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Un joli marché JGobert

Dans mon enfance, les distractions n’étaient pas très nombreuses. Les personnes  qui, vivaient, habitaient près d’une frontière profitaient souvent du jour du marché pour aller promener, se divertir. Une sortie hebdomadaire, un rituel que rien, ni personne ne pouvait interdire ni le temps chaud ou pluvieux.  Dans ces petits villages frontaliers, tout évoluait autour du marché.

Chaque mardi midi, les gens arrêtent leurs activités pour se rendre sur la place du marché. Un lieu plaisant, arboré, festif, enjoué parfois où toutes les nouvelles se disent, se répandent, se propagent. De nombreux petits cafés restaurants à l’ancienne entourent la place, le monument aux morts et les amateurs de picons et d’arc-en-ciel doivent bien se tenir.

La place du village est sur le sol français. Le drapeau tricolore posé sur la façade de la mairie. L’église et le petit chemin dallé fait frontière, un couloir étroit, pavé et réservé uniquement aux habitants belges qui assistent à l’office. Une convention entre les deux pays pour le partage de l’église.

Vers midi, les premières camionnettes arrivent et se rangent sur la place. Des commerçants ambulants, dans la bonne humeur, ouvrent et installent les tréteaux avec la marchandise. Marchands de tissu, marchands chaussures, marchands de chapeaux sont prêts. Tout est là en quantité.

En face, les cages alignées du maquignon, reconverti en vendeur de petits animaux, poules, poulets, dindes, canards. Pigeons. Attachées à l’arrière du camion, deux jolies petites chèvres blanches qui se demandent ce qu’elles font là.

Le centre de la place est réservé à l’alimentation. Un charcutier, un boucher, un boulanger et des marchands de légumes et de fruits sont installés. Des œufs frais, du beurre et du fromage tout droit sortis de la ferme. La fermière en tablier a bonne mine. Les étales regorgent de caisses pleines et débordantes. Tout ce joli ensemble, tous ces gens se font entendre dans un tintamarre  joyeux.

L’attention des passants et surtout des enfants est attirée par les deux petites chèvres. La  chèvre de Monsieur Seguin est de retour sur le marché et dans toutes les mémoires. A cette époque, ces belles histoires sont contées à l’école et tous les enfants en ont entendu parler.

La route frontalière sépare le marché en deux parties et les gens voyagent d’un pays à l’autre sans que les douaniers n’interviennent. A cette époque, les frontières existent toujours et sont surveillées constamment. Les frontières sont tombées dans la nuit du 31 décembre 1993.

Les autorités du village, eux aussi, sortent de la mairie et se promènent entre les citoyens répondant gracieusement aux salutations. L’ambiance est amicale. Belges et français s’entendent bien.

Un petit garçon, un peu plus déluré que les autres, a repéré les petites chèvres. Il les admire assis sur l’escalier du petit restaurant d’en face. La plus petite, toute blanche, attachée au camion, tire comme un diable pour se détacher.  Elle a réussi à attraper un carton qu’elle mâchonne de colère.

N’écoutant que son courage, le petit garçon se lance sur les chèvres et d’un geste brusque, détache la petite Blanchette qui, étonnée, se retrouve libre. Celle-ci, apeurée par les bruits du marché, traverse imprudemment la route. Un violant coup de freins retentit.  Le silence se repend sur la place et chacun retient son souffle.  

Le petit garçon n’a rien. La petite chèvre non plus mais il en a fallu de peu que l’automobiliste ne l’écrase. Le conducteur  français s’en prend au marchand de volaille qui, affirme qu’il n’y est pour rien. Et l’embrouille s’installe entre les personnes qui ont vu, qui n’ont rien vu…qui supposent, qui en déduisent…

Le ton monte et la belle ambiance festive disparait.  Tout à coup réapparait la petite chèvre, bien embêtée de cette liberté imprévue, subite et qui ne sachant où aller, revient près de sa compagne.  Un grand rire se fait entendre. L’automobiliste a eu peur. Le garçonnet en pleurs s’excuse à qui veut l’entendre. Et voyant la scène moins dramatique qu’elle ne l’est, l’automobiliste  se met à sourire entrainant les autres dans un grand rire général.

Il en a fallu de peu pour ranimer la flamme de la discorde heureusement éteinte depuis longtemps.

 

 

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Commentaires

  • Merci Rolande. A l'époque des frontières, une ambiance bonne enfant le jour du marché. Beaucoup de familles mixtes comme la mienne. Français, belge et enfants avec la double nationalité qui est plutôt bien à l'époque actuelle.Je ne connais pas cette expression de "La marie Louise".

    Bonne journée

    josette

  • Superbement décrit comme à ton habitude.

    J'ai connu ce genre de marché transfrontalier : c'est bien la seule chose qui me manque après avoir quitté la région.

    Est-il vrai que ce tracé a été dénommé : "La Marie-Louise" ? qui a séparé des Communautés très soudées ?

    Car nous ne faisions qu'un et la fusion était totale avec des familles de chaque côtés de cette funeste séparation. Qui a vu naître maisons et églises coupées : un côté France, un côté Belgique !!! ...

    Et de nombreuses familles déchirées.

    Merci à toi Chère Josette au beau talent.

  • Bonsoir Gilbert.

    De réels souvenirs agréables que ces marchés frontaliers.

    Amitiés

    Josette

  • Touchant au possible. Je n'ai jamais vu de flamme de discorde. Ayant passé une année chez vous, c'est un des meilleurs souvenirs que je garde. Curieux cette séparation dallée. Il faut dire qu'en matière de séparations les politiques sont des champions ! Ce marché est vivant, coloré, bien comme sont les marchés encore aujourd'hui ,ici en Périgord notamment. Les visages ne sont pas les mêmes, les coutumes non plus mais ce sont des endroits où les gens sont plus sympas curieusement.

  • Oui, de vieux souvenirs bien agréables.

    Amitiés

    Josette

  • ouf ! nous voici réconciliés ! ce fut de justesse... mais rassure toi on vous adore ! mj

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