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L’artiste peintre Amraoui Hassane : marginal,
avez-vous dit ?
Par Zoubir Khelaïfia
Sa muse inspiratrice, c’est la terre ancestrale. Il s’y attache viscéralement, lui dont le talent
artistique n’a d’égal que cette euphorie lorsqu’il se met devant sa toile pour narrer, le pinceau à la
main, l’aridité et la sévérité des Aurès, sa région natale. «Le douar, c’est moi-même, c’est mon école,
et il y restera pendant toute mon existence», aime-t-il à répéter dans sa langue maternelle.
Cette langue qu’il maîtrise parfaitement et qui est à l’origine d’une mésaventure dont il parle
aujourd’hui avec les stigmates au fond de son âme : «J’ai reçu une gifle parce que j’ai répondu en
chaoui, la seule langue que je connaissais à l’époque, à mon enseignant qui me demandait la profession
de mon père.» Cette gifle a été si forte qu’il s’en souvient toujours. L’artiste de renommée
internationale se nomme Hassane Amraoui. Il est né en 1969 à Tifrène (grottes en chaouie dans la
région de N’gaous. Il a vu le jour au coeur des Aurès, dans un douar entouré de montagnes où la nature
subjugue tant par sa sévérité que par son paysage féerique.
Rural qu’il est, il se retrouve à N’gaous, une agglomération dont il garde des souvenirs impérissables.
«Pour la première fois, j’ai découvert ce qu’il y avait derrière les montagnes qui entourent mon village.
Je me suis retrouvé dans un monde qui m’était complètement étranger», relate Hassane sur un ton
nostalgique.
Ses premiers «balbutiements» dans la peinture, il les tient de sa mère et de son père. Il avait alors un
penchant pour les couleurs. Sa première source d’inspiration : les tapis et les poteries confectionnés par
sa mère. «Quand j’étais petit, j’aidais ma mère à étendre les tapis aurésiens. Je ne cessais de contempler
les formes merveilleuses et les couleurs utilisées. Mon père, de son côté, sculptait des formes pour faire
fuir les animaux qui saccageaient ses jardins.» En plus de ces deux sources d’inspiration, une émulation
est née entre lui et son frère aîné, dessinateur de son état. «J’ai volé une boîte de peinture à l’huile qui
appartenait à mon enseignant. Je me suis mis ensuite à peindre les paysages de mon village», avoue
Hassane qui affirme que son grand-père a grandement manifesté son intérêt pour ces peintures, lui qui
était analphabète.
Forgé dans la dureté de la vie !
A partir de là est né ce penchant pour la peinture qui fera plus tard d’Amraoui un artiste peintre
d’envergure internationale. La vie l’a aussi forgé, lui qui faisait quotidiennement 12 km à pied pour se
rendre au collège. Malgré cette endurance et la souffrance, Hamid ne continue pas moins à s’intéresser
à la peinture surtout qu’il est encouragé par ses enseignants, Mme Aziz Djohra et M. Mahmoud
Mekhloufi. Dans une sorte d’amitié infaillible, la peinture et Hassane ne se quittent plus. Une relation
passionnelle. Lui respire l’art, et la peinture lui rend fidèlement cet amour.
Après son insuccès au baccalauréat, l’enfant des Aurès, à l’image des jeunes de sa génération, passe
plusieurs concours.
Il commence par entrer à l’Ecole des beaux-arts de Batna en 1987 où, pendant trois années, il consolide
ses connaissances dans la peinture. De ce passage sont nées des amitiés avec d’autres artistes comme
Adel Abdessemed, devenu par la suite un artiste peintre d’envergure internationale, et bien d’autres qui
ont aussi fait du chemin en la matière. Il cite entre autres le défunt Allam Ammar dont les oeuvres sont
restées dans la postérité.
Le plaisir du savoir
Sa soif d’apprendre le conduit en 1991 à l’Ecole des beaux-arts d’Alger où il s’est spécialisé dans la
sculpture. Mais ce passage est furtif : «A un moment donné, j’ai senti que les sculpteurs déforment les
choses qui, à mon sens, sont déjà sculptées. C’est ce qui a fait que je reviens vers la peinture» explique
Hassane. En fait, il revient vers ses premières amours, la nature, le paysage et surtout la pierre qui
devient plus tard le noeud gordien de toutes ses oeuvres : «Je suis très attaché à la nature et au paysage
rocailleux de ma région natale. J’ai réussi à développer un langage artistique et philosophique à travers
et pour la pierre.»
C’est un tournant décisif dans la vie artistique d’Amraoui qui considère à juste titre que la pierre est un
élément éternel :«La preuve, toutes les civilisations ont mémorisé leur histoire dans la pierre», ne
cesse-t-il de répéter. Le pas est franchi et Hassane se spécialise désormais dans les gravures rupestres,
dans le Tassili et dans les Aurès qui, pour lui, représentent tout un univers. «Les gravures rupestres de
la préhistoire représentent un musée à ciel ouvert.»
