvre- ciseleur de sonorités polychromes

 

IV ème et Dernière Partie

 

«  La normalité est une route pavée :

On y marche aisément mais les fleurs n’y poussent pas. »

                                                                                                                                    Vincent Van Gogh

 

                      Oui, je pense que je peux faire confiance à ma souvenance sensitive fidèle, en affirmant que je dois la révélation de la galaxie D. (d comme délicat, comme délectable et comme dimension…) de ces hymnes pour la vie, à l’orée de mes douze printemps d’oiselle, grâce à cette échappée belle, présent bienheureux de ma mère, confiant sa géniture au mentor des lieux, fin pédagogue et esthète accompli, éminemment doué pour nouer des liens sans chaine, ne se contentant pas seulement de tracer le plan de nos périples de randonneurs, mais nous conviait, une fois le programme de nos visites d’édifices ligériens consommés, à nous rassembler autour du crépitement d’un feu de camp, feu de joie, l’âme de notre bivouac, facteur de Carpe diem, et d’indéniable nostalgie, renforçant en nous aujourd’hui ce sentiment de fugacité, « ce présent qui ne sait que passer » ! [1]

                     Ainsi, notre veillée d’étapes sous la vigie constellée de la Grande Ourse, placée sous le signe de la farouche et ombrageuse Héra[2], brillait surtout par la présence d’une complice de notre guide, la très convoitée guitare, qui, par l’expressivité de ses cordes pincées, sonnait le la de nos sérénades entonnées à l’unisson, faisant vibrer notre palpitant, ce « Cœur en forme de fraise [3] » menaçant de virer à l’écarlate pour l’esquisse d’un sourire d’un plaisant minois.

                    Sans pour autant dédaigner les ballades anglaises des Beatles et Folksongs des pionniers partis à la conquête d’un improbable Eldorado américain, popularisés par Joan Baez, Bob Dylan et quelques autres collecteurs amateurs de musique « country », parfois teintée de blues et de gospel, le pygmalion de notre groupe, de sa lanterne magique, s’attachait à nous éclairer au répertoire de la chanson française, nous dévoilant les arcanes d’une floraison de joyaux d’antan, en concomitance qu’il nous révélait l’éclosion de jeunes pousses prometteuses appelées par la suite à semer force précieuses graines, depuis les terres fécondes de leur jardin clos, de leur suave « Hortus deliciarum »[4]

 

« Du plus loin, que me revienne,

L'ombre de mes amours anciennes,

Du plus loin, du premier rendez-vous,

Du temps des premières peines,

Lors, j'avais quinze ans, à peine,

Cœur tout blanc, et griffes aux genoux,

Que ce furent, j'étais précoce,

De tendres amours de gosse,

Ou les morsures d'un amour fou,

Du plus loin qu'il m'en souvienne,

Si depuis, j'ai dit "je t'aime",

Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous »[5]

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Le Poète voyageur de Gustave Moreau

 

                          Ou du moins, pour être loyale envers les autres aimés que je ne puis renier, je vous dois l’une de mes plus belles « rencontres », laissez-moi vous le conter, O charmant trouvère, trouveur de consonances, favori fleurdelisé du « Fruit de mon verger »[6] et de « Prendre un enfant par le cœur », qui me fîtes mettre mes pas en cadence dans ceux de votre Tarentelle[7], moi, qui en aspirante ballerine passionnée, apprentie d’un conservatoire où « un Invité de Touraine », le compositeur des « Biches » [8] imprima sa marque, était comme piquée d’une tarentule imaginaire, déclinant à loisir «Thèmes et variations,  Sauts de chats, glissades, entrechats et arabesques de Sylphide en germination, au point d’en paraitre un chouïa maboule au regard de mon cercle familier complètement étranger à cet univers, excepté celle à qui je dois ma venue sur terre, esquissant de mes « Deux petits chaussons de satin blanc » [9] se teintant continûment de carmin, galbe pointu oblige, « Menuet antique », « Valses nobles et sentimentales » et «Pavane pour une infante défunte[10]…» sous « les Feux de la Rampe » que je révérais, offrant mes révérences « d’Enfant du Paradis », à des Baptistes du Boulevard du Temple [11] fleurissant mes vagabondages infinis…

                       Car de Bayadère, nul doute, je m’étais jurée de faire profession ! Vocation spontanée au diapason de mes desiderata, d’un besoin abyssal de m’épancher par le geste, assumée sans forfanterie, ni vanité, née d’un élan généré par l’audition de la musique, qui me faisait m’exclamer à l’adresse d’un membre onirique du public me tressant quelques verts lauriers disproportionnés :

                      « O toi qui me nommes danseuse, sache, aujourd'hui, que je n'ai pas appris à danser. […]

                       Tu m'as rencontrée petite et joueuse, dansant sur la route et chassant devant moi mon ombre bleue. Je virais comme une abeille, et le pollen d'une poussière blonde poudrait mes pieds et mes cheveux couleur de chemin [...]

