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Alvéoles - Le voyage de Judith

Un autre extrait de l'ouvrage: nous sommes bien loin du monde des vivants, à l'orée du dernier chapitre du roman. Judith a sombré dans l'inconscience.

 

Le temps n'en finissait pas de ralentir.


Depuis que Valérie avait disparu, les pensées de Judith étaient comme empêchées. Cela avait commencé par la difficulté de faire coller des mots à ce qu'elle ressentait. S'il lui avait été possible de formuler cela correctement, elle aurait dit que ses pensées étaient devenues glissantes, que plus rien ne semblait y adhérer. Au moment où la jeune fille s'était caché le visage – elle avait pris peur, mais de quoi, impossible à dire – Judith avait pensé quelque chose comme « pourquoi pleure-t-elle ? est-ce à cause de moi, de quoi a-t-elle... », mais le mot « frayeur », trop long et  mal placé, avait fait une sortie de route.

 

Un à un, les mots étaient tombés du fil de ses pensées comme les feuilles d'un arbre en novembre. Ses souvenirs les plus forts, eux, réussissaient encore à faire se rassembler quelques syllabes simples. Mimmo, maman... Il semblait bien que le dernier carré, la garde rapprochée, résistait encore à l'automne qui lui avait envahi l'âme – même si sa propre mère était morte des années auparavant.

 

Alors c'était cela qui se passait lorsque l'on prenait le temps de mourir ? On perdait peu à peu ses mots comme un vieillard ses cheveux, jusqu'à ce que l'âme, dépouillée des ultimes notions terrestres, en revienne à sa virginité ? Les mots que l'on avait mis dans notre tête, que l'on avait laborieusement babillés, répétés, appris à écrire, étaient-ils là juste pour nous maintenir conscients ?

 

Judith trouvait l'idée séduisante, mais à présent que ses pensées s'effilochaient avec lenteur, en faire sa conviction était bien au-dessus de ses capacités.

 

Elle se demanda si quelqu'un l'accompagnerait, au dernier moment, et en y pensant, se rendit compte qu'elle n'aurait peut-être pas le temps de faire le tour de la question.

 

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Le temps n'en finissait pas de ralentir.

Depuis que Valérie avait disparu, les pensées de Judith étaient comme
empêchées. Cela avait commencé par la difficulté de faire coller
des mots à ce qu'elle ressentait. S'il lui avait été possible de
formuler cela correctement, elle aurait dit que ses pensées étaient
devenues glissantes, que plus rien ne semblait y adhérer. Au moment
où la jeune fille s'était caché le visage – elle avait pris
peur, mais de quoi, impossible à dire – Judith avait pensé
quelque chose comme «
pourquoi
pleure-t-elle ? est-ce à cause de moi, de quoi a-t-elle...

», mais le mot « frayeur », trop long et mal placé, avait fait
une sortie de route.

Un à un, les mots étaient tombés du fil de ses pensées comme les
feuilles d'un arbre en novembre. Ses souvenirs les plus forts, eux,
réussissaient encore à faire se rassembler quelques syllabes
simples.
Mimmo,
maman...

Il semblait bien que le dernier carré, la garde rapprochée,
résistait encore à l'automne qui lui avait envahi l'âme – même
si sa propre mère était morte des années auparavant.

Alors c'était cela qui se passait lorsque l'on prenait le temps de
mourir ? On perdait peu à peu ses mots comme un vieillard ses
cheveux, jusqu'à ce que l'âme, dépouillée des ultimes notions
terrestres, en revienne à sa virginité ? Les mots que l'on
avait mis dans notre tête, que l'on avait laborieusement babillés,
répétés, appris à écrire, étaient-ils là juste pour nous
maintenir conscients ? Judith trouvait l'idée séduisante, mais
à présent que ses pensées s'effilochaient avec lenteur, en faire
sa conviction était bien au-dessus de ses capacités.

Elle se demanda si quelqu'un l'accompagnerait, au dernier moment, et en y
pensant, se rendit compte qu'elle n'aurait peut-être pas le temps de
faire le tour de la question.

Le temps n'en finissait pas de ralentir.

Depuis que Valérie avait disparu, les pensées de Judith étaient comme empêchées. Cela avait commencé par la difficulté de faire coller des mots à
ce qu'elle ressentait. S'il lui avait été possible de formuler cela
correctement, elle aurait dit que ses pensées étaient devenues
glissantes, que plus rien ne semblait y adhérer. Au moment où la
jeune fille s'était caché le visage – elle avait pris peur, mais
de quoi, impossible à dire – Judith avait pensé quelque chose
comme « pourquoi pleure-t-elle ? est-ce à cause de moi, de
quoi a-t-elle... », mais le mot « frayeur », trop long et mal
placé, avait fait une sortie de route.

Un à un, les mots étaient tombés du fil de ses pensées comme les feuilles d'un arbre en novembre. Ses souvenirs les plus forts, eux, réussissaient encore
à faire se rassembler quelques syllabes simples. Mimmo, maman... Il
semblait bien que le dernier carré, la garde rapprochée, résistait
encore à l'automne qui lui avait envahi l'âme – même si sa
propre mère était morte des années auparavant.

Alors c'était cela qui se passait lorsque l'on prenait le temps de mourir ? On perdait peu à peu ses mots comme un vieillard ses cheveux, jusqu'à ce que
l'âme, dépouillée des ultimes notions terrestres, en revienne à
sa virginité ? Les mots que l'on avait mis dans notre tête,
que l'on avait laborieusement babillés, répétés, appris à
écrire, étaient-ils là juste pour nous maintenir conscients ?
Judith trouvait l'idée séduisante, mais à présent que ses pensées
s'effilochaient avec lenteur, en faire sa conviction était bien
au-dessus de ses capacités.

Elle se demanda si quelqu'un l'accompagnerait, au dernier moment, et en y pensant, se rendit compte qu'elle n'aurait peut-être pas le temps de faire le
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