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administrateur théâtres

Le roi Lear théâtre Royal du Parc

12272775893?profile=originalAu théâtre Royal du Parc, du 19 janvier au 18 février 2012

Le roi Lear

de William SHAEKESPEARE

 

 Magnifique spectacle. La conception scénique de la pièce donne assurément  libre cours à toutes les interprétations. Ce décor unique, vide et mouvant,  fait d’immenses cordages d’un rouge dérangeant,  forme  une cage en entonnoir ouverte sur le public. Représente-t-il le terrible enfermement des liens familiaux, pareils aux barreaux d’une prison qui vous suivrait partout et  vous  étrangle, à force? Le plan incliné  est-il celui d’un  pont de navire, ou d’une tragédie familiale,  qui sombre  peu à peu, corps et biens ? N’évoque-t-il pas aussi la brutalité des conflits de filiation qui, comme la vie, ne tient souvent qu’à un fil …  Parlant de cordes, l’ensemble ne met-il pas en scène aussi  la  hantise du gibet omniprésent,  mode d’exécution sanguinaire  de l’époque, en donnant  couleur même aux costumes, faits de sable et  de sang caillé ? A moins que très prosaïquement, on soit sur un podium pour le combat sans merci que se livrent les filles aînées du roi, hystériques  et  déchaînées par leur cupidité et leur orgueil. Je pencherais personnellement pour l’horreur  du «  Pit and Pendulum » d’Edgar Poe.                                    

 

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 Si le roi Lear me fait  décidément trop penser à l’élégant instrument de musique, plutôt qu’au roi celte Leir qui dans sa folie sénile et  tyrannique déshérita sa fille préférée  Cordélia,  voici, mises à nu, les cordes sensibles d’un roi Lyre sur lesquelles soufflent la hantise de l’odieuse vieillesse et la folie avérée. Malgré son bannissement ignominieux, Cordélia pense juste et parle droit : « Venez accorder les dissonances de mon père aimé ! » Ainsi le « King Lear » de  ce soir est un personnage menu, étonnant d’inconscience, de brutalité  au début, transformé ensuite  par les circonstances  en sorte de Diogène hagard dont l’humanité finit par émerger au travers de terribles souffrances.   

 

Si rien que la scénographie met  déjà le spectateur en phase avec l’imaginaire, que dire de la langue d’une richesse inouïe qui a su traduire à merveille le texte original anglo-saxon. Que dire de l’intrigue  aussi perfidement dangereuse qu’ un mortel labyrinthe. Que dire de ces personnages épiques,  admirablement défendus par 11 comédiens gonflés de maîtrise.  Alors le délicat clavecin à qui on demande d’accompagner la tempête fantastique et qui joue sans frémir,  de la musique de Scarlatti semble être un objet incongru, surréaliste même. 

 

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« Par ruse, si pas par droit du sang, j’aurai des terres ! » prophétise Edmond : la double intrigue shakespearienne ne fait qu’augmenter l’horreur des crimes parricides et fratricides tandis que l’humour noir est omniprésent. Les scènes baroques et drolatiques abondent sur la langue du fou de miel et du fou de fiel tandis que surgissent çà et là des jugements bien pesés  sur le monde.   Ce spectacle très prolixe est donc une réalisation extra…ordinaire, comme les histoires d’Edgar Poe, qui tient le spectateur dans ses griffes jusqu’à la fin. Sur scène rampe à la fin, parmi les corps inanimés,  le  cauchemar épouvantablement  intemporel des tragédies familiales et de l’aventure humaine si dérisoire. Toujours nous rendrons «  responsables de nos désastres, le soleil, la lune et les astres ! »

 

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Mise en scène : Lorent WANSON.

Assistanat : Anne FESTRAETS.

Décor : Daniel LESAGE.

Costumes : Patricia EGGERICKX.

Lumières : Xavier LAUWERS.

Musique : Domenico SCARLATTI, interprétée en direct au clavecin par Fabian FIORINI.

