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L'impasse désespérée dans L'enchanteur pourrissant

L'enchanteur pourrissant est un récit en prose entrecoupé par quelques poèmes de Guillaume Apollinaire.

La première édition de cet ouvrage parut en 1909, illustrée de 12 gravures sur bois en pleine page, et de lettrines par André Derain. Dans ce livre, Apollinaire reprend la vieille légende de Merlin. Cependant, il ne la garde intacte que dans ce qu'elle a d'essentiel, que pour ce qu'elle exprime du drame éternel de l'homme enfermé dans sa solitude, destiné, malgré son savoir des choses et de lui-même, à ne rien dominer et à rester la victime de son sort. Mais Apollinaire, par delà le mythe et ce qu'il comporte d'impersonnel et d'anonyme, est allé rejoindre le personnage de l'Enchanteur et s'y retrouver. L' Enchanteur, par ce qu'il a de différent des autres hommes, par ses dons de voir ce que les autres ne voient pas, de connaître ce qu'ils ne connaissent pas, devient alors autre chose: c'est le poète, le prophète, l'individu parfaitement seul et rejeté.

 

L'histoire du conte commence au moment où l'Enchanteur, par amour pour Viviane, lui délivre les secrets magiques et dangereux qu'elle désire connaître. Il les lui dévoile sans être dupe, sachant très bien quel usage elle en fera et qu'il en sera la première victime. Viviane par haine, mais peut-être aussi

venant de bien plus loin que sa haine, par un désir de revanche et de victoire définitive sur l'homme, prononce les paroles magiques qui amènent l'Enchanteur à s'étendre conscient dans son tombeau et à y mourir. Alors, de toutes parts s'acheminent les animaux réels ou fantastiques, ses amis.

Toute la faune magique et ensorcelante, démoniaque et charmeuse, d'hydres, de crapauds, de serpents, de corbeaux et de monstres, avec leurs paroles d'hommes, leurs désirs, leurs rêves et leurs cruautés d'homme. Le monstre Chapalu: "Je suis solitaire, j'ai faim, j'ai faim; cherchons à manger, celui qui mange n'est plus seul." Les guivres: "Nous voudrions le baiser sur nos lèvres que nous léchons pour les faire paraître rouges.

Enchanteur, Enchanteur, nous t'aimons. Ah si l' espoir s'accomplissait." Tous recherchent l'Enchanteur. Et, jusqu'à la fin du livre, ce sera cette suite ininterrompue de plaintes et d'entretiens avec l'âme de

l'enchanteur. Ce qui est curieux, c'est d'assister à la réunion, autour du mort, des personnages de tous les mythes, moyenâgeux, grecs, hébreux, chrétiens... Les rois Mages arrivent, porteurs de présents; les druides; les sphinx, poseurs d'énigmes, "afin d'avoir le droit de mourir volontairement", disent-ils; Hélène de Troie, Médée, Dalila, les fées.

Tous les mythes se rejoignent et se retrouvent liés autour du mythe du poète. La fin du livre est très belle: les personnages se retirent, Viviane reste seule assise sur le tombeau de l'Enchanteur. Ils se parlent.

Apparaît alors la raison profonde et amère de l'acte de Viviane et de l'abdication de l'enchanteur: c'est parce qu'ils savent l'impasse désespérée où se heurtent éternellement l'homme et la femme sans jamais

pouvoir se rejoindre, définitivement coupés l'un de l'autre, séparés et seuls.

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