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L'anniversaire

 

André voulait fêter son cinquantième anniversaire, sa nouvelle demeure dans un faubourg élégant de la capitale, et la vente du dixième immeuble qu’il avait construit avec son seul argent sans l’aide aucune de la banque. Il était fier de ce qu’il appelait sa réussite et n’avait, disait-il, aucune raison de le cacher.

Il plaisait aux femmes. Peut-être un peu moins à la sienne. Il était généreux avec elle, il lui offrait le bijou de valeur qu’elle souhaitait pour l’exposer, c’est le mot, lors d’un dîner. Elle avait sa voiture, un cabriolet de marque courante, mais dont les sièges étaient en cuir et elle portait des vêtements discrets dont les connaisseurs reconnaissaient l’origine.

Le cuir parce qu’il se froissait entre les mains comme un chiffon quand il était de la qualité voulue, était la matière qu’elle appréciait le plus. Souple il moulait ses hanches et provoquait instantanément chez les hommes des associations d’idées dont elle jouissait.

Peu d’hommes ont conscience de frustrer leur femme des plaisirs que procurent ne seraient ce que les attouchements qui sont les mots des amants.

Deux jours après la fête d’anniversaire, Irène avait  pris un amant italien. Luigi représentait une firme italienne. Célibataire, il occupait dans le haut de la ville un petit appartement coquet qui lui servait aussi de bureau. Il n’avait pas de secrétaire. Un ordinateur et le téléphone suffisaient à faire des affaires qui paraissaient excellentes.

C’était un beau garçon qui accentuait son accent italien lorsqu’il était en compagnie de femmes. C’était une coquetterie dont elles avaient conscience mais qui les faisait sourire et qui lui conférait un charme de plus. Parfois elles le reprenaient.

- Voyons Luigi, soyez sérieux !

Soit, disait-il avec un regard contrit, mais elles étaient à moitié conquises. 

Il avait dit à Irène qu’il connaissait l’agent d’une des premières firmes italiennes de vêtements de cuir et puisque Irène adorait ces vêtements qui lui étaient comme une seconde peau :

- Si vous voulez, je vous conduis à ses bureaux, il vient de rentrer une toute nouvelle collection et il vous fera les prix qu’il fait à ses clients détaillants.

Elle voulait bien. Elle ne le dit pas mais elle pensa que Luigi était un ange. 

Les détails de sa liaison avec Luigi, André ne les connut que quelques mois plus tard. Il y a toujours des amis ou des amies qui ont le sentiment de  rendre service en révélant à un mari que sa femme le trompe, ou à une épouse heureuse que son mari a une double vie. Curieux service que celui qui torture mentalement ses amis !

Luigi avait dit à Irène que la jupe en cuir rouge écarlate qui moulait ses fesses lui allait à ravir. Qu’elle était si luisante qu’on pouvait imaginer que c’était l’eau de sa douche qui ruisselait sur ses hanches. De voir Irène en petite culotte, elle avait refusé qu’il se retire, elle avait dit en riant qu’il avait vraisemblablement, elle avait répété vraisemblablement, déjà vu des femmes en petite culotte, lui avait donné des idées comme on dit. Une coucherie comme un merci et tout serait resté comme avant.

Il faut croire qu’Irène avait non seulement apprécié les attentions de Luigi  mais qu’elle avait été émue par le caractère que cette aventure donnait à sa vie. Comme un relief de feu, c’est l’adjectif qu’elle se murmura,  qui soulignait l’histoire généralement si plate de la plupart des épouses.

Quand André fit appel aux services d’un détective spécialisé qui avait mis leur téléphone sur enregistreur, il apprit que leurs relations, téléphoniques en tout cas, étaient torrides. Les cassettes qu’André conserva quelques années après leur divorce auraient pu sortir de maisons spécialisées. Cela donne à penser quant aux jardins secrets des êtres humains.

André travailla beaucoup plus tard et Josette sa secrétaire resta au bureau jusqu’à ce qu’il lui intime l’ordre de rentrer.

- Personne ne m’attend. Vous savez bien que je vis seule.

Elle travaillait avec André depuis dix ans. Elle l’avait toujours accompagnée et il se souvenait de la jeune femme timide qu’elle était lorsqu’elle s’était présentée. Irène avait dit : elle est parfaite, cette jeune femme. Elle a l’air un peu gourde mais ce n’est que mieux. Elle n’est pas obligée de comprendre le dessous des choses.

- Je vais vous reconduire, j’y tiens.