                       Je marchais lente, sérieuse, mais tu nommais mon pas une danse. Tu ne regardais pas mon visage, mais tu suivais le mouvement de mes genoux, le balancement de ma taille, tu lisais sur le sable la forme de mes talons nus, l'empreinte de mes doigts écartés, que tu comparais à celle de cinq perles inégales ...

                        Tu m'as dit : « Cueille ces fleurs, poursuis ce papillon ... », car tu nommais ma course une danse, et chaque révérence de mon corps penché sur les œillets de pourpre, et le geste, à chaque fleur recommencé, de rejeter sur mon épaule une écharpe glissante ... »[12]

                        Mais foin de la peinture d’un frais disciple au féminin sacrifiant au culte de Terpsichore ! Retournons, avec votre permission, et ce, avant de prendre congé, hélas, à notre premier rendez-vous avec le magicien de « Lucille et les libellules »[13]

                       Il me faut donc indéniablement partir « À la recherche d’un temps perdu », plus précisément prendre appui « À l’Ombre des jeunes filles en fleurs » afin d’être en mesure de remonter le cours du temps, de me resituer à l’époque de cette immersion au « Pays des mots d’amour », qui, à notre grand dam, n’ont plus beaucoup court aujourd’hui, si ce n’est qu’ils sont en passe de devenir désuets, ou à l’inverse, de sombrer dans la mièvrerie, cette antichambre des médiocres produisant de pénibles exhalaisons, qui « sentent l’ail de basse cuisine »[14]

                       Que voulez-vous, est-ce ma faute si « j'ai le cœur en bois tendre ? [15]» Si je revendique conserver une candeur que d’aucuns, des « Fâcheux » blasés, aux sens émoussés, appartenant au genre des « Précieux dégoutés » satistes, se raillent ? Si je prêche en faveur  de « La Retenue d'Amours », si je cultive jusqu’à la pâmoison, la fleur du souvenir, ce « ne m’obliés mi » [16] tant dépeint par le « Prince des poètes » en exil, « En la forêt de Longue Attente » ?

                       C’est que depuis belle lurette, j’ai fait le serment de repousser Ingratitude, « Mère de tous les vices », éprouvant la nécessité intérieure de rendre grâce à mes « Aimants » contribuant à ma guidance et ce, en adéquation du fait, qu’il est également non négligeable de perpétuer les traditions séculaires prépondérantes ponctuant notre éphéméride.

                       Car, à mon sens, ne pas entretenir la souvenance de nos émois, en faisant sciemment preuve d’amnésie, n’est-ce pas redoubler son évanescence, qu’elle repose sur un bouillonnement générant Allégresse ou son pendant, le triste Sire Chagrin ? Et n’est-ce pas participer à voire s’éteindre une deuxième fois l’objet de notre dévotion ?

                        En conséquence, puisque nous savons que trop bien à quel point nous ne sommes que de passage ici-bas, où Gaia la munificente, notre Mère nourricière à tous, nous offre, le temps d’un séjour, l’hospitalité, calquons, si vous le voulez bien, avant de nous séparer, notre règle de conduite sur celle du protagoniste de cette « Lettre ouverte », « Voix orphique humaniste » dotée d’ondes vibratoires, on ne peut plus consciente de la mission de nos prédécesseurs :

 

J'ai un profond respect des dates anniversaires

Ces portes que le Temps dispose autour de nous

Pour ouvrir un instant nos cœurs à ses mystères

Et permettre au passé de voyager vers nous.

 

Je suis toujours surpris par les coïncidences

Qui nous font un clin d'œil du fond de leur mémoire

En posant des bonheurs sur les journées d'absence

Et nous laissent à penser que rien n'est un hasard.

 

Peut-être est-ce un moyen lorsqu'ils se manifestent

Pour ceux qui sont partis dans un autre univers

De nous tendre la main par l'amour qui nous reste

Pour nous aider parfois à franchir des frontières ?

 

Est-ce nous qui pouvons au travers de l'espace

Influencer ainsi la course des années 

Ou serait-ce un lambeau de leur chagrin qui passe

En déposant des fleurs sur le calendrier ?

 

Il existe en tous cas dans les anniversaires

Une part de magie qui fait surgir d'ailleurs

Les visages ou les mots de ceux qui nous sont chers

Des êtres qui nous manquent et dorment dans nos cœurs.

