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administrateur théâtres

Quand les planches deviennent gazon…

C’était un déjeuner sur l’herbe, vous voyez le tableau ?  En plein soleil, aux environs de minuit sonnant. Tâtez vous-même les  troncs majestueux aux écorces historiques et à la ramure invisible,  le moelleux d’un immense châle de Cachemire qui attend le panier de pique-nique ! Au loin, une rive noire d’un fleuve, le Léthé sans doute qui serpente dans la forêt de mots sublimes. Trois verres galbés sont sur la nappe,  attendant le nectar lumineux et rougeoyant. Ce soleil qui décline et "se noie dans son sang qui se fige".  Et  nous étions là, suspendus à la voix, au geste et au verbe chatoyant de Baudelaire. Il n’y a que lui pour rendre beau la pourriture, la demi-clocharde et les blessures. Lui pour évoquer les voyages mystérieux de la chair. La triste  mélancolie de l’oiseau des mers, l’insatiable quête d’ailleurs absolus.  Surgit alors la muse, toute de fourrure tachetée vêtue et chaussée de ces lunettes de soleil qui font d’elle une star. La muse elle-même, d’habitude muette et indifférente, use de sa voix ensorceleuse pour converser avec le poète, le désir et les désenchantements."Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large, Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large, Chargé de toile, et va roulant Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent."

  Et puis il y a ce pauvre gredin mal rasé, au regard fixe qui égrène ses complaintes et son mal de vivre. Il y a  enfin, ce splendide jeune homme souriant en redingote grise qui vibre et éblouit,  tant les mots qu’il emprunte à la voix ténébreuse sont beaux, lascifs et cosmiques.

  Vous êtes emmitouflé dans un châle rouge et vous contemplez la scène, d’un œil enfin poétique. De mémoire de spectateur vous n’êtes entré d’aussi près, dans le tableau. De mémoire de spectateur les syllabes égrenées dans le plaisir de dire et de ressusciter ne vous auront autant touchés. C’était une veille de Saint-Valentin, et l’amour était  déjà au rendez-vous. L’amour étincelant des mots vivants. La douleur, au pied de l’arbre, oui, se tenait enfin tranquille. Les amours enfantines peuplaient votre esprit, les souvenirs d’anthologies disparues hantaient votre mémoire. Le Lagarde et Michard de votre adolescence vous ouvrait son cœur et ses pages de florilège désuet. Votre cœur est alors saisi d’audace de liberté et de bonheur. Vous jetez furtivement un coup d’œil à votre partenaire tout sauf endormi, car lui aussi respire comme un encens capiteux les vers de Baudelaire dit par les  trois comédiens malicieux et si unis. Souvent,  la langue baudelairienne fusait vers un ciel sans étoiles, couchée à même l’herbe, tendre et magique. Pendant que les deux autres s’abîmaient dans le ravissement appuyé contre l’arbre ou se balançant dans la chaise-longue parmi les chuchotements de la Nature. A les voir se charmer ainsi de fleurs vénéneuses, spectateur, tu ne peux rester indifférent! Et toi aussi, tu  lâcherais bien ta couverture et d’aller les rejoindre, subrepticement !"Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère!" "Tu m'as donné ta boue, et j'en ai fait de l'or!"

On emportera comme un viatique, les mélodies et les musiques  mystérieuses qui embrassent les déclamations poétiques, les gestes si beaux sous les lampions, les regards, les bribes éparses d’un verbe célébré afin de  peupler parfois  un quotidien si peu romantique. "Heureux celui qui peut d'une  aile heureuse s'élancer... et comprendre l'essence des choses muettes!"

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Et les quelques textes sarcastiques  de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem s'hrmonisent bien dans le programme et donnent un air ...Baudelaire 2000!

Les Fleurs du Mal,  d’un nommé Baudelaire, Charles de son prénom, dans la petite salle du théâtre le Public.

LES FLEURS DU MAL de BAUDELAIRE

et quelques textes de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem Conception et mise en scène: Françoise Courvoisier. Avec: Robert Bouvier, Cédric Cerbara et Aurélie Trivillin

DU 10/01/13 AU 02/03/13

Prolongation exceptionnelle jusqu'au 02/03/13!

