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12272799091?profile=original« Voyage autour du monde par la frégate du roi «la Boudeuse» et la flûte «l'Étoile» en 1766, 1767, 1768 et 1769 » est un récit de Louis Antoine de Bougainville (1729-1811), publié à Paris chez Saillant et Nyon en 1771.

 

Chargé par Louis XV de restituer les Malouines aux Espagnols puis de traverser la mer du Sud pour établir un comptoir près de la côte de Chine, en prenant sur sa route connaissance et possession des terres inconnues du Pacifique utiles au commerce et à la navigation (avec pour mission particulière d'en ramener «matériaux riches» et «épiceries»), l'officier de marine Bougainville fit le tour du monde entre 1766 et 1769 et publia à son retour le récit de son périple. Si le bilan politique, économique et scientifique de l'expédition fut plutôt négatif, la «découverte» par ce voyageur philosophe de Tahiti (en fait, Wallis y était passé quelques mois auparavant) fut déterminante: le récit émerveillé que lui et ses compagnons firent de l'hospitalité, de la liberté sexuelle et de la félicité des Tahitiens alimenta le mythe philosophique du bon sauvage et contribua à la formation d'images fantasmatiques encore vivaces aujourd'hui.

 

 

Partie de Nantes le 15 novembre 1766, la Boudeuse parvient le 31 janvier suivant à Montevideo, où l'attendent les frégates espagnoles destinées à prendre possession des Malouines. Elles appareillent ensemble de Montevideo le 28 février pour ces îles, qui sont remises à l'Espagne le 1er avril. L'Étoile, partie de Rochefort le 1er février 1767, rejoint la Boudeuse en juin à Rio de Janeiro, qu'elles quittent rapidement, malgré ses richesses minières, en raison des mauvais procédés du vice-roi. Suit une digression sur les missions des jésuites en Amérique méridionale. Naviguant jusqu'au détroit de Magellan, les Français entrent le 8 décembre en contact avec les fameux géants Patagons; ils ne sortent du détroit, le 26 janvier 1768, qu'au prix de multiples difficultés. Leur arrivée, le 6 avril, à Tahiti les dédommage de leurs efforts: «Partout nous voyions régner l'hospitalité, le repos, une joie douce et toutes les apparences du bonheur.» Huit jours plus tard, ils quittent l'île, après des adieux déchirants, en emmenant avec eux le jeune Aotourou. Vient ici une description enthousiaste de l'île et des moeurs tahitiennes. Étant passés en vue de nombreuses îles, examinées avec soin, les Français débarquent aux Grandes-Cyclades le 21 mai, en Nouvelle-Irlande le 6 juillet, aux Moluques le 2 septembre, à Batavia le 28, à l'île de France (actuelle île Maurice) le 8 novembre, non sans subir çà et là les attaques d'insulaires, une disette, une tempête, un tremblement de terre, des maladies. Ils se livrent malgré tout à des observations astronomiques, géographiques, ethnographiques, notamment au cap de Bonne-Espérance (8-17 janvier 1769). La Boudeuse rejoint enfin Saint-Malo le 16 mars (l'Étoile rentrera en France le 14 avril), après avoir longé la côté africaine.

 

 

L'extraordinaire succès du Voyage autour du monde s'explique sans doute par la personnalité de son auteur, que l'on peut qualifier d'homme des Lumières. Diderot dira de lui, dans le Supplément au Voyage de Bougainville, qu'il a «de la philosophie» et tout donne à penser que Bougainville se voulut l'un de ces voyageurs philosophes que J.-J. Rousseau appelait de ses voeux, pour l'instruction de ses contemporains, dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité. Ce marin, en effet, est aussi un savant, qui a su s'entourer de compagnons éclairés, tel le naturaliste Commerson, disciple de Buffon, et manifeste dans son approche des contrées visitées un esprit positif. Rejetant violemment dans son «Discours préliminaire» les élucubrations de «cette classe d'écrivains paresseux et superbes qui, dans les ombres de leur cabinet, philosophent à perte de vue sur le monde et ses habitants et soumettent impérieusement la nature à leurs imaginations», il se propose d'observer avec la plus grande exactitude les êtres et les choses. Il décrit ainsi avec technicité les embarcations des insulaires, évite de mêler des traits moraux à la description de leur comportement et plus d'une fois substitue au merveilleux un regard scientifique, comme dans l'entrevue avec ces géants mythiques qu'étaient alors pour beaucoup les Patagons.