Elle habitait un petit immeuble à proximité des quais. Un quartier populaire d’immeubles anciens et d’entrepôts.

- Où mangez-vous, d’habitude? Je suis certain que vous ne mangez rien quand vous rentrez tard ? Quelqu’un vous attend ? Non, bien, je vous emmène au restaurant.

Il avait repris ce ton qui n’était pas autoritaire mais déterminé comme il le définissait lui-même. Ce ton qui est la marque des chefs, de ceux auquel, tout naturellement, on obéit. Il le pensait d’ailleurs: « il y a ceux qui disent ce qu’il faut faire, et il y a ceux qui disent : oui, monsieur ».

Elle connaissait un petit restaurant thaïlandais, pas un restaurant de luxe mais « elle s’y rendait de temps à autre en rentrant du cinéma ou du théâtre, on y mangeait bien et pas cher. ».

- Et l’opéra, vous aimez ?

Après le restaurant, il avait ramenée Josette chez elle, il voulait voir comment elle vivait, ils avaient bu un verre d’alcool, ils avaient parlé de théâtre, des derniers films qui étaient sortis, ils s’étaient rendus compte qu’ils avaient beaucoup de goûts en commun, sinon que Josette, au contraire d’Irène, était une jeune femme timide, un peu effacée, et qui se contentait de peu. Il l’avait embrassée, elle n’avait pas trop résisté, et il l’avait prise sur le tapis du salon. Il n’avait plus aimé une fille sur le tapis d’un salon depuis son adolescence.

Irène prétendit devant leurs amis au moment de leur divorce qu’André avait connu Josette à la manière biblique, Dieu sait depuis quand il la baisait au bureau, pendant qu’elle s’efforçait de séduire les banquiers, Elle avait trouvé dans la poche du veston d’André une petite culotte froissée qui était celle de Josette.

- Salope, avait-elle crié au bureau devant les deux employées.

Une culotte ? Qu’est-ce que ça prouve ?  Est-ce qu’elle se préoccupait, elle, des sous-vêtements de Luigi ou d’Irène lorsqu’ils se rencontraient ? Entre cinq et sept à ce qu’on disait.

Les larmes coulaient encore sur son visage si candide lorsqu’Irène était sortie sans se donner la peine de fermer la porte du bureau.

La situation devenait singulière. Irène et André partageaient toujours le même toit mais le lendemain de l’altercation au bureau, Irène s’était absentée, elle avait des courses à faire; avait-elle dit.

Le facteur avait remit une lettre à André. Un avocat lui faisait savoir que sa femme se préparait à demander le divorce pour adultère.

- Tu veux divorcer ?

- Comment continuer à vivre avec un homme qui me trompe avec sa secrétaire ?

- Moi je te trompe? Et Luigi? Tu me prends pour un con.

Ils cessèrent de se parler et ils montèrent se coucher comme ils le faisaient depuis vingt ans mais dos à dos.

Le lendemain André se leva le premier, bu une tasse de café, il en laissa pour Irène et quitta la maison le premier.

Au bureau il travailla comme si rien ne s’était passé, déjeuna ave Josette d’un sandwich qu’il fit livrer et rentra chez lui. Il avait besoin de réfléchir.

 Sur la table de la cuisine il y avait la tasse qu’il avait utilisée le matin et le café qu’il avait laissé à l’intention d’Irène. Elle avait dû s’absenter toute la journée. Il pensa à nouveau qu’il avait besoin de réfléchir, c’était déjà une forme d’action, mais il ne savait pas comment s’y prendre.

Lorsqu’ Irène rentra, ni elle ni lui ne firent allusion à leur future séparation. Ils montèrent se coucher et, aussi étrange que cela paraisse, une pulsion soudaine et de la rage aussi, le poussa à se porter vers sa femme, elle fît à peine semblant de résister, et ils firent l’amour avant de se retourner.

C’est ce matin-là qu’André emplit une valise de vêtements, il pensa qu’il valait mieux quitter la maison.

- Ce n’est pas la peine de nous disputer. Je te ferai écrire au bureau ?

- Au bureau, oui.

Elle était encore en chemise de nuit. C’est vrai qu’elle était appétissante. Il lui vint à l’esprit qu’il n’avait jamais fait l’amour avec sa femme le matin. Finalement, quinze ans de mariage n’épuisent pas le sujet en matière érotique.