Le baroud d’honneur
Dans cet univers, notre artiste a trouvé des réponses à toutes les questions qui lui ont toujours taraudé
l’esprit. Une nouvelle page s’ouvre et Hassane quitte Alger à la recherche de soi, loin des villes où
l’artificiel supplante le naturel. A la recherche aussi d’autres cieux où son art serait considéré à sa juste
valeur. Mais avant de partir, il signa une sorte de baroud d’honneur, traduit par plusieurs expositions à
l’université de Bouzaréah, celles de Constantine et d’Oum El-Bouaghi et enfin au siège Aurès El-
Kahina. Il a vite compris que son oeuvre ne trouve pas preneur dans son pays.
Raison pour laquelle il a décidé de partir, loin de l’incompréhension. Il s’est souvent d’ailleurs surpris
à penser que s’il avait à choisir entre le paradis et l’exil, il opterait pour la seconde solution.
La Tunisie sera son point de chute. Commence alors une nouvelle voie pour ce marginal très prompt à
tout claquer pour recommencer une nouvelle vie. Amraoui refuse l’avilissement.
Il est d’une fierté qui frise parfois le ridicule : «J’ai loué un studio à Sidi Boussaid, dans la banlieue
tunisoise où j’a rencontré Nacer Boudjou, journaliste et artiste peintre qui vit aujourd’hui en Belgique.
Il m’a parlé d’El Teatro, l’équivalent du Mama d’Alger, et de Mahmoud Chebli, galeriste et artiste
photographe.» Une fois le contact établi, ce dernier, en regardant mes tableaux, a accepté l’idée des les
exposer dans sa galerie. Ma première exposition dans ce pays s’intitule «Tifrène, Tassili revisité».
S’ensuivirent alors plusieurs autres expositions dont «Imazighen Blues». Très sollicité par la presse de
ce pays, Hassane gagne en notoriété. Plusieurs journaux ont fait l’éloge de cet artiste sorti de nulle part.
Il retourne en Algérie, histoire de se ressourcer.
Tassili, ma passion !
Il découvre le Tassili, immense désert auquel il voue une admiration sans limites. « J’ai commencé à
bourlinguer à travers le désert que peu à peu j’ai découvert. J’ai mis tous mes moyens au profit de cette
découverte qui pour moi reste la plus belle de ma vie.» Pendant 5 ans, l’artiste s’isole pour peindre des
toiles sur les dunes de sable. Mais une fois son travail terminé, il repart en Tunisie en laissant tous ses
tableaux en Algérie. «Une fois arrivé dans ce pays, je peins tout ce que je garde dans mon être», raconte
Amraoui qui garde un très mauvais souvenir de son exposition au palais de la Culture lorsque sans
raison aucune, ses toiles ont été retirées. «Je n’ai même pas cherché les raisons de ce geste, parce que la
réponse je la connais depuis mon enfance. J’espère que ces mentalités changeront un jour.»
En 2005, il prend son inséparable sac et repart à la conquête de l’art, d’autres civilisations et d’autres
mentalités. Il atterrit à Montréal. Fort de son expérience tunisienne, il fera vite sensation. En 2006, il
réalise sa première exposition «Où va le monde» ? dans le pays des élans. Il enchaîne sur plusieurs
autres expositions individuelles et collectives.
Ses oeuvres fascinent à tel point qu’il est trop souvent sollicité. D’ailleurs, il va exposer dans quelques
jours à Cherbrouk et à l’université Niagara d’ Ottawa. Dans ce pays, il a trouvé égard et considération
tant pour l’être humain que pour la culture. Mais il ne compte pas s’y installer définitivement tant il
voue à son pays un amour incommensurable, démesuré.
Même si sa femme et sa fille, Daya et Numidia, y vivent, l’Algérie est pour lui irremplaçable.
Hassane est reparti au Canada au lendemain de cette rencontre. Il n’a rien perdu de sa vivacité, le
sourire toujours aux lèvres et il ne s’empêche jamais de lancer des mots dans sa langue maternelle
même si ceux qui l’entourent n’en comprennent rien. Comme s’il attend une autre gifle mais celle-là
plus amicale que celle qu’il a reçue lorsqu’il était gamin. Z. K
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Publié(e) par 27 décembre 2013 à 15:34 0 Commentaires 0 J'aime
Publié(e) par 24 décembre 2013 à 16:26 0 Commentaires 1 J'aime
Publié(e) par 24 décembre 2013 à 15:55 0 Commentaires 1 J'aime
Biographie : Hassane Amraoui
Depuis 20 ans, cet artiste prolifique au talent exceptionnel crée et expose, en solo ou en collectif, dans les lieux les plus prestigieux en Afrique du Nord (Algérie et Tunisie surtout), en Europe (France) ailleurs sur le continent mère Afrique (en 2007, il a participé à une exposition collective à Libreville au Gabon) et aussi, ces quatre dernières années, il est présent sur la scène culturelle montréalaise. Il est parmi les professionnels les plus remarqués…
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Menneken-Pis. Tenue de soldat volontaire de Louis-Philippe. Le cuivre de la statuette provient de douilles de balles de la révolution belge de 1830.
(Collection Robert Paul).
© 2021 Créé par Robert Paul.
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Bonjour et merci d'avoir voulu me contacter?
Mais pourquoi?
J'aime énormément votre peinture. Bravo
Nous sommes nous rencontré quelque part? Paris? Alger? Pékin?
J'admire également Kateb Yacine que j'ai rencontrer à Alger en 1973
Fondateur réseauRobert Paul a dit...
Bravo