 

Toutefois, nourri de culture classique, il ne peut s'empêcher de chercher par le vaste monde cette Arcadie dont rêvent ses contemporains, en ce siècle où l'on a fait naître l'idée de bonheur. Il la trouve tout naturellement à Tahiti, qui allie les douceurs du climat et les beautés du paysage aux moeurs les plus aimables. Mais, s'il cède sur le moment, comme en témoigne son Journal, à l'éblouissement océanien, il prend soin dans le Voyage de nuancer son compte rendu, en notant par exemple ce qu'a d'illusoire l'apparente égalité des conditions dans la société tahitienne ou en signalant la pratique en son sein des sacrifices humains.

 

Les efforts de Bougainville furent, au moins au début, mal récompensés, au point qu'il se serait ironiquement exclamé à son retour, dans les salons parisiens: «Eh bien, je mets aussi l'espoir de ma renommée dans une fleur!» (la bougainvillée). On lui reprocha même d'avoir arraché Aotourou à son île bienheureuse (celui-ci devait hélas mourir de la variole lors de son voyage de retour). Mais, si la société philosophique se montra, jusqu'au Supplément de Diderot, plutôt réticente, le grand public s'enthousiasma immédiatement pour ce récit de voyage qui rompait, par la clarté et l'aisance de son style, avec les récits des missionnaires et des marchands. Quoi qu'il en soit, le voyage de Bougainville fit des émules (tel le Supplément au voyage de M. de Bougainville ou Journal d'un voyage fait par MM. Banks et Solender en 1768, 1769, 1770 et 1771) et suscita, avec celui de Cook, toute une littérature d'inspiration océanienne (La Dixmerie, Taitbout, Grasset de Saint-Sauveur...). Le Tahitien prit le relais du sauvage américain comme instrument critique de la civilisation occidentale: l'Orou de Diderot peut être considéré, par bien des côtés, comme le successeur de l'Adario de La Hontan.

 

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Commentaires

  •  Dites-nous, cher Monsieur, seriez-vous détenteur d'on ne sait quel secret, soit pour que les heures se fécondent entre-elles, soit, pour accomplir quelque autre tour de magie, car il est tout à fait hallucinant de constater quel rythme effréné vous menez, entre publications et direction d'une main de maitre de ce réseau foisonnant ; à moins que vous soyez doté du don d'ubiquité, de dédoublement de votre personne, sait-on jamais !

    Mais ceci n'est pas le motif essentiel de mon commentaire  : il me tient simplement à cœur d'apporter une précision au sujet de l'expédition historique évoquée ci- dessus, faisant une large part à une thématique naturaliste, à laquelle je suis, comme vous le savez, profondément attachée.

    Extraordinaire odyssée de la grande famille végétale, nous relatant découvertes, introductions et acclimatations sur notre continent européen, des plantes utilitaires et d'ornement, au fil des siècles, dont les chroniques les plus anciennes remontent au haut Moyen-âge, tel le fameux plan de vigne comestible (Vitis vinifera L.) qui fut implanté en Val de Loire, au cœur de la Martinopole , futur "Jardin de la France", durant le IVème siècle, sous l'égide des moines de Saint Martin (Saint Martin de Tours, également désigné par Martin le Miséricordieux)… mais ceci est une longue histoire n'ayant cure présentement !

    Enfin, j'ose espérer que vous ne verrez pas mon intervention comme une intrusion impertinente, mais juste comme un zèle impulsif et pour moi vital, de rendre à César ce qui est à César en spécifiant à quelle vénérable figure exactement nous devons ce nom de baptême botanique honorant le personnage de Louis Antoine de Bougainville ; et bien, assurément à Philibert Commerson embarqué sur la frégate "l'Étoile", en tant que médecin-naturaliste.

    Les séjours successifs effectués à Rio et Montevideo offrirent l'opportunité d'intenses explorations du territoire, appréhendant une flore luxuriante insolite, parmi laquelle devait se détacher, notre héroïne, l'exubérante liane grimpante qui devait recevoir l'appellation de "Bougainvillée" et suscita bien des interrogations, puisque d'un point de vue de la botanique pure, on ne peut pas parler à son propos de "fleurs", ni de "pétales"…

    Et chacun sait, que nombre de belles exotiques alors inconnues, ont bénéficié d'une nomination en l'honneur de personnages, hors du commun, savants chercheurs férus de sciences naturelles s'étant illustrés dans un proche passé, parfois au péril de leur vie, auxquels, il sembla judicieux aux héritiers de rendre hommage !!!

     

  • Un récit intéressant. L'histoire comme cela c'est passionnant.

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