Le plus ardu fut de chercher un endroit pour y passer les nuits. Chez Josette ? L’appartement était charmant mais modeste. Hélas, il n’avait plus l’indifférence de la jeunesse quant au confort depuis qu’il possédait une jolie maison près du bois.

Ce soir-là, lorsque les deux employés furent partis, seul avec Josette, il lui dit qu’il avait quitté la maison.

- J’ai pris une chambre à l’hôtel, ce n’était plus possible.

- Tu aurais pu loger chez moi.

Il était émerveillé. Tant de gentillesse et de spontanéité dans la gentillesse. Elle n’avait pas hésité un instant.

- Et je dérangerais ta vie ? Même si tu n’as pas d’ami sérieux, tu as des parents, des amis, des habitudes que je risquerais de déranger.

- Dis-moi la vérité : ce qui s’est passé entre nous, ce n’était que l’aventure d’une nuit. Je ne t’en voudrai pas tu sais. Mais, j’ai cru un moment…

Les larmes mouillaient ses yeux. Le lendemain, en revoyant la scène, et ce qui s’en était suivi, les baisers, le retour chez elle, le repas chez le vietnamien où ils avaient mangé ensemble la première fois, à peine le prix de quelques sandwiches, et ses caresses sitôt revenu chez elle, il se disait en riant que ce qu’on appelle ironiquement des romans de gare ne traduisaient que la réalité. Il fallait être fou ou cynique et blasé pour ne pas voir que c’est là que se trouve le reflet de l’amour véritable.

Pourquoi ne pas le dire, il était flatté aussi de la manière dont, alors qu’il repoussait la porte, elle s’était serré contre lui, avait saisi sa main, et l’avait posée sur sa poitrine en gémissant. Jamais il ne s’était senti si nécessaire à l’épanouissement physique d’une femme, et capable de la combler.

Désormais, disposant de moyens honorables, il pouvait jouir d’un célibat retrouvé ou songer avec l’expérience qu’il  possédait à reconstruire sa vie sur des bases bien réfléchies. C’est vrai, on y perd un peu du hasard des rencontres adolescentes mais par contre les choix, parce qu’il y a des choix, sont soigneusement pesés.

Etre marié et ne pas l’être en même temps, c’était une situation ambiguë devant laquelle il manquait de repères. Désormais s’il lui venait à l’idée de coucher avec Irène et d’en jouir comme cela avait été le cas hier encore, il devrait la séduire et attendre son bon vouloir. Le corps d’Irène lui parût soudain plein de secrets et le plaisir qu’il en avait tiré beaucoup trop mince.

Il se dit qu’il était temps de penser à Josette parce que c’est elle qu’il trompait en pensée.

- Tu vas déménager, dit-il. Nous allons chercher un appartement confortable.

- Mais moi, je n’ai pas besoin de plus que ce que j’ai. Comment le payer ? Et le jour où tu ne voudras plus de moi ? Tu mérites beaucoup mieux, j’en suis consciente.

- Un ange ! Ca existe donc encore ? Il la prit dans ses bras. Un ange !

Il fallu peu de temps pour que le couple qu’il formait avec Josette s’impose à tous ses amis Et c’est d’elle désormais qu’il attendait qu’elle soit l’expression féminine de sa réussite. D’ailleurs, Josette avait des gouts identiques à ceux d’Irène tant en matière de bijoux, de voiture ou de vêtements. Mais, et c’était une grande différence, André devait insister pour qu’elle accepte ce qu’il lui offrait.

Avez-vous remarqué ? Lorsqu’un homme trompe sa femme, c’est souvent avec une femme qui ressemble à la sienne. Au fond, c’est faire preuve de fidélité à son égard.

Leur union commença à se déliter lorsqu’elle raconta lors du premier anniversaire de leur mariage qu’elle avait fait la connaissance d’un jeune peintre d’origine italienne qui les avait invités tous les deux, son mari et elle, au vernissage de son exposition. Ses tableaux, dit-elle, étaient très beaux. Elle ajouta qu’il avait promis de leur faire des prix.

Non il ne se nommait pas Luigi mais Alberto.

Nous étions quelques uns à fêter le premier anniversaire de leur union. C’est moi qui en mon for intérieur fit cette boutade. Il y eut cependant un silence soudain autour de la table.

C’est André qui le rompit en portant un toast. Heureux anniversaire, dit-il.

 

L'anniversaire

 

André voulait fêter son cinquantième anniversaire, sa nouvelle demeure dans un faubourg élégant de la capitale, et la vente du dixième immeuble qu’il avait construit avec son seul argent sans l’aide aucune de la banque. Il était fier de ce qu’il appelait sa réussite et n’avait, disait-il, aucune raison de le cacher.