Dans une époque qui ne l’a pas accueilli, Baudelaire a voulu détacher la poésie de la morale et l’a proclamée toute entière destinée au Beau. Avec « Les Fleurs du mal », il tisse des liens entre le bonheur et l'idéal inaccessible, entre la violence et la volupté, entre le poète et son lecteur, entre les artistes à travers les âges. Outre les poèmes graves ou scandaleux, il exprime la mélancoli et l'envie d'ailleurs. Baudelaire, c’est le poète qui sublime la sensibilité, qui nous emporte dans des flots de passion, qui recherche la vérité humaine de l’univers : « Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. » (Arthur Rimbaud)

Un spectacle musical qui offre un choix de poèmes explosifs et flamboyants, humains et tendres, où explose la modernité du poète dont l’audace lui avait valu la censure de son vivant. Entraînés par les chants et la musique, plongez avec fascination dans le parcours de ce marginal écorché et en colère, mais qui disait aussi : « le bonheur, il faut savoir l'avaler ! »

UNE CREATION ET PRODUCTION DU THEATRE LE PUBLIC, DU THEATRE LE POCHE GENEVE ET DE LA COMPAGNIE DU PASSAGE.

Musique originale: Arthur Besson

Scénographie & costumes: Sylvie Lépine

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=322&type=1

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    Baudelaire, "mon semblable, mon frère"

    "Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du coeur. L’odieux y coudoie l’ignoble, le repoussant s’y allie à l’infect." (Le Figaro, 1857). C’est ainsi que Gustave Bourdin stigmatisait "Les Fleurs du mal", lors de sa parution. Condamné pour "offense à la morale publique et aux bonnes moeurs", Baudelaire dut amputer son recueil de six poèmes. Et puis il devint... un phare de la poésie moderne. Le spectacle musical, conçu par Françoise Courvoisier, nous fait sentir la proximité du poète qui, en tentant d’extraire la beauté du Mal, nous propose une image universelle de l’homme.

    Clairière d’un sous-bois. Un homme et une femme se divertissent, en s’affrontant dans des jeux de séduction, à fleurets mouchetés. Un ami les rejoint. Ils boivent du vin, pique-niquent, se reposent, changent de peau et se livrent à des confidences au clair de lune. Leurs liens sont flous, mais leur rôle évident : nous sensibiliser aux paroles de Baudelaire, écartelé entre la tentation du gouffre et l’aspiration à un idéal. Dans un climat paisible et un style familier, qui favorisent notre complicité.

    Ce bouquet de "Fleurs du mal" nous entraîne dans un tourbillon d’images où volupté, vertige, beauté, spiritualité se mêlent à lassitude, incompréhension, déchéance et mort. Considérant Brigitte Fontaine comme une petite soeur de Baudelaire, Françoise Courvoisier a glissé dans le spectacle une dizaine de ses textes. Initiative justifiée par le goût de la provocation et de l’autodérision de cette chanteuse hors norme. L’héroïne de "Prohibition" qui "exhibe sa carte senior, sous les yeux goguenards des porcs" partage le cynisme joyeux de Baudelaire, se délectant d’"Une Charogne"

    Pour casser l’image amidonnée du récital poétique, la metteuse en scène s’appuie sur le jeu varié et dynamique de ses comédiens. Le détachement de Robert Bouvier, à la voix chaude et profonde, la souplesse d’Aurélie Trivillin, maternelle ou sensuelle et la fougue convaincante de Cédric Cerbara se conjuguent pour refléter les espoirs et les désillusions du poète écorché. Certains poèmes nourrissent des dialogues, d’autres sont dits à une ou plusieurs voix, qui se chevauchent parfois. La poésie baudelairienne se marie harmonieusement avec la chanson. Yves Montand, Serge Reggiani, Léo Ferré l’avaient montré dans leurs tours de chant. Ce spectacle le confirme. Contrastant avec l’insolence de Brigitte Fontaine, la musique douce-amère, créée par Arthur Besson, suscite la compassion pour cet artiste rongé par le mal de vivre.

    On écoute avec une attention différente un poème très connu, on bute parfois sur l’obscurité d’un vers, on voudrait laisser infuser la puissance suggestive d’un autre. Le rythme de la représentation nous oblige à renoncer à ce comportement de lecteur. Si on se laisse gagner par une ambiance de "déjeuner sur l’herbe", on savoure un spectacle original, subtil, porté par des comédiens vibrants.

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