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"Les suppliantes" est une tragédie d'Euripide (484 ? - 406 avant JC.), inspirée par les événements de 424 et composée, vraisemblablement, entre 424 et 421. L'auteur met en scène les faits qui suivirent la guerre légendaire des "Sept contre Thèbes" menée par Adastre, roi d'Argos: les Thébains ayant refusé de rendre les corps des guerriers dans la bataille, Thésée, roi d'Athènes, vint en aide à Adastre et, par la force, contraignit les adversaires à ce devoir religieux. Nous voyons là, de façon évidente, une allusion aux Thébains qui, en 424, refusèrent de conclure une trêve avec les Athéniens qui voulaient recueillir leurs morts et leur rendre les honneurs funèbres après la malheureuse bataille de Délion. Les "Suppliantes", qui ont donné leur nom à la tragédie, ce sont les mères des guerriers morts: conduites par Adastre et suivies d'une troupe d'orphelins, elles arrivent à Eleusis (où se passe l'action) pour implorer l'appui d'Athènes. Ces mères douloureuses sont prosternées devant le temple de Déméter, le front du bandeau des supplications, tressé de rameaux d'olivier. Aethra, mère de Thésée, sort du temple et, touchée par ces lamentations, mande son fils. Il paraît et Adastre lui fait le récit de sa déroute et de la conduite impie des vainqueurs. Mais le roi refuse son aide, estimant que les Argiens ont mis les torts de leur côté en déclarant la guerre aux Thébains, en dépit des nombreux présages et oracles par lesquels les Dieux s'étaient manifestés: que le peuple d'Argos expie à cette heure sa présomption et ne vienne pas demander à autrui d'affronter pour lui les horreurs du combat. Mais les mères argiennes ne cessent d'implorer Thésée de façon si émouvante qu'Aethra intervient à nouveau en leur faveur pour rappeler à son fils que les Grecs ont une grande loi commune: le respect des morts. La défense de cette loi sera, pour Athènes, un honneur éternel. Thésée (figure très conventionnelle de la sagesse et de la vertu) cède enfin aux prières et aux arguments de sa mère et se prépare à envoyer à Thèbes des messagers qui devront ramener les morts. Si les Thébains refusent de les rendre, il demandera à son peuple de prendre les armes, et son peuple y consentira. Thésée, en effet, n'est pas un tyran (cette expression constitue en quelque sorte, de la part d'Euripide, un anachronisme dont la signification est proprement patriotique): roi, il conduit son peuple, tout en le laissant libre, et le peuple lui est fidèle. Le choeur entonne alors un hymne de louanges et de grâces en l'honneur d'Athènes. Mais voici venir un messager thébain qui demande à Thésée de chasser les "suppliantes" hors de ses terres et le prévient que son maître se refuse à céder les corps de ses ennemis; ni les supplications, ni les menaces ne le feront fléchir.

Il importe ici, de relever un détail: avant que le messager n'expose à Thésée l'objet de sa mission, un curieux débat s'engage entre eux, débat où il n'est question que des mérites et des défauts de la démocratie et de la tyrannie. Ce passage, tout à fait éloigné du sujet et sans intérêt au point de vue dramatique, a sans doute deux raisons d'être: d'abord, il permet au poète d'exposer des idées qui lui sont chères; en outre, il lui fournit l'occasion d'étoffer et d'animer d'avantage une intrigue assez mince. Thésée répond au messager qu'à une telle vilenie la force seule peut être opposée et qu'il saura contraindre Thèbes à obéir aux lois humaines et divines. Rompant avec l'unité de temps, suit, après le départ du héraut, un intermède chanté par le choeur: la guerre a pris fin, sans qu'on sache encore l'issue du combat; et les femmes, après avoir exprimé leurs doutes et leurs angoisses, se laissent gagner par la confiance, espérant bien que le bon droit a triomphé. Un messager arrive, apportant la nouvelle de la victoire: la bataille a été livrée sous les murs de Thèbes et gagnée. Le messager entreprend alors de faire une minutieuse description de la bataille: il rapporte que Thésée, armé d'une massue, a fait des prodiges et, vainqueur, a eu la sagesse de ne pas abuser de son succès; il s'est contenté de se faire livrer les dépouilles des morts puis, après avoir enseveli les simples soldats et avoir rendu à tous, de ses propres mains, les honneurs funèbres qui leur étaient dus, il a décidé de ramener à Athènes les restes des chefs. La voix du choeur s'élève de nouveau, mêlée d'accents de joie et de douleur: joie à cause de la victoire, douleur à la vue des corps des héros. Car voici Thésée qui s'avance en tête d'un long cortège funèbre portant sept cercueils. Deux sont vides: le corps de Polynice est demeuré à Thèbes, celui d'Amphiaraos a été englouti dans un abîme. Thésée demande alors au roi d'Argos de lui parler de chacun des héros qu'il ramène. Adraste entame donc un long et brillant discours en l'honneur des cinq héros dont les corps sont présents: Capanée, Etéocle, Hippomédon, Parthénopée et Tydée. A la suite de quoi, Thésée annonce son intention de dresser deux bûchers distincts: l'un pour le seul Capanée, -devenu sacré, car il a été foudroyé par Zeus, -que l'on élèvera sur les lieux mêmes devant le temple de Déméter, et le second bûcher, un peu à l'écart, pour les quatre autres. Tandis que les serviteurs préparent le bûcher de Capanée et que le choeur reprend son chant de deuil, survient Evadné, la femme de Capanée: elle a revêtu des habits de fête, ses vêtements nuptiaux car elle vient célébrer une nouvelle union, ses noces avec la mort. Et, sans plus attendre, elle se précipite du haut du tertre sur le bûcher de son époux. Cet ultime geste d' amour s'accomplit sous les yeux du père d'Evadné, le vieil Iphis. Paraît un nouveau cortège: celui des enfants des héros, accompagnés d'Adraste et de Thésée portant les urnes renfermant les cendres de leurs pères. Tandis que les enfants invoquent leurs pères pour qu'ils les assistent dans leur vengeance, Thésée leur souhaite affectueusement de réaliser un jour leur dessein et, chaudement remercié par Adraste, se prépare à rejoindre sa cité. A ce moment, Athéna apparaît au-dessus du temple et commande à Thésée d'ensevelir en Attique les cendres des valeureux Argiens, afin que leurs tombes soient le gage d'une éternelle alliance entre Athènes et Argos. Thésée promet d'accomplir les ordres de la déesse...

Les éléments patriotiques et historiques, les longs débats sur des thèmes moraux et politiques, ont toujours tenu un rôle important dans le théâtre d'Euripide; mais jamais, ils n'ont eu une part aussi importante que dans cette pièce qui paraît n'avoir été écrite que pour les exprimer. En fait, on devine aisément ce qui justifie leur présence: l'action de sa tragédie étant si faible qu'elle ne pouvait se suffire à elle-même, le poète s'est proposé de l'étayer et de l'animer, non en créant des personnages mais en recourant d'une part à un lyrisme débordant, souvent fort beau comme dans les chants funèbres, et, d'autre part, en insérant de longs discours de circonstances. Un seul épisode suffit à montrer la puissance géniale de son art: celui qu'il a consacré à Evadné. N'oublions pas, en outre, que cette tragédie devait produire un grand effet à la scène par la présence continue des femmes en pleurs, -qui ne sont pas de simples témoins, mais participent constamment au drame, -et le défilé des cortèges funèbres, le tout renforcé par la musique qui accompagnait les longues complaintes. 

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