Le réseau des Arts et des Lettres en Belgique et dans la diaspora francophone
Manon,
J’ai été rappelée au boulot. Je reviendrai vers 20 heures.
Il y a des pâtes dans le frigo.
Ton père finit sa garde après minuit.
Je t’embrasse. Maman.
Manon reste plantée devant ces quelques mots. Une sensation lui tord l’estomac : Coupable, la fuite de ses parents !
Le memo a rejoint les pâtes dans la poubelle.
Manon avale ses pensées.
Elle mâche et remâche sa colère. Elle rumine ses mots. Manon n’a pas faim, elle s’alimente de sa tristesse.
Enfermée dans ce corps qu’elle déteste, prisonnière des chaînes de la détresse, elle ne sourit plus.
Etouffée par ce monde cruel, dévastée par l’envie d’être belle, elle ne pense plus.
Obsédée par son poids, jour et nuit, forcée de traîner son corps maigre et sans vie, elle ne mange plus.
Déchirée tous les jours par le noir, fatiguée de vomir son désespoir, elle n’en peut plus.
Etranglée par son besoin d’amour, décidée à partir pour toujours, ce soir elle ne rit plus.
Sa vie est sans faim.
Seule, dans cette grande maison, Manon trouve le silence angoissant. La musique, toujours la même, rythme le noir de son désespoir.
Cendrillon, pour ses vingt ans, est la plus jolie des enfants…[1]
Manon sent son ventre crier famine. Son corps réclame avec avidité de déguster des dessins de fleurs. De savourer la chaleur de Mozart et d’un violon, sel de vie. De se délecter des rires du soleil et des rêves d’étoiles.
Elle n’a plus le goût de vivre. Seule, sa main décharnée se blesse à l’os saillant de la hanche. Manon sourit. Douce violence.
Seuls, ses doigts maigres suivent les petites rivières que sont ses veines.
Manon sourit. Douce violence.
Seuls, ses genoux osseux se cognent. Echos lancinants d’osselets jetés sur une table de jeux.
Manon sourit. Douce violence.
Manon se laisse bercer par la musique. Sa seule amie les soirs affamés de tendresse.
Elle oublie le temps. Dans son palais d’argent. Pour ne pas voir qu’un nouveau jour se lève. Elle ferme les yeux et dans ses rêves. Elle part, jolie petite histoire…
… d’un morceau de chocolat ! Une pensée brutale : « Tu n’as pas le droit. Tu ne mérites pas de te faire plaisir puisque personne ne t’aime. Et tu ne veux pas ressembler à une énorme vieille fille, pas vrai ? Ecoute-moi… Tu resteras une adorable petite fille ! »
Elle commence à boire. A traîner dans les bars. Emmitouflée dans son cafard…
Sa peine se noie dans un verre d’alcool. Ses larmes, amères, coulent. Inaperçues. Des fantômes.
Manon est un fantôme. Un être sans chair. Un fantôme du vide. De l’absence. Du rien. Un fantôme si léger que le moindre souffle de vent pourrait l’emmener avec lui.
Elle étrangle son verre pour se remplir le cœur.
Manon se sert un autre verre d’alcool. Il y a des traces de vie dans l’eau de vie et, quelques petites pilules recluses dans leur prison de carton argenté.
Elle hésite un moment. Joue avec les comprimés. Elle avale le tout avec la même passion que les bonbons multicolores de l’enfance.
L’aiguille de l’horloge a continué son chemin et a largement dépassé 3 heures.
Un nuage de lait ponctue le ciel de la nuit. Noire.
Manon s’assoupit, épuisée. Les blessés de l’âme le savent. C’est lorsque nous fermons les yeux que nous voyons le mieux.
Un coma éthylique la guette.
… Elle tue sa dernière chance. Tout ça n’a plus d’importance.
Un coma idyllique pour écrire le mot fin.
Elle part. Fin de l’histoire.
Un sourire serein habille son visage. Un sourire d’ange.
Notre Père qui êtes si vieux. As-tu vraiment fait de ton mieux. Car sur la terre et dans les cieux. Tes anges n’aiment pas devenir vieux.
Quelques mots oubliés sur la porte du frigo.
Ne plus être.
Ne plus devenir.
Pour enfin exister.
Publié(e) par 17 février 2011 à 9:47 1 Commentaire 0 J'aime
- Crac !
La branche murmure sa douleur. L’homme trébuche et continue son chemin.
Perché au sommet d’un gros chêne, Jean le solitaire se perd dans sa vie. Il regarde l’agitation des chiens et des hommes à ses pieds.
Le cœur froid et sans espoir, l’homme pense…
- Craac !
Une branche se plaint dans un chuchotement.
Dix jours que Jean passe d’arbre en arbre, à fuir ses tragiques souvenirs vécus avec…
ContinuerPublié(e) par 14 février 2011 à 20:56 1 Commentaire 0 J'aime
Faim de vie.
Manon,
J’ai été rappelée au boulot. Je reviendrai vers 20 heures.
Il y a des pâtes dans le frigo.
Ton père finit sa garde après minuit.
Je t’embrasse. Maman.
Manon reste plantée devant ces quelques mots. Une sensation lui tord l’estomac : Coupable, la fuite de ses parents !
Le memo a rejoint les pâtes dans la…
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IV. 1940-1960 : Une littérature sans histoire
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Menneken-Pis. Tenue de soldat volontaire de Louis-Philippe. Le cuivre de la statuette provient de douilles de balles de la révolution belge de 1830.
(Collection Robert Paul).
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Après 11 mois de retard : Hello ;-)
C'est un plaisir que savoir mes tableaux dotés du pouvoir de transport. J'essaye plus, de créer cette sensation de voyage aux travers de mes petites poésies ou pensées sur ma page blogues ou notes ! Mais c'est vrai qu'arriver à provoquer l'évasion par le regard sur une toile c'est le but que se donne tout peintre digne de ce nom
Alors merci pour votre "transport" !
Bonjour Christel, j'ose espérer que nous aurons le bonheur de quelques échanges heureux. Sans savoir du talent comme vous en avez, je m'ose à quelques petites fantaisies littéraires, mais je suis avant tout peintre, par état d'âme.Jouer avec des pinceaux n'empêche pas d'aimer la poésie.
Bonsoir,
Pas encore lu vos textes, du moins en profondeur, seulement vu quelques passages, des mots... envie de plonger dans votre écriture et d'en savoir davantage sur vous.
Jacques