Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

12273103273?profile=original"Du sublime" est un traité de critique littéraire dû à un rhéteur grec inconnu, du Ier siècle de notre ère. Depuis que Francesco Robortello l'a publié en 1554, l'attribuant par erreur à Longin, et depuis que Boileau en a donné une traduction en 1674, ce petit livre anonyme est l'un des textes les plus célèbres de la littérature grecque.

C'est une sorte de riposte à un traité, publié sous le même titre, par Cécilius de Calacte (né vers 50 av. JC.?) qui, reprenant les préceptes de Denys d'Halicarnasse contre le style emphatique des Orientaux, -plein d'artifices et de fioritures, -préconisait le retour au naturel attique à l'instar des grands classiques.

Mais l'auteur anonyme estime que le naturel ne suffit pas pour atteindre au sublime: il lui faut aussi le soutien de l'art. Il énumère tous les défauts que l' inexpérience peut faire prendre pour moyen de parvenir au sublime: l'emphase, la puérilité, l'enthousiasme sans raison. Suit la liste des sources de la véritable beauté: d'une part, les dons naturels de l'écrivain (faculté de concevoir des pensées élevées, enthousiasme raisonné, passion) et, d'autre part, les qualités qui s'acquièrent par l'étude (style imagé, noblesse d'expression grâce à un choix judicieux de termes et de métaphores). Formés de tous les éléments de la rhétorique usuelle, ces arguments ne servent en quelque sorte que de prétexte à l'auteur qui, étant bien l'homme de son temps, se propose surtout de fournir sa contribution à l'enseignement de l'art oratoire. En effet l' éloquence était considérée alors comme l'apogée de la culture. Il se plaint, lui aussi, de la décadence de l'art et préconise l'imitation des chefs-d'oeuvre classiques. Jamais, cependant, son étude des règles ne devient pédante: il sait que le raffinement dans la forme n'est pas un but en soi, mais un moyen artistique; il conseille de garder la mesure en tout. Tandis que le courant littéraire dominant (l' atticisme) se perd dans des recherches de style et s'épuise en un froid purisme, il devine qu'il faut avant tout reprendre un contact spirituel avec les grands écrivains du passé. C'est ce qui fait l'intérêt de son traité: le fait de reconnaître que les bases du sublime résident dans tel ou tel idéal de l'esprit créateur plutôt que dans des formules mortes. "Le sublime, dit l'auteur, c'est l'écho d'une grande âme". On ne saurait le trouver là où la passion est feinte. Imiter, cela signifie élever sa propre pensée au niveau des illustres modèles. Nous ne trouvons, en réalité, aucune définition proprement dite du sublime. Ses divers aspects sont simplement énumérés, dans une abondante suite d'exemples, choisis avec soin chez les plus grands poètes et prosateurs. Au dire de l'auteur, il y a dans le sublime un moment a-logique, presque mystique: le sublime ne tend pas à persuader, mais vise à l' extase, au ravissement inattendu et total: en sa présence, l' âme exulte comme si elle avait créé elle-même ce qu'elle a seulement reçu. Certes, il peut entraîner parfois des défauts chez l'écrivain; mais sa grandeur, même incomplète, vaut plus qu'une impeccable médiocrité. Notre rhéteur anonyme, allant contre les goûts de son époque, déclare préférer Homère aux Alexandrins, Pindare à Bacchylide, Démosthène à Hypéride et à Cicéron, Platon à Lysias. Gardons-nous cependant de surestimer ses arguments presque romantiques et de faire de lui un précurseur des théories esthétiques modernes: en rejetant de l'art l'imagination pure, l'irraisonné, l'invraisemblable, le romanesque, il demeure  classique et grec. Par-dessus l'école d' Alexandrie, il se rattache au concept de l'art pris en tant qu'idéalisation du réel; il soutient par exemple que la puissance d'Homère s'affirme dans l'action et dans le choc des passions de l' "Iliade" et le déclin de ce même génie dans les peintures de moeurs de l'"Odyssée". En résumé, la pensée essentielle de l'auteur, dépouillée de toute la rhétorique de son temps, est que le grand art, l' art sublime, naît de la noblesse d' âme et de la sincérité de l'artiste. Se penchant, avant de conclure, sur le problème de la décadence littéraire, il peut donc prouver qu'elle ne provient pas uniquement de la perte des libertés politiques (comme on le soutenait alors), mais encore et surtout du relâchement de la conscience chez les artistes.

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles