Le dynamisme de la vidéo

La vidéo permet de créer du visuel et de l’action dans de longs airs qui, sinon, peuvent sembler longs, aussi splendide soit la musique. Il en va de même de la fine caractérisation des personnages : Giunia en pin-up sensuelle et volontaire, Celia (la sœur de Silla) en femme enfant un peu folle (un personnage très cinématographique rejouant les actions principales dans sa maison de poupées), Cinna (le conseiller comploteur) en inquiétant mélange entre Drago Malefoy et Paolo Arrivabeni et Aufidio, le confident de Silla, prenant l’allure (et l’habit XVIIIe) d’un Léopold Mozart fantomatique, avec à la clé une légère réécriture d’un récitatif à la fin où Silla lui dit"Donc, tu n’existes pas ?". On ne comprend pas en revanche pourquoi Kratzer a fait de l’impétueux Cecilio une sorte de "geek/nerd" à lunettes, portant jean, parka et chemise à carreaux sur un t-shirt, amant très improbable, timoré et velléitaire de la belle Giunia. Et on n’est pas vraiment convaincu par le traitement gothique (et du coup un peu grotesque) des chœurs façon "Walking Dead".

De retour dans la fosse après "Foxie" au printemps, Antonello Manacorda fait à nouveau forte impression. Le chef italien a parfaitement assimilé tout l’apport du mouvement baroque et, parfois en recourant à de très légers aménagements de l’orchestration, mène la soirée avec clarté, précision et dynamisme. Il excelle aussi à faire ressentir, particulièrement dans les passages purement orchestraux ou les récitatifs accompagnés, toute la noirceur du drame.

Extraordinaire, brillantissime…

Exception faite d’un Carlo Alemano puissant mais usé dans le petit rôle d’Aufidio, la distribution est excellente : un Jeremy Ovenden à la projection limitée mais d’une grande élégance dans le rôle-titre, une Lenneke Ruiten brillantissime dans les aigus et les coloratures de Giunia (fût-ce au prix d’un léger fléchissement au deuxième acte), une impeccable Simona Saturova en Cinna, une Anna Bonitatibus fabuleuse et aux nuances superbes en Cecilio et une extraordinaire Ilse Eerens en Celia.

---> Bruxelles, jusqu’au 15 novembre; www.lamonnaie.be