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CLARA BERGEL : DE L’EXISTENCE DU SUJET

                                   CLARA BERGEL : DE L’EXISTENCE DU SUJET

 

Du 19-03 au 06-04-14, L’ESPACE ART GALLERY (35, Rue lesbroussart, 1050 Bruxelles) se propose de nous faire découvrir une exposition consacrée à l’œuvre de l’artiste Française CLARA BERGEL.

Il y a dans la peinture de CLARA BERGEL une dialectique ressentie du décor, en ce sens qu’au contact avec sa peinture, le visiteur se trouve plongé dans un univers où le temporel et l’intemporel se confondent dans un même élan. Ses œuvres représentent souvent un décor divisé en son centre par une immense baie vitrée servant d’écran imaginaire, lequel, par le traitement délicat des couleurs, se confond avec ce qu’il y a au-delà de celui-ci, c'est-à-dire l’extérieur. Intérieur et extérieur deviennent consubstantiels, mariés par des couleurs tendres, parfois blafardes, ex. : CUPIDON (60 x 60 cm – technique mixte),

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lesquelles « séduisent » dans l’acception latine du terme (trahissent) le regard en l’égarant dans une myriade de reflets changeants, comme une image issue de la réalité qui se réfléchirait sur l’eau d’un lac. 

Deux visions fort sensibles de la ville de Londres, l’une diurne (CUPIDON), l’autre nocturne NUIT A LONDRES (60 x 60 cm – technique mixte),

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produisent le même effet diaphane. Cet effet est obtenu par une luminosité à outrance provocant un véritable éblouissement. Une fête des sens, car même si les personnages sont absents de ces deux toiles, celles-ci grouillent de vie. Les objets disposés dans l’espace adoptent carrément le statut de sujets.

Entre l’intérieur et l’extérieur, la frontière est fort ténue. Pour nous l’indiquer, un ensemble de pilastres en assurent la démarcation tout en accentuant la verticalité de la composition. Cette verticalité témoigne de la « réalité imaginaire » d’un écran lequel prolongerait le regard du visiteur.

La vue extérieure de CUPIDON nous offre une vision de l’architecture victorienne surmontée de l’Union Jack. De même que, sur la droite de la composition, une cabine téléphonique, d’un rouge éclatant, typiquement londonienne nous rappelle dans quelle ville nous nous trouvons.

Tandis que NUIT A LONDRES nous donne à voir un univers saisissant, baigné par un éclairage fauviste, unissant dans une même féerie chromatique intérieur et extérieur.

Il y a manifestement une opposition dynamique entre ces deux vues. Malgré le côté fauviste de la réalisation nocturne, il règne dans cette toile une atmosphère à la fois chaude et calme. Tandis que dans la vue diurne, l’opacité volontaire de l’œuvre provoque chez le visiteur un sentiment plus mitigé. Il y a plus de vie, peut-être même moins de « retenue », en ce sens que certains éléments, adéquatement placés, suscitent un semblant de « désordre » : la paire de chaussures rouges, un peu en retrait sur la droite de la composition - la statuette ailée de Cupidon, trônant en oblique, décentrée par rapport à son axe, sur son socle. Cela provoque un sentiment de « nonchalance » qui confère à l’ensemble une irrésistible légèreté.

TORII (60 x 60 cm – technique mixte)

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est à la fois une opposition ainsi qu’une symbiose entre cette haute civilisation ancestrale qu’est le Japon avec la civilisation occidentale.  La présence de personnages évoluant au cœur de la ville de Tokyo sur la droite (en extérieur), écrasés par une architecture de conception occidentale, symbolise le stress ainsi que l’impact de la société de consommation. Tandis que l’intérieur (lequel trouve également une partie de son espace sur la droite) évoque la civilisation ancestrale par le biais d’un intérieur traditionnel sobre, presque minimaliste. Sur la gauche de la composition, l’extérieur engage un dialogue avec la nature par une évocation de la végétation ainsi que par les poissons rouges nageant dans un étang. Entre les parties intérieure et extérieure, l’artiste confère une place d’importance à la culture par la présence de l’écriture hiéroglyphique. De même qu’à l’arrière-plan, une symbiose entre cette même écriture et la topographie (le plan de la ville de Tokyo) éclot dans le mystère d’un flou opaque. 

MANNEKEN (50 x 65 cm – technique mixte)

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nous présente un intérieur cossu (paire de chaussures à l’avant-plan cfr. CUPIDON), assez morne par opposition à l’extérieur où divers symboles de la ville de Bruxelles sont évoqués : Tintin et Milou ainsi que la Grand-Place et le Manneken Pis, un plan de la ville et bien sûr, l’empreinte du bilinguisme : un panneau de signalisation écrit dans les deux langues nationales.