Il plaisait aux femmes. Peut-être un peu moins à la sienne. Il était généreux avec elle, il lui offrait le bijou de valeur qu’elle souhaitait pour l’exposer, c’est le mot, lors d’un dîner. Elle avait sa voiture, un cabriolet de marque courante, mais dont les sièges étaient en cuir et elle portait des vêtements discrets dont les connaisseurs reconnaissaient l’origine.

Le cuir parce qu’il se froissait entre les mains comme un chiffon quand il était de la qualité voulue, était la matière qu’elle appréciait le plus. Souple il moulait ses hanches et provoquait instantanément chez les hommes des associations d’idées dont elle jouissait.

Peu d’hommes ont conscience de frustrer leur femme des plaisirs que procurent ne seraient ce que les attouchements qui sont les mots des amants.

Deux jours après la fête d’anniversaire, Irène avait  pris un amant italien. Luigi représentait une firme italienne. Célibataire, il occupait dans le haut de la ville un petit appartement coquet qui lui servait aussi de bureau. Il n’avait pas de secrétaire. Un ordinateur et le téléphone suffisaient à faire des affaires qui paraissaient excellentes.

C’était un beau garçon qui accentuait son accent italien lorsqu’il était en compagnie de femmes. C’était une coquetterie dont elles avaient conscience mais qui les faisait sourire et qui lui conférait un charme de plus. Parfois elles le reprenaient.

- Voyons Luigi, soyez sérieux !

Soit, disait-il avec un regard contrit, mais elles étaient à moitié conquises. 

Il avait dit à Irène qu’il connaissait l’agent d’une des premières firmes italiennes de vêtements de cuir et puisque Irène adorait ces vêtements qui lui étaient comme une seconde peau :

- Si vous voulez, je vous conduis à ses bureaux, il vient de rentrer une toute nouvelle collection et il vous fera les prix qu’il fait à ses clients détaillants.

Elle voulait bien. Elle ne le dit pas mais elle pensa que Luigi était un ange. 

Les détails de sa liaison avec Luigi, André ne les connut que quelques mois plus tard. Il y a toujours des amis ou des amies qui ont le sentiment de  rendre service en révélant à un mari que sa femme le trompe, ou à une épouse heureuse que son mari a une double vie. Curieux service que celui qui torture mentalement ses amis !

Luigi avait dit à Irène que la jupe en cuir rouge écarlate qui moulait ses fesses lui allait à ravir. Qu’elle était si luisante qu’on pouvait imaginer que c’était l’eau de sa douche qui ruisselait sur ses hanches. De voir Irène en petite culotte, elle avait refusé qu’il se retire, elle avait dit en riant qu’il avait vraisemblablement, elle avait répété vraisemblablement, déjà vu des femmes en petite culotte, lui avait donné des idées comme on dit. Une coucherie comme un merci et tout serait resté comme avant.

Il faut croire qu’Irène avait non seulement apprécié les attentions de Luigi  mais qu’elle avait été émue par le caractère que cette aventure donnait à sa vie. Comme un relief de feu, c’est l’adjectif qu’elle se murmura,  qui soulignait l’histoire généralement si plate de la plupart des épouses.

Quand André fit appel aux services d’un détective spécialisé qui avait mis leur téléphone sur enregistreur, il apprit que leurs relations, téléphoniques en tout cas, étaient torrides. Les cassettes qu’André conserva quelques années après leur divorce auraient pu sortir de maisons spécialisées. Cela donne à penser quant aux jardins secrets des êtres humains.

André travailla beaucoup plus tard et Josette sa secrétaire resta au bureau jusqu’à ce qu’il lui intime l’ordre de rentrer.

- Personne ne m’attend. Vous savez bien que je vis seule.

Elle travaillait avec André depuis dix ans. Elle l’avait toujours accompagnée et il se souvenait de la jeune femme timide qu’elle était lorsqu’elle s’était présentée. Irène avait dit : elle est parfaite, cette jeune femme. Elle a l’air un peu gourde mais ce n’est que mieux. Elle n’est pas obligée de comprendre le dessous des choses.

- Je vais vous reconduire, j’y tiens.

Elle habitait un petit immeuble à proximité des quais. Un quartier populaire d’immeubles anciens et d’entrepôts.