Avec:
Jean-Marie PÉTINIOT  (Lear )
Delphine BIBET  (Goneril )
Philippe JEUSETTE  (Kent)
Sylvie LANDUYT  (Regane )
Julien ROY  (Gloucester )
Benoît VAN DORSLAER  (Albany et le Fou)
Yvain JUILLARD  (Edgar )
Lindsay GINEPRI  (Cordelia)
Benoît RANDAXHE  (Edmond )
Guillaume KERBUSCH  (Oswald )
Loïg KERVAHUT  (Cornouailles)

Traduction de Françoise MORVAN, avec la collaboration d'André MARKOWICZ

http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2011_2012_00

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    50 degrés Nord: commencez à la minute  1.49!

     http://www.rtbf.be/video/v_50-degres-nord?id=1605263&category=v...

  • administrateur théâtres

    Extrait de la note d’intention du metteur en scène Jean-François Sivadier sur Le Roi Lear

    Le Roi divise son royaume en trois parts,

    Qu’il destine à chacune de ses trois filles.

    Avant de procéder au partage, il leur demande de lui faire,

    Publiquement une déclaration de leur amour filial,

    En échange de quoi, (et selon la qualité du texte),

    Elles se verront attribuer une part plus ou moins opulente.

    (Dis-moi combien tu m’aimes, je te donnerai ce que ça vaut.

    Ton amour, ou du moins le texte qu’il t’inspire, sera récompensé).

    Les deux aînées prennent la parole et reçoivent immédiatement leurs parts.

    Le Roi demande à la cadette ce qu’elle peut dire de son amour pour obtenir

    Un tiers du royaume peut-être plus intéressant encore que celui de ses soeurs.

    L’enfant à qui l’on dit : « je te donne un cadeau mais embrasse-moi d’abord »

    S’exécute sinon par amour, du moins dans le jeu de l’amour.

    On peut mettre en doute la sincérité du baiser mais pas sa théâtralité.

    Cordélia ne sait pas jouer la comédie.

    Cordélia répond « rien ».

     

    Dès la première scène de la pièce, celui qui a confondu l’espace privé et l’espace

    public, l’intime et le politique, l’amour (relatif) pour le père et l’amour (par essence

    indéfectible) pour le roi, celui qui a obligé ses filles à prostituer leurs sentiments, à

    faire de leur amour une monnaie d’échange pour acheter ce qu’il leur offre, qui a

    donné le champ libre au théâtre avec une épreuve conçue comme un exercice

    d’acteur, celui qui a abandonné son pouvoir, son autorité, ses biens, le

    gouvernement de l’Etat, tout en prétendant rester celui qu’on appelle le roi, Lear,

    avec une question, a fait vaciller la représentation. La réponse de Cordélia achève

    d’en détruire l’équilibre. Lear, on pourrait dire, sans jeu de mot, c’est tout le théâtre à partir de rien.

    Le rien de Cordélia sonne comme une insulte, c’est un cadeau. Car si le roi possède

    tout, il lui manque une chose essentielle : l’épreuve du manque. La connaissance

    non pas de ce qu’il représente et de ce qu’il possède mais de ce qu’il est.

     

    (…)Lear est une histoire de territoires et de corps. De places et d’identités. Le roi

    descend du trône et le monde se déplace. Le roi dépose la couronne et personne ne

    reconnaît plus personne. Le roi décide d’être partout et nulle part en même temps,

    Kent transforme l’exil en liberté et chacun s’abîme : « Où suis-je ? Où sont les

    autres ? Qui suis-je ? Qui sont les autres ? »

    Etre et ne pas être c’est la question au centre de laquelle chacun a rendez-vous avec

    lui-même.

    Source : dossier de presse du Théâtre National de Toulouse Le Roi Lear de William Shakespeare - Mise en scène Jean-François Sivadier – février 2008

  • J'ai beaucoup aimé le théâtre. Le savez-vous: vous écrivez très, très bien. Et vous parlez de ses contemporains et des nôtres. Très bien aussi.

    Amitiés

  • administrateur théâtres

    Une très belle question dans la pièce "Il y a t'il dans la nature quelque chose qui produise des coeurs durs? "

    C'est la  question principale après "Qui suis-je?" posée par Lear.  

    Unchain my heart! Hélas, où avais-je la tête? Parlant des cordes du décor ...parlons plutôt du coeur!

    Cor, cordis: le coeur en latin , Cordelia pour la princesses celte! Et le Coeur délia!

     

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