 

Ils sont là quelque part pour un instant fugace

Et dans les joies souvent qu'ils partagent avec nous

Se rendorment certains que rien n'a pris leur place

Et que leur souvenir nous est resté très doux.

 

Sans amour notre vie n'est plus qu'un long voyage,

Un train qui nous emporte à travers les années

Mais celui qui regarde un peu le paysage

Ouvre déjà son cœur pour une éternité.

 

Au delà des paroles et de la bienveillance

Il existe des voies difficiles à cerner,

Faites de souvenirs, d'amour et de silence

Et que bien des savants vous diront ignorer.

 

Elles sont un privilège au cœur de la souffrance,

Un baume pour les jours qu'on ne peut oublier

Qui pourraient avoir l'air d'être sans importance

Mais qui soignent des plaies difficiles à fermer.

 

J'ai un profond respect des dates anniversaires,

Ces portes que le Temps dispose autour de nous

Pour ouvrir quelquefois nos cœurs à ses mystères

Et permettre au passé de voyager vers nous.

 

Pour ouvrir quelquefois nos cœurs à ses mystères

Et permettre au présent de nous sembler plus doux. »[17]

 

 

 

Avec l’expression de toute mon admiration 

Et pourquoi le taire, mon attachement immuable

 

le 13 Février 2013, Valériane d’Alizée

© Tous droits réservés

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Le Char d'Apollon d'Odilon Redon (1908)


[1] : D’après le vers issu de la troisième strophe de la chanson d’Yves Duteil « Et Si La Clé Etait Ailleurs »…, album « Flagrant Délice » dont il est l’auteur- compositeur et l’interprète.

[2] : Selon une légende de la mythologie grecque, la divine Héra, épouse de Zeus l’infidèle, surprenant celui-ci en galante compagnie, transforma la conquête féminine du Maitre des Dieux de l’Olympe, la nymphe Callisto parée d’une très grande beauté,  suivante de la chaste déesse Artémis en ourse…Après moult péripéties, le puissant Zeus, ému du sort de « la plus belle » la métamorphosa en la constellation de la Grande Ourse.

[3] : Expression provenant d’un poème de la « Diablesse boiteuse », Louise de Vilmorin, « Violon », tiré de son recueil « les Fiançailles pour rire ».

[4] : Locution latine de « jardin des délices ».

[5] : Détournement= fait à l’endroit de la fameuse chanson de Barbara : « Ma plus belle histoire d’amour c’est vous « composée en l’honneur de son public…

[6] Avant dernier titre de l’album « Tarentelle » de l’auteur-compositeur interprète Yves Duteil, 1977

[7] : En référence à l’album précité…

[8] : Allusion au musicien français, « mi moine, mi voyou », Francis Poulenc, dont le Conservatoire à rayonnement  régional de musique, de danse  et théâtre de Tours porte le nom.

[9] : Titre d’une chanson de film tirée de « Limelight », 1952, en français « les Feux de la Rampe » de Charlie Chaplin, texte adapté par Jacques Larue pour André Claveau.

[10] : Citation de trois œuvres dues au compositeur Maurice Ravel…

[11] : Évocation du fameux personnage incarné par Jean-Louis Barrault, le mime Baptiste Deburau dans le film de Marcel Carné « les Enfants du Paradis ».

[12] : Fragment de la « Chanson de la danseuse » de Colette in les « Vrilles de la Vigne »…

[13] : Détournement du fameux roman de Marcel Proust en sept tomes  écrit entre 1908-1909 et 1922 et publié entre 1913 et 1927 et dont « À l’Ombre des jeunes filles en fleurs » constitue le deuxième volume.

[14] : D’après le vers de Paul Verlaine issu de sa pièce « Art poétique », Recueil : « Jadis et naguère ».

[15] : Citation faisant référence à la chanson d’Yves Duteil provenant de l’Album « l’Écritoire » de 1974.

[16] : Allusion à la fleur de myosotis gage du souvenir ici désignée en Moyen français, et que Charles d’Orléans, le « Prince des poètes », célébra dans son corpus poétique pétri de métaphores, tandis qu’il fut prisonnier des Anglais durant plus de vingt cinq ans.

[17] : En référence à la chanson « Les dates anniversaires » tirée de l’album « Blessures d’enfance », d’Yves Duteil, 1990

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Commentaires

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    Pour des motifs de splendeur et servitude du "serveur" régissant les paramètres de publication de notre cher réseau, je n'ai pu mettre en ligne l'intégralité de cette "Lettre Ouverte à une Voix Orphique humaniste" dédiée à l'auteur-compositeur interprète, Yves Duteil, que je suis donc contrainte de présenter sous forme de feuilleton... Et pourquoi non ?

    Nous voici donc parvenus au terme du voyage en pays duteillien...

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