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administrateur théâtres

Comme au théâtre, en alexandrins, l'impromptu de Berlin

L'IMPROMPTU DE BERLIN,

Régalez-vous:

Imaginez le décor d'un théâtre et laissez-vous aller à goûter au plaisir de ce marivaudage  politique en alexandrins !

Que ceci nous change agréablement du mauvais français, des fautes d'orthographe et de  syntaxe qui abaondent à notre époque pressée!

Prenez autant de plaisir que moi à ce duel à fleuret moucheté et plein de sous-entendus : c'est tout le mal que je vous souhaite !

La scène se passe dans les jardins du Château Bellevue, à Berlin.

 

(ANGELA VON MECKLEMBURG et NICOLAS DE NEUILLY
se sont discrètement éclipsés de la réception offerte par le roi de Prusse.
On entend, au loin, les accents du quatuor de Joseph Haydn.)


NICOLAS DE NEUILLY :
Madame, l'heure est grave : alors que Berlin danse,
Athènes est en émoi et Lisbonne est en transes.
Voyez la verte Erin, voyez l'Estrémadoure,
Entendez les Romains : ils appellent au secours !
Ils scrutent l'horizon, et implorent les Dieux.
Tous les coffres sont vides, et les peuples anxieux
Attendent de vous, madame, le geste généreux !
De leur accablement ils m'ont fait l'interprète :
Leur destin est scellé, à moins qu'on ne leur prête
Cet argent des Allemands sur lesquels vous régnez.
Cette cause est bien rude, mais laissez-moi plaider...

ANGELA VON MECKLEMBURG :
Taisez-vous Nicolas ! Je crois qu'il y a méprise.
Folle étais-je de croire à une douce surprise.
En vous suivant ici seule et sans équipage
Je m'attendais, c'est sûr, à bien d'autres hommages !
Mais je dois déchanter, et comme c'est humiliant
De n'être courtisée que pour son seul argent !


NICOLAS :
Madame, les temps sont durs, et votre coeur est grand,
Vos attraits sont troublants, mais il n'est point décent
D'entrer en badinage quand notre maison brûle !
Le monde nous regarde, craignons le ridicule !
Notre Europe est malade, et vous seule pouvez
La soigner, la guérir et, qui sait ? La sauver !
Nous sommes aujourd'hui tout au bord de l'abîme ;
Vous n'y êtes pour rien, mais soyez magnanime !
Les Grecs ont trop triché ? Alors la belle affaire !
Qu'on les châtie un peu, mais votre main de fer
Est cruelle aux Hellènes, et nous frappe d'effroi !

ANGELA :
J'entends partout gronder, en Saxe, Bade ou Bavière,
L'ouvrier mécontent, le patron en colère.
Ma richesse est la leur, ils ont bien travaillé.
L'or du Rhin, c'est leur sueur et leur habileté.
Et vous me demandez, avec fougue et passion,
De jeter cette fortune au pied du Parthénon ?
Ce serait trop facile et ma réponse est NON !

NICOLAS :
On ne se grandit pas en affamant la Grèce,
En oubliant Platon, Sophocle et Périclès !
Nos anciens nous regardent, et nous font le grief
D'être des épiciers et non pas de vrais chefs !
Helmut Kohl est furieux et Giscard désespère.
Un seul geste suffit, et demain à Bruxelles
Desserrez, je vous prie, le noeud de l'escarcelle !

ANGELA :
Brisons là, je vous prie, la nuit est encore belle.
Votre éloquence est grande et mon âme chancelle...
Mais si je disais oui à toutes vos demandes
Je comblerais la femme, et trahirais l'Allemande !

(Ils s'éloignent, chacun de son côté...)

Luc Rosenzweig

(ancien journaliste de Libération,
ancien rédacteur en chef du Monde,
aujourd'hui écrivain)

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