Dans un château (grand) et son théâtre (petit) nous avons pu contempler l’infiniment grand (six chanteurs d’exception) dans l’infiniment petit (une salle en rotonde pouvant loger à peine 80 happy fews !)
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Derrière ce spectacle infiniment beau, il y a une très belle dame d’esprit et de cœur. Je veux nommer Isabelle Kabatu, responsable musicale et porteuse du projet. Quand on la rencontre, on est immédiatement envahi par une sorte d’aura de générosité bienveillante et on rêve de faire un bout de chemin avec elle. C’est son charisme incroyable qui attise sans doute les espoirs des artistes et les amène peut-être à devenir les étoiles de demain. Une dame de foi qui vous fait croire en vous.
Le château, c’est celui de Seneffe. Décidément il conviendrait de lui accorder la palme pour le magnifique été culturel qu’il nous a présenté cette année. Cette fois il est devenu, l’espace de quelques jours de septembre, le lieu privilégié de l’amour car le théâtre Poème 2 y présentait son festival …Scènes ( d’amour). Hélas nous n’avons pas pu y assister, malgré le programme d’une richesse inouïe (*). Jugez-en par cette magnifique phrase d’introduction : « Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre. C’est comme si j’avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots. Mon langage tremble de désir. » (Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux.) Nous avons néanmoins assisté à la superbe finale de ce festival : l’opéra « Don Juan » de Mozart.
L’orchestre était réduit à un piano à queue, splendidement mené par une pianiste concertiste bulgare hors pair, Jhaneta Katsarova, lauréate des Concours internationaux de Moscou et d’Arezzo en Toscane. Miracle : les six chanteurs chantaient en solo ou façon « a capella » à peu près tout le temps, sans que le piano ne leur donne la moindre ligne mélodique. A elle de livrer du bout de ses dix doigts un accompagnement soutenu pour remplacer tout un orchestre. Le chœur et les solistes étaient six jeunes talents plus que formidables. Etonnants, vigoureux, inventifs, doués, imposant la fougue de leur jeunesse et leur savoir-faire évident. Tous ont démontré une présence inouïe. Au sens littéral du terme.
Du jamais vu ni jamais entendu de toutes façons. Une diction italienne impeccable, une résonance de cathédrale, une puissance confondante. Tout cela dans une proximité jamais vécue pour le public médusé, car les artistes ne sont jamais à moins de 5 mètres de vous. De quoi entrer totalement au cœur de cette tempête musicale spectaculaire. Il y a aussi les décalages si chers aux spectacles modernes. Voilà Elvira en véritable Lady Gaga, parée d’une robe de styliste d’une beauté saisissante. Voilà la fille de la pianiste, la sombre Donna Anna un vrai monument gothique et noir accompagnée de son comparse Don Ottavio, ténor français. Et voici une jeune artiste portugaise, la délicieuse bergère rousse, Zerlina, convoitée par le terrible Don Juan, sapée dans des couleurs nature. Des femmes, il y en a donc de toutes les couleurs, pour Don Juan. Pour le public féminin, il y a - of course - Masetto, le jeune villageois, baryton qui a fait tourner toutes les têtes, toutes couleurs confondues, que ce soit pour sa voix profonde, jeune et vibrante ou pour son physique de rêve. Silence, les maris !
La mise en scène manie l’humour et le drame tour à tour, avec brio et prestesse. Jamais un moment statique, que du dynamisme, de l’élan, des chutes vertigineuses, du voyage dans les sentiments et les actes. Quelques accessoires chargés de sens et de pure poésie. Les acteurs sont d’ailleurs très reconnaissants à Stefano Giuliani pour son encadrement exceptionnel, sa façon d’avoir su les guider et de les rendre tout-à-fait confortables dans leurs rôles. La statue du Commandeur qui avance vers le public est fascinante. Entre les géants de l’île de Pâques et l’art Maori. Ce spectacle où tous les artistes, inondés de la joie de jouer et chanter à la fois, s’époumonent sans fatigue apparente avec un dynamisme sans cesse renouvelé, vous coupe le souffle. Du monumental dans une boîte à musique, c’est un exploit. De la qualité sonore et théâtrale exceptionnelle. Juste dommage que ce spectacle soit si éphémère. Ne faudrait-il pas écrire au ministre pour l’alerter qu’en Belgique il y a des gens, des lieux et des projets qui valent la peine d’être soutenus, promus, aidés, mis au premier rang ?
Nous avons donc adoré ce spectacle et par-dessus tout Leporello, baryton basse, le véritable pilier du spectacle à part le brillant Don Juan bien sûr, pour sa voix, son jeu, ses postures, ses mouvement et sa présence quasi cinématographique.
* http://www.theatrepoeme.be/ Seneffe, Le 4 septembre 2011
Commentaires
voici quelques modestes photos
Deashelle