Au vu de son œuvre, CLARA BERGEL nous pose, a posteriori, un questionnement, à savoir qu’est-ce qu’un sujet ? Est-ce la présence de personnages fait le « sujet » ou bien est-ce notre imaginaire qui le crée ? C’est là toute la problématique qui régit, notamment, l’art « abstrait ».

Bien que loin d’être « abstrait » au sens où l’Histoire de l’Art l’entend communément, l’œuvre de cette artiste recèle une « abstraction » toute personnelle dans la dimension onirique de son univers pictural. Ce sont les objets, chargés de rêve, sans être « surréalistes » à proprement parler qui participent de l’abstraction du quotidien jusqu’à le circonscrire dans une intemporalité abolissant l’espace et mettant en exergue un temps rêvé : la présence de pilastres sveltes, grimpant vers le haut, souligne le côté subtil et ténu de la ligne de démarcation entre l’intérieur et l’extérieur. Il est à noter qu’à l’exception de TORII (pour des raisons évidentes), tous les intérieurs se ressemblent, tant dans l’espace que dans l’architecture. Les objets suggèrent une atmosphère menant à l’action. Dans le cas de CUPIDON, ce sont la statue ainsi que les chaussures de couleur rouge, agencées à l’avant-plan, à droite, associés à la couleur laiteuse baignant le tableau qui donnent non seulement une atmosphère onirique, mais aussi une idée progressive du sujet en développement dans l’imaginaire du visiteur. Mais il s’agit ici d’un sujet non agissant physiquement : Cupidon tient son arc de la main gauche. L’artiste se permet une licence picturale en ceci que dans l’iconographie antique, le fils de Vénus s’apprête à décocher sa flèche fatale au bout d’un arc bandé. Ici, la flèche a manifestement atteint un cœur et l’action a déjà été accomplie. Le « sujet » a déjà agi. Il se situe au-delà de l’acte posé. C’est au regardant, à présent, de le poursuivre et le terminer. Par conséquent, le « sujet » est double : personnage et visiteur se complètent dans la même aventure. Rappelons, d’emblée, que dans toute forme de création, la démarche est identique : le récepteur complète par l’imaginaire l’action du personnage. Mais dans l’œuvre de CLARA BERGEL, cette démarche est flagrante.

De plus, le sujet est un thème qui dans sa peinture prête à discussion : que ce soit dans CUPIDON (où les personnages brillent par leur absence) ou dans TORII dans lequel une foule compacte évolue dans l’univers extérieur, le sujet, à proprement parler, est tué dans l’œuf, en ce sens que son identité est absente. L’artiste nous dépeint une foule anonyme où l’individu n’existe pas.

Lorsque l’on interroge cette artiste autodidacte sur la pertinence du regard  dialectique qu’elle pose sur l’existence des espaces intérieur et extérieur qui régissent la philosophie de son œuvre, celle-ci argumente sur le fait qu’il s’agit de « portraits » personnels, réfléchissant des pulsions intérieures et que l’antagonisme entre ces deux espaces souligne le mystère de l’inconnu (vue extérieure) opposé aux traces de vie, même les plus infimes (vue intérieure). Elle ne part jamais d’idées préconçues car les villes qu’elle peint, malgré qu’elles soient connues, demeurent imaginaires, précisément dans la magie de l’agencement de ces deux espaces, pensés comme deux univers à la fois antagonistes et complémentaires, car ils nous parlent de l’univers intime de l’artiste.

Sa technique est mixte et peut inclure, entre autres, la photo, le collage et l’acrylique. Elle dirige sa propre école de peinture à Grenoble, le « Studi02 ».

Si le sujet n’agit pas physiquement, il agit plastiquement, en ce sens que l’artiste fige son acte dans une intemporalité dialectique (un dialogue avec sa propre existence), offrant ainsi l’opportunité au visiteur d’être son alter ego dans l’action de compléter son acte par la pensée qu’il suscite en le conscientisant.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: 

Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.

 

A voir: 

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Clara Bergel et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles (19 mars 2014).

(Photo Robert Paul)

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Collection "Belles signatures" (© 2014, Robert Paul)

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Commentaires

  • Merci à François Speranza pour cet éclairage judicieux sur le talent de ces artistes qui passent dans l'Espace Art Gallery.

    Félicitations!

    Adyne

  • Speranza, je pense, veut dire Espérance.

    Merci pour vos commentaires concernant l'oeuvre magnifique de Clara Bergel.

    La "petite" qui, timidement, a osé s'immiscer dans la cour des grands .... car vous l'êtes à plus d'un titre.

    Si, si, ne protestez pas.

    A bientôt .... si vous le permettez. La Mère Grand, Rolande

  • Clara Bergel: L'atelier:

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  • La cérémonie du thé

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  • Big Ben

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  • Tel Aviv

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  • tout simplement magnifique,,,,,félicitations ,,,,,

  • Très architectural!

    Merci à François Spéranza, pour ses billets très explicatifs des œuvres présentées.

    Adyne

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