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Alvéoles - Le voyage de Judith (13 ... et fin)

Judith ne fut même pas surprise de retrouver Valérie à ses cotés, tant ses pensées étaient lentes. Elle était à la fois triste de partir, contente d'avoir de la compagnie, et soulagée que ce ne soit pas celle de Mimmo. Car s'il avait été là, tout aurait été bien plus difficile.

La jeune fille essayait de la secouer de toutes ses forces, mais c'était inutile. Judith s'était transformée en statue dure et insensible depuis longtemps. Elle qui avait encore réussi à sentir le pouls de Valérie sur ses lèvres il y a quelque temps – combien de temps était une question bien vague et très secondaire – ne ressentait aucune des secousses que lui infligeait la jeune fille.

La petite s'acharnait, lui parlait, criait probablement, mais les sons ricochaient sur les tympans de Judith, qui se les imaginait comme une impénétrable paroi métallique. Parfois elle voyait le visage tantôt rageur tantôt désespéré de Valérie passer devant le sien, mais elle ne pouvait rien lire sur ses lèvres déformées par la panique. Son acharnement lui faisait une impression très bizarre. Il était inutile et touchant. Allait-elle rester là pour l'éternité ? Après tout, c'était beau, ce ciel bleu clair comme dans le meilleur des jours, tout étoilé malgré cette lumière. N'était-ce pas ce que la jeune fille lui disait, d'ailleurs ? Étoiles ?

Non. Cela ne se limitait pas à cela. Elle ne disait pas que ça. Pas juste : étoiles, elle appelait son nom aussi. Sur ses lèvres, elle avait bien lu : Judith.

Tout au loin, elle avait aussi entendu son prénom, comme un écho aux mouvement des lèvres de Valérie, dont les larmes coulaient sur le visage, jusqu'à tomber sur le sien.

Et que Judith sentait, à vrai dire.

Elle sentait les larmes sur son visage, elle entendait Judith, elle entendait étoiles. Et quoi d'autre ? Judith pouvait-elle encore entendre d'autres mots ? Elle se concentra, essaya de capter au mieux les syllabes mimées qui passaient devant ses yeux immobiles.

Chez toi.

Les étoiles c'est chez toi. Voilà, le message était clair. Judith allait vers les étoiles. Non ?

Non. Il y avait d'autres mots. Chez moi. Les vraies étoiles. Quoi ? Les étoiles immobiles sont de vraies étoiles ? Pour la première fois depuis une éternité, Judith parvint à écouter.

— Ce sont les vraies étoiles du vrai ciel, Judith ! Je les vois !

Judith entendait tout, à nouveau.

Mon Dieu, le vrai monde est là, et je ne vois pas ?

Valérie avait-elle remarqué un changement ? Un peu de vie s'était-elle immiscée dans les yeux de la jeune mariée ? C'était bien possible, car maintenant elle ne montrait plus son visage, comme si elle savait que Judith pourrait à nouveau bouger sous peu. Au contraire, elle lui parlait encore plus vite et encore plus fort.

— Judith, toute cette boue noire, tu n'es pas tombée dedans, tu l'as absorbée, elle est en toi ! Tu comprends ? À l'intérieur ! Je l'ai vue ! Crache la boue, Judith, crache la boue pour revenir avec moi, j'ai accroché les vraies étoiles, je ne les lâche pas ! Papa et maman sont là près de moi, ils me tirent loin loin vers les étoiles, tu dois cracher tout et prendre ma main ! Crache, sinon tu continueras à peser des tonnes. Crache, s'il te plaît !

Je rêve ? Elle me tape sur le ventre ? Elle me donne des coups de poings ?

Judith fit des bonds de carpe mentaux : elle sentait les coups de Valérie sur ses abdominaux. Ab-do-mi-naux ! Quatre syllabes ! Judith sentit monter sa joie de retrouver les mots. Les mots ! Mes mots. Mimmo ! Je veux te voir !

Judith se souleva avec violence, à la surprise de Valérie, qui lui saisit immédiatement la main et la serra de toutes ses forces. Elle se retrouva à quatre pattes – enfin, trois – toujours aussi nue. Un spasme d'une violence inouïe secoua son corps tout entier, à tel point que Judith crut que le moindre de ses os allait se détacher de sa chair. La douleur qu'elle ne ressentait plus depuis une éternité faillit lui faire exploser le cœur et la tête. Son champ visuel se rétrécit dangereusement, puis se dilata d'un coup, avant de se résumer une fois encore à un petit point lumineux.

Valérie cria une ultime fois : crache, et cette fois fut la bonne. La noirceur boueuse qui avait tant effrayé la jeune femme lui sortit par tous les orifices, s'épanchant dans l'herbe immobile.

Puis une violente lumière vint tout effacer.

 

 

 

Ainsi s'achève le "Voyage de Judith", qui constitue l'une des multiples trames de mes "Alvéoles". J'espère avoir diverti celles et ceux qui ont suivi les divers personnages de ce drôle de rêve...

 

Que sont devenues Judith, Valerie et ses parents? Seul l'épilogue du roman peut vous éclairer. Je peux vous en dire deux choses.

 

D'une part, j'ai voulu que mon premier roman termine sur une note positive.

 

D'autre part, j'ai depuis tout petit une vilaine manie: je laisse toujours les portes ouvertes.

 

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Commentaires

  • Merci! Ces textes constituent quelques épices inhabituelles dans une trame de thriller bien plus classique, mais j'ai eu plaisir à en (ab)user!

  • Merci, j'ai beaucoup aimé. Et bravo pour l'écriture, qui est très belle.

  • Merci Pascale!

  • Bravo et merci pour cet agreable moment

     

  • Hello Joelle,
    Merci pour ton commentaire!
    Oui oui il y a un livre, oû l'on apprend à la fois pourquoi Judith se retrouve dans son état comateux... Et l'étonnante issue de son voyage.
    Si tu es tentée, je te renseigne sur les moyens de le trouver (la distribution est très limitée en librairie, être son propre éditeur comporte certaines contraintes)
    Bonne soirée!
    Eric
  • Bonjour Catherine, j'en déduis qu'amazon a été efficace? Je suis content que mon ouvrage vous accompagne!

    Bonne lecture à vous... Et bon courage pour votre déménagement!

    Eric
  • Merci Eric pour les derniers écrits...je ne les ai pas lu et je ne les lirais pas sur le site! pour la simple et bonne raison..surprise dans ma boite aux lettres ce matin! c'est d'autant plus excitant de lire un roman dont on connait  l'auteur par les échanges sur le net. Pour le moment je m'imprègne du papier, je feuillète rapidement. Je suis contente en observant l'impression, c'est aéré donc pas rebutant pour quelqu'un comme moi qui ne lis pas souvent. Le comble c'est que je suis dans le tri et les cartons(déménagement futur) et que je me débarrasse d'une quantité démesurée de livres! voilà un petit dernier qui me suivra dans notre nouvelle maison.Bonne journée Eric, peut-être qu'entre 2 cartons je m'installerai dans le canapé livre en main..et si ce n'est pas pour tout de suite, pas grave il est là maintenant, il m'attend! amitiés Catherine
  • À lire, c'est selon votre bon plaisir.
    Je vous donne rendez-vous sur amazon, sur mon propre site, ou sur ce réseau (https://artsrtlettres.ning.com/events/alveoles-roman-votre)...
  • Merci de ce partage. C'était captivant. A lire donc...
  • Merci Eric.
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