- Où mangez-vous, d’habitude? Je suis certain que vous ne mangez rien quand vous rentrez tard ? Quelqu’un vous attend ? Non, bien, je vous emmène au restaurant.

Il avait repris ce ton qui n’était pas autoritaire mais déterminé comme il le définissait lui-même. Ce ton qui est la marque des chefs, de ceux auquel, tout naturellement, on obéit. Il le pensait d’ailleurs: « il y a ceux qui disent ce qu’il faut faire, et il y a ceux qui disent : oui, monsieur ».

Elle connaissait un petit restaurant thaïlandais, pas un restaurant de luxe mais « elle s’y rendait de temps à autre en rentrant du cinéma ou du théâtre, on y mangeait bien et pas cher. ».

- Et l’opéra, vous aimez ?

Après le restaurant, il avait ramenée Josette chez elle, il voulait voir comment elle vivait, ils avaient bu un verre d’alcool, ils avaient parlé de théâtre, des derniers films qui étaient sortis, ils s’étaient rendus compte qu’ils avaient beaucoup de goûts en commun, sinon que Josette, au contraire d’Irène, était une jeune femme timide, un peu effacée, et qui se contentait de peu. Il l’avait embrassée, elle n’avait pas trop résisté, et il l’avait prise sur le tapis du salon. Il n’avait plus aimé une fille sur le tapis d’un salon depuis son adolescence.

Irène prétendit devant leurs amis au moment de leur divorce qu’André avait connu Josette à la manière biblique, Dieu sait depuis quand il la baisait au bureau, pendant qu’elle s’efforçait de séduire les banquiers, Elle avait trouvé dans la poche du veston d’André une petite culotte froissée qui était celle de Josette.

- Salope, avait-elle crié au bureau devant les deux employées.

Une culotte ? Qu’est-ce que ça prouve ?  Est-ce qu’elle se préoccupait, elle, des sous-vêtements de Luigi ou d’Irène lorsqu’ils se rencontraient ? Entre cinq et sept à ce qu’on disait.

Les larmes coulaient encore sur son visage si candide lorsqu’Irène était sortie sans se donner la peine de fermer la porte du bureau.

La situation devenait singulière. Irène et André partageaient toujours le même toit mais le lendemain de l’altercation au bureau, Irène s’était absentée, elle avait des courses à faire; avait-elle dit.

Le facteur avait remit une lettre à André. Un avocat lui faisait savoir que sa femme se préparait à demander le divorce pour adultère.

- Tu veux divorcer ?

- Comment continuer à vivre avec un homme qui me trompe avec sa secrétaire ?

- Moi je te trompe? Et Luigi? Tu me prends pour un con.

Ils cessèrent de se parler et ils montèrent se coucher comme ils le faisaient depuis vingt ans mais dos à dos.

Le lendemain André se leva le premier, bu une tasse de café, il en laissa pour Irène et quitta la maison le premier.

Au bureau il travailla comme si rien ne s’était passé, déjeuna ave Josette d’un sandwich qu’il fit livrer et rentra chez lui. Il avait besoin de réfléchir.

 Sur la table de la cuisine il y avait la tasse qu’il avait utilisée le matin et le café qu’il avait laissé à l’intention d’Irène. Elle avait dû s’absenter toute la journée. Il pensa à nouveau qu’il avait besoin de réfléchir, c’était déjà une forme d’action, mais il ne savait pas comment s’y prendre.

Lorsqu’ Irène rentra, ni elle ni lui ne firent allusion à leur future séparation. Ils montèrent se coucher et, aussi étrange que cela paraisse, une pulsion soudaine et de la rage aussi, le poussa à se porter vers sa femme, elle fît à peine semblant de résister, et ils firent l’amour avant de se retourner.

C’est ce matin-là qu’André emplit une valise de vêtements, il pensa qu’il valait mieux quitter la maison.

- Ce n’est pas la peine de nous disputer. Je te ferai écrire au bureau ?

- Au bureau, oui.

Elle était encore en chemise de nuit. C’est vrai qu’elle était appétissante. Il lui vint à l’esprit qu’il n’avait jamais fait l’amour avec sa femme le matin. Finalement, quinze ans de mariage n’épuisent pas le sujet en matière érotique.

Le plus ardu fut de chercher un endroit pour y passer les nuits. Chez Josette ? L’appartement était charmant mais modeste. Hélas, il n’avait plus l’indifférence de la jeunesse quant au confort depuis qu’il possédait une jolie maison près du bois.

Ce soir-là, lorsque les deux employés furent partis, seul avec Josette, il lui dit qu’il avait quitté la maison.

- J’ai pris une chambre à l’hôtel, ce n’était plus possible.

- Tu aurais pu loger chez moi.

Il était émerveillé. Tant de gentillesse et de spontanéité dans la gentillesse. Elle n’avait pas hésité un instant.

- Et je dérangerais ta vie ? Même si tu n’as pas d’ami sérieux, tu as des parents, des amis, des habitudes que je risquerais de déranger.

- Dis-moi la vérité : ce qui s’est passé entre nous, ce n’était que l’aventure d’une nuit. Je ne t’en voudrai pas tu sais. Mais, j’ai cru un moment…

Les larmes mouillaient ses yeux. Le lendemain, en revoyant la scène, et ce qui s’en était suivi, les baisers, le retour chez elle, le repas chez le vietnamien où ils avaient mangé ensemble la première fois, à peine le prix de quelques sandwiches, et ses caresses sitôt revenu chez elle, il se disait en riant que ce qu’on appelle ironiquement des romans de gare ne traduisaient que la réalité. Il fallait être fou ou cynique et blasé pour ne pas voir que c’est là que se trouve le reflet de l’amour véritable.

Pourquoi ne pas le dire, il était flatté aussi de la manière dont, alors qu’il repoussait la porte, elle s’était serré contre lui, avait saisi sa main, et l’avait posée sur sa poitrine en gémissant. Jamais il ne s’était senti si nécessaire à l’épanouissement physique d’une femme, et capable de la combler.

Désormais, disposant de moyens honorables, il pouvait jouir d’un célibat retrouvé ou songer avec l’expérience qu’il  possédait à reconstruire sa vie sur des bases bien réfléchies. C’est vrai, on y perd un peu du hasard des rencontres adolescentes mais par contre les choix, parce qu’il y a des choix, sont soigneusement pesés.

Etre marié et ne pas l’être en même temps, c’était une situation ambiguë devant laquelle il manquait de repères. Désormais s’il lui venait à l’idée de coucher avec Irène et d’en jouir comme cela avait été le cas hier encore, il devrait la séduire et attendre son bon vouloir. Le corps d’Irène lui parût soudain plein de secrets et le plaisir qu’il en avait tiré beaucoup trop mince.

Il se dit qu’il était temps de penser à Josette parce que c’est elle qu’il trompait en pensée.

- Tu vas déménager, dit-il. Nous allons chercher un appartement confortable.

- Mais moi, je n’ai pas besoin de plus que ce que j’ai. Comment le payer ? Et le jour où tu ne voudras plus de moi ? Tu mérites beaucoup mieux, j’en suis consciente.

- Un ange ! Ca existe donc encore ? Il la prit dans ses bras. Un ange !

Il fallu peu de temps pour que le couple qu’il formait avec Josette s’impose à tous ses amis Et c’est d’elle désormais qu’il attendait qu’elle soit l’expression féminine de sa réussite. D’ailleurs, Josette avait des gouts identiques à ceux d’Irène tant en matière de bijoux, de voiture ou de vêtements. Mais, et c’était une grande différence, André devait insister pour qu’elle accepte ce qu’il lui offrait.

Avez-vous remarqué ? Lorsqu’un homme trompe sa femme, c’est souvent avec une femme qui ressemble à la sienne. Au fond, c’est faire preuve de fidélité à son égard.

Leur union commença à se déliter lorsqu’elle raconta lors du premier anniversaire de leur mariage qu’elle avait fait la connaissance d’un jeune peintre d’origine italienne qui les avait invités tous les deux, son mari et elle, au vernissage de son exposition. Ses tableaux, dit-elle, étaient très beaux. Elle ajouta qu’il avait promis de leur faire des prix.

Non il ne se nommait pas Luigi mais Alberto.

Nous étions quelques uns à fêter le premier anniversaire de leur union. C’est moi qui en mon for intérieur fit cette boutade. Il y eut cependant un silence soudain autour de la table.

C’est André qui le rompit en portant un toast. Heureux anniversaire, dit-il.

 

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Commentaires

  • Cette fois, c'est nouveau !  Pas mal du tout .... Ah! ces Italiens, c'est vrai qu'ils avaient la cote un peu partout.

    Charmeurs, séducteurs, beaux parleurs.

    O sole moi ! Un retour en arrière d'au moins 64 ans .... André n'a pas beaucoup de chance .... le pauvre, jamais deux sans trois ..... italiens.

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